Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 26 JUIN 2012
(n° ,6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/04778
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/12395
APPELANTE
S.A. AVIVA ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-Jacques FANET, avocat postulant, barreau de PARIS, toque : D0675
assistée de Me Soledad RICOUARD, avocat plaidant, avocat au barreau de Paris, toque : C536.
INTIMEE
Madame [D] [E]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier BERNABE, avocat postulant, barreau de PARIS, toque : B0753,
assistée de Me Pierre HENRI, avocat plaidant, avocat au barreau de Paris, toque : C923.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, conseiller
Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Rapport a été fait par Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Melle Fatia HENNI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique REYGNER, présidente et par Melle Fatia HENNI, greffier.
* * *
Mme [D] [E] est propriétaire d'une maison située dans l'Ariège, qu'elle a assurée auprès de la société AVIVA ASSURANCES.
Elle a fait construire cette maison en 1989 et 1990, puis y a ajouté une terrasse en 1992.
Le 8 décembre 1996, de fortes précipitations ont entraîné des glissements de terrain qui ont provoqué des fissurations sur les murs de la maison, principalement sur la façade avant comportant la terrasse.
Suite à l'arrêté de catastrophe naturelle intervenu le 3 novembre 1997, Mme [E] a déclaré le sinistre auprès de son assureur.
Par ordonnance de référé du 9 octobre 2001, elle a obtenu l'allocation d'une provision de 443.153 francs, montant qui a été réduit à la somme de 47.292,50 euros, soit 310.218,40 francs par arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 mai 2002.
Par acte du 4 août 2005, elle a fait assigner son assureur devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir l'indemnisation définitive de son préjudice.
Par jugement du 2 février 2007, le tribunal l'a déclarée recevable en son action et a condamné la société AVIVA à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes de :
- 71.155,70 euros valeur au 30 juin 2004, outre la réactualisation au jour du jugement en fonction de la variation de l'indice BT01 du coût de la construction,
- 31.634,20 euros valeur au 28 juillet 2004, outre la réactualisation au jour du jugement en fonction de la varaition de l'indice BT01 du coût de la construction,
- 753,80 euros au titre de la facture BIARD, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 1997, date du paiement,
- 2.270,59 euros au titre de la facture RESCANIERES, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 1997, date du paiement,
- 316,50 euros au titre de la facture SARL 4T, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2003, jour du paiement,
- 12.376,44 euros au titre du devis FERRAND, avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2005,
- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement de l'indemnité,
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 16 mars 2007, la société AVIVA ASSURANCES a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt avant dire droit du 16 mars 2010, la cour de céans a confié une mesure d'expertise à M.[V] [B] afin notamment de déterminer les causes du sinistre, et ainsi préciser s'il est la conséquence des glissements de terrain survenus à la suite des fortes pluies de décembre 1996 ayant donné lieu à l'arrêté de catastrophe naturelle du 3 novembre 1997.
L'expert a déposé son rapport le 20 avril 2011.
Par dernières conclusions signifiées le 10 mai 2012, la société AVIVA demande à la cour d'infirmer le jugement et de dire qu'elle n'est pas tenue de garantir le sinistre, au motif que celui-ci a pour origine une insuffisance de profondeur des fondations et non les fortes précipitations ayant donné lieu à l'arrêté de catastrophe naturelle ; elle sollicite donc le remboursement de la somme de 156.793,21 euros qu'elle a indûment versée à l'intimée en exécution de l'arrêt rendu en matière de référé par la cour d'appel de Paris le 24 mai 2002 et du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 2 février 2007 ; elle demande en outre le paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 18 mai 2012, Mme [E] conteste les conclusions de l'expert judiciaire, lui reprochant notamment de n'avoir pas tenu compte du rapport géotechnique établi par la société GFC le 16 novembre 1998 ; elle soutient que l'assureur doit garantir le sinistre, dont la cause déterminante était le glissement de terrain ; elle demande donc le paiement des sommes de 131.899,56 euros au titre des frais de reconstruction de la terrasse, à réactualiser en fonction de la variation de l'indice BT 01 entre la date du rapport d'expertise et l'arrêt à intervenir, 34.803,60 euros au titre de la tranchée drainante, à réactualiser à compter du 2 juin 2010 selon la variation de l'indice BT 01 jusqu'au prononcé de l'arrêt, et 13.387,13 euros au titre des dépenses effectuées à titre conservatoire, avec intérêts au taux légal à compter de chaque dépense ; elle demande à la cour de déduire de ces sommes celles qui lui ont été réglées par AVIVA en exécution des décisions de justice rendues à son encontre ; elle sollicite en outre le paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 76.717,75 euros à compter du 25 novembre 2004, au vu de l'article A 125-1 du code des assurances ; à titre subsidiaire, elle reproche à l'assureur des carences dans le gestion du sinistre et lui réclame le paiement de la somme de 187.542,36 euros à titre de dommages-intérêts ; à titre très subsidiaire, sur la demande de l'appelante en remboursement de la somme allouée par la cour d'appel en 2002, Mme [E] soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle et qu'elle est prescrite sur le fondement de l'article L.114-1 du code des assurances ; enfin, elle sollicite le paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2012.
MOTIFS
Sur la garantie du sinistre.
Considérant que, aux termes de l'article L.125-1 du code des assurances, les effets des catastrophes naturelles sont définis comme étant les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel ;
Considérant que l'article 21 des conditions générales du contrat multirisque habitation souscrit par Mme [E] rappelle cette disposition légale en mentionnant que la police a pour objet de garantir à l'assuré la réparation pécuniaire des dommages matériels directs à l'ensemble des biens garantis par le contrat ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel ;
Considérant, en l'espèce, que, dans son rapport d'expertise judiciaire, M.[B] a clairement indiqué que les désordres constatés étaient la conséquence de l'insuffisance de profondeur des fondations de l'extension ( 1,60 m au lieu de 4,50 m) et ne pouvaient, de ce fait, être imputés au phénomène de catastrophe naturelle invoqué ;
Que le fait que ses conclusions définitives concordent avec sa note aux parties n°1 et sa note de synthèse n'enlève aucune crédibilité à ses propos, dès lors que son rapport définitif répond aux dires des parties et évoque tous les documents qui ont été soumis à son appréciation ;
Que l'expert a notamment répondu de manière complète au dire de Me HENRI, avocat de Mme [E], en date du 10 mars 2011, et a pris en compte l'étude géotechnique qui a été réalisée par la société GFC en 1998 ;
Que l'expert a rappelé que, avant de faire construire sa maison, l'intimée avait fait procéder à une étude géologique par le cabinet HYDROGEOCONSULT, qui avait établi son rapport en mai 1988 ;
Que ce cabinet avait alors préconisé la réalisation de fondations sur une profondeur de 1,20 m en zone amont et de 4,50 m en zone aval ;
Que l'expert a constaté que la terrasse édifiée sur la partie la plus importante du remblai avait été construite sur des fondations profondes de 1,60 m, soit dans le volume d'estimation des terrains décomprimés, alors que les descentes de charges auraient dû s'effectuer jusqu'au 'bon sol', situé à plus de 4,50 m de profondeur ;
Qu'il a donc estimé que la responsabilité des désordres incombait à la société SANBAT qui avait édifié la terrasse sans respecter ces préconisations, sauf à prouver que Mme [E] ne lui aurait pas fourni l'étude de sol réalisée par le cabinet HYDROGEOCONSULT ;
Considérant que ces conclusions parfaitement claires et circonstanciées, méritent d'être entérinées, et ce d'autant que l'intimée ne produit aucun document technique susceptible de les contredire ;
Considérant, dès lors, que la société AVIVA n'avait pas à garantir ce sinistre, dont la cause déterminante n'était pas le glissement de terrain consécutif aux fortes précipitations de décembre 1996 ayant fait l'objet de l'arrêté de catastrophe naturelle de 1997, mais un vice de construction de la terrasse concernée ;
Que le jugement déféré doit donc être infirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les carences reprochées à l'assureur.
