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12/04/2012 | FRANCE | N°10/04009

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 12 avril 2012, 10/04009


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 12 Avril 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04009 - JS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/07084



APPELANT

Monsieur [X] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Baptiste FARRE, avocat au barreau de

PARIS, toque : R073



INTIMEE

SA BANQUE PALATINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Delphine SALLA, avocat au barreau de PARIS, toque : J007



COMPOSITION DE ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 12 Avril 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04009 - JS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/07084

APPELANT

Monsieur [X] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Baptiste FARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R073

INTIMEE

SA BANQUE PALATINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Delphine SALLA, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Monsieur [X] [C] a été engagé en qualité de comptable par contrat à durée indéterminée du 29 mai 2001 à compter du 5 juin 2001, par la Banque San Paolo, devenue Banque Palatine,(ci-après «la Banque»), laquelle est une banque d'affaires.

Sa classification était fixée au niveau G de la Convention Collective Nationale de la Banque. Le contrat de travail prévoyait qu'à l'issue d'une période d'un an de présence effective, la classification de Monsieur [C] passerait au niveau H avec une augmentation de sa rémunération annuelle brute alors fixée à 180.000 francs.

En juin 2004, [X] [C] a été affecté au service fiscalité du département Comptabilité et Fiscalité.

A la fin de l'année 2006, [X] [C] a sollicité une mobilité intra groupe au sein de la société GCE Bail ; cette mobilité ne s'est cependant pas concrétisée.

Par courrier du 29 janvier2007, la Banque a confirmé à [X] [C] sa nomination, à compter du 1er avril 2007, en qualité de réviseur comptable au sein du service révision comptable (REVIS).

Par lettre recommandée du 30 mai 2008, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par courrier recommandé du 27 juin 2008, la société lui a répondu qu'elle considérait que la rupture du contrat de travail dont il avait seul pris l'initiative ne lui était aucunement imputable.

[X] [C] a saisi le 16 juin 2008 le Conseil de Prud'hommes de Paris, lequel par jugement du 6 avril 2010, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et a débouté la Banque Palatine de ses demandes reconventionnelles.

Régulièrement appelant, [X] [C] demande à la cour de juger que les faits qu'il invoque et reproche à la Banque Palatine sont justifiés donc juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la Banque Palatine au paiement des sommes suivantes :

*Au titre de la rupture du contrat de travail :

- Indemnité compensatrice de préavis : 11.850,50 €

- Indemnité compensatrice de congés payés afférents :1.185,05 €

- Indemnité compensatrice de RTT afférents :1.368,42 €

- Indemnité conventionnelle de licenciement5 :12.436,22 €

- Dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :40.000 €

- Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :23.701 €

*Au titre de la discrimination salariale et de l'entrave à la mobilité de M. [C] :

- Rappel de salaires (année 2006) :537,71 €

- Rappel de salaires (année 2007) :4.530,78 €

- Rappel de salaires (année 2008) :1.942,25 €

- Indemnité compensatrice cumulée de congés payés afférents : 701,07 €

*Au titre des heures supplémentaires effectuées par M. [C] et non payées :

- Rappel d'heures supplémentaires (année 2003) :748,47 €

- Rappel d'heures supplémentaires (année 2004) :1.393,45 €

- Rappel d'heures supplémentaires (année 2005) :1.352,02 €

- Rappel d'heures supplémentaires (année 2006) :534,12 €

- Rappel d'heures supplémentaires (année 2007) :368,27 €

- Rappel d'heures supplémentaires (année 2008) :320,07 €

- Indemnité compensatrice cumulée de congés payés afférents :471,64 €

*3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

avec intérêts légaux et capitalisation des intérêts, sur l'ensemble des condamnations, outre les entiers dépens.

La Banque Palatine demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a qualifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en démission donc de juger : qu'aucune modification du contrat de travail de Monsieur [C] n'est intervenue du fait de son affectation au service fiscalité ; qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles concernant la mobilité envisagée de Monsieur [C] au sein de la Société GCE Bail et que ses conditions de travail n'ont pas été dégradées ; constater l'absence de toute heure supplémentaire effective non rémunérée et que la différence de rémunération entre Messieurs [C] et [F] est fondée sur un élément objectif tenant aux diplômes obtenus ; débouter Monsieur [C] de toutes ses demandes tant au titre de la prise d'acte, qu'au titre de rappels de salaire ou de rappels d'heures supplémentaires et le débouter de l'intégralité de ses demandes ; le condamner à payer à la Banque PALATINE la somme de 9331€ brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, la Banque Palatine demande de dire que : Monsieur [C] ne saurait justifier ni prétendre à la date de l'audience à des dommages et intérêts au-delà de l'application des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail en l'absence de tout préjudice ; que l'indemnité conventionnelle de licenciement ne saurait excéder 8752,03€ et l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 9 331 € ; le débouter de ses demandes de rappels de salaires et de toutes ses autres demandes.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, [X] [C] expose qu'il a effectué 184,99 heures supplémentaires non payées, sur la période non prescrite, dont le décompte s'établit comme suit : 30,91 heures sur l'année 2003 ; 57,60 heures sur l'année 2004 ; 54,38 heures sur l'année 2005 ; 20,23 heures sur l'année 2006 ; 10,50 heures sur l'année 2007 ; 11,36 heures sur l'année 2008.

Il précise que la Banque est incapable de rapporter la preuve qu'elle s'était opposée à l'accomplissement de ces heures supplémentaires, dont elle ne conteste d'ailleurs ni la réalité, ni l'importance, sauf à prétendre que le système de badgeage mis en place au sein de la Banque avait seulement vocation à enregistrer « la présence » des salariés et non pas à contrôler « leur temps de travail ».

Pour étayer ses dires, [X] [C] produit notamment un tableau récapitulatif des heures supplémentaires sur les années 2003 à 2008, ses bulletins de salaires de 2003 à 2008, des documents relatifs au traitement hebdomadaire de la durée du travail sur les années 2003 à 2007, ses relevés de pointage de juin 2003 à juin 2008, un tableau récapitulatif de ses rémunérations annelles et de ses rappels de salaires liées aux heures supplémentaires non payées de 2003 à 2008 ainsi que l'attestation d'[O] [W] en date du 3 novembre 2008.

Il s'ensuit que le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

L'employeur rétorque que l'ensemble des heures supplémentaires réalisées par Monsieur [C] à la demande de sa hiérarchie a été rémunéré comme le démontrent les bulletins de paie produits par le salarié. La Banque soutient que seules ces heures-là répondaient aux critères d'heures supplémentaires ; que la procédure avait été respectée puisqu'elles avaient été réalisées à la demande de la hiérarchie, elles correspondaient à une période de surcroît d'activité et avaient donné lieu à l'établissement de bordereau d'heures supplémentaires, ce qui n'est pas le cas du surplus réclamé par le salarié. Elle rétorque par ailleurs que les relevés de badgeage ne sont que le reflet des heures d'entrée et de sortie du bâtiment mais ne correspondent pas nécessairement aux heures de travail effectif, que l'attestation de Monsieur [W] est dénuée de force probante suffisante et que si des heures supplémentaires étaient réalisées sans donner lieu à paiement, les représentants du personnel comme l'inspection du travail seraient intervenus ce qui n'est nullement le cas.

[O] [W], avocat fiscaliste, certifie avoir travaillé à la banque Palatine en qualité de responsable fiscal de juin 2004 à janvier 2007 et avoir constaté notamment les faits suivants : « compte tenu des particularités de notre activité et de son exigence de réactivité constante, il a souvent été demandé à Monsieur [C] d'effectuer des heures supplémentaires, toujours validées par moi-même et Monsieur [H], son N+2 ».

Le courriel de [N] [P] du 16 avril 2007 illustre notamment le fait que l'employeur avait validé des heures supplémentaires réclamées par plusieurs de ses salariés, dont [X] [C], en fonction des problèmes rencontrés dans le cadre de l'établissement de la liasse fiscale.

