Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 13 AVRIL 2012
(n° 2012- , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/17433
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2006 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 04/08986
APPELANT:
Monsieur [Y] [F]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représenté par Maître Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
assisté de Maître Martine MANDEREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : R 1230, plaidant pour L'AARPI BURGOT CHAUVET ET ASSOCIÉS
INTIMES:
Madame [R] [H] épouse [D]
[Adresse 3]
[Localité 11]
représentée par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0401
assistée de Maître Marjorie VARIN, avocat au barreau de L'ESSONNE, plaidant pour la SELARL BERNADEAUX VARIN
Monsieur [M] [C]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Maître Dominique OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1341
assisté de Maître Frédéric MALAIZE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 2018 substituant Maître Hélène FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque R 44 de L'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT SAVARY
COMPAGNIE ALLIANZ IARD anciennement dénommées S.A. COMPAGNIE ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE I.A.R.T.
prise en sa qualité d'assureur de Docteur [I]
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 5]
Monsieur [E] [I]
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentés par Maître Dominique OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1341
assistés de Maître Ghislain DECHEZLEPRÊTRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1155, plaidant pour la SELARL DECHEZLEPRÊTRE ET ASSOCIES
C.P.A.M. DE L'ESSONNE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 12]
[Localité 8]
représentée par Maître Lionel MELUN, avocat au barreau de PARIS, toque : J139, non comparant à l'audience, qui a déposé son dossier de plaidoirie
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Jacques BICHARD, Président
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Noëlle KLEIN
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jacques BICHARD, président et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.
***
Estimant qu'ils avaient engagé leur responsabilité professionnelle à l'occasion d'une intervention chirurgicale, Madame [R] [H] épouse [D] a fait assigner le Docteur [E] [I], le Docteur [M] [C] et leur assureur, la société AGF COURTAGE devenue AGF IART S.A., le Docteur [Y] [F], la CLINIQUE [13] S.A. et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de l'ESSONNE, devant le Tribunal de grande instance de Paris par exploits d'huissier de Justice des 20, 22 octobre et 3 novembre 2004, aux fins de voir indemniser ses préjudices ;
Par jugement contradictoire du 24 novembre 2004 le Tribunal de grande instance d'Evry a :
- dit que le Docteur [F] est seul responsable de la perte de chance subie par Madame [D],
- dit que le pourcentage de chance est fixé à 60 %,
- débouté le Docteur [F] de sa demande de contre-expertise,
- dit que compte tenu de la perte de chance subie par Madame [D] son préjudice corporel s'élève à 53 872 €,
- dit que le préjudice soumis à recours s'élève à 41 572,09 €,
- dit que déduction faite de la créance de la CPAM de l'ESSONNE il revient à Madame [D] la somme de 23 760 €,
- dit que son préjudice personnel s'élève à 12 600 € et son préjudice matériel à 301,54 €,
- condamné en conséquence le Docteur [F] au paiement de la somme de 36 661,54 € arrondi à 36 662 €,
- débouté Madame [D] de ses demandes formées à l'encontre des Docteurs [C] et [I], de leur assureur la société AGF ainsi que de la CLINIQUE [13],
- déclaré le jugement commun à la CPAM de l'ESSONNE,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné le Docteur [F] à verser respectivement à Madame [D] et à la CPAM de l'ESSONNE les sommes de 1 800 € et 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Madame [D] à verser aux Docteurs [C] et [I] et à leur assureur les AGF ainsi qu'à la CLINIQUE [13] la somme à chacun de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné le Docteur [F] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise ;
