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10/05/2012 | FRANCE | N°10/06138

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 10 mai 2012, 10/06138


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 10 Mai 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06138 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section section encadrement RG n° 08/01095



APPELANTE

Madame [W] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Guy VIALA, avocat au barreau de l'ESSONNE

substitué par Me Gaëlle PIRES, avocat au barreau de l'ESSONNE



INTIMEE

Madame [H] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Christophe BÉHEULIÈRE, avocat au barreau de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 10 Mai 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06138 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section section encadrement RG n° 08/01095

APPELANTE

Madame [W] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Guy VIALA, avocat au barreau de l'ESSONNE substitué par Me Gaëlle PIRES, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMEE

Madame [H] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Christophe BÉHEULIÈRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2564

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [T] a été engagée par Mme [F], suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 1er Octobre 2003, en qualité de vétérinaire.

Par une lettre du 26 Septembre 2006, un avenant au contrat de travail a été proposé à Mme [T] avec une augmentation de son horaire de travail, ce que celle-ci a refusé.

Par une lettre du 17 Février 2007, Mme [F] a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 Mars 2007.

Par lettre recommandée du 10 Mars 2007, Mme [F] a notifié à Mme [T] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits et contestant le licenciement prononcé, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau afin de voir Mme [F] condamnée à lui régler outre un rappel de salaire pour des astreintes, une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour conditions vexatoires ayant entouré la rupture et pour défaut de réponse à la question de la clause de non concurrence.

Par un jugement du 24 Juin 2010, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a considéré que le licenciement prononcé était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné Mme [F] à verser à Mme [T] les sommes suivantes:

- 21 432 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5358 € au titre de la clause de non concurrence,

- 535,80 € au titre des congés payés afférents,

- 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Régulièrement appelante, Mme [F] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de juger que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et de condamner Mme [T] à lui verser la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [T] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a été jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que Mme [F] devait régler la contrepartie de la clause de non concurrence.

Elle demande néanmoins à la cour dE condamner son ex-employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 22 500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant des manoeuvres vexatoires de la part de Mme [F],

- 21 745 € au titre du travail dissimulé,

- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour les astreintes,

-21 420 € à titre de contrepartie de la clause de non-concurrence,

- 1000 € à titre de dommages et intérêts pour non exécution des obligations mises à la charge de Mme [F] par le conseil de prud'hommes,

- 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

le tout avec des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, avec anatocisme et sous une astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 5ème jour calendaire suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant de liquider l'astreinte.

La rémunération brute mensuelle de la salariée s'était élevée pour les trois derniers mois à la somme de 3572,35 euro.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur le licenciement :

En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 10 Mars 2007,qui circonscrit le litige est ainsi rédigée:

«....Nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant : incompatibilité de caractère et mésentente sur la gestion de la clientèle de la clinique.

Ces faits mettent en cause la bonne marche du cabinet et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation. »

La mésentente et l'incompatibilité de caractère peuvent justifier un licenciement disciplinaire lorsque la situation conflictuelle, à l'origine de laquelle doit être la salariée, compromet le bon déroulement de l'activité de l'entreprise.

Mme [F] prétend qu'à compter du mois de septembre 2006, Mme [T] a adopté une attitude conflictuelle permanente à son endroit compromettant ainsi la bonne marche de la clinique. Mme [F] explique le changement d'attitude de la salariée par le souhait émis par celle-ci de suivre une formation de chirurgie osseuse, ladite formation étant financée par la clinique à hauteur de 15 000 €, ce qu'elle a refusé. Devant ce refus, Mme [T] a alors demandé à être licenciée, demande à laquelle Mme [F] n'a pas davantage accepté d'accéder.

Pour l'employeur, l'attitude conflictuelle adoptée par la salariée, nuisant au fonctionnement de l'entreprise a été caractérisée par les faits suivants :

- le refus de la modification des horaires passant par l'opposition ferme de la salariée de signer un avenant à son contrat de travail portant à 34 heures par semaine, le nombre d'heures travaillées alors que dans les faits, Mme [T] effectuait déjà 34 heures de travail par semaine en lieu et place des 32 heures prévues à son contrat de travail,

- l'exigence posée par Mme [T] de n'effectuer que les 32 heures prévues à son contrat de travail à partir de cette période,

- les nombreuses revendications injustifiées sur le calcul de ses congés payés, sur un rappel de salaire pour des astreintes effectuées alors qu'elle dispose en contrepartie de l'attribution d'un logement de fonction,

- la demande de prise en charge partielle de sa taxe d'habitation,

- une demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires non justifiées,

- une demande de ré-établissement d'un bulletin de salaire injustifiée,

- la mauvaise exécution de sa prestation de travail,

- des négligences lors de la facturation, à l'origine d'un préjudice financier important.

Mme [T] rappelle qu'il incombe à l'employeur de justifier et de motiver la lettre de licenciement afin que les tribunaux puissent, sur la base de faits et griefs précisément invoqués dans le courrier, rendre une décision éclairée.

Selon la salariée, la généralité des termes de la lettre de licenciement ne permet pas de contrôler la cause de celle-ci ; elle affirme qu'il s'en déduit que le défaut d'énonciation d'un motif précis équivaut à une absence de motifs.

En tout état de cause, la salariée soutient que le licenciement ne peut être un moyen pour l'employeur de la sanctionner pour avoir refusé la modification du contrat de travail qui lui a été proposée et qui consistait en une nouvelle répartition de ses horaires de travail et en une augmentation de sa durée de travail.

Mme [T] soutient qu'à compter de ce refus, Mme [F] a refusé de lui adresser la parole, a exercé des pressions sur elle et lui a exprimé des reproches injustifiés, a même cherché à atteindre à sa réputation en saisissant l'Ordre des vétérinaires.

L'examen des divers documents communiqués par les deux parties confirment que les relations contractuelles se sont déroulées sans incident et ont été globalement satisfaisantes de la date d'embauche de Mme [T] jusqu'au mois de septembre 2006, date à laquelle Mme [F] a souhaité organiser de nouveaux plannings et a proposé à la salariée un avenant à son contrat de travail portant à 34 heures par semaine le nombre d'heures de travail à effectuer avec une nouvelle répartition des horaires.

Alors même qu'elle effectuait régulièrement 34 heures de travail par semaine depuis novembre 2004, Mme [T] a refusé de signer cet avenant à son contrat de travail.

Le 27 septembre 2006, la salariée a adressé à Mme [F] une lettre ainsi libellée:

« J'accuse réception de votre courrier du 26 septembre 2006, concernant un avenant au contrat de travail. Ce dernier m'informe d'un changement de planning prenant effet à la date du 1er septembre 2006. Étant donné que j'ai travaillé notamment le 4 septembre 2006, le planning réellement effectué ne correspond pas cet avenant. Je refuse ces nouveaux horaires occasionnant des changements de conditions de travail ainsi qu'une augmentation du temps de travail».

Le 2 octobre 2006, la salariée a encore écrit «  lors de notre entretien du 29 septembre 2006, vous me demandez de conserver l'emploi du temps du mois d'octobre que vous aviez fait à votre convenance. Consciente des difficultés, vu la date, de refaire ce planning et pour les besoins du service j'accepte de conserver ce planning pour le mois d'octobre. Cependant ceci ne change en rien mon refus de l'avenant au contrat de travail que vous m'avez proposé le 26 septembre 2006.... je reste à votre disposition pour une réunion de travail avec toute l'équipe vétérinaire et non vétérinaire afin de mettre en place l'emploi du temps du mois de novembre. »

Ces deux lettres de la salariée révèlent tout à la fois son refus de signer un avenant modifiant officiellement un élément substantiel de son contrat de travail, s'agissant de l'augmentation du nombre d'heures de travail hebdomadaire, et sa volonté de ne pas nuire à la bonne marche de l'entreprise en acceptant le planning du mois d'octobre 2006, pourtant établi sans tenir compte de son refus des modifications apportées à son contrat.

Plusieurs échanges épistolaires ont ensuite eu lieu, notamment à propos d'un bulletin de salaire sur la base de 150,47 heures mensuelles et non sur la base de 146,67 heures mensuelles conformément aux termes du contrat de travail.

Or, la demande de la salariée tendant à voir respecter son contrat de travail était justifiée, puisque les heures réalisées au-delà de l'horaire prévu correspondent à des heures complémentaires bénéficiant d'un régime spécifique.

Le 15 octobre 2006, l'employeur a adressé à la salariée un premier avertissement évoquant la mort de deux animaux des 14 et 15 octobre 2006.

Dans une lettre détaillée du 25 octobre 2006, la salariée a contesté cette sanction et expliqué précisément qu'elles ont été les soins apportés à ces animaux.

Pour combattre la prétendue démotivation et l'insatisfaction des clients que lui reproche Mme [F], Mme [T] communique aux débats de nombreux témoignages de clients qui tous soulignent ses qualités professionnelles proprement dites mais aussi sa grande écoute.

L'affirmation selon laquelle Mme [F] ne communiquait plus ses consignes à la salariée que par voie d'affichage sur un tableau, sans lui adresser la parole est illustrée par la photographie d'un tableau sur lequel figure la mention suivante « poser les congés de fin d'année avant le 20 10 2006 merci SEV Tu ne travailles pas le matin 24 /10. »

Dans un rapport effectué à la suite d'une plainte déposée par Mme [F] à l'encontre de Mme [T], le docteur [K], vétérinaire, Conseiller de l'ordre des vétérinaires d'Île-de-France expose que « il apparaît clairement que les docteurs [F] et [T] ont connu une nette détérioration de leur relation qui s'est cristallisée sur une rigueur inhabituelle en matière d'horaires de travail. Il apparaît clairement que le contrat d'embauche à temps partiel prévoyait la possibilité pour l'employée de rechercher un emploi complémentaire, liberté assortie d'une obligation d'information de ses employeurs et de restrictions en matière de concurrence potentielle.[...] Le docteur [F] affirme qu'elle n'a pas été informée de la collaboration de sa salariée chez le docteur [X] à [Localité 5]...».

Or, le docteur [K] relève que « si le docteur [T] s'est sciemment dérobée à la communication d'information qui lui était demandée sur ce sujet, par lettre recommandée, l'instruction établit que le docteur [F] était informée de la réalité de cette collaboration .. »

Il est exact que suivant le contrat de travail, une faculté était donnée à la salariée d'exercer pendant la durée du contrat d'autres activités rémunérées pour le compte d'un autre employeur ou pour son compte personnel. Elle s'obligeait à respecter les textes en vigueur sur les cumuls d'activité et à fournir à ses employeurs toute indication. Elle s'interdisait, sans l'accord express, écrit de l'employeur d' exercer dans le rayon géographique défini par le code de déontologie des fonctions vétérinaires tant pour son compte que pour le compte d'un tiers sous quelque forme que ce soit pendant toute la durée du contrat.

Les témoignages communiqués par la salariée confirment, ce qu'ont relevé les membres du conseil de l'ordre, à savoir que Mme [F] était informée du fait que Mme [T] exerçait des vacations au sein d'une autre clinique.

Mme [P], auxiliaire spécialisée vétérinaire atteste en effet que « Mme [T] travaille au su de tous à la clinique de [Localité 5]. Nous parlions ouvertement de cette vacation au sein de l'équipe de [Localité 4] y compris avec Mme [F]».

Ce témoignage est corroboré par celui de Mme [Y] [J], vétérinaire qui atteste que « Mme [T] n'a en aucun cas sciemment dissimulé le fait qu'elle était salariée dans une autre clinique vétérinaire de [Localité 5] ». Le témoin précise « avoir été plusieurs fois témoin d'échanges verbaux entre les docteurs Mme [T] et Mme [F] qui étaient sans équivoque concernant son activité salariée en tant que vétérinaire à [Localité 5] chez les docteurs [O] et [V]».

Il résulte de tout ce qui précède que les tensions sont effectivement apparues entre l'employeur et la salariée après que l'employeur a, dans le cadre d'une réorganisation des plannings, proposé à la salariée une augmentation officielle du nombre d'heures de travail par semaine et une modification des planning et que la salariée a exprimé un refus de ces modifications.

La remise en cause des qualités professionnelles de la salariée jusqu'alors incontestées, caractérisée par la notification d'un avertissement quelques trois semaines après le refus exprimé par la salariée, le mode de transmission des consignes par voie d'affichage sans échange verbal, la saisine du conseil de l'Ordre et la plainte déposée pour non-respect par la salariée des obligations contractuelles lui imposant d'informer, par lettre recommandée, l'employeur de l'emploi complémentaire exercé, alors que la réalité de cet emploi complémentaire était connue, sont autant d'éléments démontrant que la dégradation des relations contractuelles ne peut être exclusivement imputée à la salariée, qui n'a fait qu'exercer un droit en refusant la modification d'un élément substantiel de son contrat de travail, même si dans les faits elle avait pu accepter d'effectuer des heures complémentaires.

Il s'ensuit que la mésentente alléguée et les répercussions pour le bon fonctionnement de la clinique n'ont pas pour seule origine le comportement de la salariée.

C'est donc par une appréciation pertinente des éléments qui lui étaient soumis que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement prononcé était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse

La salariée avait une ancienneté de trois ans et demi, au sein de la clinique comptant moins de 10 salariés.

Elle est fondée à obtenir réparation du préjudice subi consécutivement à ce licenciement abusif et ce, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail.

Compte tenu de son âge, de sa rémunération, de sa qualification et de son expérience professionnelle, de sa difficulté à retrouver un emploi consécutivement à la rupture, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 30 000 € le montant des dommages-intérêts à revenir à la salariée pour le préjudice subi en application des dispositions légales précédemment évoquées.

Sur la demande de dommages-intérêts pour les conditions vexatoires ayant présidé à la rupture des relations

Dans le cas d'espèce, la saisine de l'Ordre des vétérinaires pour une prétendue tentative de conciliation alors que la salariée était en réalité concomitamment convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement ainsi que la plainte déposée par Mme [F] au prétexte qu'elle n'aurait pas été informée de l'existence d'un second contrat de travail et que la salariée aurait dépassé les horaires légaux de travail, révèlent la détermination de l'employeur de porter atteinte à la réputation de la salariée au sein même de la profession alors que ses qualités professionnelles n'ont pas été remises en cause jusqu'en Septembre 2006 et que les membres du conseil de l'ordre n'ont réservé aucune suite à cette plainte, ainsi que cela ressort de l'avis du 22 janvier 2009.

Il y est noté que s'agissant du dépassement des horaires, Mme [T] a agi de toute bonne foi sous la pression de contraintes professionnelles impératives [....].

La salariée est donc fondée à solliciter la réparation de ce préjudice spécifique.

La somme de 22 500 € qu'elle réclame à ce titre lui sera accordée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non paiement des astreintes et du travail du dimanche

Mme [T] fait valoir qu'elle a été d'astreinte à raison de deux à trois fois par semaine de 19h30 à 23h d'octobre 2003 jusqu'au mois de septembre 2006, qu'elle n 'a bénéficié d'aucune compensation financière en contrepartie du respect de ces astreintes, qu'elle a au surplus assumé des soins et donné de la nourriture aux animaux pendant ces périodes ainsi que certains dimanches.

Mme [F] ne conteste pas que Mme [T] était parfois tenue de se soumettre à des astreintes, notamment lorsque la clinique gardait des animaux en observation dès lors qu'il était nécessaire de surveiller leur état de santé et de les nourrir.

Toutefois, elle fait valoir que Mme [T] a, en contrepartie des astreintes et du travail réalisé certains dimanches, disposé d'un logement de fonction à savoir une maison individuelle avec jardin d'une valeur locative de 800 € à proximité de la clinique.

L'article 30 de la convention collective applicable prévoit que, pour tout ou partie, l'indemnité forfaitaire normalement au moins égale à 20 % du salaire horaire de sa catégorie pour chaque heure d'astreinte peut être remplacée par l'allocation d'un avantage en nature tel que défini dans l'annexe II.

Ainsi un avantage en nature pouvait être en effet accordé à la salariée en contrepartie des astreintes auxquelles elle était soumise.

Toutefois, les interventions au cours de ces périodes d'astreinte devaient quant à elles être rémunérées en sus comme des heures de travail effectives.

Or, Mme [F] a admis lors de l'enquête réalisée par l'ordre des vétérinaires que Mme [T] était amenée à intervenir certains dimanches «sans salaire».

Mme [T] est fondée à obtenir indemnisation du préjudice résultant pour elle du fait qu'elle a été amenée à intervenir effectivement pour le soin des animaux au cours de périodes d'astreinte sans avoir été rémunérée pour ces heures de travail effectif.

La cour dispose d'éléments suffisants pour arrêter à la somme de 3 000 € le montant des dommages et intérêts à lui revenir sur ce fondement.

Sur le travail dissimulé

L'intention de Mme [F] de se soustraire aux exigences de déclaration et de paiement des heures de travail effectif réalisées au cours de périodes d'astreinte n'est pas établie, dans le cas d'espèce.

Par suite, Mme [T] sera déboutée de sa demande tendant à voir Mme [F] condamnée au paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la clause de non concurrence

L'article 11 du contrat de travail est ainsi libellé : « Mme [T] ayant été appelée à soigner les animaux des clients ayant habituellement recours à son employeur, ne pourra exercer pour son propre compte dans un rayon de 10 km pendant la durée de cinq ans».

L'article 65 de la convention collective prévoit qu'en contrepartie du respect de l'obligation de non-concurrence, le salarié percevra, à compter de la rupture de son contrat de travail et de son départ effectif, et pendant la durée de l'application de cette obligation une indemnité mensuelle brute soumise à charges sociales, d'un montant égal à 10 % du salaire moyen brut des trois derniers mois précédant la rupture du contrat.

Mme [F] estime que Mme [T] n'apporte aucun élément pour démontrer le respect de la clause de non-concurrence d'une part et soutient que cette clause n'a causé aucun préjudice à la salariée puisqu'elle a souhaité quitter la région pour s'installer dans celle de la Rochelle, d'autre part.

Toutefois, la contrepartie pécuniaire est due dès que la salariée respecte son obligation de non-concurrence sans qu'il y ait lieu de rechercher l'existence d'un préjudice à moins que l'employeur n'ait libéré la salariée de son obligation dans les délais et formes prescrites ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il est admis que Mme [T] n'a pas contrevenu à l'interdiction de non-concurrence qui lui était faite, puisqu'elle n'a pas retrouvé un emploi dans le rayon de dix kilomètres.

Dans ces conditions, compte tenu de ce qu'elle a respecté l'interdiction de non-concurrence, la salariée est en droit de prétendre au paiement de la contrepartie, peu important qu'elle ait retrouvé un emploi depuis lors, le nouvel emploi se trouvant dans une région située en dehors du champ d'application de la clause de non-concurrence.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a relevé que l'indemnité était due pour la période au cours de laquelle la salariée était sans activité et a alloué à Mme [T] la somme de 21420 € à ce titre , outre celle de 2142 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'exécution provisoire du jugement

Faisant valoir qu'en dépit du caractère exécutoire de la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ainsi que des congés payés afférents, Mme [F] s'est abstenue d'exécuter l'obligation mise à sa charge, Mme [T] demande réparation du préjudice en résultant par l'allocation d'une somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts.

Ce non respect du caractère exécutoire d' une décision judiciaire est pour la salariée à l'origine d'un préjudice direct et certain qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme demandée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2000 € sur le même fondement pour les frais exposés par elle en cause d'appel.

Mme [F], qui succombe partiellement dans la présente instance sera déboutée de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement ,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a accordé à Mme [T] une indemnité de 21 432 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, limité la contrepartie financière de la clause de non concurrence, débouté Mme [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour absence de contrepartie pour le travail réalisé au cours des astreintes et pour préjudice moral du fait des manoeuvres vexatoires,

L'infirme sur ces points,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [F] à verser à Mme [T] les sommes suivantes:

- 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 22 500 € à titre de dommages-intérêts pour manoeuvres vexatoires à l'origine d'un préjudice moral distinct,

- 3000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en lien avec l'absence de rémunération du travail effectif exercé au cours des astreintes,

- 21 420 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, outre celle de 2142 € au titre des congés payés afférents,

- 1000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du caractère exécutoire du jugement s'agissant de la contrepartie de la clause de non-concurrence,

- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute Mme [F] de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [F] aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/06138
Date de la décision : 10/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/06138 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-10;10.06138 ?
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