Au vu de la procédure en vigueur au sein de la Banque, des éléments produits de part et d'autre, et plus particulièrement des bordereaux d' heures supplémentaires remplis par le salarié et des heures supplémentaires déjà rémunérées dans ce cadre, sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a ainsi la conviction que [X] [C] n'a pas effectué les heures supplémentaires alléguées.

Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée.

Sur la discrimination salariale et l'inégalité de traitement

Selon l'article L.1132-1 du code du travail, la discrimination envers un salarié suppose un motif à l'origine de la différence de rémunération ou de traitement alléguée et l'employeur ne peut pas prendre en considération certains facteurs ou certaines caractéristiques du salarié pour arrêter ses décisions.

Lorsque le salarié n'invoque aucune caractéristique personnelle qui aurait déterminé l'employeur à le traiter différemment de ses collègues, mais revendique le même traitement que ceux-ci, dont il soutient qu'ils sont dans une situation comparable à la sienne, sa demande est fondée, non sur la discrimination, mais sur l'inégalité de traitement.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, [X] [C] soutient qu'il a subi une différence de traitement en comparant sa situation avec celle d'[I] [F], embauché au même poste que lui (Réviseur Comptable) de janvier 2007 à août 2007 ; il affirme que, bien que disposant d'une formation de niveau inférieur à la sienne, ayant le même âge, la même ancienneté dans le secteur et comptant une ancienneté inférieure dans la Banque, M. [F] a bénéficié d'une rémunération annuelle brute de base supérieure de plus de 4.500€ à la sienne.

Il produit ainsi des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

L'employeur rétorque que la différence de rémunération entre ces deux salariés repose sur des éléments objectifs tenant d'une part aux diplômes obtenus par les salariés, [I] [F] étant titulaire d' une maîtrise (niveau baccalauréat + 4 ans) alors que [X] [C] est titulaire d'un BTS comptabilité et DECF (désormais Diplôme de comptabilité et de gestion), diplôme de niveau Baccalauréat +3 et d'autre part, à l'expérience acquise.

Cependant, le DECF dont est titulaire [X] [C] est le diplôme spécifique et professionnel requis par la Banque, de niveau Bac+4, pour lui permettre d'exercer les missions confiées, selon la note de cadrage sur les compétences requises au personnel de la Comptabilité Générale éditée par le Directeur du Département Fiscal et Comptable de la Banque.

L'employeur occulte en outre l'expérience acquise par [X] [C] en matière fiscale, y compris au sein de la banque.

En l'absence d'élément objectif justifiant la différence de traitement entre [X] [C] et [I] [F], alors qu'ils exerçaient des missions équivalentes dans le même service à compter de janvier 2007, il convient de faire droit à la demande, uniquement à compter de cette date et donc de lui allouer les sommes suivantes :

- 4530,78 € sur l'année 2007 et 453,08 € à titre de congés payés afférents ;

- 1942,25 € sur l'année 2008 et 194,22 € à titre de congés payés afférents.

[X] [C] sera en revanche débouté de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre de l'année 2006.

Sur la prise d'acte de la rupture

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

En l'espèce, par lettre recommandée du 30 mai 2008, [X] [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

« Par lettre du 28 mai 2001 et à compter du 5 juin 2001, j'ai été embauché par la Banque Sanpaolo, devenue Banque Palatine, en qualité de Comptable - niveau G, rattaché à la Direction Centrale Secrétariat Général et Comptabilité - Secteur Comptabilité Générale - Reporting.

A compter de juin 2004, j'ai été unilatéralement affecté au Groupe fiscal nouvellement créé pour y exercer, sous l'autorité du Responsable fiscal, les fonctions de Fiscaliste et non plus celles de Comptable.

A cette occasion, il m'a été promis la régularisation de ma situation par avenant ainsi qu'une augmentation corrélative de mon salaire en raison de cette modification de mon contrat de travail. En réalité et malgré mes demandes réitérées, aucune régularisation de ma situation ni augmentation de mon salaire ne sont jamais intervenues, de sorte que cette modification de mon contrat de travail m'a été purement et simplement imposée, sans mon accord ni aucune contrepartie.

