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07/06/2012 | FRANCE | N°11/01123

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 07 juin 2012, 11/01123


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 07 Juin 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01123 - MAC



Décision déférée à la Cour : Après Cassation le 6 octobre 2010 suite à arrêt rendu le 6 novembre 2009 parla Cour d'Appel de PARIS (18ème Chambre D) sur appel d'un jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 6 juillet 2006 RG n° 05/00585



APPELANT

Monsieur [O] [Y]r>
[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant assisté de Me Alain JANCOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1006



INTIMEES

SOCIETE TAXIS PARIS LYON MARSEILLE

[Adresse...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 07 Juin 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01123 - MAC

Décision déférée à la Cour : Après Cassation le 6 octobre 2010 suite à arrêt rendu le 6 novembre 2009 parla Cour d'Appel de PARIS (18ème Chambre D) sur appel d'un jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 6 juillet 2006 RG n° 05/00585

APPELANT

Monsieur [O] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant assisté de Me Alain JANCOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1006

INTIMEES

SOCIETE TAXIS PARIS LYON MARSEILLE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE TAXIS [Adresse 9]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE [Adresse 9]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE TAXIS [Adresse 8]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE TAXICAP

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE TAXIS ALEX

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE DYB ET CIE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE SEVA

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE SPLENDID TAXIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE TAXIS PARIS ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE KITAX

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE [Adresse 6] TAXIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE TAXIS PARIS DARU

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE REIMS TAXIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE CELTIC AUTOS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE GYM

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

SOCIETE KZ

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Irène LEBE, Présidente

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Irène LEBE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Y] , qui avait loué de 1996 à 2000 inclus des taxis à diverses sociétés, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en requalification des contrats de location en contrat de travail.

Par un jugement du 6 juillet 2006, le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent pour en connaître.

Sur contredit, la cour d'appel de Paris, suivant un arrêt du 25 janvier 2007 a dit que le conseil de prud'hommes était compétent, a évoqué l'affaire et l'a renvoyée sur le fond à une audience ultérieure.

Par un arrêt du 21 juin 2007, la même cour d'appel a rejeté la demande formulée par M. [Y] au titre du remboursement des cotisations patronales, et a ordonné une mesure d'instruction pour permettre l'évaluation de son préjudice.

Suivant un arrêt du 6 novembre 2008, la cour d'appel de Paris a condamné les diverses sociétés à payer à M. [Y] une somme à titre de préjudice pour perte de revenus subie à la suite de la qualification impropre de son contrat .

Les diverses sociétés ont formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par un arrêt du 6 octobre 2010, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 6 novembre 2008, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La cour de cassation a en effet relevé, au visa des articles 1351 du Code civil, ensemble les articles 77, 49 et 480 du code de procédure civile que pour prononcer la condamnation, l'arrêt a énoncé qu'il résulte de l'arrêt du 25 janvier 2007 que la cour d'appel avait expressément jugé que la relation contractuelle entre les parties devait être requalifiée en contrat de travail, qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur cette qualification, l'arrêt du 25 janvier 2007 ayant autorité de chose jugée; que cependant c'est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question de fond dont dépend cette compétence que sa décision a autorité de chose jugée sur la question de fond; qu'en statuant comme elle l' a fait alors que dans son arrêt du 25 janvier 2007, la cour d'appel s'était bornée dans son dispositif à déclarer le conseil de prud'hommes compétent et évoquant l'affaire, à la renvoyer sur le fond, la cour d'appel avait violé les textes susvisés.

M. [Y] demande à la cour de requalifier les 12 contrats de location en un unique contrat de travail, par suite de reconnaître la compétence du conseil de prud'hommes et évoquant, d'entériner le rapport d'expertise réalisée, dire qu'il n'y a pas lieu à prescription s'agissant d'indemniser un double préjudice et de condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui régler les sommes suivantes :

- 10 726,04 € au titre de la perte de revenus,

- 3000 € au titre de la qualification erronée,

- 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite également que les sociétés soient condamnées aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise et d'exécution.

Les sociétés intimées concluent à l'absence de contrat de travail et par suite à l'irrecevabilité des demandes formulées.

À titre subsidiaire, elles considèrent que M. [Y] ne peut prétendre à aucun rappel de salaire, qu'en tout état de cause, ses demandes sont prescrites.

Elles estiment également que ni l'expertise ni M. [Y] n'ont fourni à la cour d'éléments relatifs à un préjudice subi du fait de la qualification impropre du contrat.

Elles s'opposent en conséquence aux demandes formulées par M. [Y].

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la qualification du contrat :

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Un contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération.

Le travail exécuté au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

D'après les conditions générales et particulières des contrats conclus, les locations étaient consenties pour une durée de trois mois avec tacite reconduction de mois en mois, le loueur ayant la faculté de résilier le contrat sans préavis en cas de retard ou de non-paiement sur les redevances de même qu'en cas de manquement du locataire à ses obligations. Il était également stipulé que la redevance était payable par acompte, par avance tous les lundis du mois.

Le locataire devait assumer le prix du carburant, les cotisations sociales, salarié et employeur, ce qui au regard des coûts de redevance excluait pour lui toute liberté dans l'organisation du travail lui-même également encadré par la réglementation des taxis parisiens.

Le contrat mettait à la charge du chauffeur de nombreuses obligations concernant l'utilisation et l'entretien du véhicule, dès lors qu'il ne pouvait faire effectuer les réparations, des échanges de pièces, des changements de pneus, non pas dans un établissement de son choix mais dans les locaux de la société SLOTA, qu'il ne pouvait mettre le véhicule à la disposition d'une tierce personne, ni conduire le véhicule hors de France sans l'autorisation du loueur.

Il résulte de l'examen de ces éléments que le loueur déterminait unilatéralement les conditions d'exécution du travail de M. [Y], celui-ci étant en réalité placé dans un rapport hiérarchique incontestable et par suite dans un état de subordination à l'égard des sociétés.

Il s'ensuit que sous l'apparence de contrats de location d'un véhicule équipé taxi était en réalité dissimulée l'existence d'un contrat de travail.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de requalification.

Sur les demandes en paiement :

Sur la prescription :

Les sociétés intimées soulèvent la prescription quinquennale applicable en matière de dettes salariales.

M. [Y] formule deux demandes, l'une est qualifiée de perte de revenus, tandis que l'autre est qualifiée de préjudice résultant d'une qualification erronée.

S'agissant de la perte de revenus, force est de constater que les revenus découlant d'un contrat de travail reçoivent la qualification de salaires. Il sera fait observer que dans les écritures déposées au soutien de ses demandes, M. [Y] justifie sa prétention au titre du préjudice résultant de la qualification erronée en indiquant que son préjudice va bien au-delà d'un simple préjudice financier pouvant s'analyser comme une perte de salaire.

Par ailleurs, M. [Y] s'appuie sur les conclusions de l'expert M. [S] pour expliquer que la somme de 10 726,04 euro correspond au différentiel entre les bénéfices perçus sous la qualification de locataire et le salaire qu'il aurait été perçu compte tenu du nombre de jours de location facturés.

Enfin et en tant que de besoin, il doit être précisé que l'acquisition de la prescription quinquennale est exclusive de toute action en dommages et intérêts pour la période prescrite.

La prescription prévue à l'article 3245-1 du code du travail est pour partie acquise dans le cas d'espèce, dès lors que la demande de rappel porte sur la période de 1996 à 2000, alors que l'action a été engagée devant le conseil de prud'hommes, le 17 janvier 2005.

Aucune demande de rappel de salaire, voire de dommages et intérêts pour perte de revenus n'est donc recevable pour la période antérieure au 16 janvier 2000.

En revanche, la demande en réparation du préjudice distinct résultant de la qualification erronée ne correspond pas à la réparation d'un préjudice correspondant à la contrepartie d'un travail fourni, mais à une inexécution fautive du contrat de travail de la part de l'employeur.

Cette demande en réparation de ce préjudice distinct est soumise à la prescription trentenaire, sous réserve des dispositions transitoires posées par la loi du 17 juin 2008 qui n'ont pas vocation à recevoir application en l'espèce, la demande ayant été présentée avant la promulgation de ce texte et alors que le délai de prescription trentenaire n'avait pas été atteint.

Sur le fond :

C'est en vain, que pour soutenir que M. [Y] a été rempli de ses droits, les intimées évoquent l'attribution d'un avantage en nature passant par l'attribution du véhicule dès lors qu'un tel avantage consenti par un employeur à son salarié doit résulter d'un accord, lequel n'est pas établi dans la présente espèce. Il sera fait observer au surplus que l'expert a pu relever qu'aucun usage en ce sens n'est en vigueur en ce qui concerne les chauffeurs de taxi salariés.

Par ailleurs, force est de constater que s'il ne peut être retenu un temps de travail égal à la durée mensuelle des contrats de location, il résulte des éléments du dossier que la durée du travail de M. [Y] doit être fixée à six jours par semaine, seul le dimanche ne pouvant être retenu comme jour effectif d'activité.

Dans ces conditions, pour la période non prescrite, la perte de revenus entendue dès lors comme un rappel de salaire, sera, au regard des éléments fournis et des conclusions du rapport de l'expert notamment sur l'année 2000 au cours de laquelle M. [Y] a exercé cette activité salariée, arrêtée à la somme de 1904,21 euro, somme au versement de laquelle les sociétés intimées seront condamnées in solidum.

Par ailleurs, M. [Y] a effectivement subi un préjudice distinct résultant de l'exécution fautive du contrat de travail par les intimées qui ont sciemment retenu la qualification erronée de contrat de location et ainsi privé le salarié des garanties attachées à un contrat de travail s'agissant notamment des réglementations relatives aux temps de travail, au repos hebdomadaire, à la protection en cas de maladie, en cas de rupture de contrat.

Ce préjudice sera exactement réparé par l'allocation de la somme réclamée, soit la somme de 3000 €, somme au versement de laquelle les sociétés intimées seront condamnées in solidum..

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande d'accorder à M. [Y] une indemnité de 3000 euro en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimées, qui succombent dans la présente instance seront déboutées de leur propre demande à ce titre et condamnées aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement, après renvoi de la Cour de Cassation,,

Vu les arrêts des 25 janvier 2007 et 21 Juin 2007,

Requalifie les contrats de location en contrat de travail,

Condamne in solidum les sociétés intimées à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

- 1904,21 € à titre de perte de revenus salariaux,

- 3000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct,

- 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les sociétés intimées de leur demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés intimées aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/01123
Date de la décision : 07/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/01123 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-07;11.01123 ?
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