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02/05/2012 | FRANCE | N°11/10237

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 02 mai 2012, 11/10237


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 02 MAI 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/10237



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010060766





APPELANTES



SAS G2AM

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 7]



représentée et assistée de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Benoît HENRY) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

et de Me Pierre François GABORIT (avocat au barreau de PARI...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 02 MAI 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/10237

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010060766

APPELANTES

SAS G2AM

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 7]

représentée et assistée de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Benoît HENRY) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

et de Me Pierre François GABORIT (avocat au barreau de PARIS, toque : P 205)

et de Me Julien CHEVAL, avocat au barreau de PARIS, G190, substituant Me Emmanuel DAOUD

SA GCI

prise en la personne de son Président

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 7]

représentée et assistée de: la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Benoît HENRY) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

et de Me Pierre François GABORIT (avocat au barreau de PARIS, toque : P 205)

et de Me Julien CHEVAL, avocat au barreau de PARIS, G190, substituant Me Emmanuel DAOUD

INTIMES

SARL DU BEAU VOIR

prise en la personne de son gérant

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée de: Me Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : D1817)

et de Me Christian CHARRIERE-BOURZANEL (avocat au barreau de PARIS, toque : C1357)

et de Me Philippe FEITUSSI de la SELARL GENESIS (avocat au barreau de PARIS, toque : P0225)

SCP BTSG prise en la personne de Maître [B] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement de la Société G2AM

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Nathalie LESENECHAL (avocat au barreau de PARIS, toque : D2090)

et de Me Bernard LAGARDE de la SCP CABINET BERNARD LAGARDE (avocat au barreau de PARIS, toque : P0368)

Maître [S] [K] ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société G2AM

demeurant [Adresse 8]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Nathalie LESENECHAL (avocat au barreau de PARIS, toque : D2090)

et de Me Bernard LAGARDE de la SCP CABINET BERNARD LAGARDE (avocat au barreau de PARIS, toque : P0368)

Société SCCV VAL DE SARTHE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée de: Me Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : D1817)

et de Me Christian CHARRIERE-BOURZANEL (avocat au barreau de PARIS, toque : C1357)

et de Me Philippe FEITUSSI de la SELARL GENESIS (avocat au barreau de PARIS, toque : P0225)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 23 mai 2011 ayant statué en ces termes:

- constate l'absence d'agrément à la cession de la société GCI en qualité d'associé de la société civile de construction-vente (SCCV) Val-de-Sarthe et que le droit de préemption stipulé au bénéfice de la Sarl du Beau Voir n'a pas été respecté,

- constate que les conditions mises par la Cour de cassation pour rendre la nullité des cessions de parts absolue en cas de défaut du droit de préemption sont réalisées,

- prononce la nullité de la cession des cinquante parts sociales de la SCCV Val-de-Sarthe intervenue entre la société G2AM et la société GCI,

- ordonne la substitution de la SCCV Val-de-Sarthe dans les droits de la société GCI comme cessionnaire des cinquante parts sociales moyennant 784,24 euros et un complément de prix incertain égal à 90% de la plus-value réalisée dans le cadre de la revente des parts sociales ou du produit net de son actif immobilier,

- déboute la société du Beau Voir de sa demande en nullité de la cession de créance aux termes de laquelle la société G2AM cède à la société GCI la créance d'un montant de 633 615,29 euros en principal et intérêts qu'elle détient sur la SCCV Val-de-Sarthe,

- déboute les parties de toutes autres demandes,

- ordonne l'exécution provisoire,

- condamne la société G2AM et la société GCI in solidum à payer à la SCCV Val-de-Sarthe la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'appel relevé par les sociétés G2AM et GCI suivant déclaration du 27 mai 2011,

Vu l'ordonnance du délégataire du premier président du 22 juillet 2011 arrêtant l'exécution provisoire du jugement dont appel,