Au mois de septembre 2006, souhaitant bénéficier de la mobilité professionnelle interne promue par le Groupe, vous avez été parfaitement informé de mon imminent transfert au sein de GCE Bail pour l'avoir accepté et m'avoir recommandé auprès des responsables de cette filiale. Alors que j'étais sur le point de signer mon nouveau contrat, vous n'avez pourtant pas hésité à violer vos engagements en vous opposant finalement à mon transfert et à mon embauche au sein de cette société.

Au détriment de ma carrière professionnelle, vous m'avez ainsi privé d'une opportunité qui retenait tout mon intérêt et qui s'accompagnait notamment d'une augmentation de salaire. Votre promesse de vous aligner sur les conditions financières consenties par GCE Bail n'a encore une fois jamais été suivie d'effet.

Par courrier du 29 janvier 2007, il m'a été confirmé ma nouvelle affectation à compter du 1er avril 2007 au sein du Service Révision Comptable (REVIS), en qualité de Réviseur Comptable. Ma prise de fonctions et l'augmentation de rémunération à laquelle vous vous étiez engagés ont finalement été retardées à mai 2007, après seulement que je demande à nouveau la régularisation de ma situation et le paiement de ma nouvelle rémunération.

Bien qu'officiellement désormais affecté à la Révision Comptable à compter de cette date, j'ai été immédiatement contraint de déférer aux « détachements » sollicités par le Groupe fiscal, en répondant loyalement à ce qu'il a été faussement appelé des « mobilisations ponctuelles ». En réalité, ces détachements sont rapidement devenus récurrents et chronophages, au détriment du plein et serein exercice de mes nouvelles fonctions au sein de la Révision Comptable.

En effet, j'ai alors été sous la pression constante d'instructions contradictoires émanant de trois responsables différents (Responsable Fiscal, Responsable de la Cellule Résultats et Responsable de la Révision Comptable).

Cette situation intolérable perdurant dans le temps, le stress, la tension et le surcroît de travail engendrés n'ont pas manqué d'entraîner la dégradation de mon état de santé. J'ai ainsi été contraint à une visite à l'hôpital en novembre 2007 dont j'ai informé la Direction des Ressources Humaines.

Alors que je manifestais mon inquiétude quant au traitement qui m'était réservé et à la déstabilisation en résultant, j'ai été brutalement convoqué à un entretien au cours duquel on m'a fait comprendre qu'un éventuel refus de ma part de me soumettre aux injonctions du Groupe fiscal pourrait se solder par une sanction disciplinaire. Les efforts que j'ai déployés et mon dévouement pour assurer mes fonctions tant à la Révision Comptable, où dans les faits j'étais la seule personne à travailler, qu'au Groupe fiscal, ont donc été récompensés d'une manière bien singulière...

De façon pas moins déloyale, il a également été tiré parti de cette double affectation et de ce triple rattachement imposés. Il m'a ainsi été indiqué que, en raison de l'exercice « seulement partiel » de mes fonctions à la Révision Comptable, je ne pourrais être gratifié d'une quelconque augmentation sur l'année 2008. Pour comble, de façon tout à fait vexatoire et discriminatoire, je pense avoir été le seul du département COMP à ne pas recevoir de prime en cette fin d'année.

A cet égard, j'ai aussi pu constater la discrimination salariale avérée dont je faisais l'objet dans l'exercice de mes nouvelles fonctions au sein de la Révision Comptable, à ma connaissance depuis 2007. Une personne embauchée au sein de mon département, occupant strictement le même poste de Réviseur Comptable, ayant la même formation, le même âge, la même ancienneté dans le secteur et bien que comptant une ancienneté bien inférieure dans l'entreprise, a ainsi bénéficié d'une rémunération annuelle bien supérieure à la mienne.

Cette situation semble au demeurant généralisée et pleinement assumée au sein de l'entreprise. C'est ainsi que, s'adressant aux représentants du personnel qui s'inquiétaient de l'ampleur des inégalités en matière de rémunération, la Direction a répondu qu'il s'agissait « davantage d'un constat, produit de l'histoire »'

En outre et concernant toujours ma rémunération, je n'ai jamais été réglé de l'intégralité des heures supplémentaires que j'ai effectuées dans le cadre de mes différentes missions. Aussi, je vous remercie de bien vouloir m'adresser les relevés de badgeage me concernant pour établir les rappels de salaires correspondants.

Ces comportements, régulièrement répétés dans le temps, constituent autant de manquements graves aux obligations essentielles incombant à la Banque Palatine. Mes demandes et tentatives de trouver avec mon employeur une solution en bonne intelligence n'ont jamais été considérées, conduisant à la profonde et irréversible dégradation de mes conditions de travail.

Dans ce contexte, je n'ai malheureusement pas d'autre choix que de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de la Banque Palatine. »

Aux termes de ses dernières conclusions, [X] [C] soutient qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail pour les motifs suivants : modifications unilatérales du contrat de travail du fait de l'affectation au service fiscalité en juillet 2005 ; entrave par la Banque à la mobilité interne ; dégradation de ses conditions de travail ; non paiement d'heures supplémentaires ; différence de traitement.

La Banque rétorque qu'elle n'a commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail de [X] [C] et qu'en conséquence, la prise d'acte doit être considérée comme produisant les effets d'une démission.

Si [X] [C] est débouté de sa demande relative aux heures supplémentaires, il est établi pour les motifs ci-dessus détaillés qu'il a subi une inégalité de traitement salarial en 2007 et 2008, laquelle constitue un manquement suffisamment grave de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des griefs invoqués, la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation ouvre droit pour [X] [C] à l'octroi des sommes suivantes, compte tenu des rappels de salaires dus sur les douze derniers mois servant de base de calcul à sa rémunération mensuelle brute :

- 11850,50€ au titre de l'indemnité de préavis et 1185,05€ au titre de l'indemnité de congés payés afférents, en application de l'article 30 de la convention collective ;

- 12436,22€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement en application de l'article 26.2 de la convention collective ;

- 40000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [X] [C], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

En revanche, aucune indemnité n'est due à titre de travail dissimulé, la Cour ayant rejeté la demande relative aux heures supplémentaires.

La demande de la SA Banque PALATINE relative au paiement d'un préavis ne peut qu'être rejetée au regard de l'issue du litige.

Sur l'indemnité compensatrice de RTT

Le salarié étant en droit de prétendre à une indemnité compensatrice des jours de RTT auxquels il aurait eu droit s'il avait travaillé durant le préavis, compte tenu d'un préavis de trois mois et de l'octroi de 2,5 jours de RTT par mois, il convient de lui allouer la somme de 1368,42€ bruts à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de Procédure Civile

[X] [C] a dû exposer des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. La Banque supportera les entiers dépens, lui versera la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et verra sa propre demande à ce titre rejetée.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a :

- débouté [X] [C] de sa demande de rappel de salaires pour l'année 2006 et des congés payés afférents, de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé et de ses demandes de rappel d' heures supplémentaires et congés payés afférents ;

- débouté la SA Banque PALATINE de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA Banque PALATINE à payer à [X] [C] les sommes suivantes :

- 4530,78€ à titre de rappel de salaire sur l'année 2007 et 453,08 € à titre de congés payés afférents ;

- 1942,25€ à titre de rappel de salaire sur l'année 2008 et 194,22 € à titre de congés payés afférents ;

- 11850,50€ au titre de l'indemnité de préavis et 1185,05€ à titre de congés payés afférents ;

- 12436,22€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 1368,42€ au titre de l'indemnité compensatrice de RTT ;

- 40000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les sommes de nature salariale produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la SA Banque PALATINE de la convocation devant le bureau de jugement et que les autres sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne la capitalisation des intérêts de droit échus sur ces sommes à compter du 19 juin 2008, date de connaissance par la SA Banque PALATINE de cette demande ;

Condamne la SA Banque PALATINE à payer à [X] [C] la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Banque PALATINE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/04009
Date de la décision : 12/04/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/04009 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-12;10.04009 ?
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