Considérant que Mme [E] reproche à son assureur d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne l'aidant pas à établir, le cas échéant, la responsabilité de la société SANBAT ;
Mais considérant que son contrat d'assurance habitation ne contenait aucune clause obligeant l'assureur à agir contre l'auteur de malfaçons immobilières ;
Que la lettre du 19 janvier 1999, dans laquelle le cabinet PEYRAS, expert mandaté par l'assureur, indique à l'intimée qu'il convient de 'rechercher la responsabilité de l'entrepreneur' et lui demande de lui communiquer les pièces du marché, le procès-verbal de réception et les polices dommages-ouvrage éventuelles, ne contient aucun engagement formel d'entamer une action à l'encontre du constructeur, et surtout n'est pas susceptible d'engager la société AVIVA, qui n'est pas l'auteur de ce document ;
Que la lettre du 19 avril 2000, dans laquelle M.[M], inspecteur de la délégation régionale de la société AVIVA, affirme qu'il s'est rapproché de l'assureur de la société SANBAT 'afin de connaître ses intentions et éviter éventuellement une nouvelle procédure judiciaire', ne contient non plus aucun engagement d'agir à l'encontre du constructeur, mais informe seulement l'assurée de ce qu'il a contacté l'assureur du constructeur afin de connaître sa position sur les vices de construction qui étaient reprochés à celui-ci ;
Qu'aucun autre document ne contient l'engagement de la part de l'assureur de mettre en cause le constructeur de la terrasse pour le compte de l'assurée ;
Considérant qu'il appartenait donc à celle-ci d'agir elle-même contre la société SANBAT sur le fondement de la garantie dommages-ouvrage ou de la garantie décennale ;
Qu'aucun manquement aux obligations contractuelles de l'assureur ne peut être reproché à l'appelante ;
Que l'intimée doit donc être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
Sur la demande en remboursement formulée par l'assureur.
Considérant que la société AVIVA demande la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement déféré à la cour ;
Mais considérant que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, du présent arrêt ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce chef de demande ;
Considérant, en revanche, que la cour doit statuer sur la demande en remboursement des sommes versées en exécution de l'arrêt qui avait été rendu en matière de référé par la cour de céans le 24 mai 2002, puisque la cour n'est pas saisie de cette décision ;
Considérant que cette demande ne se heurte pas aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, puisqu'elle vise à faire juger une question née de la révélation d'un fait, à savoir le rapport d'expertise de M.[B], qui remet totalement en cause l'analyse qui avait été faite par la cour en 2002 ;
Que l'intimée ne peut non plus invoquer les dispositions de l'article L.114-1 du code des assurances, la demande en restitution ne dérivant pas du contrat d'assurance, mais étant fondée sur une décision de justice remise en cause par une expertise judiciaire ; que cette demande n'est donc pas soumise à la prescription biennale ;
Considérant, par ailleurs, que cette demande est parfaitement fondée, dans la mesure où la cour, en 2002, ne disposait pas du rapport d'expertise judiciaire qui devait révéler le vice de construction à l'origine du sinistre ;
Qu'il convient donc de condamner Mme [E] à rembourser à la société AVIVA les sommes que celle-ci a versées en exécution de l'arrêt rendu par la cour de céans le 24 mai 2002, à savoir les sommes de 47.292,50 euros à titre principal et de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les intérêts et les dépens ;
Que les intérêts légaux doivent courir sur ces sommes à compter de la signification du présent arrêt ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile.
Considérant que l'équité commande de débouter les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Et, statuant à nouveau, dit que la société AVIVA ASSURANCES n'a pas à garantir le sinistre subi par la maison de Mme [E] au mois de décembre 1996 ;
Déboute Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Déclare la société AVIVA ASSURANCES recevable à agir en restitution des sommes versées en exécution de l'arrêt du 24 mai 2002 ;
Condamne Mme [E] à rembourser à la société AVIVA ASSURANCES les sommes de 47.292,50 euros et de 2.500 euros, outre les intérêts et les dépens, versées en exécution dudit arrêt, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE