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15/05/2012 | FRANCE | N°11/025877

France | France, Cour d'appel de Paris, C1, 15 mai 2012, 11/025877


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 15 MAI 2012

(no 150, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02587

Décision déférée à la Cour :
jugement du 19 janvier 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 05055

APPELANTE

SARL G. C. FINANCIERE, représentée par son gérant en exercice et tous représentants légaux.
...
27500 PONT AUDEMER
représentée par Me Laurence TAZE BERNARD (avoc

at au barreau de PARIS, toque : D1817)
assistée de Me Dominique-Lucie BOQUET (avocat au barreau de PARIS, toque : C0263)

INTIM...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 15 MAI 2012

(no 150, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02587

Décision déférée à la Cour :
jugement du 19 janvier 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 05055

APPELANTE

SARL G. C. FINANCIERE, représentée par son gérant en exercice et tous représentants légaux.
...
27500 PONT AUDEMER
représentée par Me Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : D1817)
assistée de Me Dominique-Lucie BOQUET (avocat au barreau de PARIS, toque : C0263)

INTIMES

SELARL DECROIX-CAMPAGNE, agissant en la personne de ses représentants légaux.
...
75002 PARIS

Maître Olivier X...
...
75002 PARIS

Monsieur Eric Y...
...
75002 PARIS

SA à DIRECTOIRE ET CONSEIL DE SURVEILLANCE COVEA RISKS, agissant en la personne de ses représentants légaux.
...
92110 CLICHY

représentés par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistés de Me Sabine du GRANRUT (avocat au barreau de PARIS, toque : D2000)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mars 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Claire VILACA

ARRET :

- contradictoire

-rendu publiquement par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré et en l'empêchement du président de chambre,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré, en l'empêchement du président de chambre et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**************

Par acte sous seing privé en date du 16 janvier 2009, la Sarl GC Financière, représentée par sa gérante Mme C..., a confié à M. Laurent D...en qualité de consultant, et en exclusivité, une mission de prestations de service ayant pour objet l'assistance et l'accompagnement lors de l'acquisition d'un fonds de commerce
d'hôtellerie à Paris, prévoyant une rémunération fixée selon les usages à 4 % de la valeur du fonds plafonnée à 100 000 € HT, convention dans laquelle il était prévu que le consultant, dénommé le conseil, ferait appel à deux autres intervenants, d'une part le Cabinet d'expertise comptable Segec, pour assister le client dans les aspects comptables et financiers et d'autre part le cabinet d'avocats Decroix Campagne, agissant par M. Eric Y... et M. Olivier X..., avocats associés, à l'effet d'assister le client dans la négociation et la rédaction de la documentation juridique relative à l'acquisition.

La Sarl GC Financière, a signé le 5 mai 2009 un acte définitif de cession dudit fonds, moyennant le prix de
3 153 040 €, par lequel elle a acquis l'intégralité des actions de la société hôtelière du Gros Caillou, société par actions simplifiée, propriétaire et exploitante du fonds de commerce d'hôtellerie situé ...7 ème, pour les avoir acquises de la Sarl Hôtel de la Paix qui en était détentrice.

Il résulte des pièces versées aux débats que la prise de possession des lieux s'est faite le 5 mai 2009 au soir et, à la demande de Mme C..., représentant la Société Hôtelière du Gros Caillou, un constat a été dressé par M. Pascal E..., huissier de justice, dès le 6 mai 2009, pour lister tous les travaux réalisés par la société Hôtel de la Paix pour son compte, présentant d'importantes malfaçons et non entièrement réalisés, l'hôtel présentant un certain nombre de désordres, puis, toujours à la demande de Mme C..., ès qualités, un second constat sera établi le 10 juin 2009 par la Scp d'huissier de justice Daigremont-Chapuis, ayant pour objet de procéder sur place à toutes constatations utiles, les travaux de 220 000 € devant être réalisés par la venderesse ne correspondant pas à ceux prévus et des malfaçons évidentes lui causant un préjudice dans l'exploitation des lieux.

Par un premier courrier du 20 mai 2009, suivi d'un second du 4 juin 2009 M. Y... s'est adressé au Cabinet Boullier, à l'attention de M. F..., avocat, en ces termes :
" Mon cher confrère,
Je fais suite à mon courrier du 20 mai 2009 lequel relatait de graves problèmes de dysfonctionnements tant dans les travaux de rénovation incombant à votre client que relatif aux travaux de mise en sécurité... A ce jour, ces dysfonctionnements dont vous trouverez ci-après une liste récapitulative et non exhaustive, n'ont toujours pas été solutionnés par votre client.
Je vous rappelle qu'à défaut d'exécution, mes clients m'ont donné instruction de prendre toute mesure, y compris judiciaire, de nature à assurer la défense de leurs intérêts. "

Le 5 août 2009, la société GC Financière a engagé une procédure de référé expertise devant le tribunal de commerce de Paris dont elle a été, par ordonnance du 2 octobre 2009, déboutée, puis sur appel, la cour d'appel de Paris a fait droit aux termes d'un arrêt du 19 mai 2010.

Le 5 novembre 2009, Mme C..., au nom de la SAS société hôtelière du Gros Caillou, a adressé à M. Eric Y..., du cabinet Decroix Campagne, un courrier lui imputant des fautes et erreurs manifestes, rappelant dans cette lettre qu'il a été signé au cabinet Laurent D...une promesse d'achat de l'hôtel d'une valeur de 3 000 000 € en l'état le 16 janvier 2009 puis un protocole d'accord a été rédigé par le conseil du vendeur le 28 janvier 2009 pour le prix de 3 220 000 €, la différence de prix de 220 000 € devant être justifiée par des factures en original lors de la signature définitive de l'acte de cession, effectuée dans les locaux du cabinet Decroix Campagne : dans cette correspondance, Mme C..., après avoir rappelé qu'elle a pu, après la réunion du 27 octobre 2009 tenue avec l'expert comptable, M. G...et M. D..., constater " un manquement de la part de l'avocat dans le suivi du dossier, avant, pendant et après ", dès lors que " l'acte de cession a subi des modifications importantes par rapport au protocole d'accord et ceci sans nous avoir préalablement informé, ce qui est contraire à la loi ", indiquant encore :
" Aujourd'hui une procédure est en cours à l'encontre du vendeur, Maître G..., votre confrère, en a la responsabilité, (...), et " de manière non exhaustive, nous vous avons réclamé à plusieurs reprises des documents originaux qui auraient dû être annexés à l'acte et validés par vos soins lors de la signature, à savoir... (suivi d'une liste comparative entre A : dans l'acte de cession et B : dans le protocole d'accord). La loi exige les originaux lors de la signature même, ce qui n'a pas été le cas (...) puis poursuivant par " or, il s'est avéré lors de la signature que les vendeurs étaient dans l'incapacité de fournir un justificatif des travaux réalisés, et ajoutant en ces termes : " votre rôle de conseil à mon sens aurait conduit soit à refuser la signature ou à mettre toutes les réserves nécessaires dans le but d'éviter les litiges actuels que nous subissons sur l'ensemble des problèmes évoqués. Aussi, je vous rappelle qu'à plusieurs reprises, il a été précisé que l'architecte devait superviser les travaux et délivrer une attestation de fin de chantier. Ce document n'a pas été réclamé par vos soins. " puis encore " il serait judicieux de votre part de reprendre le dossier point par point et de nous fournir l'ensemble des documents en votre possession à la fois pour conforter la procédure en cours chez Maître G...et aussi pour la gestion des pannes incessantes à l'hôtel. Il s'agit en l'occurrence des factures d'immobilisation et de la facture de l'installation électrique des portes coupe-feu qui à ce jour sont en dysfonctionnement. Je nécessite (sic) également le montant exact et détaillé des travaux de mise en sécurité pour la conformité 2011 réglé en plus des 220 000 € " (...).

C'est dans ce contexte que par deux actes des 23 mars et 16 avril 2010 la Sarl GC Financière a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la Selarl Decroix Campagne, M. Olivier X..., M. Eric Y..., avocats membres de ladite Selarl et en intervention forcée et appel en garantie la société Covea Risks, leur assureur de responsabilité professionnelle, pour, se fondant sur les dispositions de l'article 1382 du code civil et celles tant de la loi du 31 décembre 1971 relative aux professions judiciaires que du décret du 27 novembre 1971, faisant le reproche à ce cabinet d'avocats rédacteur d'avoir manqué à son devoir de conseil et de vérifications le 5 mai 2009 lors de l'établissement de l'acte par lequel elle a acquis l'hôtel susvisé dans lequel ils auraient dû insérer une clause de réserves ou lui conseiller de différer sa signature, dès lors notamment que l'acte de cession définitif n'a pas été l'exact reflet de ce qu'avait prévu la promesse de vente du 28 janvier 2009 pour n'avoir pas reproduit l'ensemble des obligations mises à la charge de la société Hôtel de la Paix et ne pas comporter la totalité des documents annoncés dans la promesse permettant seuls d'assurer le contrôle de la valeur financière de la chose vendue, dès lors encore que les travaux que la cédante avait pris l'engagement de réaliser se sont avérés défectueux, ce qui aurait dû entraîner une minoration du prix des actions, demander à titre principal leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 658 081 € à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert pour réunir les éléments utiles à la détermination de son préjudice.

Par jugement en date du 19 janvier 2011, le tribunal a prononcé la nullité de l'assignation et déclaré l'action introduite par la société GC Financière irrecevable, a condamné la société GC Financière à payer les dépens ainsi qu'à payer aux défendeurs la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 10 février 2011 par la Sarl GC Financière, représentée par son gérant,

Vu les conclusions déposées le 6 mars 2012 par l'appelante qui demande d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, au visa des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, de dire son assignation régulière et son action recevable au motif qu'elle a respecté les dispositions de l'article 56- 2o du code de procédure civile sans faire grief aux intimés pour s'être fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil relatives à la responsabilité quasi délictuelle, dès lors qu'elle soutient que les avocats rédacteurs d'actes par elle mandatés lui ont été imposés dans le cadre de la convention du 16 janvier 2009 avec M. Laurent D..., consultant, convention dont elle a demandé au demeurant l'annulation devant le tribunal de commerce de Bernay, instance toujours en cours, d'évoquer et de statuer au fond, et au constat que les manquements par elle invoqués, tant aux termes de ladite assignation qu'au vu des présentes conclusions constituent des fautes professionnelles en lien direct avec le préjudice par elle subi dont elle est fondée à demander la réparation par l'octroi de dommages et intérêts, de condamner solidairement les intimés et leur assureur à lui payer la somme 651 883, 72 €, la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens, subsidiairement de désigner un expert avec mission de réunir tous éléments utiles à la détermination de son préjudice et dans ce cas de condamner les intimés solidairement à lui verser une indemnité provisionnelle de 300 000 €, plus subsidiairement, de lui donner acte de sa demande de sursis à statuer jusqu'à production aux débats du rapport de l'expert Gérard H..., désigné par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 19 mai 2010, avec extension de la mission de cet expert par arrêt de la même cour du 22 février 2012, en ce cas, lui allouer une indemnité provisionnelle de 300 000 €, plus subsidiairement encore, usant de la faculté accordée au juge par l'article 12 du code de procédure civile, de qualifier le fondement juridique de la demande figurant dans l'assignation introductive d'instance comme relevant des dispositions de l'article 1147 du code civil relatives à la responsabilité contractuelle et de statuer au fond, lui donnant acte qu'elle forme une telle demande de qualification,

Vu les conclusions déposées le 20 mars 2012 par les intimés qui demandent de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation et déclaré irrecevable l'action introduite par la société GC Financière, de dire que les demandes subsidiaires de l'appelante sont irrecevables au regard du caractère général des manquements allégués et que les préjudices invoqués ne sont pas caractérisés au regard de la procédure pendante devant la cour d'appel de Paris à l'encontre de la société First Luxe Hôtel, de la débouter de l'ensemble de ses demandes comme irrecevable et de la condamner à verser à chacun d'eux la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que de la condamner aux entiers dépens.

SUR CE :

Sur la validité de l'assignation introductive d'instance et la recevabilité de la demande de la société GC Financière :

Considérant que devant les premiers juges, les défendeurs ont fait valoir que les textes inadéquats ou trop généraux qui ont été invoqués à son encontre par la société GC Financière pour fonder son action, dont l'article 123 du décret du 27 novembre 1991, texte abrogé, dont encore la loi du 31 décembre 1971 relative à la profession d'avocat, dont enfin les dispositions de l'article 1382 du code civil, alors que le litige met en cause la responsabilité d'un avocat dont il est constant qu'il était bien le mandataire de ladite société, ayant approuvé sans réserve son intervention comme rédacteur de l'acte final, ce qui est au surplus confirmé par la convention la liant au cabinet Laurent D..., quand bien même la société GC Financière n'a pas cru devoir appeler ce dernier à la présente instance, sont l'équivalent d'un défaut de motivation en droit qui leur occasionne un grief dans l'organisation de leur défense, conformément aux dispositions de l'article 56- 2o du code de procédure civile, selon lesquelles l'assignation doit comprendre l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;

Considérant que l'appelante reprenant son argumentation de première instance, et bien qu'elle accepte devant la cour de se fonder subsidiairement sur la responsabilité contractuelle, insiste sur le fait qu'elle peut librement fonder son action sur la responsabilité délictuelle dès lors que les griefs qu'elle invoque sont suffisamment précis pour permettre à ses adversaires de se défendre puisqu'elle considère que la désignation du cabinet Decroix Campagne lui a été imposée, ce dans le cadre d'un circuit condamnable entre le consultant, le cabinet Boullier, conseil habituel des vendeurs, la société Hôtel de la Paix, dont les titulaires des parts du capital et responsables sont les époux I...et le cabinet d'avocat présentement intimé, coalition ayant pour but de la désavantager au profit des vendeurs ; qu'elle critique le jugement déféré en ce qu'il a refusé de " requalifier " sa demande au seul motif que la société GC Financière, bien qu'interpellée par son adversaire sur la difficulté de fonder son action sur la responsabilité quasi-délictuelle, n'a pas modifié ni complété sa demande ; qu'elle fait valoir que d'une part, les dispositions de l'article 74 du code de procédure civile s'opposaient à la demande d'irrecevabilité ainsi opposée par l'avocat dès lors que le reproche de ce dernier relatif à des demandes trop générales, relevait de la discussion de fond, qui ne pouvait être abordée qu'en second lieu et qui ne pouvait donc justifier une exception de procédure au sens dudit article 74 ; qu'elle ajoute que les fautes étaient nettement énumérées et définies, avec une liste de 7 manquements, que l'avocat, pourtant professionnel, n'a pas contrôlé les travaux exigés ni la remise des justificatifs de leur exécution, qu'il n'a pas davantage vérifié les documents comptables et financiers et malgré les différences entre la promesse et l'acte de cession, ne l'a nullement conseillée ; qu'elle soutient que les premiers juges pouvaient aisément " requalifier " la demande, puisque les conditions de responsabilité sont les mêmes, seule l'indemnisation du préjudice obéissant à des règles différentes et qu'ils pouvaient aussi la débouter, estimant par ailleurs, pour répondre à la critique des intimés sur ce point, que des acquéreurs sont libres d'agir séparément contre le consultant, ce qui a été le cas à propos des honoraires réclamés par ce dernier, qu'elle n'a pas accepté de régler en totalité, l'instance étant pendante devant la cour d'appel de Rouen ;

Considérant que les intimés font valoir de leur côté, sur la " requalification ", qu'il ne s'agit que d'une faculté pour le juge et nullement d'une obligation ;

Considérant que s'il est exact que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit, il convient de constater qu'en l'espèce, si certes la société GC Financière a fait référence de manière confuse à divers textes parfaitement inadéquats, allant jusqu'à viser la loi du 31 décembre 1971 dans son ensemble ou les règles déontologiques de la profession d'avocat, pour autant elle n'a pas placé ses adversaires dans l'impossibilité d'organiser utilement leur défense ; qu'en effet, l'objet de sa demande était identifiable ; que l'assignation exposait les faits, la nature de ses reproches, notamment in fine en page 7, dans le paragraphe intitulé " la faute ", faisait valoir que le défaut de conseil l'avait privée, avant la signature, de la maîtrise des réels manquements de la cédante, détaillant longuement entre les travaux exigés par l'administration, les autres travaux indispensables pour la conformité de la chose vendue et les éléments comptables et financiers indispensables à la détermination de la valeur exacte de la chose vendue ; qu'elle exposait ensuite l'évaluation chiffrée de son préjudice, poste par poste ; qu'ainsi la partie adverse pouvait organiser sa défense et qu'une telle assignation n'encourait pas la nullité par application des dispositions de l'article 56- 2o du code de procédure civile ; que la décision des premiers juges est en conséquence contestable en ce qu'ils ont considéré qu'il aurait fallu, au regard des contradictions manifestes contenues dans les prétentions de la société GC Financière, ce qui relève toutefois du mal fondé de son argumentation et de son action, une régularisation des écritures ou à tout le moins une demande subsidiaire et qu'en l'absence de réaction de la partie concluante, pourtant interpellée à ce propos par son adversaire, il ne leur appartenait pas de " requalifier " le fondement juridique, les fautes en matière contractuelle et quasi-délictuelle étant de nature différente ; que l'article 12 du code de procédure civile qui dispose en son deuxième alinéa que " il (le juge) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée " permettait de statuer en l'espèce en appliquant les règles de la responsabilité contractuelle ; qu'en conséquence le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et l'entier litige évoqué ;

Sur le fond :

Considérant que les intimés font principalement valoir que la demande tendant à rechercher leur responsabilité civile professionnelle contractuelle est en tout état irrecevable car mal dirigée et mal fondée dès lors que l'appelante, bien que faisant état à leur encontre d'une prétendue liste de griefs liés à leurs prétendues fautes, notamment du fait de l'absence de conseils et de vérifications, rencontre en réalité des difficultés ayant pour seule origine diverses non-conformités de l'immeuble et qu'elle opère une confusion avec les manquements de la cédante, ce que vient d'ailleurs confirmer la procédure d'expertise en cours, décidée par un arrêt de la présente cour du 19 mai 2010, complété par un autre arrêt très récent, procédure concernant les travaux, les mises en conformité, c'est à dire relative à des aspects techniques et à un éventuel préjudice économique ;

Considérant que les intimés rappellent, puisque la cessionnaire se plaint du consultant, soutenant qu'il y a eu absence totale de prestations de service auxquelles il s'était obligé, dont l'obtention d'un moindre prix de vente et surtout, considère qu'il lui a imposé comme une condition la désignation du cabinet d'avocats Decroix-Campagne, représenté par M. Eric Y..., à l'effet de l'assister dans la négociation et la rédaction de la documentation juridique relative à l'acquisition, les termes de la convention signée avec le cabinet Laurent D...et la mission de ce dernier, soit :
- présentation complète (juridique, comptable, financière, technique ; administrative) de l'Hôtel,
- définition du montage d'acquisition de l'hôtel et modalités de sa réalisation,
- assistance des clients dans le cadre de la négociation,
- recherche des concours bancaires,
- organisation des rendez-vous avec les intervenants à l'opération ;
Qu'ainsi, le consultant était chargé d'orchestrer l'intégralité de la vente et de suivre toutes les étapes du processus de négociation, tandis que le cabinet d'avocats intimé, en collaboration avec le cabinet Boullier, a rédigé le protocole d'accord de promesse de vente entre cédant (la société Hôtel de la Paix) et cessionnaire (la société GC Financière), à partir des indications données par les parties et le consultant sur les travaux de rénovation de l'hôtel, d'autant qu'entre l'offre d'achat du 16 janvier 2009 et la signature de la promesse de cession du 28 janvier 2009, des discussions sont intervenues sur lesdits travaux entre les parties par l'intermédiaire du consultant ; qu'il a été décidé, avant la cession, que le vendeur doit en réaliser certains, qu'il avait déjà commencé à réaliser et que, contractuellement, le prix a été d'ailleurs un peu augmenté, de
3 000 000 à 3 220 000 € ; qu'après la signature, les acquéreurs sont revenus vers leur avocat pour lui signaler les difficultés relatives aux travaux de rénovation, non achevés, qu'ainsi il a écrit à la cédante mais n'a pas obtenu de réponse de cette dernière ; qu'une procédure à l'encontre de la cédante afin que soit ordonnée une expertise a été alors engagée par la société GC Financière, d'abord refusée par le juge des référés du tribunal de Commerce, puis infirmée en appel et par un arrêt du 19 mai 2010, la cour d'appel de Paris a ordonné une mesure d'expertise concernant les désordres invoqués par la société cessionnaire ;

Considérant que les intimés, qui en qualité de rédacteurs, estiment n'avoir pas commis de faute et avoir rempli leurs obligations, s'agissant de l'obligation de contrôle des travaux exigés dans la promesse de cession, et plus précisément des travaux exigés par l'administration, dont le point essentiel de mise en sécurité de l'hôtel par le vendeur, renvoient dans leurs écritures aux déclarations détaillées du cédant, figurant en page 12 de la promesse de cession, soulignant qu'en annexe à la promesse, ont été visées par les parties la notification de la Préfecture de Police du 1er Octobre 2008 à la suite de la visite du 19 septembre 2008 et le procès-verbal de contrôle du 19 septembre 2008, ainsi que le dossier de mise en sécurité daté du 23 janvier 2009 établi par la société ACTS et la réception de ce dossier d'aménagement par la Préfecture de Police en date du 27 janvier 2009, outre le courrier de demande de dérogation du 17 décembre 2008 adressé par l'Hôtel de la Paix ; qu'ils précisent que le cabinet Boullier, avocat des vendeurs, est intervenu comme co-rédacteur et que toutes les pièces nécessaires ont été regroupées dans un " assemblact " dont un exemplaire original a été remis à chaque partie ;

Considérant qu'ils en déduisent que les acheteurs ont eu une complète information sur la situation de l'hôtel qu'ils achetaient et particulièrement sur la mise en sécurité dudit hôtel dont la procédure était en cours ; que la cédante s'engageait pour les travaux de mises aux normes requises par la notification de la Préfecture de police avant la vente, ce qui a été effectué, comme en atteste le paragraphe de l'acte de cession et qu'il a été clairement précisé que dans l'hypothèse où d'autres travaux seraient exigés des services administratifs après la signature de la promesse, ils seraient à la charge de l'acquéreur, ce qui a été accepté par ce dernier ; que tous ces éléments ont fait l'objet d'annexes techniques, visées par les parties et qu'à l'issue de la promesse de cession, l'ensemble des conditions suspensives a été dûment levé, tel qu'en attestent les pièces produites par l'appelante ; que les acquéreurs pouvaient et devaient suivre le chantier des travaux de rénovation entre la date du 28 janvier 2009 et le 5 mai 2009, sans pouvoir invoquer désormais des défauts à les en croire si nombreux et si visibles qu'ils auraient, dans ce cas, dû les conduire à ne pas signer l'acquisition ; que d'ailleurs un inventaire a été réalisé par le cabinet D...en présence des parties le 5 mai 2009, le matin même de la signature et c'est donc en toute connaissance de cause que les cessionnaires ont donné acte de la réalisation des travaux de rénovation effectués par la cédante en application du descriptif de travaux établi le 28 janvier 2009 par M. J..., architecte d'intérieur, qu'ainsi ayant eux-mêmes réceptionné les travaux, ils ne peuvent faire le reproche, à leur avocat, de travaux inachevés ou mal réalisés ; que l'expertise en cours diligentée dans une procédure distincte vient confirmer que les intimés ne sauraient être concernés par l'état des travaux ;

Considérant que l'appelante, de son côté, soutenant que peu importe le rôle du consultant, rétorque que les acquéreurs n'étaient pas censés, au seul vu de la promesse de vente, donner des directives et contrôler des travaux devant être accomplis par la cédante, encore propriétaire ; qu'elle soutient qu'il est inexact de prétendre qu'un inventaire ait été réalisé le 5 mai 2009 par le consultant, soit le jour de la signature, par lequel ils auraient avalisé les travaux effectués par la cédante ; qu'elle considère que les fautes et manquements par elle allégués n'ont pas de caractère général, précise qu'ils sont au contraire minutieusement énumérés et décrits en leur consistance et qu'ils sont, dans l'ordre, les suivants, et textuellement ;
"- l'acte définitif n'est pas l'exact reflet de la promesse de vente,
- il y a dans l'acte de cession une clause injustement aux seuls intérêts de la cédante,
- la mention dans l'acte de cession selon laquelle le cessionnaire avait donné acte à la cédante de ce qu'elle avait examiné les pièces justificatives est fausse,
- la défaillance dans l'énonciation et le contrôle des travaux exigés par l'administration,
- l'absence d'information et des mentions à l'acte des réserves utiles à la préservation des intérêts de la cessionnaire,
- l'absence de contrôle des éléments comptables (notamment bilans) d'autant plus exigés qu'il s'est agi d'une cession d'actions (actif bien supérieur à la réalité)
- même observation pour la présentation à la signature de l'acte de cession sans vérification préalable de la conformité de l'installation du gaz combustible exigée dans la promesse de vente " ;

Considérant que l'appelante renvoie à cet égard aux explications très détaillées contenues dans ses conclusions en pages 46 à 49, sous forme de deux tableaux récapitulatifs et non exhaustifs de 14 manquements dans le cadre de la promesse de vente et de 11 manquements dans le cadre de la cession, dont chacun est chiffré tant pour les travaux que pour le préjudice commercial ;

Considérant en premier lieu que c'est pertinemment que les intimés s'appuient sur l'existence et la nature des autres procédures engagées comme venant confirmer que le seul réel préjudice dont puisse arguer la cessionnaire concerne l'évolution des travaux, pour ceux à la charge des cédants, étant d'ailleurs observé que la cessionnaire n'a pas mis en jeu la garantie de passif dont elle bénéficie, préjudice allégué dont un avocat ne saurait, du seul fait de sa qualité de juriste, être responsable ; qu'il en veut pour confirmation, si besoin, le fait que l'appelante demande subsidiairement un sursis à statuer pour disposer de l'expertise en cours, procédure à laquelle il n'est pas partie ;

Considérant en second lieu que les explications des intimés sus-rappelées sont particulièrement pertinentes, en ce qu'elles permettent d'exclure toute défaillance du cabinet d'avocats rédacteur d'acte à propos soit de l'évaluation des travaux de rénovation, contractuellement convenue entre les parties, soit encore dans la remise de pièces comptables, alors que l'avocat n'a jamais été missionné à ce titre puisque intervenait dans la cession un cabinet d'expertise comptable et que le rédacteur d'acte ne pouvait établir la valeur de parts qu'à un moment précis, en arrêtant la valeur de l'actif à titre forfaitaire, au regard des éléments dont il disposait ;

Considérant encore, dès lors que l'appelante fait valoir que l'acte définitif de cession n'est pas l'exact reflet de la promesse de vente, que ce constat n'établit nullement ni une nécessaire contradiction entre les deux actes, ni un manquement patent du rédacteur d'acte, puisque certaines formulations ne pouvaient qu'être modifiées au regard de la réalisation de travaux de rénovation ; que d'autre part, lorsque l'appelante, s'appuyant notamment sur de nombreuses et diverses dispositions administratives ou légales, reproche à son conseil de multiples omissions, telles que ne pas avoir exigé telle production de bail, tel descriptif des travaux, tel état des risques naturels, liste dont elle précise elle-même qu'elle n'est pas exhaustive, il s'agit de griefs parfaitement théoriques, dont il n'est pas expliqué quel pourrait être leur lien direct de causalité avec le préjudice dont l'appelante se prévaut, puisque ce dernier, certes listé et chiffré poste par poste en pages 50 et 51 de ses écritures, soit se rattache à la contexture même de la chose vendue et revêt un caractère strictement technique, (sécurité-salubrité, installation du gaz, climatisation, téléviseurs et travaux), soit relève du prix et des éléments comptables prétendus inexacts, soit se rattache au trouble commercial qui aurait été subi, tous éléments en l'état seulement éventuels de préjudice qui peuvent concerner la cédante, mais, en tout état, ne sont pas susceptibles de se rattacher directement à la prise en charge juridique de l'acte d'acquisition ni de permettre d'engager aussi la responsabilité civile de l'avocat rédacteur d'acte, ce qui est encore démontré par le fait que, encore contradictoirement avec leur propre thèse, les acquéreurs demandent finalement un sursis à statuer ;

Considérant en conséquence que l'action de la société GC Financière est mal fondée, qu'elle en sera déboutée ;

Considérant que l'appelante succombant sur l'essentiel de ses prétentions supportera les dépens d'appel et sera déboutée de la demande par elle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande, pour les frais irrépétibles de procédure par eux engagés, de faire application de ces mêmes dispositions au profit des intimés, dans les termes du dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Evoquant et statuant à nouveau,

Déboute la société GC Financière de toutes ses demandes,

Condamne la société GC Financière à payer à la Selarl Decroix Campagne, à M. Olivier X..., à M. Eric Y... et à la société Covea Risks chacun la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société GC Financière aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER/ LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 11/025877
Date de la décision : 15/05/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-05-15;11.025877 ?
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