La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2012 | FRANCE | N°11/010317

France | France, Cour d'appel de Paris, C1, 15 mai 2012, 11/010317


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 15 MAI 2012

(no 148, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01031

Décision déférée à la Cour :
jugement du 5 janvier 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 10881

APPELANTE :

SCI POINTE DE L'ESQUILLON II, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant
...
06590 THEOULE SUR MER
Représentée par : Me Nathalie HERSCOVICI de l

a SELARL HERSCOVICI (avocat au barreau de PARIS, toque : L0056) HJYH Avocats
Assistée de Me Julie de LASSUS SAINT GENIES (av...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 15 MAI 2012

(no 148, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01031

Décision déférée à la Cour :
jugement du 5 janvier 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 10881

APPELANTE :

SCI POINTE DE L'ESQUILLON II, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant
...
06590 THEOULE SUR MER
Représentée par : Me Nathalie HERSCOVICI de la SELARL HERSCOVICI (avocat au barreau de PARIS, toque : L0056) HJYH Avocats
Assistée de Me Julie de LASSUS SAINT GENIES (avocat au barreau de PARIS, toque : D1007)

INTIMEE :

Société CLIFFORD CHANCE EUROPE-LLP SELAFA, prise en la personne de ses représentants légaux.
9 place Vendôme
75001 PARIS
Représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
Assistée de : Me Jean Pierre DUFFOUR de la SCP DUFFOUR et ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0470)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mars 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Sabine DAYAN

ARRET :

- contradictoire

-rendu publiquement par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré et en l'empêchement du président de chambre,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré, en l'empêchement du président de chambre et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La Cour,

Considérant qu'au cours de l'année 1990, MM. Christopher D...et Alain E..., ont sollicité l'assistance de la Selafa Clifford Chance Europe, avocats, en vue de la constitution de deux sociétés civiles immobilières la S. C. I. Pointe de l'Esquillon I et la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II qui avaient pour objet la construction d'une villa devant être édifiée sur un terrain acquis en indivision et situé à Théoule-sur-Mer (Alpes maritimes) ;
Que MM. D...et E...résidant, comme leurs associés, en Angleterre, n'ont pas voulu engager les frais de domiciliation et qu'ils ont demandé à la Selafa Clifford Chance Europe, qui a accepté, de fixer le siège des deux sociétés à l'adresse du cabinet, situé à l'époque, ...à Paris, 16ème arrondissement) ;
Qu'en 1991, le cabinet Clifford Chance a déménagé pour s'installer ...à Paris, 16ème arrondissement) ; qu'il en a informé sa clientèle mais sans suggérer à MM. D...et E...de transferer le siège social des deux sociétés ;
Que, plusieurs années plus tard et, plus précisément, en 1996, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II, gérée par M. E..., a été attraite en justice par le groupement des associations de défense des sites et de l'environnement de la Côte d'azur, désigné ci-après sous le sigle Gadseca ; que, n'ayant pas transféré son siège social, elle n'a pas été touchée par l'assignation, ni été entendue par l'expert désigné par ordonnance de référé, dont le rapport faisait apparaître que les constructions édifiées et les travaux effectués ne respectaient ni les servitudes résultant d'un acte de 1908, ni la réglementation de la zone ;
Qu'au vu de ce rapport, le Gadseca a saisi le Tribunal correctionnel de Grasse qui, par jugement rendu par défaut le 13 mai 1998, a ordonné la démolition des constructions ; ayant eu connaissance du jugement, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II a, sur les conseils de la Selafa Clifford Chance Europe, formé opposition par l'intermédiaire de nouveau conseil ; que l'affaire est pendante devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Que, de même, le Gadseca a fait assigner la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II devant le Tribunal de grande instance de Grasse qui l'a condamnée à payer diverses sommes ; que tous les recours exercés contre cette décision, assortie de l'exécution provisoire, ont échoué ;
Que, dans ces circonstances, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II a recherché la responsabilité de la Selafa Clifford Chance Europe devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 5 janvier 2011, l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la Selafa Clifford Chance Europe la somme de 5. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Considérant qu'appelante de ce jugement, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II, qui en poursuit l'infirmation, demande que la Selafa Clifford Chance Europe soit condamnée à lui payer la somme de 83. 283, 51 euros correspondant au coût de la remise en état et actualisée en fonction de l'indice du coût de la construction de 2011, la somme de 2. 286, 74 euros correspondant au montant des condamnations correctionnelles, la somme de 30. 000 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 50. 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge notamment par l'arrêt qui sera rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Qu'à l'appui de son recours, l'appelante fait valoir que, comme l'ont décidé les premiers juges en des énonciations qui doivent être approuvées, la Selafa Clifford Chance Europe a commis une faute professionnelle en n'attirant pas son attention sur la nécessité de transférer son siège social ;
Que, s'agissant du préjudice, l'appelante soutient que le Gadseca a mené toutes les procédures à l'adresse mentionnée sur l'extrait K bis alors que, si, informée desdites procédures, elle avait été en mesure de comparaître devant le Tribunal correctionnel de Grasse, elle aurait pu démontrer, d'une part, que les travaux ont été réalisés conformément aux autorisations administratives et à l'initiative du maire de Théoule-sur-Mer qui a délivré un certificat de conformité et, d'autre part, qu'il a été remédié aux travaux dont il s'agit et que cette remise en état a été entièrement financée par elle ;
Qu'à titre subsidiaire, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II sollicite une mesure d'expertise afin que soit examinée la conformité des constructions et, en conséquence, la perte de chance d'obtenir une décision moins défavorable devant le Tribunal correctionnel de Grasse ;

Considérant que la Selafa Clifford Chance Europe conclut à la confirmation du jugement aux motifs que, si elle ne conteste pas avoir omis d'inciter M. E...à transférer le siège social de la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II, il n'en demeure pas moins que, dès 1995, le susnommé avait connaissance du changement d'adresse du cabinet et que, surtout, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II, assistée d'un nouveau conseil, ne démontre pas avoir perdu la chance de n'être pas condamnée par le Tribunal correctionnel de Grasse, ni d'obtenir la réformation du jugement du Tribunal de grande instance de Grasse alors surtout qu'elle n'a pas effectué les recours utiles contre ces décisions ; qu'elle ajoute qu'en réalité, le préjudice subi par la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II, s'il existe, n'est que le résultat de ses propres fautes puisque la conformité des constructions n'a été obtenue qu'en 1999 et qu'à cette époque et postérieurement, elle avait mandaté d'autres avocats ;
Qu'à titre subsidiaire, la Selafa Clifford Chance Europe conteste le montant du préjudice tel qu'il est évalué par l'appelante ;

SUR CE :

Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges en de plus amples motifs qu'il convient d'adopter, il appartenait, en 1991, à la selafa Clifford Chance d'aviser expressément la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II de la nécessité de modifier ses statuts par le choix d'un nouveau siège social, situé, selon le choix opéré par l'assemblée générale, soit à la nouvelle adresse de la selafa Clifford Chance, soit en tout autre lieu ;
Qu'en s'abstenant d'agir ainsi, la selafa Clifford Chance, qui n'a pas permis à la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II de faire modifier les mentions du registre du commerce et des sociétés, a commis une faute professionnelle, même si, à l'époque, elle n'était plus le conseil de la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que des poursuites pénales et des actions civiles ont été engagées contre la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II sans qu'elle ait été informée de ces instances ; qu'il convient donc d'évaluer la perte de chance qu'elle prétend avoir subie ;

Considérant qu'il ressort du rapport dressé le 20 juin 1997 par l'expert désigné par le juge des référés que les constructions édifiées par la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II ne respectaient, ni les servitudes découlant d'un acte de donation consenti en 1908, ni la réglementation de la zone ; que, sur la base de ce rapport, le Gadseca a saisi le Tribunal correctionnel de Grasse qui, par un jugement du 13 mai 1998, a déclaré la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II coupable d'avoir édifié des constructions en infraction avec les règles d'urbanisme et, plus particulièrement, avec le plan d'occupation des sols alors applicable ;
Considérant que, si, en cause d'appel, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II fournit un certificat de conformité accordé le 14 octobre 1999 et faisant état d'un permis de construire du 17 janvier 1997, elle ne verse ni ce permis, ni d'autres documents descriptifs antérieurs alors que le permis initial a été obtenu le 16 juillet 1990 ; que, pareillement, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II communique divers documents, toutefois incomplets, qui font néanmoins apparaître qu'elle s'est heurtée à diverses difficultés pour parvenir à l'édification des constructions envisagées au point qu'en 1993, a été conclu un protocole dont il n'est pas établi que les conditions qu'il contient aient été remplies ;
Que, comme l'ont énoncé les premiers juges, le rapport de l'expert fait apparaître que la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II a réalisé, sans autorisation, d'importantes transformations du site, notamment en modifiant profondément le tracé et le revêtement d'un sentier piétonnier donnant accès à une table d'orientation qu'elle a déplacée et qu'elle a même annexé une partie des terrains jouxtant sa propriété alors que, de son côté, elle ne communique aucun plan ou annexe du permis de construire initial propre à vérifier la localisation et la consistance des travaux autorisés et les circonstances dans lesquelles l'autorisation a été accordée ;
Qu'il est encore démontré qu'en 1999, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II a commencé à régulariser les constructions qu'elle a réalisées et ce, en se conformant aux préconisations du rapport dressé en 1997 par l'expert ; que cette initiative est postérieure au prononcé de la décision du juge des référés, au dépôt du rapport de l'expert et au prononcé du jugement correctionnel et contemporaine de l'assignation à comparaître devant la juridiction civile ;
Qu'en réalité, les documents versés aux débats par la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II ne démontrent aucunement que les constructions et aménagements réalisés étaient licites et que les décisions rendues par les juridictions civiles et pénales de Grasse auraient été différentes si elle avait comparu ;
Considérant que l'ensemble de ces faits démontre que, même en cas de comparution, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II n'avait aucune chance réelle et sérieuse d'obtenir des jugements différents de ceux qui ont été prononcés contre elle ;
Qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel ;

Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions, la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II sera déboutée de sa réclamation ; que l'équité ne commande pas qu'il soit donné satisfaction à la selafa Clifford Chance quant à ce chef de demande ;

Et considérant que, compte tenu de la faute commise, la selafa Clifford Chance sera condamnée à supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en denier ressort,

Confirme le jugement rendu le 5 janvier 2011 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a condamné la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II à payer à la Selafa Clifford Chance Europe la somme de 5. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;
Faisant droit à nouveau quant à ce :
Déboute la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II et la selafa Clifford Chance, chacune de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la selafa Clifford Chance aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par la S. C. P. A..., avocat de la S. C. I. Pointe de l'Esquillon II, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 11/010317
Date de la décision : 15/05/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-05-15;11.010317 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award