RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 31 Mai 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/07630 et 10/07717- MAC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/12755
APPELANT
Monsieur [H] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Jean-luc BRAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : J105
INTIMEE
SAS EXPERTISE ET CONSULTING DE L'ARCADE (ECA)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Jacques SENTEX, avocat au barreau de PARIS, toque : R036
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, Présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [H] [S] a été engagé par la société DEMOS CONSULTANTS, devenue la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE, suivant un contrat à durée indéterminée du 21 septembre 1999, avec prise d'effet au 1er octobre 1999, à temps partiel selon un horaire mensuel de 122 heures en qualité de Chef de Projet Externalisation, statut cadre- classification H ' coefficient 450 de la convention collective des Organismes de Formation.
Sa mission consistait à « promouvoir, organiser et gérer » l'activité Externalisation et il exerçait principalement son activité depuis son domicile à [Localité 5].
Le 18 juillet 2008, la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE lui a notifié une modification de son lieu de travail, [Localité 6] au lieu de [Localité 5].
Par lettres des 31 juillet et 26 août 2008, Monsieur [H] [S] a refusé cette modification de son contrat de travail.
Par lettre du 2 septembre 2008, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 septembre 2008, en vue d'un éventuel licenciement économique.
Par lettre du 3 octobre 2008, la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE a notifié à M. [S] son licenciement pour motif économique.
Contestant son licenciement, Monsieur [H] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de voir la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE, condamnée à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à hauteur de 167.208 € (24 mois de salaire), outre 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 17 juin 2010, le Conseil de Prud'hommes a jugé que le licenciement de Monsieur [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais ne lui a alloué qu'une somme de 41.000 € à titre de dommages et intérêts.
Régulièrement appelant de cette décision, M. [S] demande à la cour de réformer le jugement déféré et de lui accorder une indemnité de 167.208 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ECA forme un appel incident en ce qu'elle demande à la cour de juger que le licenciement pour motif économique est fondé, et réclame une indemnité de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La convention collective applicable à la relation de travail était celle des Organismes de Formation.
En dernier lieu, Monsieur [H] [S] percevait un salaire brut mensuel de 6.967 € pour un 4/5ème de temps.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du codede procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions aux conclusions respectives des parties visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
Aux termes de l'article L1233-3 du code du travail :« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. »
L'article L 1233-4 du code du travail précise que :« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque ' le reclassement de l' intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient....Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. »
Il s'en déduit que même si les éléments constitutifs du licenciement pour motif économique sont réunis, le licenciement n'est justifié que si l'employeur a aussi réalisé des efforts de formation et d'adaptation et s'il a cherché sérieusement, au préalable , à reclasser le salarié, que par suite, le licenciement prononcé en violation de cette obligation est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Or, selon l'article L 1233-4 du code du travail précité, le périmètre du reclassement est le groupe auquel la société appartient.
C'est en vain que la société ECA prétend avoir satisfait à l'obligation lui incombant après avoir précisé dans la lettre de licenciement n'avoir « aucune possibilité de reclassement sur le site de [Localité 5] » au motif que toutes les autres sociétés du groupe avaient leur siège à [Localité 6].
En effet, il se déduit les dispositions combinées des articles L. 1222-6 et 1233-4 du code du travail que le refus opposé par le salarié à une modification de son contrat de travail pour motif économique ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.
Dans le cas d'espèce, la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE ne peut utilement soutenir qu'elle pouvait s'affranchir de son obligation de reclassement visée à l'article L. 1233-4 précité, au motif que par son refus de rejoindre le siège parisien dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail qui lui avait été faite, le salarié avait par avance refusé tout poste de reclassement sur [Localité 6] y compris dans une autre société du groupe.
A défaut d'avoir concrètement proposé à M. [S], ou à tout le moins justifié avoir recherché un ou plusieurs postes de reclassement, dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique initiée postérieurement au refus du salarié à la modification de son contrat de travail, l'employeur a failli à son obligation et par suite le licenciement est effectivement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Monsieur [S] comptait plus de 9,5 années d'ancienneté au sein d'une entreprise comptant plus de 10 salariés.
Il a bénéficié des allocations de chômage jusqu'au 31 décembre 2010.
Depuis le 1er janvier 2011, il est placé sous le régime de la retraite et perçoit chaque mois une indemnité 1.130,61 € bruts.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [S] la somme de 90 000 €, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail;
L'article L. 1235- 4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1235 - 3 et L. 1235-11 le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage..Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Les dispositions sus évoquées ont vocation à recevoir application, dans la présente espèce.
La société sera condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.
Sur l'article 700 du code de procédure civile,
L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement ayant accordé à M [S] une indemnité de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2000 € sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant contradictoirement et publiquement,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et accordé à M. [S] la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
L'infirme sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE à verser à M. [S] les sommes suivantes :
- 90 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE à rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées à M. [S] dans la limite de six mois,
Déboute la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société EXPERTISE & CONSULTING DE L'ARCADE aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,