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22/03/2012 | FRANCE | N°10/06569

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 22 mars 2012, 10/06569


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 22 Mars 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06569 - JS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section encadrement RG n° 09/00688



APPELANTE

SARL W & H FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François WURTH, avocat au barreau de STRASBOURG substitué

par Me Aude VONNET-COUTURIER avocat



INTIMEE

Madame [S] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Thomas CARTIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0836 substi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 22 Mars 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06569 - JS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section encadrement RG n° 09/00688

APPELANTE

SARL W & H FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François WURTH, avocat au barreau de STRASBOURG substitué par Me Aude VONNET-COUTURIER avocat

INTIMEE

Madame [S] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Thomas CARTIGNY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0836 substitué par Me Deborah WILLIG, avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Madame [S] [C] a été embauchée par la société W & H France, filiale française du groupe autrichien W& H, fabricant d'instrumentation dentaire de précision, par contrat à durée indéterminée daté du 14 janvier 2008, en qualité de VRP, statutaire exclusif, moyennant une rémunération composée d'une partie fixe de 1.067,14 € bruts et d'une commission mensuelle variable.

Le secteur d'activité et de clientèle attribué à [S] [C] était le suivant: «77 (partiel) - 93 et 94 voir liste».

La société W & H France emploie près d'une centaine de salariés.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à l'Accord National Interprofessionnel des Voyageurs, Représentants, Placiers du 3 octobre 1975.

Après avoir été arrêtée le 6 octobre 2008, à la suite d'une entorse à la cheville, [S] [C] a repris son travail les 20 et 21 octobre 2008. Elle a été de nouveau arrêtée par la suite par son médecin du 22 octobre 2008 au 05 janvier 2009 inclus.

Après avoir été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2008 à un entretien préalable fixé au 6 janvier 2009, auquel elle s'est rendue, [S] [C] a été licenciée par lettre recommandée du 12 janvier 2009. Elle a été dispensée d'effectuer son préavis de 2 mois.

Contestant son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits, elle a, le 29 mai 2009, saisi le Conseil de Prud'hommes de Meaux lequel, par jugement du 17 juin 2010, a :

- condamné la SARL W & H France à payer à [S] [C] les sommes de 8.900€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, et 900€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- débouté [S] [C] du surplus de ses demandes, et la SARL W & H France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL W & H France aux entiers dépens, y compris les frais éventuels de recouvrement des sommes par voie d'huissier de justice.

La société W & H France, régulièrement appelante a, lors de l'audience du 17 février 2012, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté que l'ensemble des commissions avait été payé à [S] [C] et son infirmation dans toutes ses autres dispositions. Elle demande à la cour de débouter [S] [C] de l'ensemble de ses prétentions, constater qu'elle a exposé des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge et donc condamner [S] [C] au paiement d'une somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

[S] [C] demande à la cour, au visa des articles L1132-1, L1235-3 et suivants, R.4624-21 et suivants du Code du travail, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société W & H France à lui verser la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de l'infirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau, de juger son licenciement nul, et à défaut, de le juger abusif, et de condamner la société W & H France à lui payer les sommes suivantes :

- 30.000€ de dommages et intérêts avec intérêt au taux légal, pour la somme de 8.900€,
à compter du prononcé du jugement du Conseil de prud'hommes et, à compter de la décision à intervenir pour le surplus,

- 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec capitalisation des intérêts, outre les entiers dépens.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS ET DÉCISION DE LA COUR

Sur la rupture du contrat de travail

[S] [C] sollicite à titre principal la nullité de son licenciement pour discrimination en raison de son état de santé et à titre subsidiaire que son licenciement soit jugé abusif d'une part pour absence de visite de reprise, et d'autre part en raison du caractère infondé des motifs allégués dans la lettre de licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement, dont la motivation fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

« Ces motifs se rapportent à :

-insuffisance de résultats révélant un manque d'activité de prospection et de suivi de la clientèle ;

-votre laxisme quant au retour des documents administratifs qui vous sont demandés
tous les mois (voir notre courrier recommandé du 18/12/08) ;

-vos absences répétitives depuis le 6 octobre 2008 perturbent le bon fonctionnement de votre secteur ; difficultés de trouver une personne en CDD pour vous faire remplacer durant votre absence ;

-absence totale de communication de votre part auprès de la direction (nous sommes restés sans réponse de votre part, malgré nos différents messages laissés sur votre téléphone portable) ;

-vous n'avez pas modifié votre texte d'accueil sur votre répondeur téléphonique
informant les clients de votre absence ; résultat, les clients sont restés sans réponse et ces derniers ont manifesté leur mécontentement lors de l'ADF en décembre dernier.
C est seulement suite à notre courrier du 25 novembre 2008 que vous aviez finalement
fait le nécessaire (...)».

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, [S] [C] invoque les faits suivants : elle a été licenciée parce qu'elle a été arrêtée pour maladie 3 mois, alors qu'elle ne comptait que 8 mois d'ancienneté. Son employeur lui reprocherait en réalité son absence du fait de la maladie et de ne pas avoir continué à travailler pendant son arrêt de travail. Aucune perturbation dans le bon fonctionnement de son secteur ne pourrait lui être par ailleurs reprochée puisqu'il n'est même pas allégué que son remplacement aurait été rendu nécessaire de ce fait.

Pour étayer ses affirmations, [S] [C] produit notamment la lettre de licenciement, du 12 janvier 2009, visant notamment ses « absences répétitives depuis le 6 octobre 2008 (qui) perturbent le bon fonctionnement de ( son) secteur » ainsi que la lettre du 25 novembre 2008, par laquelle l'employeur s'exprimait en ces termes « vous êtes en arrêt maladie depuis le 22 octobre dernier et cela nous pose de nombreux problèmes d'organisation ; vous n'êtes pas sans savoir que votre absence perturbe l'efficacité de notre entreprise sur le secteur géographique qui vous est confié. Nous tenons à vous faire part que plusieurs praticiens nous ont contacté après vous avoir laissé des messages sur votre téléphone portable et pour lesquels vous n'avez pas donné suite ! ».

L'employeur rétorque que le licenciement est intervenu alors que le contrat de travail n'était plus suspendu et pour un motif totalement étranger à l'état de santé de la salariée, à savoir la faiblesse de ses résultats et son insuffisance professionnelle.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée. Les demandes relatives à la discrimination et au licenciement en résultant doivent par conséquent être rejetées.

S'agissant du caractère abusif du licenciement, en admettant que certains des griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement soient fondés, [S] [C] soutient à bon droit qu'il appartenait à son employeur de prendre l'initiative de la convoquer à la visite médicale de reprise prévue à l'article R 4624-21 du code du travail, dans le délai prévu par l'article R 4624-22 du même code, puisqu'elle avait été arrêtée du 6 au 20 octobre 2008 puis du 22 octobre 2008 au 5 janvier 2009 et avait repris le travail le 6 janvier 2009. Or, force est de constater que la convocation à la visite médicale de reprise n'a été adressée à la salariée que le 3 février 2009 pour le 11 février 2009, donc au delà du délai de 8 jours après la reprise, alors que l'employeur lui avait déjà notifié le licenciement. Ce faisant, il a violé l'obligation de sécurité de résultat qui lui incombait, privant de ce fait le licenciement de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens invoqués.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [S] [C], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, [S] [C] ayant été indemnisée au titre de l'aide au retour à l'emploi du 3 avril 2009 au 30 avril 2010, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 8900 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif, outre les intérêts visés dans le dispositif du jugement, qui sera donc confirmé, et l'anatocisme, prononcé en cause d'appel à la demande de [S] [C].

Sur le rappel de commissions

Il convient de prendre acte du fait que plus aucune demande n'est formulée à ce titre en cause d'appel par [S] [C] et donc de faire droit à la demande de confirmation du jugement qui avait débouté [S] [C] de ce chef de demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société W & H France supportera les dépens et versera à [S] [C], en sus de la somme allouée en cause d'appel, la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et verra sa propre demande à ce titre rejetée.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Condamne la SARL W & H France à verser à [S] [C] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la capitalisation des intérêts de droit échus sur les sommes que la SARL W & H France est condamnée à verser par le présent arrêt à compter de leur première demande, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

Condamne la SARL W & H France aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/06569
Date de la décision : 22/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/06569 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-22;10.06569 ?
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