Vu les conclusions récapitulatives signifiées le 16 février 2012 par les sociétés G2AM et GCI qui demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de débouter la société du Beau Voir et la SCCV Val-de-Sarthe de toutes leurs demandes, dire que sont nulles les assemblées générales de la SCCV Val-de-Sarthe tenues en violation de l'ordonnance du 22 juillet 2011 et postérieurement à la signification de celle-ci en tant que n'y a été convoquée comme 'associé unique' que la société du Beau Voir, subsidiairement, dans le cas où la cour déciderait que la cession intervenue le 9 décembre 2009 entre les sociétés G2AM et GCI est nulle, infirmer le jugement, dire n'y avoir lieu à substitution de la société du Beau Voir dans les droits de GCI, dire que G2AM est rétablie dans ses droits d'associé, dire que sont nulles les assemblées générales de la SCCV Val-de-Sarthe tenues en violation de l'ordonnance du 22 juillet 2011 et postérieurement à la signification de celle-ci en tant que n'y a été convoquée comme 'associé unique' que la société du Beau Voir, dans tous les cas, de nommer un mandataire de justice avec mission de prendre toutes les mesures nécessaires en ce compris la convocation d'assemblées générales ordinaires ou extraordinaires pour rétablir dans leurs droits la société G2AM et/ou la société GCI, dire qu'en cas de difficulté, le mandataire devra en rendre compte à la cour afin que celle-ci prenne les mesures appropriées, débouter la société du Beau Voir et la SCCV Val-de-Sarthe de leur appel incident, les condamner solidairement au paiement de la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société du Beau Voir et la SCCV Val-de-Sarthe le 1er février 2012 qui demandent à la cour de prononcer, le cas échéant, un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale résultant de la plainte déposée par la société du Beau Voir, d'écarter les conclusions des appelants en raison du principe d'estoppel, celles-ci composant un revirement total consacrant la fraude mise en oeuvre, confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la cession des cinquante parts sociales de la SCCV Val-de-Sarthe intervenue entre la société G2AM et la société GCI, ordonné la substitution de la SCCV Val-de-Sarthe comme cessionnaire aux conditions énoncer, le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau, prononcer la nullité de la cession de créance intervenue le 9 décembre 2009 entre les sociétés G2AM, cédant, et GCI, cessionnaire, condamner in solidum ces deux sociétés à payer à la société du Beau Voir la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts pour réticence abusive en réparation de son préjudice moral et, en tout état de cause, la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 février 2012 par la Scp BTSG, mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société G2AM, Me [K], administrateur judiciaire, et la Selarl Bauland Gladel [O], en la personne de Me [O], commissaire à l'exécution du plan de la société G2AM, cette dernière intervenante volontaire, sollicitant le donner acte de l'intervention volontaire de Me [O], ès qualités, la mise hors de cause de Me [K], ès qualités, et s'en rapportant à justice,

SUR CE

Par délibération du 7 février 2002, la communauté urbaine du Mans a concédé l'aménagement de la Zac de l'Ardoise à la Sci [Adresse 10], alors détenue à 100% par la Sas G2AM

Aux termes d'un protocole d'accord du 30 juin 2008, la société G2AM a cédé à la Sarl du Beauvoir 50 parts représentant la moitié du capital de la Sci [Adresse 10] moyennant le prix de 762,25 euros correspondant à la valeur nominale des parts cédées outre un complément de prix calculé au prorata du nombre total de mètres carrés de SHON autorisés par les permis de construire dans le cadre de la réalisation de la Zac, devant être versé pour chaque permis de construire dans les 24 mois de l'obtention du permis et de l'autorisation CDEC/CNEC devenus définitifs ou à l'achèvement de la construction objet du permis si cet achèvement intervient dans les 24 mois de son obtention. Un droit de préemption sur les parts sociales a été stipulé au profit de chacun des associés dont il était prévu qu'ils deviendraient co-gérants.

La cession des parts a été réalisée le 9 juillet 2008 puis la Sci [Adresse 10] a changé de forme juridique et de dénomination sociale par décision de l'assemblée générale mixte du 28 octobre 2008 pour devenir la société civile de construction-vente (SCCV) Val-de-Sarthe.

C'est ainsi que les sociétés G2AM et du Beau Voir se sont trouvées associées égalitaires et co-gérantes de la SCCV Val-de-Sarthe et qu'elles ont poursuivi le projet immobilier.

Les parties s'opposent sur les mérites respectifs des sociétés G2AM et du Beau Voir dans l'avancement du projet.

Il est constant que la société du Beau Voir a acquis suivant promesse du 14 octobre 2002 le terrain dit Métairie, indispensable à la réalisation de l'opération, et que l'acquisition s'est concrétisée tardivement en raison de la préemption exercée par le Conseil général de la Sarthe qui a été annulée par la juridiction administrative avec injonction à la collectivité publique de proposer la vente à la société du Beau Voir.

Selon G2AM et GCI, aussitôt devenue propriétaire, la société du Beau Voir a exigé une participation de moitié dans le capital et non contente de s'être immiscée dans une opération à laquelle elle était étrangère, elle a tenté de profiter des difficultés momentanées de G2AM, liées au défaut d'exécution d'une promesse de vente conclue avec la société Metrovacesa portant sur un immeuble situé [Adresse 9] dont le prix était précisément destiné à financer l'opération de la [Adresse 11] et qui a donné lieu à un long contentieux, finalement résolu en faveur de G2AM par arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 novembre 2011, rendu sur renvoi après cassation, pour obtenir sans bourse délier la totalité du capital de la SCCV.

Tandis que la société du Beau Voir et la SCCV présentent l'intervention de la première comme ayant permis de sauver l'opération et dénoncent le comportement 'dévastateur' de G2AM qui a totalement compromis le projet, qui n'a pas même informé la co-gérante de la procédure collective la concernant et qui a refusé les propositions de la société du Beau Voir en lui opposant une fausse cession de ses parts au bénéfice de la société GCI qui appartient au même groupe et dont les dirigeants sont les mêmes que ceux de G2AM.

Les difficultés, constantes, de la société G2AM ont conduit à l'ouverture, sur déclaration de cessation des paiements, de son redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 janvier 2010 qui a désigné Me [K] comme administrateur judiciaire et la Scp BTSG, en la personne de Me [B], mandataire judiciaire .

Par actes du 14 mai 2010, la société GCI a signifié à la SCCV Val-de-Sarthe, d'une part, une cession de créance intervenue le 9 décembre 2009 aux termes de laquelle G2AM lui cède la créance d'un montant de 633 615,29 euros en principal et intérêts qu'elle détient à l'encontre de la SCCV Val-de-Sarthe, d'autre part, la cession, datée du même jour, 9 décembre 2009, à la société GCI de la participation de G2AM au capital de la SCCV Val-de-Sarthe.

Contestant la régularité desdites cessions, la société du Beau Voir et la SCCV Val-de-Sarthe ont

assigné en référé puis au fond les sociétés G2AM et GCI ainsi que les organes de la procédure collective de la première, pour obtenir leur nullité et pour voir la société du Beau Voir substituée à la société GCI comme cessionnaire des parts.

C'est dans conditions qu'a été rendu le jugement déféré qui, pour l'essentiel, a accueilli les demandes aux fins de nullité de la cession d'actions et de substitution de la société du Beau Voir à la GCI comme cessionnaire mais a rejeté la demande en annulation de la cession de créance.

- Sur l'intervention volontaire de Me [O], commissaire à l'exécution du plan de la société G2AM

Par jugement du 24 mai 2011, le tribunal de commerce de Paris a approuvé le plan de continuation de la société G2AM et a désigné Me [O] comme commissaire à l'exécution du plan

Il convient de donner acte à Me [O] de son intervention volontaire, ès qualités, et de mettre hors de cause Me [K], intimé comme administrateur judiciaire.

- Sur le sursis à statuer

Les sociétés intimées demandent à la cour de prononcer, 'le cas échéant', un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale résultant de la plainte déposée par la société du Beau Voir.

Elles produisent au débat la plainte adressée le 26 mai 2011 au procureur de la République de Paris dénonçant notamment des faits de faux et fausse cession de parts sociales identiques à ceux faisant l'objet de la présente instance.

Cependant, il n'est fourni aucun élément sur le sort de cette plainte, les intimées se bornant en dernière page (page 40, §6) des motifs de leurs écritures à indiquer s'en remettre à la cour sans autrement expliciter leur demande à laquelle il n'est pas répondu par les parties adverses.

L 'exception doit, dès lors, être rejetée.

- Sur la recevabilité des conclusions des sociétés G2AM et GCI, appelantes

Les sociétés intimées sollicitent le rejet des conclusions des appelantes en vertu du principe d'estoppel, soutenant que les écritures composent un revirement total, consacrant la fraude mise en oeuvre, en ce que, après avoir affirmé avec force et vigueur que la cession d'actions intervenue entre elles ne souffrait d'aucune cause de nullité, GCI faisant partie du même groupe que G2AM, ces sociétés reconnaissent aujourd'hui que la cession litigieuse est nulle, qu'elles modifient leurs prétentions en pure opportunité, que lorsque G2AM faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, elles avaient tout intérêt à soutenir que la cession intervenue entre elles était valable alors que depuis que G2AM est redevenue in bonis elle souhaite récupérer les titres de la SCCV Val-de-Sarthe.

Les sociétés font valoir qu'il n'y a ni changement de position ni possibilité d'induire en erreur une partie adverse sur leurs prétentions, soulignent qu'elles concluent à titre principal en appel à l'annulation du jugement et que la différence dans l'argumentation juridique tient à la critique nécessaire, en cause d'appel, du jugement de sorte que l'exception d'irrecevabilité ne repose sur aucun fondement outre qu'elle n'est pas formulée in limine litis.

L'estoppel se définit comme un comportement procédural d'une partie constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire l'autre partie en erreur sur ses intentions.

Il est vrai que les appelantes énoncent dans leurs conclusions récapitulatives (XXXVIII) 'Toutefois, même si on peut admettre que la cession de G2AM à GCI est entachée de nullité, d'une part, parce que la notion de tiers étranger prévue par l'article 10 des statuts de la SCCV Val-de-Sarthe ne permettrait pas une cession intra-groupe sans qu'il soit besoin de la procédure d'agrément et d'autre part, parce qu'en l'absence de la Sarl du Beau Voir à l'assemblée générale d'agrément à la cession, n'a pu valablement être délivré, les premiers juges ne pouvaient pour autant valablement, après avoir annulé la cession, ordonner la substitution de la Sarl du Beau Voir dans les droits de GCI'

Ce faisant, elles envisagent une position subsidiaire qui ne caractérise pas un changement pouvant induire en erreur les intimées d'autant qu'elle est formulée en cause d'appel.

Leurs conclusions ne sauraient donc être écartées.

- Sur la nullité de la cession de parts sociales

Il est constant que la société G2AM a cédé à la société GCI sa participation au capital de la SCCV Val-de-Sarthe par acte du 9 décembre 2009 qui a été a signifié à la société du Beau Voir par exploit d'huissier du 14 mai 2010 faisant état d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la SCCV en date du 9 décembre 2009 autorisant cette cession, l'assemblée générale visée s'étant tenue en l'absence de la société du Beau Voir qui n'avait pas été convoquée.

Deux dispositions, l'une conventionnelle, l'autre statutaire, régissent la cession des parts de la SCCV Val-de-Sarthe :

1- l'article VIII du protocole du 30 juin 2008, conclu entre les sociétés G2AM et du Beau Voir par l'effet duquel celles-ci sont devenues coassociés égalitaires, intitulé 'Droit de préemption sur la cession de parts sociales à l'issue de l'opération d'aménagement' qui stipule:

' Chaque associé ne pourra décider de céder ses actions à un tiers qu'après obtention du permis de construire et de l'autorisation de la CDEC/CDAC, devenus définitifs. Tant la Sarl du Beau Voir que la société G2AM disposeront d'un droit de préemption sur la meilleure offre retenue respectivement par chacune des parties pour la cession de ses parts. Les conditions techniques et financières des offres d'achat, visées ci-dessus, lui seront préalablement notifiées; elle disposera alors d'un délai d'un mois pour faire connaître son intention de se faire substituer aux mêmes conditions'.

2- l'article 10 des statuts de la SCCV Val-de-Sarthe relatif à la cession et transmission des parts sociales qui contient une clause d'agrément ainsi libellée:

'Les parts sociales ne pourront être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la moitié des associés représentant au moins les deux tiers du capital social...En cas de refus d'agrément, chaque associé peut se porter acquéreur des parts ... Si aucune offre de rachat n'est faite au cédant dans un délai de 9 mois à compter du jour de la notification qu'il a faite à la société et aux associés, l'agrément à la cession est réputé acquis'.

Les sociétés G2AM et GCI critiquent le jugement pour avoir opéré une dénaturation des dispositions contractuelles et statutaires rappelées ci-dessus qui, selon elles ne peuvent en aucun cas être analysées comme jouant de manière cumulative, et pour avoir, à la faveur d'une confusion entre agrément et droit de préemption, non seulement annulé la cession de parts mais prononcé la substitution en faveur de la société du Beau Voir. Elles estiment que le jeu cumulé des statuts et du protocole d'accord n'a de sens que si on interprète ces dispositions comme s'appliquant successivement dans le temps, avant et après la survenance de l'opération d'aménagement au sens du protocole, qu'en cas de contradiction, les statuts priment sur les dispositions extra-statutaires inverses et que donc seul l'agrément à la cession des parts sociales était requis. Elles ajoutent que la cession de G2AM à GCI est intervenue 16 mois avant l'issue de l'opération au sens du protocole puisque le certificat de non recours concernant l'arrêté accordant le permis de construire a été notifié par la communauté urbaine du Mans par lettre du 8 avril 2011 de sorte que la société du Beau Voir ne pouvait bénéficier d'un quelconque droit de préemption avant avril 2011, qu'en l'état d'une cession antérieure à l'ouverture du droit de préemption, il est vain d'invoquer l'arrêt de la chambre mixte du 26 mai 2006 concernant les conditions de la mise en oeuvre du droit du bénéficiaire d'un pacte de préférence, que la cession est régie par les seules dispositions des statuts prévoyant l'agrément lesquelles ne prévoient pas la substitution qui peut d'autant moins s'appliquer que la société du Beau Voir ne s'est jamais portée acquéreur, qu'en outre, les fautes reprochées à la société G2AM sont exclusives de toute fraude aux droits de la société du Beau Voir qui ne disposait alors d'aucun droit sur les titres de sa coassociée, qu'au surplus on voit mal comment GCI aurait pu connaître, d'une part le pacte, d'autre part, les intentions futures de la société du Beau Voir ce qui la prive, en toute hypothèse, de la faculté de substitution.

La société du Beau Voir et la SCCV soutiennent qu'il n'existe aucune incompatibilité entre la clause d'agrément et le droit de préemption qui n'ont ni le même objet ni le même domaine et doivent être appliqués de manière concomitante de sorte que la cession litigieuse contrevient à ces deux dispositions. Elles soulignent que l'article VIII du protocole, dont les termes sont clairs et précis, subordonne à l'obtention des autorisations administratives le droit de vendre mais non le droit de préemption qui n'est assorti d'aucune condition suspensive et dont l'exercice implique pour seule condition la cession des parts sociales, que la violation par l'un des contractants de son engagement de ne pas vendre avant l'obtention des autorisations administratives ne peut servir de justification à la violation de son engagement d'offrir la préférence à son cocontractant, qu'à supposer même que l'exercice du droit de préemption soit subordonné à cette obtention, en cédant ses titres avant cet événement, G2AM a rendu impossible la réalisation de cette condition de sorte que celle-ci devrait alors être réputée accomplie. Elles rappellent que les deux conditions requises pour la substitution sont remplies, que la connaissance du droit de préemption par le tiers acquéreur résulte de l'identité des dirigeants des sociétés G2AM et GCI et que sa volonté d'acquérir les parts ne peut être déniée alors notamment que le droit de préemption a été stipulé à sa demande. Elles ajoutent qu'une solution contraire viendrait entériner une fraude avérée dont témoigne encore la violation de la clause d'agrément à la faveur d'un faux procès-verbal d'une prétendue assemblée générale extraordinaire du 9 décembre 2009 qui tendait à soustraire G2AM à la procédure d'exclusion de l'article 1869 du code civil qu'elle encourait du fait de la procédure collective et observent que le retour de G2AM au capital de la SCCV aurait pour effet d'entraîner le remboursement anticipé du prêt de 27 800 000 euros que la société du Beau Voir a obtenu, depuis la décision querellée, et la perte du projet.

De l'examen des dispositions précitées, il ressort qu'il n'existe aucune contradiction entre la clause d'agrément contenue dans les statuts qui reprend la règle de l'article 1861 du code civil et l'article VIII du protocole lequel instaure un droit de préemption en cas de cession de parts mais, en outre et au préalable, une interdiction temporaire d'aliéner.

Ainsi, de par les statuts, toute cession de parts à des tiers est soumise à l'agrément de la moitié des associés représentant au moins les deux tiers du capital social mais, en vertu de l'article VIII du protocole, aucune cession ne peut intervenir avant l'issue administrative de l'opération d'aménagement, et chacun des deux associés, la société du Beau Voir et la société G2AM, dispose alors d'une préférence en cas de cession.

On ne peut donc comme le font les sociétés G2AM et GCI prétendre que la cession était exclusivement soumise au régime ordinaire de l'agrément jusqu'à l'achèvement de l'opération puis, qu'à compter de l'achèvement, le droit de préemption produisait ses effets, sauf à méconnaître l'interdiction d'aliéner.

Il est établi que le certificat de non recours concernant l'arrêté accordant le permis de construire a été notifié par la communauté urbaine du Mans par lettre du 8 avril 2011 de sorte que lors de la cession portant la date du 9 décembre 2009, l'interdiction d'aliéner n'était pas levée.

Mais, une fois la cession réalisée, le droit de préemption dont l'exercice est subordonné au seul projet de cession, a vocation à s'appliquer au profit de l'associé non cédant sans que l' associé cédant puisse lui opposer la forclusion.

Admettre que la société G2AM serait dispensée de donner la préférence à la société du Beau Voir à l'occasion d'une cession conclue antérieurement à l'obtention des autorisations administratives et donc en violation de l'engagement de ne pas vendre, reviendrait à ignorer les termes clairs du protocole aux termes duquel les sociétés G2AM et du Beau Voir se sont consenties mutuellement un droit de préemption.

Il est de principe que le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, à condition que ce tiers ait eu connaissance lorsqu'il a contracté de l'existence d'un pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.

Appartenant au même groupe et ayant les mêmes dirigeants que la société G2AM, la société GCI avait nécessairement connaissance de la préférence bénéficiant à la société du Beau Voir. Par ailleurs, de par sa proximité avec la société G2AM, la société CGI savait que le droit de préemption avait été stipulé à la demande de la société du Beau Voir et que celle-ci avait l'intention de s'en prévaloir ce que confirme la dissimulation de la cession, conclue douze jours avant le dépôt de bilan et signifiée quatre mois plus tard.

La fraude commande la nullité de la cession de parts mais encore, comme l'ont justement décidé les premiers juges, elle ouvre droit à la substitution au tiers acquéreur aux mêmes conditions.

Il convient de confirmer le jugement de ces chefs.

- Sur la cession de créance

Au soutien de leur appel incident, la société du Beau Voir et la SCCV font plaider l'indivisibilité des deux cessions, la cession de créance n'étant, selon elles, qu'un accessoire de la cession de parts sociales qui encourt, par suite, la nullité.

Il ressort des documents produits que la cession à GCI par G2AM de la créance de 633 615 euros détenue sur la SCCV Val-de-Sarthe a été conclue le même jour que la cession de parts, qu'elle a fait l'objet d'une convention et d'une signification distinctes.

La convention de cession de parts sociales du 9 décembre 2009 stipule que la cession est consentie moyennant, outre le paiement du prix global de 762,24 euros, correspondant à la valeur nominale des 50 parts sociales cédées, et un complément de prix. Il est précisé :' Ce complément de prix est diminué du prix d'acquisition des parts sociales et des créances payées dans le cadre du protocole d'accord signé entre les parties le 8 décembre 2009".

La concomitance des deux opérations et la compensation ainsi prévue ne suffisent pas à considérer la cession de créance comme indissociable économiquement de la cession de titres et à caractériser l'indivisibilité entre les deux opérations

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à la nullité de la cession de créance.

- Sur le préjudice moral

Les premiers juges doivent être approuvés pour avoir débouté la société du Beau Voir de sa demande en réparation d'un préjudice moral qui n'est pas davantage démontré en instance d'appel.

- Sur les demandes nouvelles des sociétés G2AM et GCI

En cause d'appel, les sociétés G2AM et GCI sollicitent l'annulation des délibérations d'assemblées générales prises par la société du Beau Voir qui, dans la suite du jugement déféré, s'est, selon elles, prévalue de la qualité d'associé unique de la SCCV, au mépris de l'ordonnance du délégataire du premier président en date du 22 juillet 2011 ayant arrêté l'exécution provisoire dudit jugement, en particulier d'une délibération d'assemblée générale en date du 17 août 2011 ayant décidé d'une augmentation de capital de la SCCV par incorporation de réserves au bénéfice de la société du Beauvoir qui se présente désormais comme titulaire des 150 parts composant le capital social.

Compte tenu de la solution du litige, d'éventuelles violations de la décision de suspension de l'exécution provisoire ne peuvent être sanctionnées par la nullité .

Il convient de rejeter la demande et celle aux fins de désignation d'un administrateur provisoire.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de confirmer les dispositions du jugement et , y ajoutant, d'allouer à la société du Beau Voir et à la SCCV Val-de-Sarthe, ensemble, la somme de 10 000 euros pour les frais exposés en appel.

La solution de l'appel conduit à rejeter la demande formée à ce titre par les appelantes.

PAR CES MOTIFS

Donne acte à Me [O] de son intervention volontaire, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan,

Met hors de cause Me [K], intimé ès qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société G2AM,

Rejette l'exception de sursis à statuer,

Dit n'avoir lieu de rejeter les conclusions des appelantes,

Confirme le jugement entrepris,

Déboute les sociétés G2AM et GCI de leurs demandes nouvelles,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne les sociétés G2AM et GCI à payer à la société du Beau Voir et à la SCCV Val-de-Sarthe la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés G2AM et GCI aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/10237
Date de la décision : 02/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°11/10237 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-02;11.10237 ?
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