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31/05/2012 | FRANCE | N°10/08141

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 31 mai 2012, 10/08141


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 31 Mai 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08141 - JS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/14276



APPELANT

Monsieur [S] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Pierre-Hubert GOUTIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque :

D1548



INTIMEE

GIE ARCADE PROMOTION

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Charles GUILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1253 substitué par Me Gorda...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 31 Mai 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08141 - JS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/14276

APPELANT

Monsieur [S] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Pierre-Hubert GOUTIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1548

INTIMEE

GIE ARCADE PROMOTION

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Charles GUILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1253 substitué par Me Gordana ZARIC, avocat au barreau de PARIS, toque : P19

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Monsieur [S] [X] a été engagé par le GIE ARCADE Promotion à compter du 1er Août 1991 en qualité de conseiller commercial, vendeur de programmes immobiliers en région Île de France, moyennant un salaire brut mensuel de 841,45€ (5519,54 francs) outre un intéressement. A compter du 11 février 1997, il a été promu vendeur de programmes senior, statut agent de maîtrise, moyennant un salaire fixe mensuel de 8000 francs bruts (rétroactif au 1er janvier 1997).

A compter du 1er janvier 2003, sa rémunération brute annuelle a été augmentée de 400€ et il a bénéficié du statut de cadre.

Par courrier du 4 juin 2007, il a notifié sa démission au GIE ARCADE PROMOTION. Il a réintégré l'entreprise durant l'été 2007 et a, de nouveau, démissionné, par courrier du 2 mars 2008.

Estimant que la rupture de son contrat de travail était imputable à son employeur et ne s'estimant pas rempli de ses droits, [S] [X] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 17 octobre 2008 aux fins d'indemnisation du préjudice subi ainsi que de paiement de primes et de commissions.

Par jugement du 5 juillet 2010, le Conseil de Prud'hommes, considérant que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission, a débouté [S] [X] de l'ensemble de ses demandes.

Régulièrement appelant, [S] [X] demande à la cour de le déclarer recevable en son appel, dire que la rupture de son contrat du travail est imputable à l'employeur, infirmer en toutes ses dispositions le jugement donc ordonner sous astreinte, à fixer comme il appartiendra, la production de l'inventaire des réservations ainsi qu'un état des primes restant à percevoir conformément à l'article 4-2-2 du contrat de travail, condamner le GIE ARCADE à lui verser les sommes suivantes :

- 218.340€ à titre d'indemnités pour rupture abusive, sans cause réelle et sérieuse, de son contrat de travail ;

- 3.404,60€ à titre de provisions sur les primes et commissions restant dues ;

- 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GIE ARCADE PROMOTION demande à la cour de confirmer le jugement, juger que la rupture du 2 mars 2008 doit produire les effets d'une démission, qu'il a réglé l'intégralité des commissions dues à [S] [X] donc le débouter de ses demandes et le condamner à payer 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

En l'espèce, [S] [X] affirme notamment que le GIE ARCADE Promotion n'a pas respecté ses obligations contractuelles s'agissant de sa rémunération, qui comprenait une rémunération fixe sensiblement égale au SMIC (1.306 € bruts par mois) et une rémunération variable qui était un élément essentiel de son contrat de travail. Il soutient par ailleurs que le GIE ARCADE Promotion ne lui versait pas régulièrement ses primes et qu'il lui a imposé des modifications unilatérales de son contrat de travail, ce qui l'a contraint à démissionner, ce que le GIE conteste.

Aux termes de l'article 4 de son contrat de travail, la rémunération comprend :

« -un salaire mensuel brut indiqué dans l'avenant payé sur 12 mois sur la base hebdomadaire de 39 heures ( soit 841,45 € sur douze mois au départ)

-une rémunération variable dont les principes de calcul et les modalités de paiement sont indiqués ci-après et les montants définis dans l'avenant. »

Les principes de la rémunération variable sont les suivants :

 

« La rémunération variable est calculée en fonction des ventes réalisées et des livraisons effectuées dans le respect des règles internes de la société par le vendeur.

La réalisation des ventes donnera lieu au paiement de primes dont la nature et le montant sont définis dans l'avenant, étant entendu que ces éléments sont définis pour le programme immobilier auquel ils se rapportent et que tout autre programme donnera lieu à la signature d'un avenant définissant de nouvelles conditions de rémunération variable.

Le calcul des primes sera effectué au vu d'un état mensuel présenté par le vendeur auquel seront jointes les fiches réservations, ventes notariées ou désistement y afférentes, et visé pour accord par la Direction Commerciale. (...) »

S'agissant du paiement des rémunérations variables, le contrat prévoit notamment que « les primes, commissions ou avances sur commissions dues au titre du mois M devront être réglées sur la fiche de paie du mois M+1 pour autant que le vendeur ait fourni en même temps utiles les informations nécessaires, dans les formes requises. »

En application de l'article 5 du contrat de travail, les objectifs de vente détaillés par programme figurent dans l'avenant et la réalisation de ces objectifs est une des conditions essentielles sans laquelle le présent contrat ne serait pas intervenu.

Il en résulte que la rémunération variable devait être calculée en fonction des ventes réalisées et des livraisons effectuées et qu' elle devait être arrêtée d'un commun accord pour chaque programme dans le cadre d'un avenant négocié et signé préalablement à l'opération engagée.

Or, [S] [X] produit un courrier en date du 21 mai 2007 émanant de plusieurs vendeurs de programmes immobiliers d'Ile de France, qu'il a également signé et qu'il qualifie improprement de « pétition », attestant du fait que ceux-ci se sont plaints d'une constante régression de leur rémunération depuis plus de 10 ans, des inégalités constatées vis à vis de l'ensemble du personnel Arcade, et du fait que leurs avenants étaient proposés sans concertation préalable et très souvent après le début des commercialisations.

Il justifie par ailleurs du fait que certaines opérations (les «Terrasses Médicis», le « Clos [Localité 8] ») ne prévoyaient pas d'avenant précis et donc des rémunérations variables certaines.

C'est vainement que l'employeur rétorque sur ce point que :

- le du Clos [Localité 8] a été interrompu en 2007, un an après son lancement (2006), en raison de fouilles archéologiques, ce qui explique que le projet d'avenant afférent n'a pas été soumis à la signature du salarié, dès lors que cet avenant était contractuellement prévu ;

- s'agissant du programme les « Terrasses Médicis », [S] [X] a signé l' avenant n°14 du 26 janvier 2007, dès lors que cet avenant ne concerne qu'une partie du marché MEDICIS (vente de surfaces commerciales) et non la vente des appartements, secteur où les commissions sont les plus importantes.

Enfin, [S] [X] démontre que l'employeur ne versait pas les primes régulièrement et dans les délais contractuels convenus puisque certaines primes ont été versées plus de quatre ans après sa première lettre de démission. D'autres primes ne lui ont pas été versées ou bien lui ont été retirées.

C'est donc vainement que l'employeur rétorque notamment qu'un seul retard de paiement peut lui être imputé et que cela ne justifie pas que la rupture des relations contractuelles lui soit imputée.

Il en est de même lorsqu'il soutient que les rémunérations de [S] [X] ont augmenté de 2006 à 2007 de 17% puisque des primes qui auraient dû être versées en 2006 ont été comptabilisées en 2007 à hauteur de près de 21.000 € et que d'après le propre tableau ARCADE :

- le salaire fixe de [S] [X] a augmenté entre 1999 et 2006 de 1042,52€ en 8 ans soit 130.31€ par an, soit moins de 1% par an, ce qui est inférieur à l'augmentation du coût de la vie ;

- ses commissions entre 1999 et 2006 ont diminué.

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens invoqués, ces éléments caractérisent un manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations contractuelles, qui empêche la poursuite du contrat de travail. Il en résulte que la démission du salarié, qui s'analyse en réalité en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [S] [X], de son âge, de son ancienneté (17 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 150000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de commissions et de primes

Compte tenu d'une part des pièces réclamées par le salarié, notamment par lettre officielle de son conseil le 19 février 2010, conformément à l'obligation faite à l'employeur dans le contrat de travail de procéder à un inventaire des réservations n'ayant pas encore donné lieu à confirmation par acte authentique en cas de départ du salarié, et compte tenu d'autre part des pièces produites par le salarié, à savoir l'état des commissions à payer au 18 décembre 2008 et les messages de juillet à novembre 2007 concernant les opérations en cours, la cour est en mesure de fixer le solde des commissions et des primes restant dues à la somme de 3404,60€, sans que cette somme soit provisionnelle et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner de production sous astreinte d'un inventaire des réservations et d'un état des primes restant à percevoir, autre que le document produit aux débats.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à [S] [X] la charge des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'engager pour la défense de ses droits aussi bien en première instance qu'en appel ; le GIE, qui supportera les entiers dépens, lui versera la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civil, et verra sa propre demande à ce titre rejetée.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que la rupture du contrat de travail de [S] [X] est imputable à l'employeur ;

Condamne le GIE ARCADE à verser à [S] [X] les sommes suivantes :

- 150000€ à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3404,60€ à titre de solde des commissions et des primes restant dues ;

- 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute [S] [X] de sa demande de condamnation sous astreinte à produire l'inventaire des réservations et un état des primes restant à percevoir ;

Déboute le GIE ARCADE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le GIE ARCADE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/08141
Date de la décision : 31/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/08141 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-31;10.08141 ?
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