Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRET DU 11 AVRIL 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01618
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2009 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 09/03055
APPELANTE
Madame [W] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Assistée de la SELARL EURO CONSEIL (Me Hélène CHARAVNER) (avocats au barreau de PARIS, toque : D1144)
INTIME
Monsieur [X] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Assisté de Me Jean RAMAIN (avocat au barreau de PARIS, toque : D0974)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 495-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Yves GARCIN, président
Marie Bernadette LE GARS, présidente,
Claire MONTPIED, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Nathalie GIRON
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Yves GARCIN, Président,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Yves GARCIN, président et par Mme Nathalie GIRON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par Mme [W] [F] du jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Paris le 24 septembre 2009 l'ayant déboutée des demandes de dommages intérêts pour rupture abusive et harcèlement moral qu'elle formulait contre son employeur, le Docteur [X] [Z], en condamnant ce dernier à payer (en équité) à son ancienne salariée les sommes de 4.684,26 € à titre d'indemnité de préavis et 468,42 € pour les congés payés afférents.
Faits et demandes des parties :
Mme [W] [F] a été embauchée par le Docteur [X] [Z], gynécologue- échographe, le 1er décembre 1981 en qualité de secrétaire médicale.
Au cours des années 2006, 2007 et 2008 elle a subi plusieurs arrêts de travail. A l'issue de son dernier arrêt, soit le 15 décembre 2008, le médecin du travail l'a déclarée 'inapte à son poste, sauf à temps partiel, à domicile, sans contrainte organisationnelle'.
Le 9 janvier 2009 Mme [W] [F] a été licenciée pour inaptitude et reclassement impossible au sein du cabinet.
Son dernier salaire s'élevait à 2.342,13 € brut.
C'est dans ce contexte de fait que Mme [W] [F] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 9 mars 2009 de diverses demandes contre son employeur et qu'est intervenu le jugement dont appel.
°°°
Mme [W] [F] poursuit l'infirmation du jugement et demande à la cour de retenir que le Docteur [X] [Z] n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ce qui justifie, selon elle, que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.
Elle réclame à ce titre 140.527,80 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que les sommes de :
- 4.684,26 € à titre de préavis (2 mois de salaire),
- 468,42 € pour les congés payés afférents,
- 37.420,32 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement (article L.1234-9 du code du travail),
- 84.316,68 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
- 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
°°°
Le Docteur [X] [Z], intimé et appelant incident, conclut au rejet de l'appel de Mme [W] [F] et demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à lui payer les sommes y figurant, dont il requiert le remboursement y compris avec les intérêts. Il fait valoir qu'en cas d'inaptitude le préavis n'est pas dû.
SUR CE,
Sur le licenciement :
Considérant que la lettre de licenciement du 9 janvier 2009, faisant suite à l'entretien préalable du 5 janvier précédent, est libellée comme suit :
' Madame,
A la suite de notre entretien du 5 janvier je vous informe que j'ai décidé de vous licencier pour le motif suivant :
Inaptitude constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle votre reclassement au sein de mon cabinet s'avère impossible.
Votre état de santé ne vous permet pas de travailler pendant la durée de votre prévis qui en conséquence ne sera pas rémunéré.
Dès réception de la présente, vous pourrez vous présenter pour recevoir les sommes vous restant dues au titre des indemnités de congés payés et de licenciement et retirer votre certificat de travail et attestation ASSEDIC.
Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées.' ;
Considérant que l'avis du médecin du travail sur lequel est fondée la lettre de licenciement est rappelé ci-dessus, à savoir : 'inapte à son poste, sauf à temps partiel, à domicile, sans contrainte organisationnelle' ;
Mais considérant que l'article L.1226-2 du code du travail énonce : 'lorsque, à l'issue de périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail, ou aménagement du temps de travail.' ;
Considérant que, dans le cas présent, l'employeur ne démontre pas ni même n'allègue avoir tenté de reclasser Mme [W] [F] en mettant en oeuvre tous les moyens pertinents pour tenter de remplir son obligation de reclassement (temps partiel, externalisation téléphonique, recherche auprès de confrères etc...) , qu'il s'ensuit qu'il a failli à son obligation légale ce qui justifie que le licenciement de Mme [W] [F] par le Docteur [X] [Z] doit être jugé abusif ;
Considérant qu'il convient en conséquence de condamner le Docteur [X] [Z] à payer à Mme [W] [F] les indemnités de rupture soit :
- 4.684,26 € à titre d'indemnité de préavis et 468,42 € pour les congés payés afférents, le jugement dont appel étant confirmé sur ce point par substitution de motifs les sommes dont s'agit étant légalement dues et non dues 'en équité',
des dommages intérêts pour licenciement abusif que la cour évalue à :
- 77.290,29 €,
en fonction de l'ancienneté de la salariée au sein du cabinet (27 ans) de son âge à la date du licenciement (62 ans), âge la plaçant dans une situation périlleuse pour retrouver un emploi jusqu'à ce qu'elle puisse liquider ses droits à la retraite ;
Sur le harcèlement moral :
Considérant que l'article L.1152-1 du code du travail énonce que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.' ;
Considérant que, s'il apparaît à la lecture des échanges de lettres entre le Docteur [X] [Z] et Mme [W] [F] que les relations au cabinet étaient quelque peu tendues, cette tension ne peut être mise au compte de l'une ou l'autre partie et en tous cas pas au compte du Docteur [X] [Z] , force étant, par ailleurs, de constater que Mme [W] [F] ne justifie pas avoir fait l'objet de la part du Docteur [X] [Z] de faits répétés de harcèlement moral au sens du texte précité , les attestations qu'elle verse aux débats ([Y], [U], [R], [H], [N], [D], [M], [B], [S], [J], [A] ... ) émanant de personnes toutes étrangères au cabinet et n'ayant donc pu constater ce qui s'y passait, et se bornant, en tout état de cause, à rapporter des propos tenus par la salariée dans le cadre de relations amicales avec les témoins ;
Qu'il s'ensuit que Mme [W] [F] doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts fondée sur des faits de harcèlement moral, non démontrés ;
Sur l'indemnité de licenciement :
Considérant qu'aux termes de la convention collective dont dépendait Mme [W] [F] une indemnité de licenciement est due pour tout le personnel ayant plus d'un an d'ancienneté en dehors du cas de faute grave ; cette indemnité sera calculée comme suit :
- à partir de 10 ans d'ancienneté 1/5 de mois de salaire brut par année, auquel s'ajoute 2/15 de mois par année au delà de 10 ans ..
Considérant qu'il convient, en conséquence, en application de la convention dont s'agit, (article 3) d'accueillir la demande de Mme [W] [F] à ce titre et de condamner le Docteur [X] [Z] à lui payer la somme qu'elle réclame soit 37.420,32 € ;
Sur l'article 700 :
Considérant que l'équité commande de condamner le Docteur [X] [Z] à apyer à Mme [W] [F] 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement dont appel, par substitution de motifs, en ce qu'il a alloué à Mme [W] [F] :
- 4.684,26 € à titre de préavis (2 mois de salaire),
- 468,42 € pour les congés payés afférents,
Infirme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,
Dit que le Docteur [X] [Z] a failli à son obligation de reclassement ;
En conséquence,
Juge abusif le licenciement de Mme [W] [F] par Docteur [X] [Z] et le condamne à payer à son ancienne salariée la somme de 77.290,29 €, à ce titre ;
Condamne le Docteur [X] [Z] à payer à Mme [W] [F] la somme de 37.420,32 € à titre d'indemnité de licenciement ;
Condamne le Docteur [X] [Z] à payer à Mme [W] [F] 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande des parties ;
Condamne le Docteur [X] [Z] aux entiers dépens.
LE PRESIDENT, LE GREFFIER,