Par déclaration du 15 octobre 2007, le Docteur [Y] [F] a interjeté appel de ce jugement ;
Par arrêt du 12 juin 2009, la présente Cour a :
- confirmé le jugement en ses dispositions relatives à la CLINIQUE [13] y compris quant à l'article 700 du Code de procédure civile,
Avant dire droit sur les autres demandes relatives à la responsabilité des praticiens et, le cas échéant, aux préjudices de Madame [D],
- ordonné une nouvelle expertise médicale confiée aux Docteurs [T] [A] (remplacé ultérieurement par le Docteur [V] [S]) et [O] [P],
- mis hors de cause la CLINIQUE [13] S.A.,
- condamné le Docteur [F] à payer à la CLINIQUE [13] S.A. la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens de cette dernière,
- réservé les autres dépens et demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Les Docteurs [V] [S] et [O] [P] ont déposé leur rapport le 26 octobre 2010 ;
Dans ses dernières conclusions en ouverture de rapport déposées le 18 janvier 2012, le Docteur [Y] [F] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- dire et juger que sa responsabilité ne peut être retenue,
En conséquence,
- débouter les parties de toutes leurs demandes formulées à son encontre,
- débouter Madame [D] de sa demande de nouvelle expertise formulée à titre subsidiaire,
- ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire soit 36 662 € au profit de Madame [D] et 17 512,09 € au profit de la CPAM de l'ESSONNE,
- condamner Madame [D] à verser au Docteur [F] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner tout succombant aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise ordonnée par la Cour d'Appel ;
Dans ses seules conclusions en ouverture de rapport déposées le 7 juin 2011, Madame [R] [H] épouse [D], appelante incidente, demande à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le Docteur [F] responsable de la perte de chance subie, du fait de ses erreurs médicales, et tenu de réparer son préjudice corporel,
A titre infiniment subsidiaire,
- désigner, compte tenu de la contradiction flagrante existant entre les expertises judiciaires successives, un collège d'experts, dont la mission sera identique à celle de ses prédécesseurs,
A titre encore plus subsidiaire,
- dire les Docteurs [I] et [C] responsables de la perte de chance subie par Madame [D] et les condamner in solidum à en réparer les conséquences,
- infirmer, en revanche, le jugement entrepris en le surplus de ses dispositions et, statuant à nouveau de ces chefs,
¿ dire Madame [D] recevable et bien fondée en son appel incident et, y faisant droit,
¿ majorer le pourcentage de sa perte de chance et le porter à 75 %,
¿ chiffrer comme suit le préjudice de Madame [D] :
* 73 500,12 € au titre de son préjudice patrimonial, créances de la CPAM de l'ESSONNE déduites,
* 140 000 € au titre de son préjudice extra-patrimonial,
* 301, 54 € au titre de son préjudice matériel,
- en conséquence, condamner le Docteur [F] ou, à défaut, les Docteurs [I] et [C] à payer à Madame [D], sous réserve de l'application du pourcentage de 75 %, une somme globale de 213 801,66 € en réparation de son préjudice corporel,
- débouter le Docteur [F] et, plus généralement tous contestants, de toutes prétentions plus amples ou contraires aux présentes écritures,
- le condamner au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel ;
Dans leurs seules conclusions en ouverture de rapport déposées le 16 juin 2011, le Docteur [E] [I] et son assureur la Compagnie ALLIANZ IARD nouvelle dénomination de la Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE IART S.A., demande à la Cour de :
A titre principal,
- dire le rapport du Professeur [X] inopposable au Docteur [E] [I] et à la Compagnie ALLIANZ IARD nouvelle dénomination de la Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE,
- dire et juger que le Docteur [E] [I] n'a commis aucune faute,
- dire et juger que le Docteur [E] [I] a apporté à Madame [R] [H] épouse [D] des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science,
- débouter Madame [R] [H] épouse [D] de sa demande d'expertise,
En conséquence,
