RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 14 Juin 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09892 - CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/13555
APPELANT
Monsieur [E] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Stéphane APPIETTO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1632
INTIMEE
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE PARIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : K.168
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 22 mars 2012
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[E] [Y] a été salarié de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France du 1er octobre 1970 jusqu'au 31 août 1985, date à laquelle il a été licencié.
Il a fait valoir ses droits à la retraite le 1er février 1992.
Par courrier du 5 novembre 2004, [E] [Y] a sollicité de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France le versement d'une prime spécifique versée aux anciens salariés de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France, d'un montant de l'ordre de 1 200 €.
Il expose avoir appris l'existence de cette prime à l'occasion d'un procès relatif au maintien de cette prime devant le tribunal de grande instance de Paris.
La Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France lui a fait savoir en réponse qu'il ne pouvait prétendre au paiement de cette prime dans la mesure où il n'était plus salarié de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France au moment de la liquidation de ses droits à la retraite.
C'est dans ces conditions que [E] [Y] a, le 20 novembre 2008, saisi le conseil de prud'hommes de PARIS afin que lui soit reconnu, à compter de l'année 1992, le bénéfice de la prime exceptionnelle constituant un avantage retraite versée par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France à ses anciens salariés et que cette dernière soit condamnée à lui verser les sommes correspondantes dues à ce titre depuis la liquidation de ses droits à la retraite ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 12 octobre 2009le conseil de prud'hommes a débouté [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes, la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France étant déboutée de ses demandes reconventionnelles.
Régulièrement appelant de cette décision, [E] [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
- dire qu'il a droit à compter de l'année 1992 au bénéfice de la prime exceptionnelle constituant un avantage retraite versée par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France à ses anciens salariés
- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France à lui verser les sommes correspondantes dues à ce titre depuis la liquidation de ses droits à la retraite, augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour où chaque paiement aurait dû normalement intervenir
- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France au paiement de la somme de 3 000 € ainsi qu'aux dépens.
La Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France demande à la cour de :
À titre principal,
- juger qu'un accord transactionnel a été conclu entre les parties
En conséquence
- enjoindre [E] [Y] de produire ce protocole, et ce sous astreinte
- juger l'action de [E] [Y] irrecevable
À titre subsidiaire,
- juger que [E] [Y] ne remplit pas les conditions lui permettant d'obtenir le paiement de la prime litigieuse
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris
- débouter [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes
À titre très subsidiaire,
- juger que les demandes de [E] [Y] sont irrecevables car non chiffrées et prescrite pour partie à tout le moins
En conséquence
- débouter [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes
À titre reconventionnel,
- condamner [E] [Y] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur l'irrecevabilité des demandes de [E] [Y]
La Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France invoque l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction signée par les parties au terme de laquelle il a perçu une indemnité de 1 000 000 francs [152 499,02 €], suite à une sentence arbitrale.
La Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France indique ne plus être en possession de ce document et demande à la cour d'en ordonner la communication par [E] [Y] sous astreinte.
[E] [Y] réplique qu'il a effectivement perçu une indemnité à la suite d'une procédure arbitrale, rendue courant 2005, que le moyen est inopérant dès lors qu'une sentence arbitrale et une transaction constituent deux catégories juridiques différentes, que de plus cette procédure et la sentence rendue sont sans incidence sur la présente instance, que la prime litigieuse compte tenu de sa nature juridique demeure en tout état de cause distincte des sommes allouées au titre de l'indemnisation de la rupture du contrat de travail.
Même si la sentence arbitrale n'est pas versée aux débats, il résulte des propres écritures de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France que c'est suite à son licenciement que [E] [Y] 'a contesté cette mesure de telle sorte que Monsieur le professeur [K] a été saisi et qu'un accord est intervenu entre les parties'.
Il s'en déduit, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la communication de cette sentence, qu'elle avait nécessairement pour objet de régler les conséquences de la rupture du contrat de travail de [E] [Y] et ne concernait en rien la prime exceptionnelle, versée postérieurement au départ à la retraite des anciens salariés de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France, ayant fait l'objet d'une décision de révocation par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France le 10 février 2005, cette décision ayant été annulée par un jugement rendu le 6 décembre 2005 par le tribunal de grande instance de PARIS.
Il convient de rejeter la fin de non recevoir proposée par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France.
Sur le fond
La prime exceptionnelle versée aux anciens salariés retraités de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France dont [E] [Y] revendique le bénéfice constitue un avantage de retraite.
Or la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France ne verse aucune pièce établissant que, ainsi qu'elle l'affirme, l'obtention de cette prime est subordonnée à la condition de la présence des salariés dans l'entreprise au moment où ils font valoir leur droit à la retraite.
Aucune disposition de l'accord collectif du 2 mai 1991 complété par l'avenant du 27 juin 1991 maintenant le principe de cette prime annuelle n'en limite le versement à la qualité de salarié en poste au moment où sont liquidés les droits à retraite.
Le fait que le contrat de travail de [E] [Y] ait été rompu le 31 août 1985 et qu'il ait fait valoir ses droits a la retraite en février 1992 alors même qu'il avait perdu la qualité de salarié de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France, est par conséquent inopérant.
Vainement la Caisse d'épargne fait valoir que cette demande n'est pas chiffrée dès lors qu'elle seule dispose des éléments lui permettant d'en évaluer le montant exact.
Enfin, s'agissant d'un avantage retraite, et non d'un salaire, seule la prescription trentenaire et non pas quinquennale est applicable.
Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit aux demandes de [E] [Y], et dire que les intérêts courront à compter du présent arrêt.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [E] [Y] auquel à laquelle il sera alloué la somme de 2 000 € à ce titre.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement déféré,
DIT que [E] [Y] est fondé à solliciter le bénéfice de la prime exceptionnelle constituant un avantage retraite versée par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France à ses anciens salariés à compter de l'année 1992,
CONDAMNE la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France à verser à [E] [Y] les sommes correspondantes à cette prime, et dues à ce titre depuis la liquidation de ses droits à la retraite, augmentées des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France à payer à [E] [Y] la somme de 3 000 € ainsi qu'aux dépens,
CONDAMNE la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,