Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 26 JUIN 2012
(no 188, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 14710
Décision déférée à la Cour : Décision du 21 juin 2011- Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS-no 721/ 210959
APPELANTS
SELARL DT AVOCATS 3, rue de Logelbach 75017 PARIS
Monsieur Denis X......75017 PARIS
Monsieur Julien Y......75017 PARIS
assistés par Me Hervé CHEMOULI de la SELARL Hervé CHEMOULI Conseil (avocat au barreau de PARIS, toque : B0259)
INTIMEE
Madame Sylvie Z...... 75116 PARIS
présente à l'audience
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 juin 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Brigitte HORBETTE, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport, en présence de Madame Dominique GUEGUEN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Brigitte HORBETTE, conseiller faisant fonction de président Madame Dominique GUEGUEN, conseiller Madame Marguerite-Marie MARION, conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 2 janvier 2012, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- rendu publiquement par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller faisant fonction de président-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Mme Z..., collaboratrice libérale du cabinet d'avocats SELARL DT Avocats, du 30 novembre 2009 jusqu'au mois d'octobre 2010, est en litige avec ce cabinet quant à la date de la rupture de leurs relations, intervenue à l'initiative de celui-ci, et au montant des rétrocessions d'honoraires qui lui sont dues pendant la durée de prévenance.
Devant la commission de règlement des difficultés d'exercice, la SELARL DTA s'est engagée le 24 novembre 2010 à payer à Mme Z..., avant le 26 novembre 2010, la somme totale de 14 500 € HT représentant les repos rémunérés pour l'année 2010, le reliquat des honoraires du mois d'août et une part de la rétrocession du mois de septembre. Elle n'en a réglé qu'une partie, soit 11 250 €, les 6 décembre 2010 et 14 janvier 2011.
Faute de respect de ces engagements puis de conciliation, Mme Z...a soumis leur différend à l'arbitrage du bâtonnier du barreau de Paris par lettre du 21 octobre 2010, date à laquelle il lui a été demandé de quitter immédiatement le cabinet et d'en restituer les clés.
Par sentence arbitrale du 21 juin 2011, le bâtonnier du barreau de Paris a : fixé au 18 octobre 2011 la date de rupture, constaté le départ de Mme Z...sur demande du cabinet au 21 octobre 2011, condamné en conséquence la SELARL DT Avocats à lui payer la somme totale de 30 250 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2010, représentant le solde de rétrocession d'honoraires entre les 1er et 18 octobre, le solde de rétrocession d'honoraires pendant le délai de prévenance et les repos rémunérés acquis avant l'annonce de la rupture et non purgés du fait de la SELARL, rappelé que la sentence était exécutoire de droit puisqu'elle ordonne le paiement de sommes au titre de la rémunération. Il a estimé que DTA ne pouvait se prévaloir d'une rupture notifiée le 1er juillet 2010 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception puisqu'elle est revenue " boîte non identifiable " et que la SELARL aurait alors dû la faire tenir par un moyen incontestable, d'autant que ses problèmes financiers étaient tels qu'il en allait de son intérêt, que seule la date du 18 octobre pouvait donc être retenue d'autant qu'il n'est pas plausible que si, dans sa logique, le délai de prévenance intervienne le 30 septembre, elle lui propose de continuer sa collaboration sur certains dossiers le 14 octobre s'appuyant aussi sur le fait que les factures émises sur la période n'ont jamais été contestées ; il a dit que les repos n'ayant pu être purgés, ils sont dus
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de cette sentence par la SELARL DT Avocats et MM. X...et Y..., ses co-gérants (DTA) en date du 26 juillet 2011,
Vu ses dernières conclusions déposées le 10 mai 2012, soutenues à l'audience, selon lesquelles, elle demande, à titre principal, la réformation de la sentence au motif que Mme Z...avait eu connaissance de la lettre du 1er juillet 2010 lui notifiant son congé, à titre subsidiaire qu'il lui soit accordé un échéancier pour s'acquitter du montant de la condamnation,
Vu les dernières conclusions déposées le 29 mai 2012 par lesquelles Mme Z..., qui les soutient oralement à l'audience, demande la confirmation de la sentence et le débouté de DTA de sa demande d'échéancier ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 3 500 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral tenant à la brutalité de la rupture et aux " propos diffamatoires " tenus sur elle ainsi que celle de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que DTA soutient, pour l'essentiel, que, préoccupée par sa situation financière à l'époque, elle ne s'est pas enquise de la preuve qu'elle pourrait avoir de la réception de sa lettre du 1er juillet qui mettait fin au contrat de collaboration à effet du 30 septembre, ayant sollicité l'ouverture d'une procédure de sauvegarde qui lui a été accordée par jugement le même jour, qu'elle a néanmoins rappelé ce fait dans son courrier du 14 octobre suivant qui offrait la possibilité à Mme Z...de continuer à disposer d'un bureau, à suivre des dossiers de certains clients et à percevoir une rémunération à la vacation ou au forfait, cette missive ne remettant pas en cause les effets de celle du 1er juillet, que la contestation de Mme Z...sur la connaissance qu'elle en avait révèle sa mauvaise foi justifiant la rupture immédiate du 21 octobre d'autant qu'elle avait fourni plusieurs adresses successives et que la rupture lui a été signifiée à la dernière connue, que, au retour de cette lettre, elle lui a été présentée au cabinet et qu'elle a refusé d'en accuser réception, qu'elle en veut pour preuve également le fait qu'elle n'a, à partir du 1er juillet, effectué aucune prestation ou presque pour le cabinet, ayant, de plus, été en congés du 16 juillet au 3 août, que si elle n'a pas contesté les facturations émises correspondant à la période litigieuse c'est parce qu'il s'agissait de la période de prévenance ; que, subsidiairement, et au vu de son plan de sauvegarde qui fait apparaître un passif très important, elle ne sera pas en mesure, sans le mettre en péril, de régler le montant de sa condamnation sollicitant qu'il lui soit accordé les plus larges délais pour ce faire sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil ;
Considérant que Mme Z..., pour s'y opposer, fait valoir essentiellement que l'adresse de destination de la lettre du 1er juillet, qui n'était que temporaire, n'était pas celle figurant au contrat de collaboration d'où elle faisait suivre son courrier et que son adresse d'avocat est nécessairement au cabinet, que l'attestation selon laquelle elle aurait refusé d'accuser réception par remise est fausse, contradictoire avec de précédentes explications de DTA et " inepte " ; qu'elle conteste s'être désintéressée des dossiers pendant la période en litige mais, n'ayant plus eu accès aux données, n'a pas les moyens de démentir les relevés informatiques adverses et rappelle que la somme correspondant à ses congés non pris a été établie d'un commun accord devant la commission de conciliation, ajoutant que l'annonce faite pour son remplacement l'a été le 21 octobre 2010 sur un site spécialisé, jour où il lui était demandé de partir immédiatement ; qu'elle soutient que l'article 1244-1 du code civil invoqué est inapplicable car elle est dans une situation financière difficile à la suite de cette rupture, que les sommes affirmées comme dues par DTA dans le cadre de son plan de sauvegarde ont varié de sorte qu'il n'est pas possible de connaître sa situation financière exacte, observant qu'elle ne doit commencer à rembourser 3 700 € par mois qu'à partir de juillet 2012 et que, si avant cette date elle ne peut lui payer ce qu'elle lui doit, c'est qu'elle est en cessation de paiement contrairement à ce qu'elle a dit au tribunal de grande instance et que, du fait du délai déjà écoulé depuis le 1er octobre 2010, elle a d'ores et déjà obtenu les deux ans qu'elle réclame ;
Considérant que, comme l'a relevé à propos le bâtonnier du barreau de Paris dans sa sentence, le fait que DTA soit dans une situation financière précaire telle qu'elle lui aurait imposé de mettre fin au contrat de collaboration de Mme Z...aurait dû conduire cette SELARL à être particulièrement vigilante sur les conditions d'envoi de la lettre traduisant cette volonté et s'assurer de l'adresse à laquelle elle faisait cet envoi ;
Que ses explications confuses et variables selon les instances sur son ignorance de la véritable adresse de sa collaboratrice sont peu crédibles et inappropriées alors qu'elle disposait de celle mentionnée au contrat ou de celle du cabinet d'exercice ; qu'elle est d'autant plus critiquable que, recevant cette lettre en retour le 5 juillet avec la mention " boîte aux lettres non identifiable ", elle aurait dû immédiatement, compte tenu de l'importance de l'enjeu pour elle selon ses dires, s'assurer de sa remise et de sa réception par tout moyen approprié indiscutable, tels ceux énumérés par l'arbitre ;
Que si DTA se prévaut d'une tentative de remise en mains propres, attestée selon elle par le témoignage de Mme A..., sa comptable, l'échec de cette tentative devait nécessairement la pousser, dans sa logique, à choisir un mode de notification incontestable ; que dès lors ce témoignage, qui n'est corroboré par aucun autre élément et se trouve contredit par la réaction de DTA qui attend le 14 octobre, plus de trois mois plus tard, pour faire état officiellement de la rupture, est insuffisant pour retenir une date de cessation du contrat de collaboration différente ;
Qu'en outre on ne peut que s'étonner, à l'instar de l'arbitre, que DTA, prétendant avoir notifié le 1er juillet une rupture à effet du 30 septembre, dont elle sait qu'elle n'a pas atteint sa collaboratrice, attende le 14 octobre pour rappeler celle-ci à Mme Z...dans une missive qui, après lui avoir indiqué " les bonnes relations " entretenues entre eux, lui propose de rester dans les lieux et de continuer à traiter des dossiers sous un mode différent, à la vacation ou au forfait, étant souligné au surplus que ces " bonnes relations " viennent en complète contradiction avec les conclusions et explications de DTA qui insistent sur leur dégradation et l'attitude d'opposition systématique qu'elle attribue à Mme Z..., notamment traduite dans l'attestation de Mme A...;
Qu'enfin, pas plus que le bâtonnier ou Mme Z..., la juridiction n'est en mesure de se convaincre de l'intérêt ou de la pertinence des " relevé de PC " qui lui sont attribués, étant observé que la pièce produite par DTA sur ce point émane d'elle seule et n'a pu être vérifiée par quiconque ; qu'en tout état de cause, et à supposer une baisse d'intervention de Mme Z...sur son ordinateur durant la période considérée, au demeurant non contestée celle-ci ayant été en congés du 13 juillet au 1er août, cela ne démontre en rien ce qu'elle est supposée prouver, à savoir sa connaissance de l'existence de la rupture ;
Considérant, dès lors, que le bâtonnier ne peut qu'être approuvé en ce qu'il a retenu la date du 18 octobre 2010, date de réception de la lettre du 14 octobre par Mme Z..., comme étant celle de la date de la rupture du contrat de collaboration libérale ; Qu'il en a justement déduit qu'étaient dues les sommes représentant la rétrocession d'honoraires pour la période du 1er au 18 octobre et le délai de prévenance de trois mois prévu à l'article 15 du contrat, soit jusqu'au 18 janvier 2011 ;
Considérant que DTA, au delà de ses contestations de principe sur la date de la rupture, ne discute pas des chiffres retenus par l'arbitre pour le repos rémunéré et non pris, la rétrocession d'honoraires ou le délai de prévenance, étant rappelé que la première avait fait l'objet d'un accord devant la commission de règlement des difficultés d'exercice en collaboration ; qu'il convient donc de confirmer la sentence querellée de ce chef ;
Considérant, sur la demande de délais, que DTA, mettant en avant la procédure de sauvegarde, qui a été ouverte par jugement du tribunal de grande instance de Paris le 1er juillet 2010, et le jugement du 7 juillet 2011 arrêtant le plan, soutient qu'elle ne peut s'acquitter de ces sommes sans nuire à l'équilibre du plan ;
Considérant toutefois que Mme Z...lui oppose à raison d'une part sa situation financière difficile liée à cette rupture, qui doit être prise en compte dans l'application de l'article 1244-1 du code civil invoqué, et d'autre part le fait que s'étant engagée à verser ces sommes devant la commission de règlement des difficultés d'exercice en collaboration le 24 novembre 2010 puis ayant été condamnée par la sentence, qui était exécutoire par provision, DTA ne s'est, depuis dix huit mois au moins, pas acquittée de cette dette, de sorte qu'elle a déjà, de fait, disposé des délais qu'elle réclame ; qu'elle objecte également justement que le plan, tel qu'arrêté par le jugement susvisé du 7 juillet 2011, prévoit que les paiements ne commenceront qu'un an après, soit le 7 juillet 2012 et se feront au moyen de neuf annuités, ayant ainsi donné tout loisir à DTA de verser à Mme Z...ce qui lui est dû ;
Qu'en outre, si DTA estime que le plan est mis en péril par le paiement d'une somme globale de 30 250 €, non contestable, dont elle ne pouvait ignorer qu'elle devrait la payer, en tout ou en partie, lorsqu'elle a déposé sa demande de sauvegarde puisque, selon sa thèse, elle a, le même jour, décidé de se séparer de sa collaboratrice, il sera alors constaté que le plan qu'elle a présenté n'était pas sincère ou qu'elle était dores et déjà, contrairement à ce qu'elle a affirmé au tribunal, en état de cessation des paiements et qu'en tout état de cause le plan n'est pas viable ;
Qu'en conséquence DTA sera déboutée de sa demande de délais ;
Considérant que Mme Z...sollicite des dommages et intérêts pour la rupture brutale survenue et pour des propos tenus ou des assertions mensongères proférées par DTA au cours de la procédure ; que la juridiction n'étant pas saisie de la phase procédurale ayant eu lieu devant la commission de règlement des difficultés d'exercice en collaboration, elle n'a pas à porter d'appréciation sur les débats y ayant été tenus ; que pour le reste, le préjudice éprouvé sera suffisamment indemnisé par l'octroi, comme l'a fait le bâtonnier, des intérêts sur les sommes dues depuis sa saisine, Mme Z...ne les ayant pas demandés depuis la saisine de la commission ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à Mme Z..., d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme la sentence en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la SELARL DT Avocats à payer à Mme Z...la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT