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22/05/2012 | FRANCE | N°10/20304

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 22 mai 2012, 10/20304


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 22 MAI 2012

(no 153, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 20304

Décision déférée à la Cour :
Arrêt du 25 février 2010- Cour de Cassation de PARIS-no 198

DEMANDERESSE à la SAISINE

Madame Laurence X...membre de la SCP Laurence X...
...
28100 DREUX
présente à l'audience, qui a eu la parole en dernier
assistée de la SCP SCP MERCIER PIERRAT (Me Chr

istian MERCIER) (avocats au barreau de CHARTRES)

DÉFENDEUR à la SAISINE

Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE T. G. I....

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 22 MAI 2012

(no 153, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 20304

Décision déférée à la Cour :
Arrêt du 25 février 2010- Cour de Cassation de PARIS-no 198

DEMANDERESSE à la SAISINE

Madame Laurence X...membre de la SCP Laurence X...
...
28100 DREUX
présente à l'audience, qui a eu la parole en dernier
assistée de la SCP SCP MERCIER PIERRAT (Me Christian MERCIER) (avocats au barreau de CHARTRES)

DÉFENDEUR à la SAISINE

Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE T. G. I. DE CHARTRES
Parquet
3 rue Saint-Jacques
28019 CHARTRES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 avril 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC
représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a fait connaître son avis

ARRET :

- contradictoire
-rendu publiquement en l'empêchement du Président de chambre par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller ayant délibéré
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé en l'empêchement du président par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller ayant délibéré et par Mme Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********
La Cour,

Considérant qu'aux termes d'un rapport dressé au mois de février 2007, l'inspection générale des services judiciaires a constaté divers faits reprochables à Mme Laurence X..., greffier associé, membre de la S. C. P. Laurence X..., titulaire de l'office de greffier du Tribunal de commerce de Dreux, et, tout particulièrement, un fonctionnements défectueux du greffe, des insuffisances et manquements graves aux devoirs de sa charge commis au cours des années 2003, 2004, 2005 et 2006 et relatifs à la maîtrise du système d'information sur l'activité du greffe, à la gestion des archives, à la tarification du contentieux général, à la tarification des procédures collectives, aux saisines d'office et à la comptabilité des expertises ;

Considérant que, saisi par le procureur de la République et par jugement du 27 mars 2008, le Tribunal de grande instance de Chartres, après avoir écarté des débats un rapport d'inspection et rejeté plusieurs moyens de procédure, a prononcé la destitution de Mme X...et désigné un administrateur provisoire du greffe ;
Que, par arrêt du 4 décembre 2008, la Cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement sauf en ce que le Tribunal de grande instance de Chartres a prononcé la peine disciplinaire de la destitution et prononcé contre Mme X...une interdiction temporaire d'une durée de trois ans ;
Que, sur le pourvoi formé par Mme X...et par arrêt du 25 février 2010, la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ces dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles au motif qu'elle n'a pas constaté que Mme X...ou son conseil avait eu la parole en dernier ;

Considérant qu'appelante du jugement, Mme X..., qui a eu la parole en dernier, demande que soient rejetés des débats les rapports des 16 octobre 2000 et 4 juin 2002 ;
Qu'au soutien de ses prétentions, elle invoque l'article 11 de la loi d'amnistie no 2002-1062 du 6 août 2002, l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et l'autorité de la chose jugée dès lors que les faits y dénoncés ne sont pas contraires à l'honneur, à la probité et à l'honnêteté et que la Cour d'appel de Versailles a rejeté le rapport du 16 mai 2002 ; qu'elle en déduit que la procédure est nulle et qu'il y a lieu de constater l'extinction des poursuites ;
Que, subsidiairement et au fond, Mme X...demande que soit rejetée la demande de destitution ;
Qu'à l'appui de cette prétention, elle fait valoir que les faits relevés dans les fiches de constat portant les numéros 3 (système d'information), 4 (suivi de l'activité juridictionnelle), 5 (service rendu par le greffe), 6 (gestion des archives) et 10 (comptabilité des expertises) ne sont pas contraires à l'honneur, à la probité et à l'honnêteté et que les faits relevés dans les fiches de constat portant les numéros 7 (tarification du contentieux général), 8 (tarification des procédures collectives), 9 (saisines d'office) et 10 (comptabilité des expertises) ne sont pas constitués ;
Que Mme X...ajoute que, pour l'ensemble des reproches qui lui sont adressés, elle a suivi les recommandations de la mission d'inspection et que ces faits ne peuvent plus lui être imputés ;

Considérant que Mme Arrighi de Casanova, substitut de M. le procureur général conclut à la confirmation du jugement aux motifs que les faits reprochés à Mme X...sont nombreux, graves et de nature à porter atteinte à l'honneur et à la probité ;

Sur les moyens de procédure :

Considérant qu'en vertu de l'article 11 de la loi la loi d'amnistie no 2002-1062 du 6 août 2002, les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles sont amnistiés sauf manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes m œ urs ;
Que les faits constatés dans le rapport d'inspection de 2007 sont postérieurs au 17 mai 2002 de sorte qu'à cet égard, il n'existe aucune violation des dispositions susvisées ;
Que, toutefois, sera écarté des débats le rapport dressé au mois de juin 2002 qui comprend certains faits antérieurs au 17 mai 2002 ;
Que, sous cette réserve, la procédure suivie contre Mme X...n'est pas contraire aux exigences de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;

Considérant que les poursuites disciplinaires engagées contre Mme X...sont fondées exclusivement sur le rapport d'inspection daté du mois de février 2007 dont elle a eu connaissance avant la délivrance de l'assignation ;
Qu'il suit de là qu'il convient de statuer au vu de ce seul rapport et, partant, sans avoir égard aux rapports d'inspection qui ont été dressés auparavant et notamment les 16 octobre 2000 et 14 juin 2002, ni au compte-rendu d'inspection du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce en date du 26 juin 2002 ;

Au fond :

Considérant que les griefs articulés contre Mme X...et retenus par les auteurs du rapport d'inspection de 2007 se rapportent à huit catégories d'activités et de missions telles qu'elles sont définies par les articles R. 741-1, R. 741-2 et R. 741-3 du Code de commerce ;

1) Système d'information sur l'activité du greffe :

Considérant que Mme X...s'est trouvée dans l'incapacité de présenter aux inspecteurs des statistiques retraçant avec rigueur l'évolution de l'activité des exercices 2003 à 2005 et de fournir un état fiable du stock, les renseignements fournis par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce comportant des contradictions et l'activité liée au registre du commerce n'ayant pas été enregistrée en 2004 ;
Que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, ces faits sont caractéristiques de fautes professionnelles dès lors qu'il appartient au greffier de renseigner les autorités sur l'activité de sa juridiction afin que les services compétents soient en mesure notamment d'arrêter le nombre de juges consulaires ou d'évaluer ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de la juridiction ;

2) Suivi de l'activité juridictionnelle :

Considérant que les inspecteurs ont relevé une organisation administrative et une direction insuffisantes, une absence de « tableaux de bord », une information entre le greffe, les juges et les mandataires trop informelle, un traitement des jugements manquant de rigueur, une absence de mise en forme des décisions rendues sur le siège, des dossiers égarés ainsi que des pièces d'audience, des registres et des minutes mal tenus ;
Que ces désordres engendraient des retards dans la délivrance des actes et jugements et dans l'accomplissement des formalités de publicité ;
Que ces faits, nombreux, répétés et commis sur une longue période, sont le résultat de manquements professionnels imputables à Mme X...;

3) Qualité des services rendus par le greffe :

Considérant que les inspecteurs ont constaté que Mme X...était présente au greffe en décalage avec les horaires d'ouverture ; que, réitérée, une telle attitude est constitutive d'un manque de disponibilité, fût-il contesté, tant à l'égard des justiciables et des juges consulaires, qu'à l'égard du personnel qui, partant, ne trouvent, aux heures normales d'ouverture du greffe, l'interlocuteur responsable qu'ils sont en droit de rencontrer ;
Que les inspecteurs ont également dénoncé l'instabilité et le manque de formation du personnel, le mauvais traitement du courrier et des réclamations, les lettres reçues entre 2003 et 2005 étant entreposées sans ordre, et les retards de régularisation de dossiers anciens ou de publications au Bodacc ;
Considérant que, même si l'installation matérielle du greffe était inadaptée pour des raisons ne relevant pas de la responsabilité de Mme X..., il n'en demeure pas moins qu'une telle situation ne l'empêchait pas d'accomplir ou de confier à son personnel, au jour le jour, toutes les tâches imposées par les lois et règlements ;
Qu'à cet égard, les manquements reprochés à Mme X...sont caractérisés ;

4) Gestion des archives :

Considérant qu'a été constatée une absence de gestion responsable et volontariste des archives ainsi qu'un mauvais rangement nuisant au bon fonctionnement de la juridiction ;
Considérant que, même si, comme le soutient Mme X..., les inspecteurs ont pu qualifier d'archives ce qu'il est convenu d'appeler des dossiers vivants, il est établi que les dossiers, anciens ou contemporains, étaient très mal rangés, voire entreposés dans des lieux accessibles au public, ce qui les exposait à des risques de soustraction ou de malveillance ;
Que, même si, comme il est dit ci-avant, les locaux étaient inadaptés et, en tous cas, exigus, Mme X...a commis une faute professionnelle en ne séparant pas les archives et les dossiers vivants et en s'abstenant de prendre les initiatives propres à en assurer le classement et le rangement ;

5) Tarification du contentieux général :

Considérant qu'il ressort du rapport d'inspection que la tarification du contentieux général était largement majorée en raison de l'envoi d'avis d'audience aux parties, même lorsqu'elles étaient représentées, de la forfaitisation des frais de transmission ne correspondant pas aux frais engagés par le greffe et de la double facturation des frais postaux ;
Que, par exemple, les inspecteurs ont relevé, au titre des injonctions de payer délivrées au cours de l'exercice 2005, un excès de tarification de 4. 146, 56 euros ;
Que, de telles pratiques, qui conduisent à la surévaluation du coût des procédures et à la perception de recettes injustifiées, sont révélatrices, de la part de Mme X..., de manquements graves aux devoirs de sa charge ;

6) Tarification des procédures collectives :

Considérant qu'ont été relevées des majorations excessives des frais de procédure, des facturations d'actes ne figurant pas au tarif, telles que le droit d'appel, les fiches de « service d'audience » retraçant l'évolution de la procédure, les notes d'audience, les convocations et la notification des décisions du juge commissaire, ainsi que des facturations forfaitaires des publications supérieures aux factures réelles établies par les journaux d'annonces légales ;
Que, sur ce point, les premiers juges ont donné, en de plus amples motifs qu'il convient d'adopter, de nombreux exemples de facturations excessives qui, réitérées, étaient manifestement délibérées ;
Qu'il s'agit, sur ce point encore, de manquements graves ;

7) Saisines d'office :

Considérant que les inspecteurs ont relevé que les saisines d'office laissaient une part déterminante aux initiatives du greffe ; qu'ils ont également noté que la facturation des jugements de renvoi ou d'actes non prévus par le tarif était injustifiée et qu'elle aboutissait à une augmentation substantielle du coût des procédures ; qu'en outre, ils ont dénoncé des notifications inutiles ;
Que ces facturations illicites, par leur réitération et leurs conséquences, constituent également des manquements graves imputables à Mme X...;

8) Absence de comptabilité des expertises et gestion des consignations « hasardeuse » :

Considérant que les inspecteurs ont constaté que le greffe ne disposait pas de document fiable permettant d'avoir une vue précise des expertises en cours d'exécution et des comptes y afférents ; que, sur ce point encore, les premiers juges ont exactement retenu diverses anomalies de nature à établir un manque de rigueur dans la tenue des comptes et, le cas, échéant, dans l'encaissement et la restitution partielle des consignations ;
Que ces défaillances, plus amplement décrites par les premiers juges, sont pareillement constitutives de fautes professionnelles ;

Sur la sanction :

Considérant que, malgré les dénégations apportées par Mme X...sur certains points, l'ensemble des faits qui lui sont reprochés constituent des manquements aux devoirs de sa charge de greffier d'un tribunal de commerce ;
Que, tout particulièrement, les fautes professionnelles tenant aux tarifications excessives qui, en aucun cas, ne sauraient provenir d'erreurs ou de négligences, consistent, non seulement en des fautes graves, mais également en des manquements à l'honneur et à la probité ; qu'en outre, ils sont de nature à jeter le discrédit sur la juridiction consulaire ;
Qu'en conséquence et malgré les corrections et améliorations apportées depuis la fin de la mission d'inspection, il convient d'approuver les premiers juges qui ont prononcé la destitution de Mme X...;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt rendu le 25 février 2010 par la Cour de cassation ;

Confirme le jugement rendu le 27 mars 2008 par le Tribunal de grande instance de Chartres qui a prononcé la destitution de Mme Laurence X..., greffier associé, membre de la S. C. P. Laurence X..., titulaire de l'office de greffier du Tribunal de commerce de Dreux ;

Condamne Mme X...aux dépens.

LE GREFFIER/ LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/20304
Date de la décision : 22/05/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-05-22;10.20304 ?
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