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10/05/2012 | FRANCE | N°10/06171

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 10 mai 2012, 10/06171


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 10 Mai 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06171 - JS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 08/04102



APPELANTE

Madame [C] [H]-[F] exerçant sous l'enseigne Salon FAEM-SERGIO BOSSI

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, as

sistée de Me Anne-Sophie DUVERGER-DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1090



INTIMEE

Madame [W] [G]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Valérie OUCHENE, avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 10 Mai 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06171 - JS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 08/04102

APPELANTE

Madame [C] [H]-[F] exerçant sous l'enseigne Salon FAEM-SERGIO BOSSI

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Anne-Sophie DUVERGER-DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1090

INTIMEE

Madame [W] [G]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Valérie OUCHENE, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 126

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Madame [W] [G] a été embauchée Madame [H], exerçant en nom propre sous l'enseigne Salon FAEM-SERGIO BOSSI, consistant en un salon de coiffure, selon contrat de travail écrit à durée indéterminée en date et à effet du 7 septembre 2006 en qualité de manucure polyvalente coefficient 115 moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.254,28 Euros pour 151,67 heures outre une prime de non concurrence d'un montant équivalent à 4 % du salaire brut et une rémunération variable.

Par courrier recommandé en date du 7 mars 2008, Madame [G] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 mars 2008.

Lors de cet entretien, elle s'est vue remettre une convention de reclassement personnalisé.

Elle a été licenciée pour motifs économiques par courrier recommandé du 28 mars 2008.

Madame [G] n'a pas adhéré à la Convention de Reclassement personnalisé.

Le préavis a été effectué du 4 mars au 15 avril 2008, puis non effectué et payé du 16 avril au 3 mai 2008 en raison du cumul des heures de recherche d'emploi.

Madame [G] est sortie le 3 mai 2008 de l'entreprise.

L'entreprise occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la coiffure.

Contestant son licenciement, elle a, le 10 avril 2008, saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris lequel, par jugement en date du 15 mars 2010, a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné [H] à payer à Madame [G] les sommes de 6650€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, et de 800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté Madame [G] du surplus de ses demandes, et condamné [H] aux dépens.

Régulièrement appelante, [C] [X] épouse [H]-[F] demande à la cour de :

-infirmer le jugement, en ce que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, juger que la demande relative à la priorité de réembauchage doit être appréciée au regard de la réalité du préjudice subi par la salariée et sur la base de la perte d'une chance de bénéficier d'une priorité de réembauchage, chance dont il est démontré qu'elle ne se serait pas réalisée,

- confirmer le jugement s'agissant des demandes au titre du préjudice moral distinct ainsi qu'au titre du remboursement des frais de transport,

-en conséquence, débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes, et subsidiairement, la débouter à défaut d'être en mesure d'apprécier le préjudice allégué,

- la condamner à payer la somme de 700 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[W] [G] demande à la cour au visa notamment des articles 1382 du code civil, L1233-3 et L 1235-5 et suivants du code du travail, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le réformer pour le surplus, donc, statuant de nouveau, de condamner [H] à lui payer les sommes suivantes :

-2659,94€ de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauchage,

-7979,82€ de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

-1000€ de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

-530€ de remboursement de frais de transport,

-300€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :

Aux termes de l'article L1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salariée, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.

En l'espèce, la lettre de licenciement, dont la motivation fixe les limites du litige, est notamment rédigée comme suit :

« 'le chiffre d'affaires du secteur « manucure » est quasi-inexistant dans mon entreprise.

Il est en tout état de cause insuffisant pour couvrir les frais relatifs à votre salaire et aux charges sociales correspondantes

Le poste de manucure que vous occupez est donc supprimé pour ne pas mettre en péril la survie de mon entreprise

La réception de la présente fait courir le délai de préavis d'une durée d'un mois étant précisé que vous disposez jusqu'au vendredi 4 avril 2008 inclus pour accepter, le cas échéant, la convention de reclassement personnalisée que je vous ai proposée.

En cas d'acceptation de cette convention, le contrat de travail sera rompu et le préavis aussitôt interrompu' ».

Contrairement à ce que soutient la salariée, la lettre de rupture répond aux exigences légales de forme et de fond, de motivation, puisque l'employeur vise expressément la nécessité de supprimer le poste de manucure pour ne pas mettre en péril la survie de l'entreprise, compte tenu d'un chiffre d'affaires du secteur « manucure » insuffisant.

Pour justifier du licenciement, [H] expose notamment que le poste de Mademoiselle [G] a été supprimé, ce que confirme le livre des entrées et sorties du personnel, et produit une attestation du cabinet [O] [Y], société d'expertise comptable, selon laquelle, sur une période allant du 7 septembre 2006 au 3 mai 2008 (période d'activité de la salariée), le salon de coiffure a enregistré pour son centre d'activité Manucure les éléments chiffrés suivants :

Chiffre d'affaires TTC: 41.651€

Salaires bruts : 26898€

Charges sociales patronales : 4894€.

L'employeur produit en outre un tableau chiffré intitulé « étude du centre d'activité manucure », les relevés bancaires de son entreprise du 1er janvier 2007 au 31 août 2008 faisant état d'un découvert oscillant de 90000 Euros à 40000 Euros sur cette période, des «brouillards de caisse » et des « tableaux de bord mensuel prestataire».

L'employeur en déduit notamment que sur ladite période il y a eu 9 mois pendant lesquels le chiffre d'affaires était inférieur à la charge salariale pour l'entreprise et que la suppression du poste constituait donc une décision de gestion opportune, rendant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce que conteste la salariée.

Cependant, non seulement certaines des pièces produites par l'employeur sont dénuées de force probante car elles émanent de lui, mais l'employeur ne peut sans contradiction soutenir que l'activité manucure n'était plus rentable notamment en raison de l'installation à proximité d'une « onglerie », sans autre précision, dès lors que quelques mois plus tard elle faisait manifestement paraître une petite annonce dans une revue à l'usage des coiffeurs, cette annonce mentionnant son numéro de téléphone portable personnel, aux fins de recherche d'une manucure certes travaillant de manière indépendante, pour 3 jours par semaine pour des soins des « mains, beauté des pieds et pose de faux ongles », ce qui implique nécessairement qu'il existait toujours une demande des clientes pour de tels soins dans son propre salon de coiffure.

Dans ce contexte, c'est vainement que l'employeur affirme que la suppression du poste de travail était motivée par un motif économique. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le respect ou non de l'obligation de reclassement par l'employeur, le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu notamment de l'ancienneté inférieure à 2 ans de la salariée, de sa rémunération au moment de la rupture, des circonstances de la rupture, des conséquences financières générées par la perte de son emploi, c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a fixé à la somme de 6650€ le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail accordés en application de l'article L 1235-5 du code du travail, outre les intérêts.

Le jugement est donc confirmé sur ces points.

Sur la priorité de réembauchage

C'est à tort que Madame [G] sollicite une indemnisation en application de l'article L1235-13 du code du travail sanctionnant le non-respect de la priorité de réembauche.

En revanche, l'examen de la lettre de licenciement confirme effectivement que l'employeur n'a pas mentionné la priorité de réembauchage dont bénéficie la salariée en application de l'article L1233-45 du code du travail.

Cette absence de mention cause nécessairement à Madame [G] un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 200€ à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur le délai de prévenance en matière de congés payés

C'est vainement que l'employeur soutient que compte tenu de difficultés relatives notamment aux horaires de travail, Madame [G] aurait souhaité revenir sur l'accord passé à la rentrée 2007 concernant la date de ses congés d'hiver, à savoir du 1er au 17 février 2008 inclus, lors d'une discussion tenue le 26 janvier 2008, formalisée par un écrit le 31 janvier 2008, sur lequel la salariée a apposé la mention « bon pour accord ».

En effet, en application de l'article D3141-5 du code du travail, la période de prise des congés payés est portée par l'employeur à la connaissance des salariés au moins deux mois avant l'ouverture de cette période.

Or, l'employeur ne démontre pas avoir porté à la connaissance de Madame [G] la période de ses congés payés du 1er au 17 février 2007 inclus dans le respect du délai sus-visé.

Dès lors, Madame [G] est fondée à obtenir réparation du préjudice moral subi à ce titre, fixé à la somme de 200€.

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité de transport revendiquée

La prise en charge par l'employeur d'une partie des frais de transport est subordonnée à la remise du titre ou à la présentation du titre.

Force est de constater que Madame [G] ne verse aux débats aucun justificatif des dépenses qu'elle prétend avoir effectuées à ce titre.

Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de [H] ; elle supportera les dépens et versera en cause d'appel à Madame [G] la somme de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle a débouté [W] [G] de ses demandes d'indemnisation au titre de la priorité de rémbauchage et du non-respect du délai de prévenance en matière de congés payés ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :

Condamne [C][H][F]à payer à [W] [G] les sommes suivantes:

-200€ au titre du non respect de l'obligation d'information relative à la priorité de rémbauchage ;

-200€ au titre du préjudice moral subi du fait du non-respect du délai de prévenance en matière de congés payés ;

-1000€ au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne [C][H][F]aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/06171
Date de la décision : 10/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/06171 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-10;10.06171 ?
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