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12/06/2012 | FRANCE | N°10/20831

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 12 juin 2012, 10/20831


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 12 JUIN 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20831



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009001741





APPELANTE



Madame [U] [G] épouse [T]

[Adresse 1]

[Localité 6]



représentée et assis

tée de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

et de Me Frédéric ENTREMONT (avocat au barreau de PARIS, toque : R196)







INTIMES



Mon...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 12 JUIN 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20831

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009001741

APPELANTE

Madame [U] [G] épouse [T]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée et assistée de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

et de Me Frédéric ENTREMONT (avocat au barreau de PARIS, toque : R196)

INTIMES

Monsieur [R] [I]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté et assisté de la SCP RIBAUT (Me Vincent RIBAUT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0051)

et de Me Claude BRAULT-BENTCHICHOU (avocat au barreau de PARIS, toque : J094)

substituant Ma Jean-Xavier GUY, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. DE LA TOURELLE

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée et assistée de la SCP RIBAUT (Me Vincent RIBAUT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0051)

et de Me Claude BRAULT-BENTCHICHOU (avocat au barreau de PARIS, toque : J094)

substituant Ma Jean-Xavier GUY, avocat au barreau de PARIS

S.C.I. MARCEAU

[Adresse 11]

[Localité 2]

représentée et assistée de la SCP RIBAUT (Me Vincent RIBAUT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0051)

et de Me Claude BRAULT-BENTCHICHOU (avocat au barreau de PARIS, toque : J094)

substituant Ma Jean-Xavier GUY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 avril 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société La Tourelle est une société anonyme familiale au capital de 40 000 €, composé de 2 500 actions qui sont détenues par des membres de la famille [I] dont M. [R] [I], président du conseil d'administration, ces derniers majoritaires, et par des membres de la famille [G].

Mme [G] épouse [T], qui détient avec ses deux fils 49,44 % du capital, a exercé un mandat d'administrateur du 7 juin 2004 au 7 juin 2010.

En cette qualité, en application de l'article L.225-35 alinéa 3 du code de commerce, elle a demandé, par lettre recommandée du 11 décembre 2007, à M. [I] des informations concernant quatre conventions réglementées, auxquelles ce dernier était intéressé.

Il était question, en particulier, d'un bail emphytéotique notarié en date du 15 janvier 2005 avec effet rétroactif au 1er janvier 2005, portant sur un ensemble de biens immobiliers situés à [Localité 7] (Eure et Loir) comprenant un ancien corps de ferme avec trois bâtiments, consenti pour une durée de quarante ans, moyennant un loyer annuel de 1 500 € par la société la Tourelle à la Sci Marceau dont M. [I] est co-gérant avec son neveu, M. [F] [H].

Ayant obtenu des éléments qu'elle jugeait insuffisants, par actes des 9 et 11 avril 2008, Mme [T] a saisi le juge des référés qui a accueilli partiellement sa demande et a enjoint à M. [I] de communiquer la copie certifiée conforme du rapport de gestion du conseil d'administration ayant autorisé la signature du bail emphytéotique avec la Sci Marceau en date du 15 janvier 2005. En cours d'instance, M. [I] avait communiqué à Mme [T] le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la société la Tourelle, en date du 28 mai 2004, ayant autorisé, par décision unanime, la conclusion du bail .

Invoquant l'irrégularité de cette autorisation, par acte du 28 novembre 2008, Mme [T] a fait assigner M. [I], ès qualités de président de la société la Tourelle, la société la Tourelle et la Sci Marceau aux fins d'annulation de la délibération précitée du conseil d'administration et, par suite, du bail emphytéotique et paiement de dommages intérêts.

Par jugement du 23 septembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a écarté la fin de non-recevoir prise du défaut d'intérêt à agir, a dit l'action en nullité non prescrite et a débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, considérant que le bail avait été régulièrement autorisé par le conseil d'administration dans sa délibération unanime du 28 mai 2004.

Mme [T] a relevé appel du jugement le 25 octobre 2010.

Selon conclusions responsives et récapitulatives signifiées le 27 mars 2012, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de déclarer nul le bail emphytéotique notarié en date du 15 janvier 2005, de condamner M. [I] à payer à la société de la Tourelle la somme de 984 592 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la passation et de l'exécution de ce bail, à titre subsidiaire et avant dire droit sur le montant des dommages intérêts dus par M. [I], d'ordonner une expertise afin d'évaluer la valeur locative des biens, à titre subsidiaire, de condamner M. [I] à payer à la société de la Tourelle la somme de 984 592 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la passation et de l'exécution de ce bail, en tout état de cause, de débouter les intimés de toutes leurs prétentions, de condamner M. [I] au paiement de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 20 mars 2012 les intimés demandent à la cour d'infirmer le jugement en ses dispositions déclarant l'action de Mme [T] recevable, de constater le défaut d'intérêt à agir de l'appelante, de la dire irrecevable à ce motif, subsidiairement, de dire l'action en nullité de la délibération du conseil d'administration du 28 mai 2004 prescrite, de déclarer toutes les demandes de Mme [T] irrecevables, plus subsidiairement, de constater que la délibération attaquée est parfaitement valable, de confirmer le jugement, de dire que la demande en paiement de la somme de 984 592 € est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, reconventionnellement, prendre acte que M. [I] n'est pas opposé à une expertise sauf à inclure dans la mission de l'expert la détermination de la valeur du lot de chaque groupe, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages intérêts, de condamner Mme [T] au paiement de 50 000 € de dommages intérêts pour procédure abusive et 25 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur l'intérêt à agir