- confirmer le jugement attaqué en mettant purement et simplement hors de cause le Docteur [E] [I] et son assureur la Compagnie ALLIANZ IARD nouvelle dénomination de la Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE,
- débouter les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre du Docteur [E] [I] et de la société ALLIANZ IARD,
- condamner Madame [R] [H] épouse [D] et le Docteur [F] à verser, chacun, la somme de 1 500 € au Docteur [E] [I] et à la Compagnie ALLIANZ IARD nouvelle dénomination de la Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE,
- condamner tout succombant aux entiers dépens,
A titre infiniment subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation des préjudices de Madame [H] ;
Dans seules conclusions en ouverture de rapport déposées le 19 avril 2011, le Docteur [M] [C] et la Compagnie AGF IART demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause le Docteur [C],
- débouter le Docteur [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la CPAM de l'ESSONNE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter Madame [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dirigées contre le Docteur [C] dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par le praticien en lien causal avec ses préjudices,
Subsidiairement et par impossible,
- dire et juger que ce préjudice corresponds à une perte de chance d'éviter des troubles sphinctériens qui ne sauraient être supérieur à 20 %, taux qu'il convient d'appliquer sur tous les postes de préjudice imputable à la faute éventuelle du Docteur [C],
En tous les cas,
- condamner le Docteur [F] à verser aux concluants la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le Docteur [F] aux entiers dépens ;
Dans ses seules conclusions en ouverture de rapport déposées le 9 juin 2011, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de l'ESSONNE demande à la Cour de :
- dire le Docteur [F] non fondé en son appel et l'en débouter,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Subsidiairement,
- dire Messieurs [I] et [C] responsables de la perte de chance subie par Madame [D] et les condamner in solidum à en réparer intégralement les conséquences,
Ajoutant au jugement,
- fixer le poste 'dépenses de santé actuelles' du préjudice à caractère patrimonial subi par Madame [D] à la somme de 13 513,51 €,
- fixer le poste 'perte de gains professionnels actuels' du préjudice à caractère patrimonial subi par Madame [D] à la somme de 4 498,70 €,
- condamner in solidum le Docteur [F] et tous les autres tiers jugés responsables de la perte de chance subie par Madame [D] à rembourser à la CPAM de l'ESSONNE la somme totale de 17 512,09 €, montant des prestations versées pour le compte de Madame [D], ce avec intérêts au taux légal à compter de la première demande en date du 23 novembre 2005 et dans la proportion de la perte de chance mise à la charge du ou des responsables,
- les condamner sous la même solidarité à payer à la CPAM de l'ESSONNE la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d'appel ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2012 ;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant que courant février 2000, Madame [R] [H] épouse [D] (Madame [D]), âgée de 25 ans et présentant une tuméfaction génitale, a consulté son médecin traitant qui, suspectant une infection de la glande de Bartholin, l'a adressé au Docteur [E] [I] (Docteur [I]), médecin gynécologue, qui a confirmé le diagnostic ;
Que le Docteur [I] a opéré Madame [D] le 17 février 2000 puis le 25 février suivant à la CLINIQUE [13] (la CLINIQUE) en raison d'un hématome post-opératoire ;
Qu'il a ensuite confié sa patiente au Docteur [M] [C] (Docteur [C]) gynécologue-obstétricien, lequel a mis en évidence un abcès fessier gauche qu'il a opéré le 15 mars 2000 au sein de la CLINIQUE ;
Que, présentant toujours des douleurs, Madame [D] a consulté le Docteur [Y] [F] (Docteur [F]), chirurgien digestif, à la Clinique de la [Adresse 15], lequel l'a opérée le 3 avril 2000 d'une fistule extra-sphinctérienne dont la récidive a nécessité une nouvelle intervention le 30 avril 2000 ;
Qu'en raison de la persistance de troubles fonctionnels et d'écoulement, Madame [D] a consulté le Professeur [N] à l'Hôpital [14], lequel a réalisé une sphinctérotomie anale partielle interne le 20 novembre 2000 ;
Qu'après avoir sollicité un avis médical auprès de sa compagnie d'assurances, le Docteur [G] [L] (Docteur [L]), désigné par celle-ci, a conclu à l'existence d'une fistule anale extra-sphinctérienne complexe, à des fautes de diagnostic des Docteurs [I] et [C] et à l'absence responsabilité du Docteur [F] ;
Que Madame [D] a ensuite obtenu par ordonnance du Juge des référés en date du 22 mai 2002, la désignation du Docteur [M] [U] (Docteur [U]) qui s'est adjoint le Docteur [T] [J], gynécologue accoucheur, en qualité de sapiteur ;
Que, dans son rapport clôturé le 12 février 2004, le Docteur [U] a essentiellement retenu que :
' Madame [D] présentait avec un très haut degré de probabilité, une fistule anale complexe de diagnostic trompeur car se manifestant comme une bartholinite,
' les interventions des Docteurs [I] et [C] ont méconnu la pathologie causale en raison de la forme clinique trompeuse et ne peuvent être considérées comme fautives,
' le Docteur [F] intervenant à deux reprises :
- aurait du procéder à un bilan plus approfondi de la fistule que ses comptes rendus ne le laissaient penser,
- n'a pas pratiqué un bilan anatomique de la fistule conforme aux règles de l'art et n'a donc pu mener un traitement complet qui aurait vraisemblablement demandé l'installation d'élastique passant entre deux orifices et encerclant le sphincter, la fistule a ainsi continué à se développer et les chances de guérison on été perdues mais seulement des chances car dans ce domaine délicat, le succès n'est jamais assuré,
' compte tenu de l'évolution fréquemment chronique des fistules anorectales et de la fréquence des incontinences sphinctériennes séquellaires, il est très vraisemblable que même rapidement traitée, Madame [D] pouvait présenter des récidives et des troubles sphinctériens,
'le pourcentage de ces chances perdues est difficile à évaluer, il est supérieur à 50 % compte tenu de l'évolution habituelle de ces pathologies ;
Qu'en réponse aux dires du Docteur [F], les Docteurs [U] et [J] ont précisé que :
- le trajet fistuleux d'une fistule anale peut aller jusqu'à la grande lèvre, mimant parfaitement un abcès de la glande de Bartholin surtout si l'oedème est important,
- l'identification du trajet fistuleux et son drainage électif par un seton ou un élastique aurait probablement permis à ce moment là, de ne pas compromettre la fonction sphinctérienne, le compte rendu opératoire ne montre pas que le Docteur [F] a recherché une fistule, si celui-ci pensait réellement qu'il existait une fistule, il ne pouvait pas penser à une guérison en drainant l'abcès sans traiter la fistule le faisant communiquer avec l'anus,
- l'absence de traitement de la fistule a précisément menacé le sphincter anal et la remise à plus tard du traitement de l'orifice fistuleux est contraire aux connaissances admises sur le traitement de la fistule anorectorale ;
Que c'est dans ce contexte que Madame [D] ayant recherché la responsabilité des Docteurs [I] et [C], assurés par la société AGF, du Docteur [F] et de la CLINIQUE [13], a saisi le Tribunal de grande instance d'Evry qui a rendu le jugement déféré soumis à la Cour, laquelle a mis hors de cause la CLINIQUE [13] S.A. par son précédent arrêt du 12 juin 2009 et ordonné une nouvelle expertise ;
SUR QUOI,
Considérant que, dans ses dernières conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de son argumentation, le Docteur [F], estimant que les experts [S] et [P], désignés par la Cour, confirment les conclusions du Docteur [L] désigné par l'assureur de Madame [D] et du Professeur [X] sollicité par lui-même, conteste toute responsabilité dans le préjudice subi par Madame [D] dès lors qu'il agissait dans l'urgence à mettre à plat un abcès et, qu'intervenant en troisième position, il se devait d'être d'une grande prudence pour préserver le sphincter anal ;
