RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 10 Mai 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06166 - SJ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 08/03807
APPELANTE
Madame [H] [Y] [F] exerçant sous l'enseigne SALON FAEM SERGIO BOSSI
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assistée de Me Anne-sophie DUVERGER-DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1090
INTIMEE
Madame [R] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Valérie OUCHENE, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 126
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Madame [W] a été engagée par Madame [Y], exerçant en nom propre sous l'enseigne Salon FAEM- SERGIO BOSSI, consistant en un salon de coiffure, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date et à effet du 28 juillet 2007, en qualité d'assistante technique coefficient 110, 1er niveau, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.203,93 € pour 136,50 heures de travail outre une prime de non concurrence d'un montant équivalent à 4 % du salaire brut et une rémunération variable.
Madame [W] a fait l'objet des avertissements suivants :
- un 1er avertissement délivré le 2 janvier 2008 au motif d'absences injustifiées du 27 au 31 décembre 2007 ;
- un 2ème avertissement notifié le 13 février 2008 au motif d'une absence injustifiée en date du 11 février 2008 de 14 heures à 19 heures ;
- un 3ème avertissement notifié le 16 février au motif des retards relatifs aux journées du 15 et le 16 février 2008.
Après avoir été convoquée à un entretien préalable par courrier recommandé en date du 19 février 2008, fixé au 28 février 2008, Madame [W] a été mise à pied à titre conservatoire par courrier remis en main propre le 21 février au motif d'absences injustifiées du lundi 18 février 2008 de 14 heures à 19 heures et du mardi 19 février 2008 toute la journée. Elle a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 4 mars 2008.
Après avoir de nouveau été convoquée à un entretien préalable par courrier RAR du 6 mars 2008, fixé au 13 mars 2008, auquel elle ne s'est pas présentée, elle s'est vu notifier par courrier recommandé en date du 21 mars 2008 son licenciement pour faute lourde.
La convention collective applicable aux relations de travail est la convention collective de la coiffure.
L'entreprise occupait à titre habituel moins de 11 salariés lors de la rupture des relations contracteulles.
Contestant ses avertissements et son licenciement, Madame [W], le 3 avril 2008, saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris lequel, par jugement du mars 2010, a requalifié le licenciement de Madame [W] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a condamné Madame [Y] à lui payer :
- 626,50 € au titre de la période de mise à pied conservatoire,
- 62,65 € au titre des congés payés afférents,
- 50,86 € à titre de frais de transport,
- 1.221,68 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 122,16 € au titre des congés payés correspondants,
- 2.450 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
outre les intérêts et 600€ en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et les dépens.
Le conseil a débouté Madame [W] du surplus de ses demandes.
Régulièrement appelante, Mme [Y]-[F] à la cour de confirmer le jugement, s'agissant de la validation de la procédure disciplinaire, l'infirmer en ce qu'il a qualifié le licenciement intervenu le 4 mars 2008 d'abusif, juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, les faits des 18 et 19 février 2008 étant à l'origine de cette mesure, faisant ainsi renaître les faits précédemment sanctionnés, donc de débouter Madame [W] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et congés payés correspondants.
Elle demande d'infirmer la décision en ce qu'elle a fait droit à la demande de remboursement des frais de transport, de condamner Madame [W] à restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire de droit, soit la somme de 1.635,47 Euros, et de cla décision s'agissant des congés payés, ces derniers ayant été versés dans le cadre du solde de tout compte.
A titre subsidiaire, elle demande de débouter Madame [W] de toute demande indemnitaire à défaut de démontrer l'existence d'un préjudice, et de condamner Madame [W] au paiement de la somme de 700 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens de la présente instance.
Madame [W] demande à la cour, au visa notamment des articles L3141-26 et L1234-5 du code du travail, de confirmer le jugement en son principe, le réformer s'agissant du quantum alloué au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive, donc condamner Madame [Y] à lui verser la somme de 6108,40€ à ce titre et la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement
Le contrat de travail étant rompu au jour de l'envoi par l'employeur de la lettre recommandée de licenciement pour faute grave, c'est sur ce fondement que la cour doit se prononcer, la lettre de licenciement invoquant la faute lourde notifiée par la suite étant sans objet puisque le lien contractuel entre les parties n'existait alors plus.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En l'espèce, la lettre de licenciement, datée du 4 mars 2008, dont la motivation fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
«...Depuis plusieurs semaines, j'ai été amenée à dresser un constat alarmant sur votre comportement et ses conséquences sur l'exécution de vos fonctions.
J'ai eu à déplorer de votre part plusieurs agissements constitutif de fautes graves et ce pour les motifs suivants :
J'ai eu à vous reprocher les absences du 27 au 31 décembre 2007 qui n'ont pas été justifiées à temps par un certificat médical produit à l'employeur dans les 48 heures suivant l'arrêt de travail. Le salon FAEM a reçu de votre part l'envoi d'une justification postée le 3 janvier 2008 soit postérieurement au délai de prévenance de l'Employeur pour une absence.
J'ai eu à vous reprocher l'absence injustifiée du lundi 11 février de 14 heures à 19 heures sur votre lieu de travail. J'ai même du m'en plaindre auprès de Monsieur [B] de l' Inspection du travail du secteur.
Sachez que je vous ai attendu pour remplir vos fonctions au Salon et j'ai dû faire sans vous !
Vous avez tenu le même type de comportement dans la semaine du 11 au 16 février puisque vous vous êtes présentée sur votre lieu de travail avec des retards importants le vendredi 15 février et le samedi 16 février, jours de grande affluence de la clientèle au salon de coiffure en fin de semaine(réalisation du Chiffre d'affaires importante en fin de semaine).
En dépit de plusieurs avertissements, où j'avais pris la peine de vous notifier les conséquences néfastes de vos retards dans l'organisation et la bonne marche de mon Entreprise, votre conduite ne s'est pas améliorée (avertissements du 2 janvier 2008, 13 févriers 2008 et 16 février 2008).
Votre ton arrogant et déplacé à mon encontre ces derniers temps marque du plus fort la perte de confiance de nos rapports professionnels.
Je considère donc que ces insuffisances graves dans votre travail et votre démotivation manifeste ne sont plus compatibles avec la poursuite de votre contrat de travail dans une petite équipe comme la nôtre qui exige cohérence et fédération, ce qui m'amène à constater l'impossibilité de votre maintien du contrat de travail.
Les explications recueillies lors de l'entretien ne m'ont pas permis de revenir sur mon appréciation.
Votre licenciement prend donc effet à la date de présentation de la lettre recommandée. Vous êtes dispensée d'effectuer votre préavis d'un mois'».
La salariée reconnaît qu'au moins un des trois avertissements était fondé. Elle n'en sollicite plus en cause d'appel l'annulation, ce dont il convient de prendre acte, mais soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
C'est vainement que l'employeur invoque dans ses conclusions la désorganisation que l'entreprise aurait subi du fait des absences soudaines et injustifiées de sa salariée, objets de précédents avertissements, ainsi que l'insubordination dont elle aurait fait preuve malgré les avertissements, dès lors qu'il ne démontre pas la survenance ou la connaissance d'éléments nouveaux d'une gravité suffisante pour caractériser une faute grave.
En effet, les absences injustifiées des 18 et 19 février 2008, qu'il affirme être des éléments nouveaux, ne sont pas visées dans la lettre de licenciement, étant observé qu'elles ont donné lieu à une mise à pied conservatoire dans le cadre de la procédure de licenciement mise en 'uvre le 19 février 2008 ; ce défaut de précision ne saurait être pallié par le visa de l'absence d'amélioration de la conduite de la salariée.
Il en est de même du grief selon lequel la salariée aurait tenté de débaucher une autre salariée du salon dans le but de le désorganiser, objet de la lettre de licenciement pour faute lourde, aucun élément objectif ne venant corroborer non seulement ce fait mais surtout la connaissance tardive de l'employeur d'un tel dénigrement.
L'employeur ayant ainsi épuisé son pouvoir disciplinaire, en l'absence d'élément nouveau, les « insuffisances graves » et la « démotivation » de la salariée qui lui sont reprochées ne sont pas établies. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.
Cette situation ouvre droit pour la salariée aux indemnités suivantes :
- rappel de salaire sur mise à pied: 626,50€ et congés payés afférents 62,65€ ;
- dommages et intérêts pour rupture abusive : 2450€,compte tenu notamment de l'ancienneté inférieure à 2 ans de la salariée, de sa rémunération au moment de la rupture, des circonstances de la rupture, des conséquences financières générées par la perte de son emploi, en application de l'article1235-5 du code du travail;
- indemnité compensatrice de préavis: 1221,68€ et congés payés afférents : 122,16€,
outre les intérêts.
Le jugement sera donc confirmé sur ces points.
Sur la demande d'indemnité de transport
La prise en charge par l'employeur d'une partie des frais de transport est subordonnée à la remise du titre ou à la présentation du titre.
Madame [W] ne justifiant avoir effectué de dépenses à ce titre qu'à hauteur de 70,80€ pour le mois de février 2008, il convient de faire droit à sa demande à hauteur uniquement de ce qui lui reste dû compte tenu de la somme de 22,18€ déjà versée par l'employeur à ce titre, soit 13,22€.
Le jugement sera donc infirmée sur ce point et il sera par ailleurs fait droit à la demande de remboursement de la différence versée à Madame [W] par Madame [Y] à ce titre dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
Cette demande n'étant pas reprise en cause d'appel, il n'y a pas lieu de l'examiner, étant observé que le Conseil de Prud'hommes a débouté Madame [W] de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Madame [Y] succombant en ses demandes, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit ; elle supportera les dépens et versera à [W] la somme de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle a condamné [Y]-[F] à payer à Madame [W] la somme de 50,86€ au titre des frais de transport ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :
Condamne [Y]-[F] à verser à Madame [W] la somme de 13,22€ au titre des frais de transport, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par Madame [Y]-[F] de sa convocation devant le bureau de conciliation;
Ordonne le remboursement de la différence versée à Madame [W] par Madame [Y]-[F] à ce titre dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ;
Déboute Madame [Y]-[F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne en outre [Y]-[F] à payer à [W] la somme de 1000€ au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Madame [Y]-[F] entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,