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28/03/2012 | FRANCE | N°11/01507

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 28 mars 2012, 11/01507


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 28 MARS 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/01507



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/05737





APPELANTE





Madame [W] [U] épouse [E]

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 9] >
[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]



Représentée par la SCP BLIN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0058, postulant

assistée de Me Dominique SUMMA, avocat au barreau de PARIS, toque : B1058, p...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 28 MARS 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/01507

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/05737

APPELANTE

Madame [W] [U] épouse [E]

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par la SCP BLIN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0058, postulant

assistée de Me Dominique SUMMA, avocat au barreau de PARIS, toque : B1058, plaidant

INTIMÉE

Madame [V] [L]

née le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 1] (13)

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL HJYH, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, postulant

assistée de Me Odile LARY-BACQUAERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D2025, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal CHAUVIN, président et Madame Nathalie AUROY, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Florence BRUGIDOU, conseiller appelé d'une autre Chambre pour compléter la Cour

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Le [Date décès 2] 2008, [P] [U], âgé de 42 ans, adjudant chef dans l'armée de l'air, s'est donné la mort au camp militaire de [Localité 10] à [Localité 6] (Côte d'Ivoire) où il effectuait une mission depuis le mois de juillet 2007.

Le lendemain, il a été trouvé, dans la chambre dont il disposait au camp militaire, un bloc-note sur lequel étaient rédigées les dispositions suivantes :

'Voici mes dernières volontés.

Je lègues tous mes biens à ma compagne [V] [L] que j'aime. Qu'elle me pardonne mais la souffrance que j'éprouve m'est insupportable. Je ne veux pas que l'on s'appitoye sur mon sort.

J'aimerai être incinéré et que mes cendres soit dispersée d'un avion C160 Transall.

Pardon à tous ceux que j'aime et qui m'aiment.

C'est lache ce que je fais mais c'est ainsi que je rejoins ceux qui me manquent tant en ce moment.

Mes parents.

Pardon Pardon Pardon.

[suit une signature]

Avant mon incinération, je donne mon corps pour le corps médical'.

Par acte du 11 mars 2009, faisant valoir que cet écrit contredisait un testament olographe daté du 5 janvier 1997, déposé le 4 juin 1997 en l'étude de Me [B], notaire, et l'instituant légataire universelle, Mme [W] [U] épouse [E], soeur du défunt, a assigné Mme [V] [L] en nullité de l'écrit.

Par jugement du 9 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que l'écrit non daté retrouvé dans le carnet de [P] [U], le lendemain de son décès survenu le [Date décès 2] 2008, constitue un testament olographe désignant Mme [V] [L] en qualité de légataire universelle,

- dit n'y avoir lieu à expertise graphologique,

- rejeté en conséquence l'ensemble des demandes principales,

- condamné Mme [E] à payer à Mme [L] une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Mme [E] aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 26 janvier 2011, Mme [E] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 février 2012, elle demande à la cour de :

- juger son appel recevable,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- statuant à nouveau,

- juger que l'écrit non daté n'a pas valeur de testament, ni en la forme, ni par ses éléments intrinsèques et extrinsèques, avec toutes conséquences de droit,

- juger l'écrit nul comme ayant été rédigé dans un moment de confusion mentale, [P] [U] étant gravement dépressif à cette période de l'année, date anniversaire de la disparition de sa mère, et étant éloigné de sa famille,

- débouter Mme [L] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [L] 'à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile',

- condamner Mme [L] aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

Dans ses dernières conclusions déposées le 6 février 2012, Mme [L] demande à la cour de :

- déclarer Mme [E] irrecevable et subsidiairement mal fondée en son appel,

- l'en débouter,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- y ajoutant,

- condamner Mme [E] à payer une nouvelle somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'en dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible ;

Considérant en l'espèce qu'il n'est pas contesté que l'écrit litigieux, en ce qu'il exprime les dernières volontés de [P] [U] et institue Mme [L] légataire universelle, constitue un testament olographe ;

Considérant qu'il n'est plus contesté devant la cour que ce testament a été écrit en entier et signé de la main de [P] [U] ;

Considérant que le testament n'est pas daté ;

Que, cependant, il a été trouvé au lendemain du décès de [P] [U] dans la chambre dont celui-ci disposait au camp militaire de [Localité 10] à [Localité 6] ;

Qu'il résulte de ses termes mêmes qu'il a été rédigé au cours de la mission de [P] [U] en Côte d'Ivoire (laquelle avait débuté en juillet 2007) et, plus précisément, dans les heures qui ont précédé le geste fatal de son auteur, ainsi qu'en témoignent les derniers mots écrits par celui-ci ('Pardon à tous ceux que j'aime et qui m'aiment. C'est lache ce que je fais mais c'est ainsi que je rejoins ceux qui me manquent tant en ce moment. Mes parents. Pardon Pardon Pardon.') ;

Considérant qu'il n'est démontré par aucun élément qu'entre le mois de juillet 2007 et le [Date décès 2] 2008, [P] [U] ait été frappé d'une incapacité de tester ;

Qu'à cet égard, le testament ne révèle, en lui-même, aucun trouble mental ; qu'en particulier, il n'existe aucune incohérence, révélatrice d'un tel trouble, entre le legs de son corps à la science et le voeu d'être incinéré ;

Que le premier certificat établi le 6 octobre 2008 par le docteur [P] [N], qui indique avoir examiné [P] [U] à deux reprises au cours de l'année 1996 pour 'état dépressif grave avec tendance suicidaire', est inopérant ;

Que le second certificat établi le 14 janvier 2011 par ce même médecin qui relate avoir suivi [P] [U] depuis plusieurs années pour 'un état dépressif grave avec déjà des tendances suicidaires' et avoir été informé par [P] [U], 'au téléphone d'Afrique vers le 20 mai 2008', que 'son état psychiatrique s'était considérablement aggravé et qu'il 'voulait en finir', vu que [sic] sa compagne [V], restée dans le sud de la France, avait un comportement qui l'amenait à douter du sérieux de leur relation', et qu'il avait 'déposé un testament chez un notaire au bénéfice de sa soeur, Me [E] [W], car cette dénomée [sic] [V] le harcelait pour qu'il refasse un autre testament en sa faveur à elle', pour en déduire que, selon son avis, 'vu l'état confusionnel dans lequel se trouvait Mr [U], il a dû faire 'une lettre en ce sens' et pour laquelle il n'avait absolument aucun souvenir, ni de l'endroit où il l'avait écrite ni où il l'avait rangé [sic]', d'une part, se borne à relater des propos tenus par [P] [U] au téléphone, d'autre part, sur la base d'un 'état confusionnel' qu'il ne fait reposer sur aucun diagnostic médical, se livre, au sujet du testament litigieux, à d'apparentes supputations qui n'ont pu que lui être dictées par un tiers et qui recèlent leur propre contradiction ('il a dû faire' une lettre 'pour laquelle il n'avait absolument aucun souvenir'), ce qui lui ôte toute crédibilité, enfin et surtout, ne permet aucunement de retenir que [P] [U] était alors frappé d'une quelconque insanité d'esprit, sauf à considérer que tel serait le cas de toutes les personnes ayant mis fin à leurs jours ;

Considérant qu'il y a lieu d'écarter les témoignages provenant de personnes censées être dépourvues de connaissances médicales notamment en matière de troubles de l'esprit ;

Considérant qu'il n'est pas démontré qu'entre le mois de juillet 2007 et le [Date décès 2] 2008, [P] [U] ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible avec le testament litigieux, lequel a révoqué tacitement le testament olographe daté du 5 janvier 1997 et ayant institué Mme [E] légataire universelle ;

Considérant par ailleurs que les digressions particulièrement blessantes visant à déconsidérer Mme [L] sont totalement inopérantes, dès lors que la qualité de légataire universel n'est pas subordonnée au comportement de celui qui a été institué tel ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [E] et la condamne à verser à Mme [L] la somme de 3 000 euros,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Mme [E] aux dépens,

Accorde aux avocats de l'intimée le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/01507
Date de la décision : 28/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°11/01507 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-28;11.01507 ?
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