Considérant que le Docteur [U], 1er expert, relève à l'encontre du Docteur [F] que l'identification du trajet fistuleux et son drainage électif par un seton ou un élastique aurait probablement permis à ce moment là, de ne pas compromettre la fonction sphinctérienne et que s'il pensait réellement qu'il existait une fistule, il ne pouvait pas penser à une guérison en drainant l'abcès sans traiter celle-ci la faisant communiquer avec l'anus alors que la remise à plus tard de ce traitement est contraire aux connaissances admises en la matière et a précisément menacé le sphincter anal ;
Considérant cependant, que les constatations des experts [S] et [P] ne permettent pas de retenir ces premières constatations ;
Qu'en effet, ces derniers :
- notent que 'Le Docteur [F] est intervenu 3 semaines après le Docteur [C]' (soit respectivement le 2 avril 2000 et le 15 mars 2000)'et a posé le diagnostic de fistule d'origine anale. Il a demandé un scanner pelvien, une coloscopie, a fait réaliser des soins locaux. Il n'y a pas eu de geste sur le sphincter anal. Le Docteur [F] n'a pas demandé ou réalisé de fistulographie ce qui est logique en urgence lors de la mise à plat d'un abcès. Il a exploré et excisé le trajet fistuleux. Il intervenait en troisième position et se devait d'une grande prudence dan ce contexte septique pour préserver le sphincter anal. (...) Les actes et les soins du Docteur [F] ont été parfaitement attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science.' (p. 15) ;
- confirment l'analyse de l'article de l'Encyclopédie Médico-Chirurgicale relative aux fistules anales (techniques chirurgicales, tome 2, 40-690, p. 7), pièce n° 3 de l'appelant, non contestée par les parties, par laquelle la réponse du Docteur [U] au dire de l'appelant ne peut être retenue pour caractériser une faute ;
Qu'ainsi, outre que l'urgence de l'intervention justifie l'absence de fistulographie, ces experts indiquent :'Le traitement des abcès de la marge anale consiste le plus souvent dans un premier temps en la mise à plat ou excision des abcès et un drainage en essayant de respecter le sphincter anal. Après disparition des phénomènes infectieux important du fait du drainage, une réintervention est nécessaire pour identifier la fistule et la traiter. Le traitement des trajets fistuleux multiples, comme dans le cas présenté par Mme [D], est complexe. Il peut nécessiter plusieurs interventions et est souvent source de séquelles' (idem) ;
Que la littérature médicale précitée indique également que dans l'hypothèse d'une fistule complexe, 'il (me) paraît plus prudent de réaliser une mise à plat en deux temps :'
'- premier temps : mise à plat du trajet intramural, le trajet transsphinctérien étant drainé par un fil élastique ;'
'- deuxième temps : quelques semaines après, lorsque la cicatrisation du trajet intramural est obtenue, mise à plat du trajet transsphinctérien.' ;
Que les experts [S] et [P] précisent également que les 'facteurs de risque de troubles de la continence sont la répétition des interventions.' et que, 'Au total, même traitées par des mains expérimentées, il persiste souvent, dans les fistules extra-sphinctériennes comme le présentait Madame [D], même en l'absence de section sphinctérienne, des séquelles, constituées essentiellement de troubles de la continence.' (id.) ;
Qu'ils relèvent en outre, alors que Madame [D] ne présentait aucun état antérieur et qu'il n'existait pas de pathologie digestive, qu'à l'issue de l'examen de l'état de l'appareil sphinctérien de la patiente (ce que n'ont pas fait les précédents experts), les résultats de l'échographie endo-anale réalisée le 16 juin 2010 confirment l'examen clinique réalisé le jour de l'expertise à savoir la mise en évidence d'une rupture mixte, importante, de l'appareil sphinctérien interne et externe à la partie moyenne du canal anal et du faisceau sous cutanée du sphincter externe sur la partie basse ; qu'ils précisent que 'L'origine de cette rupture sphinctérienne ne peut être que chirurgicale et contemporaine de cette dernière intervention' (du 20 novembre 2000 à l'occasion de laquelle le Professeur [N] a préalablement constaté l'intégrité du sphincter anal) 'une destruction par origine infectieuse pouvant être éliminée en l'absence de fasciite nécrosante décrite' (id.) ;
