La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2012 | FRANCE | N°10/10117

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 23 mars 2012, 10/10117


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2





ARRÊT DU 23 MARS 2012



(n° 2012- , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10117



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2010 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 08/05931



APPELANT :



Monsieur [Z] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Ma

ître Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque B653

assisté de Maître Adeline MOUGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque P 72, plaidant pour la SCPA GARAUD-SALOME-CHASTANT- BERRUX et substituant Maît...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 MARS 2012

(n° 2012- , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10117

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2010 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 08/05931

APPELANT :

Monsieur [Z] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Maître Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque B653

assisté de Maître Adeline MOUGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque P 72, plaidant pour la SCPA GARAUD-SALOME-CHASTANT- BERRUX et substituant Maître CHASTANT- MORAND , avocat au barreau de PARIS, toque P72,

INTIMÉE :

S.A. MMA IARD

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avocats au barreau de PARIS, toque L34

assistée de Maître Bernard DUMONT, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Jacques BICHARD, Président

Marguerite-Marie MARION, Conseiller

Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier :lors des débats : Christelle OUDOT

ARRÊT :

-contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

***

Mme [E] a été suivie à partir de 1984 par le service de gynécologie de l'hôpital intercommunal de [Localité 6], et notamment par le docteur [B], où elle a subi divers examens : échographie et mammographie .

Le 18 mai 1993 le docteur [H], radiologue privé à [Localité 4] a fait pratiquer une mammographie et a conclu à l'absence de signe de suspicion .

Le 21 novembre 1995 il a effectué une nouvelle exploration mammographie et échographie et a conclu à l'existence d'un petit nodule sans nature suspecte .

Le 20 décembre, le docteur [B] a ordonné la poursuite du traitement hormothérapique .

Le 9 juillet 1996, l'institut [5] a diagnostiqué un cancer bilatéral invasif des deux seins et Mme [E] a subi une chimiothérapie au mois d'août 1996 et une intervention chirurgicale le 13 janvier 1997 .

Par requête du 29 avril 1997 Mme [E] a saisi le tribunal administratif de Melun qui a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [J] .

Ce même expert auquel le professeur [X] s'est adjoint, a été désigné le 13 mars 1998 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Melun .

Par jugement du 7 novembre 2002 le tribunal administratif de Melun a mis à la charge de l'hôpital intercommunal de [Localité 6] la moitié des préjudices indemnisables subis par Mme [E] .

Par arrêt du 28 décembre 2005, la cour administrative d'appel de Paris a ordonné une nouvelle expertise confiée au professeur [M], cancérologue, le docteur [G], radiologue, étant sapiteur .

Par arrêt du 8 novembre 2006 la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement qui lui était déféré et a indemnisé Mme [E] .

C'est dans ces circonstances que la société Les Mutuelles du Mans, assureur de l'hôpital intercommunal de [Localité 6], qui a exécuté les causes de cet arrêt, a, sur le fondement de l'article 1382 du code Civil, assigné M. [H] afin que la responsabilité de celui-ci soit retenue à hauteur de 90 % des sommes qu'elle a versées, devant le tribunal de grande instance d'Evry dont le jugement rendu le 19 mars 2010 est déféré à la cour.

***

Vu le jugement entrepris qui a :

- dit que le rapport d'expertise du professeur [M] et du docteur [G], inopposable au docteur [H], mais contradictoirement discuté sera pris en considération par le tribunal parmi d'autres éléments d'information,

- dit que le docteur [H] a commis une faute consistant en un retard de diagnostic,

- fixé à 80 % la part de responsabilité du docteur [H] dans les pertes de chance de Mme [E],

- condamné le docteur [H] à payer à la compagnie Les Mutuelles du Mans IARD la somme de 98 912, 83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2008,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné le docteur [H] à payer à la compagnie Les Mutuelles du Mans IARD la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le docteur [H] aux dépens y compris ceux de référé .

Vu la déclaration d'appel déposée le 7 mai 2010 au greffe de cette cour par le docteur [H] .

Vu les dernières conclusions déposées le :

¿ à titre principal :

- réformer le jugement déféré,

- débouter la société Les Mutuelles du Mans IARD de ses demandes,

¿ à titre subsidiaire de :

- dire que le taux de perte de chance ne peut excéder 10 % et que le surplus relève de la responsabilité du docteur [B],

- rejeter toute demande de règlement des sommes versées par le ministère de l'Education Nationale au titre du maintien du salaire durant la période de l'arrêt de maladie de Mme [E],

- constater que seul le préjudice moral pourrait être indemnisé au titre de la perte de chance,

- rejeter toute autre demande .

- déclarer M. [H] recevable mais mal fondé en son appel,

- les déclarer recevables en leur appel incident et :

* infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la part de responsabilité de M. [H] à 80 %,

* fixer cette part de responsabilité à 90 %,

* condamner M. [H] à lui verser la somme de 111 276, 93 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2008,

* débouter M. [H] de toutes ses demandes,

* condamner M. [H] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 20 octobre 2011 .

SUR QUOI LA COUR

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal, se fondant sur les rapports établis par les divers experts commis tant par la juridiction judiciaire que par celles de l'ordre administratif a retenu que le docteur [H] a commis une faute consistant en un retard anormal de diagnostic, rappelant au demeurant à juste titre que les rapports issus de la procédure administrative à laquelle n'était pas partie le docteur [H], mais qui ont soumis dans le cadre de la présente procédure à sa discussion contradictoire, valaient comme éléments d'appréciation;

Considérant en effet que dans son rapport du 5 janvier 1998 le docteur [J] mentionne que ' le nodule observé à droite sur la mammographie de 93 demandait un complément d'information (....) L'exploration de 94 est franchement suspecte . Le docteur [H] dans sa conclusion élimine toute image anormale, cantonnant son examen à l'exploration volumétrique du kyste connu et d'autres petits kystes bilatéraux';

que dans le rapport du 20 septembre 1998, le docteur [J] et le professeur [X] retiennent à nouveau sans ambiguïté la faute du docteur [H] 'dans la mesure où les explorations de 93 et 94 n'ont pas été interprétées à leur juste valeur 'sous-évaluation' , précisant : 'Une analyse plus minutieuse aurait probablement débouché sur un complément d'exploration ( nouveau cliché à six mois, voire biopsie après repérage )...et probablement un diagnostic plus précoce de la maladie' ;

qu'enfin dans leur rapport du 2 mai 2006 le professeur [M] et le docteur [G] indiquent d'une part ' les connaissances scientifiques sur les images mammographiques n'ont pas sensiblement évolué depuis 1993, que les standards de lecture des mammographies n'ont pas évolué non plus . De sorte qu'il est possible de lire aujourd'hui les clichés avec les mêmes repères qu'en 1993", d'autre part :' Nous sommes en présence d'examens mammographiques techniquement corrects, mais dont la lecture a, par deux fois et auprès de deux praticiens, une image suspecte', 'le docteur [H], professionnel de la radiologie a sa responsabilité nécessairement engagée dans ce problème de lecture ';

Considérant sur les conséquences du retard de diagnostic que le professeur [M] et le docteur [G] indiquent que la perte de chance de guérison née d'un retard de diagnostic ne peut s'évaluer que statistiquement et non pas individuellement, ajoutant ' Dans le cas particulier de Madame [E], le recul acquis et son état actuel permettent de penser que, si elle a été victime d'une perte de chance statistique initiale, celle-ci n'aura pas eu en fait de conséquences néfastes pour elle .';

que la simulation à laquelle ils se sont livrés pour tenter d'évaluer quantitativement la perte de chance statistique qu'aurait subie Mme [E] du fait du retard repose sur des hypothèses ( terme employé par les experts ) et ne peut dans ces conditions être retenue ;

que ces experts écrivent au demeurant 'La gravité du cancer et sa bilatéralité . Madame [E] aurait en effet eu un cancer plus grave en 1996 qu'en 1993 si, diagnostiqué en 1993, le cancer avait été exempt d'atteinte ganglionnaire, ce que nous ne saurons jamais, mais il est possible de faire bénéficier Madame [E] du doute sur point', indiquant également 'si bien qu'en définitive il n'y a aucun moyen d'établir un lien de cause à effet entre le retard au diagnostic du cancer du sein droit et la survenue du cancer à gauche' ;

qu'ils excluent toutes séquelles d'ordre esthétique imputables au retard de diagnostic, précisant 'la chimiothérapie, pour pénible qu'elle soit dans l'immédiat n'est à l'origine d'aucune séquelle pour le type de traitement qu'a reçu madame [E]' ;

que dans le rapport clos le 20 septembre 1998, les docteurs [J] et [X] écrivent : ' Il est impossible matériellement de conclure que le cancer diagnostiqué en 96 était déjà bilatéral en 94 . On peut penser néanmoins que l'atteinte lymphatique droite de trois ganglions dont un avec rupture capsulaire est probablement lié au retard diagnostique '(...) Il est en revanche très aléatoire d'affirmer qu'un diagnostic plus précoce aurait permis d'alléger le traitement prescrit: chirurgie bilatérale, chimiothérapie, radiothérapie' ;

que dans son premier rapport du 5 janvier 1998 le docteur [J] s'exprimait en des termes tout autant dubitatifs ;

Considérant en revanche que les experts [M] et [G] retiennent que le retard anormal de diagnostic, évalué entre 18 mois et deux ans, est à l'origine d'un 'préjudice moral' qu'ils qualifient de 'manifestement important et imputable au retard de diagnostic';

qu'ils décrivent ce préjudice en précisant que Mme [E] a subi des souffrances correspondant au sentiment d'avoir été mal suivie, mal écoutée et mal prise en charge par le docteur [H] ;

qu'ils évoquent également une difficulté à retrouver une insertion professionnelle ainsi qu'un préjudice d'agrément lié à l'abandon de la pratique de la peinture ;

Considérant que ce préjudice qualifié globalement de 'moral' apparaît ainsi comme la conséquence dommageable directe de la faute constatée à l'encontre du docteur [H] ouvrant droit à une indemnisation totale et non pas sous la forme d' une perte de chance ;

qu'en conséquence en l'état des constatations faites par les différents experts et de leurs conclusions convergentes sur les fautes respectives des docteurs [B] et [H], il sera retenu que celui-ci a contribué pour moitié aux dommages réalisés ;

que dès lors, eu égard à la décision désormais définitive, rendue par la cour administrative d'appel qui a condamné le Centre hospitalier intercommunal de [Localité 6] à supporter la moitié des sommes revenant à Mme [E] et à l'Etat en sa qualité d'employeur de celle-ci, la société Les Mutuelles du Mans IARD ne peut qu'être déboutée de ses demandes ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que le rapport d'expertise du professeur [M] et du docteur [G], inopposable au docteur [H], mais contradictoirement discuté sera pris en considération par le tribunal parmi d'autres éléments d'information,

- dit que le docteur [H] a commis une faute consistant en un retard de diagnostic .

L'infirme pour le surplus

Et statuant à nouveau,

Dit que par sa faute le docteur [H] a engagé sa responsabilité à hauteur de 50 % dans la survenance des dommages subis par Mme [E] .

Déboute en conséquence la société Les Mutuelles du Mans IARD de toutes ses demandes .

Condamne la société Les Mutuelles du Mans IARD aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de l'avocat du docteur [H] conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/10117
Date de la décision : 23/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°10/10117 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-23;10.10117 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award