Les intimés contestent l'intérêt à agir de Mme [T] en faisant valoir que si celle-ci est actionnaire, elle n'en doit pas moins démontrer son intérêt à agir tant au regard de sa demande en nullité de la délibération du conseil d'administration en cause que de la procédure concernant les conventions réglementées. Ils lui opposent le protocole du 5 janvier 1984 conclu entre les deux actionnaires d'alors, Mme [G], mère de Mme [T], et Mme [I], mère de M. [I], lesquelles 'se sont portés-fort de leurs enfants respectifs', qui a organisé la division de la société en deux branches autonomes, la branche Lallemant-Lallia et la branche [I], dont chacune assure la gestion séparée des actifs qui lui ont été dévolus, ce qui exclut, selon eux, que Mme [T], qui gère elle-même de manière autonome certains actifs de la société, retire un quelconque bénéfice matériel ou moral du résultat de son action en justice et puisse arguer de l'existence d'un intérêt légitime au succès de sa prétention

Mme [T] proteste contre la portée donnée par les intimées au protocole qu'elle estime, au surplus, lui être inopposable et observe que M. [I] tente par tous moyens de détourner le vrai débat qui est de savoir s'il a ou non respecté le droit des conventions réglementées en signant pour le compte d'une société à laquelle il est intéressé un bail emphytéotique vidant la société de la Tourelle d'importants actifs dans des conditions inéquitables.

Le protocole invoqué par les intimés prévoit la scission de la société de la Tourelle en deux branches distinctes fonctionnant de manière autonome, et ce, pour remédier à la mésentente chronique entre les deux branches familiales. Cependant , quelle qu'en soit la portée, il est sans effet sur la qualité d'actionnaire de Mme [T] qui suffit à caractériser son intérêt, au moins moral, à agir en nullité d'une délibération du conseil d'administration de la société.

- Sur la prescription

Les intimés réitèrent en cause d'appel la fin de non-recevoir prise de la prescription triennale de l'action en nullité des actes et délibération postérieurs à la constitution de la société, édictée par l'article L.235-9 du code de commerce, dont ils fixent le point de départ à la date de la délibération du 28 mai 2004, estimant que l'annulation de cette délibération est le préalable nécessaire à l'annulation recherchée de la convention.

Tandis que Mme [T] soutient que la nullité poursuivie est celle du bail qui a été dissimulé aux actionnaires lesquels n'ont pas reçu une information suffisante, que, par suite, la prescription est celle édictée par l'article L.225-42 du code de commerce, comme l'ont retenu les premiers juges, prescription qui n'est pas acquise dès lors que le délai court du jour où la convention a été révélée soit le 19 mai 2008, date de la communication par M. [I] du procès-verbal du conseil d'administration du 28 mai 2004 autorisant le bail en cause et du bail lui-même. Elle se prévaut, en outre, de l'imprescriptibilité de l'exception de nullité.

L'article L.225-42 alinéa 2 dispose que l'action en nullité 'de conventions visées à L.225-38 du code de commerce et conclues sans autorisation du conseil d'administration' se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention.

Selon l'article L.235-9 du code de commerce, les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieures à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.

En l'espèce, l'action tend à la nullité d'une convention faisant partie des conventions réglementées au sens de l'article L.225-38 du code de commerce à raison de l'absence d'autorisation régulière.

Il est, en effet, acquis aux débats que la convention litigieuse a été autorisée par le conseil d'administration suivant délibération du 28 mai 2004.

Aux termes de l'assignation introductive d'instance en date du 28 novembre 2008, Mme [T] demandait au tribunal de 'déclarer nulles les autorisations du conseil d'administration du 28 mai 2004 sur les conventions réglementées' et de 'déclarer nul le bail emphytéotique notarié'

En cause d'appel, elle fait plaider que la délibération du conseil d'administration a été prise dans des conditions irrégulières pour en déduire que 'la première conséquence de l'irrégularité de la procédure de passation des conventions réglementées [est] la nullité du bail emphytéotique' (page 18 de ses écritures d'appel) .

Dès lors que l'action est fondée sur une irrégularité affectant la décision sociale, la prescription applicable est celle qui régit l'action en nullité des actes de la société, prévue par l'article L.235-9 du code de commerce dont le délai est de trois ans à compter du jour où la nullité est encourue c'est à dire le jour de la prise de délibération.

En présence d'une délibération du 28 mai 2004, la prescription de trois ans était acquise à la date de l'assignation, le 28 novembre 2008.

Le jugement sera infirmé et l'action sera déclaré irrecevable comme prescrite, toutes demandes de Mme [T] devant, par suite, être rejetées.

- Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive

La démonstration n'étant pas faite d'un abus de Mme [T] de son droit d'agir en justice qu'on ne saurait déduire de l'insuccès de son action, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont rejeté la demande reconventionnelle de dommages intérêts.

Il convient de confirmer cette disposition et de débouter M. [I] de sa demande complémentaire de dommages intérêts.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir prise du défaut d'intérêt à agir et la demande reconventionnelle de dommages intérêts,

L'infirme pour le surplus,

Déclare l'action prescrite,

Rejette la demande de dommages intérêts complémentaires,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [T] aux dépens d'appel qui aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/20831
Date de la décision : 12/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°10/20831 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-12;10.20831 ?
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