Que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une contre-expertise à l'appui de laquelle Madame [D] n'apporte d'ailleurs aucun élément médical de nature à la justifier, il résulte de ce qui précède qu'aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ne peut-être retenue à l'encontre du Docteur [F] ;
Considérant que, dans ses seules conclusions déposées en ouverture de rapport auxquelles il convient de se référer pour le détail de son argumentation, Madame [D] estime, 'à titre encore plus subsidiaire' que les Docteurs [C] et [I] doivent être déclarés responsables de la perte de chance qu'elle a subie et tenus d'en réparer in solidum les conséquences, sans toutefois argumenter cette responsabilité subsidiaire autrement qu'en faisant remarquer que le Professeur [X] 'se borne à' (les) 'incriminer sans pour autant exonérer le Docteur [F] de toute responsabilité' (p. 7 de ses écritures) ;
Considérant cependant qu'il résulte des constatations des divers experts, qui ne font que confirmer en cela l'avis du Professeur [X], que :
- Madame [D] présentant avec un très haut degré de probabilité, une fistule anale complexe de diagnostic trompeur car se manifestant comme une bartholinite, les interventions des Docteurs [I] et [C] ont méconnu la pathologie causale en raison de la forme clinique trompeuse mais ne peuvent être considérées comme fautives (expert [U] p. 10),
- qu'il n'a pas été retrouvé de geste malencontreux lors des deux interventions réalisées par le Docteur [I] auquel il ne peut être reproché l'erreur de diagnostic au regard de la forme clinique trompeuse, le délai de 8 jours entre les deux interventions de ce praticien ne constituant pas un retard constitutif d'une perte de chance (experts [S] et [P] (p. 14),
- que l'existence d'un abcès fessier et la bilatéralisation des lésions dont l'extension et la récidive, lors de l'examen du 15 mars 2000, aurait pu alerter le Docteur [C] pour faire réaliser des examens complémentaires à la recherche d'une étiologie (idem, p. 12),
- que cependant, il ne peut être établi une relation directe et certaine entre ce retard de traitement et les préjudices présentés ni celui-ci comme le retard au diagnostic être considérés avec certitude comme responsables de la totalité des préjudices actuels de Madame [D], s'agissant d'une fistule complexe et récidivante (idem, p. 13) ;
Considérant que s'il résulte de ce qui précède que la responsabilité des Docteurs [C] et [I] ne peut être retenue au titre de l'erreur de diagnostic et de ses suites quant au traitement, demeure néanmoins la question de l'absence d'examens complémentaires de la part du Docteur [C] lors de son intervention du 15 mars 2000 ;
Qu'il sera relevé cependant que ce défaut d'examens, dont la nature n'est d'ailleurs pas indiquée par les experts, ne peut être retenu à l'encontre de ce praticien, précisément en raison du caractère complexe de cette fistule multiple rendant également très complexe le traitement de son trajet et faisant dès lors obstacle à ce qu'il opère un rattachement de cette bartholinite apparente à une éventuelle fistule anale qui ne sera découverte que trois semaines plus tard (le 2 avril 2000 par le Docteur [F]) ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions et que les demandes de la CPAM deviennent sans objet ;
***
Considérant qu'il est rappelé en tant que de besoin que l'infirmation de la décision entreprise vaut condamnation à restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision infirmée, les intérêts légaux courant à compter de la signification du présent arrêt ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que les diverses demandes accessoires présentées par la CPAM deviennent sans objet ;
Considérant que succombant en son appel incident, Madame [D] devra supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,
STATUANT A NOUVEAU,
DÉBOUTE Madame [R] [H] épouse [D] de toutes ses demandes,
DIT n'y a avoir lieu à statuer sur les demandes en restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE Madame [R] [H] épouse [D] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de l'expertise ordonnée par la Cour, avec admission des Avocats concernés au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT