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19/06/2012 | FRANCE | N°11/07064

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 19 juin 2012, 11/07064


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 19 JUIN 2012

(no 185, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07064

Décision déférée à la Cour :
jugement du 16 février 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 02694

APPELANT

Monsieur Christophe X...
...
17800 MARIGNAC

représenté et assisté par la SCP RIBAUT (Me Vincent RIBAUT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0051) et de Me M

ichel DAUNOIS (avocat au barreau de PARIS, toque : D 1542)

INTIME

Maître Michel Y...
...
75008 PARIS

représenté et assisté ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 19 JUIN 2012

(no 185, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07064

Décision déférée à la Cour :
jugement du 16 février 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 02694

APPELANT

Monsieur Christophe X...
...
17800 MARIGNAC

représenté et assisté par la SCP RIBAUT (Me Vincent RIBAUT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0051) et de Me Michel DAUNOIS (avocat au barreau de PARIS, toque : D 1542)

INTIME

Maître Michel Y...
...
75008 PARIS

représenté et assisté par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151) et de la SELARL CABINET SCHMITT et ASSOCIES (Me Dominique SCHMITT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0021)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mai 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique GUEGUEN, conseiller chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte HORBETTE, conseiller faisant fonction de président

Madame Dominique GUEGUEN, conseiller

Madame Marguerite-Marie MARION, conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 2 janvier 2012, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

-rendu publiquement par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller faisant fonction de président

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

La société Sarl CBMI-Christophe X..., ayant pour gérant M. Christophe X..., a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de Commerce de Saintes (Charentes Maritimes) en date du 20 mars 2003 et la Recette Principale de Saintes a déclaré le 4 février 2004, à titre définitif et privilégié, une créance du Trésor Public de 688 919 €, laquelle a fait l'objet d'une ordonnance d'admission du juge commissaire en date du 23 mars 2004.

L'administration Fiscale a déposé plainte pour fraude fiscale à l'encontre de M. X... et autorisée le 4 juin 2004 par le Directeur des Services Fiscaux, a initialement demandé que le gérant soit solidaire du paiement des sommes dues par la société CBMI, puis, dans le cadre de cette instance pénale, a retiré sa demande de solidarité.

Par jugement du 15 juin 2006, M. Christophe X... a été condamné pour fraude fiscale par le tribunal Correctionnel de Saintes à une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis et 5000 € d'amende.

Dans le cadre de l'instance civile, régulièrement autorisé le 31 mars 2005, le Comptable de la Direction Générale des Impôts de Saintes a, par assignation délivrée à jour fixe le 12 avril 2005, demandé que soit prononcée la solidarité entre les impôts dus par la société CBMI et son gérant M. X..., ce pour un montant de 417 717 €, dans le cadre d'une action en responsabilité fondée sur l'article L 266 du Livre des Procédures Fiscales.

Après un jugement en date du 11 octobre 2005 rejetant l'exception de nullité invoquée par M. X... et renvoyant l'affaire à une audience ultérieure sur le fond, lequel jugement a été frappé d'un appel de M. X... qui a été déclaré irrecevable par un arrêt confirmatif du 26 septembre 2006 de la cour d'appel de Poitiers, le Comptable de la Direction Générale des Impôts de Saintes a, par des conclusions récapitulatives et additionnelles du 15 mars 2007, maintenu son action tendant à voir déclarer M. X... solidairement responsable du paiement des impositions dues par la Sarl CBMI à hauteur de 640 225 €, invoquant les articles L 266, L 267 et R 266 du Livre des Procédures Fiscales, faisant valoir qu'il s'agit d'une dette de TVA et de taxe de formation professionnelle, que M. X... a été condamné pour fraude fiscale, que la créance a fait l'objet d'une admission au passif de la société CBMI, qu'elle est irrecouvrable malgré les diligences effectuées, précisant que le fondement juridique de l'action est différent de celui de l'instance pénale.

Par jugement du 2 mai 2007 du tribunal de grande instance de Saintes, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 14 octobre 2008, M. Christophe X... a été condamné à payer, solidairement, le montant des impôts dus au Trésor par la société CBMI-Christophe Baillet, pour un montant de 640 225 €.

C'est dans ces circonstances que M. Christophe X..., reprochant à M. Michel Y..., avocat dont il avait fait choix à l'occasion du litige l'opposant à la Direction des Impôts de Saintes, d'avoir manqué à son devoir d'assistance et de conseil en s'abstenant de faire état, tant devant le tribunal de grande instance de Saintes que devant la cour d'appel de Poitiers d'une jurisprudence qui lui aurait, selon lui, évité, l'application de la solidarité résultant des dispositions des articles L 266 et L 267 du Livre des Procédures Fiscales, lesquelles permettent d'engager la responsabilité du dirigeant de la société débitrice envers le Trésor, a assigné le 5 février 2010 M. Y...devant le tribunal de grande instance de Paris pour demander sa condamnation à lui verser, une somme de 640 225 € en réparation du préjudice résultant de la condamnation dont il a été l'objet, outre la somme de 4500 € à titre d'indemnité de procédure.

Par jugement en date du 16 février 2011, le tribunal a débouté M. Christophe X... de ses prétentions, a débouté M. Michel Y...de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, a dit n'y avoir lieu en l'espèce à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de M. X....

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 13 avril 2011 par M. Christophe X...,

Vu les conclusions déposées le 12 juillet 2011 par l'appelant qui demande de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de dire que M. Y...a manqué à son obligation d'assistance et de conseil, en conséquence de condamner M. Y...à lui payer le montant des impôts qui lui sont réclamés, soit la somme de 640 225 € majorée des intérêts dus au taux légal à compter du jugement du 2 mai 2007, les frais et honoraires supportés à tort dans la procédure suivie par M. Y..., soit la somme de 43 200 €, à titre de dommages et intérêts, la somme de 50 000 € outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et ce avec capitalisation, au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 10 000 €, ainsi qu'à payer les entiers dépens de première instance et d'appel,

Vu les conclusions déposées le 3 août 2011 par M. Michel Y...qui demande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la faute professionnelle de M. Y...mais de le confirmer en ce qu'il a considéré que M. X... n'établissait pas l'existence d'un quelconque préjudice, de débouter en conséquence M. X... de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 20 000 € pour procédure abusive en application des dispositions de l'article 1382 du code civil et celle de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner M. X... en tous les dépens.

SUR CE :

Sur la faute reprochée à M. Y...:

Considérant que M. X... fait valoir que dans le cadre de l'instance civile, si la demande initiale de condamnation solidaire a fait l'objet d'une autorisation du Directeur des Services Fiscaux, en revanche, ultérieurement, dans le cadre de ses conclusions récapitulatives du 15 mars 2007, le comptable du Trésor qui a demandé que soit prononcée la solidarité du paiement des impôts dus par la société CBMI dont il était gérant, pour un montant de 640 225 € au lieu de celui de 417 117 €, figurant dans l'assignation à jour fixe, n'a pas rectifié ou complété pour le différentiel de 223 108 € l'autorisation préalable du Directeur des Services Fiscaux ; qu'il reproche donc à M. Y..., dans ses écritures et dans la défense qu'il a développée pour son compte, de ne pas avoir soulevé un certain nombre de moyens qui auraient pu être retenus par le tribunal et qui l'auraient mis hors de cause ; qu'ainsi, en raison du défaut d'une nouvelle autorisation du Directeur des Services Fiscaux, alors que le montant réclamé variait depuis la demande initiale, M. Y...aurait dû soutenir qu'une nouvelle autorisation était nécessaire à la délivrance de l'assignation et des conclusions rectificatives ; que cette exigence, ce que selon lui la jurisprudence confirme, trouve son fondement dans la doctrine administrative contenue dans l'instruction du 8 décembre 1988, laquelle doctrine prévoit que " toute assignation doit être accompagnée au préalable d'une autorisation du directeur des services fiscaux, chef hiérarchique du comptable du Trésor ", lorsqu'une assignation vise un dirigeant d'entreprise et qu'à défaut, l'action engagée est irrecevable ; qu'il reproche en conséquence à M. Y...son ignorance de la jurisprudence applicable au litige, dès lors que M. Y...aurait dû opposer ce vice de forme à l'Administration fiscale, d'autant que cette dernière avait renoncé, devant le juge répressif, a le poursuivre solidairement et soutient que cette omission a inévitablement fait triompher l'Administration Fiscale alors qu'elle n'était pas susceptible de régularisation tandis que soulevée en temps utile, elle lui aurait permis de ne jamais être condamné ;

Considérant que M. Y...rappelle que M. X... se réfère à une instruction administrative du 6 septembre 1988 qui prévoit qu'avant toute assignation contre un dirigeant fondée sur les articles L 266 et L 267 du Livre des Procédures Fiscales, le comptable du Trésor doit obtenir une décision du Directeur des Services Fiscaux l'autorisant à poursuivre le dirigeant d'entreprise ; qu'il considère que l'appelant interprète toutefois très personnellement cette instruction en estimant que la modification du quantum de la demande de l'Administration Fiscale nécessitait une nouvelle autorisation donnée par le Directeur des Services Fiscaux ; qu'ainsi, selon l'appelant, son avocat aurait dû, dans ses conclusions en défense devant le tribunal de grande instance de Saintes, opposer à l'Administration Fiscale cette instruction administrative lorsque cette dernière a déposé des conclusions récapitulatives le 15 mars 2007 et ce manquement aurait été la cause directe de sa condamnation ; que l'intimé fait valoir que l'accord dont il s'agit, est donné par le Directeur des Services Fiscaux à l'administration fiscale qui poursuit le recouvrement, c'est à dire par le supérieur hiérarchique et qu'il est conçu comme une garantie du contribuable ; qu'il doit permettre à la juridiction de déduire que la décision a été prise en connaissance de la situation particulière du contribuable ; qu'il ne porte que sur le principe des poursuites et non sur le quantum de la demande, que d'ailleurs l'Instruction administrative ne prévoit à aucun moment de " nouvelle autorisation " lorsque le quantum de l'assignation est modifié ; qu'ainsi en l'espèce, aucune autorisation complémentaire n'était nécessaire pour le recouvrement du supplément d'impôt visé dans les conclusions récapitulatives, dès lors qu'un accord valable avait été donné à l'origine pour poursuivre M. X... dans le cadre d'une seule et même instance ; qu'il conteste donc avoir commis une quelconque faute ; qu'il soutient subsidiairement, que quand bien même un tel accord aurait été requis, celui-ci étant susceptible d'être régularisé a posteriori, aucun lien de cause à effet n'est établi entre l'omission fautive qui lui est reprochée et le préjudice allégué ;

Considérant que comme l'a justement rappelé le jugement déféré, si les dispositions des articles L 266 et L 267 du Livre des Procédures Fiscales autorisent l'engagement de la responsabilité des dirigeants de sociétés débitrices envers le Trésor, les conditions d'exercice de cette action sont précisées par l'Instruction de la Direction Générale des Impôts et de la Direction de la Comptabilité Publique du 6 septembre 1988 spécifiant qu'elle ne peut être introduite que sur décision du Directeur des Services Fiscaux qui doit s'assurer que les circonstances propres à chaque affaire justifient ou non son engagement et apprécier toutes les incidences d'une décision d'autorisation ou de refus ;

Considérant dès lors que c'est à juste titre que M. Y...soutient que l'accord ainsi donné par la Direction des Services Fiscaux porte essentiellement sur le principe même des poursuites ; qu'il suffit de se reporter aux termes mêmes de l'Instruction du 6 septembre 1988 qui précise ; " (...) Cependant, si cette action n'est pas, dans son principe, exorbitante du droit commun, elle emporte des conséquences rigoureuses qui doivent conduire à en réserver l'usage aux situations dans lesquelles la gravité et la répétition des manquements reprochés aux dirigeants sont suffisamment établies. " ;

Considérant que l'Instruction ne fait nullement état de la nécessité de renouveler, notamment durant la même instance, l'accord ainsi donné ; que le seul quantum chiffré des sommes dues, et en particulier son évolution, lorsqu'il s'avère, en cours d'instance, d'un montant supérieur à celui initialement autorisé, ne constitue pas un motif de remise en cause de la validité de l'intervention initiale du Directeur des Services fiscaux ; qu'il s'infère au contraire des motifs sus-exposés quant à la raison d'être de ce texte que lorsque le quantum des sommes dues augmente, cette circonstance est d'autant plus susceptible de caractériser la gravité et la répétition des manquements ; qu'enfin la jurisprudence invoquée par M. X... ne correspond pas à la situation présente et n'est donc pas pertinente ;

Considérant que M. Y...qui n'a pas commis de manquement à son devoir d'information et de conseil est bien fondé en ses prétentions, tandis que M. X... doit être débouté de toutes ses demandes ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par M. Y...;

Considérant que si l'intimé soutient que la présente instance est malicieuse et abusive, qu'elle tend en particulier à le dévaloriser et à l'atteindre au regard de sa compétence professionnelle, lui causant un préjudice moral et un préjudice matériel important, du fait du temps passé en recherche de documents, c'est par de justes motifs, qui ne peuvent qu'être approuvés, que les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas établi que l'action de M. X... procède d'une intention malveillante à l'égard de M. Y...mais qu'elle résulte davantage d'une méprise sur l'étendue de ses droits ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande ;

Considérant que l'appelant qui succombe en ses prétentions supportera les dépens d'appel et sera débouté de la demande qu'il a formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande en revanche de faire application de ces mêmes dispositions au profit de M. Y...dans les termes du dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. Christophe X... à payer à M. Michel Y...la somme de 6000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Christophe X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/07064
Date de la décision : 19/06/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-06-19;11.07064 ?
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