Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 20 MARS 2012
(no 90, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 21256
Décision déférée à la Cour :
jugement du 1er septembre 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 08728
APPELANT
Monsieur Roger X...
...
78670 VILLENNES SUR SEINE
ayant pour avocat Me Me Hélène DUREL-LÉON (avocat au barreau de PARIS, toque : D0877)
INTIMÉES
SOCIETE JOUBERT ET ASSOCIES SELAFA
2 avenue Marceau
75008 PARIS
représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée de Me Stéphane LATASTE de la AARPI STASI CHATAIN et Associés (avocat au barreau de PARIS, toque : R 137)
S. C. P. E...-Z...- A...- B..., prise en la personne de Maître B..., es-qualité de Mandataire Judiciaire et de Commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SOCIETE JOUBERT ET ASSOCIES.
1 Place Boieldieu
75002 PARIS
représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée de Me Stéphane LATASTE de la AARPI STASI CHATAIN et Associés (avocat au barreau de PARIS, toque : R 137)
SOCIETE COVEA RISKS
19/ 21 Allée de l'Europe
92110 CLICHY
représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée de Me Stéphane LATASTE de la AARPI STASI CHATAIN et Associés (avocat au barreau de PARIS, toque : R 137)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
La Cour,
Considérant que, reprochant à M. Alain C..., avocat, membre de la selafa Joubert et associés, d'avoir commis une faute professionnelle en n'assurant pas correctement sa défense devant une juridiction arbitrale, M. Roger X... a fait assigner la selafa Joubert et associés, représentée par la S. C. P. Y..., Z..., A... et B..., mandataire judiciaire, et la société Covéa Risks, son assureur, devant le Tribunal de grande instance Paris qui, par jugement du 1er septembre 2010, l'a débouté de ses demandes et condamné à payer aux défendeurs la somme de 10. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'appelant de ce jugement, M. X..., qui en poursuit l'infirmation, demande que la selafa Joubert et associés, représentée par la S. C. P. Y..., Z..., A... et B..., mandataire judiciaire, et la société Covéa Risks, son assureur, soient condamnés à lui payer la somme de 306. 404 euros, toutes taxes comprises, à titre de dommages et intérêts et la somme de 30. 957, 53 euros « correspondant aux frais et honoraires engagés en pure perte postérieurement à la première décision d'arbitrage en remboursement des frais d'avocat » ;
Qu'à l'appui de ses prétentions, l'appelant fait valoir que la selafa Joubert et associés a manqué à son devoir de conseil en ne le prévenant pas de son obligation de présenter toute demande reconventionnelle dans le délai de quinze jours à compter de la saisine de la Cour d'arbitrage et en n'attirant pas son attention sur l'irrecevabilité de toute réclamation formée après l'expiration de ce délai ; qu'il reproche à son ancien avocat d'avoir également manqué à son devoir de conseil et commis une erreur de procédure en lui conseillant d'introduire une nouvelle procédure et ce, en violation des dispositions du Règlement d'arbitrage ;
Que M. X... en déduit qu'en raison de cette double faute professionnelle, il a été contraint de restituer la somme de 53. 800 euros au titre des redevances, outre la somme de 1. 695 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sans être en mesure de les compenser avec la somme de 252. 412 euros correspondant aux vacations effectuées en vertu du contrat de licence et aux dommages et intérêts, ni avec la somme de 8. 000 euros demandée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et ce, alors qu'il avait une chance de récupérer cette somme de 252. 412 euros ;
Qu'enfin, M. X... s'estime recevable, comme l'a décidé le Tribunal de grande instance qui doit être approuvé sur ce point, et bien fondé à réclamer la somme de 30. 957, 53 euros correspondant aux frais et honoraires d'avocat ;
Considérant que la selafa Joubert et associés, représentée par la S. C. P. Y..., Z..., A... et B..., mandataire judiciaire, et la société Covéa Risks, concluent à la confirmation du jugement aux motifs que, contrairement à ce qui a été décidé par l'arbitre et la Cour d'appel de Versailles, rien n'interdisait M. à X... de saisir la Cour d'arbitrage d'une demande et qu'en réalité, M. X... ne souhaitait pas former une demande contre la société Serv et qu'il n'a donné mission à son avocat de le faire qu'après avoir pris connaissance de la première décision et ce, sans lui fournir les pièces justificatives qu'il lui réclamait ;
Que les intimés soutiennent encore que M. X... n'apporte aucunement la preuve du préjudice dont il demande réparation à hauteur de 252. 412 euros et que, notamment, il n'administre, ni la preuve de l'intérêt commercial de ses brevets, ni la preuve de la faute qu'il reproche à la société Serv de sorte que la perte de chance alléguée n'existe pas ;
Qu'enfin, la selafa Joubert et associés et la société Covéa Risks font valoir que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la demande de remboursement des honoraires est irrecevable comme relevant de la compétence du bâtonnier de l'Ordre des avocats ;
En fait :
Considérant que M. Roger X... est l'inventeur d'un dispositif de changement automatique d'électrodes pour lignes de montage dans l'industrie automobile ; ses droits de propriété industrielle sont protégés par deux brevets ;
Que, par contrat du 9 septembre 2002, M. X... a concédé à la société Serv une licence exclusive d'exploitation de ces brevets en vue de la production et de la commercialisation du dispositif moyennant une redevance de 4 % du prix de vente, hors taxe, des échangeurs et un règlement minimum mensuel de 5. 000 euros ; que la convention stipulait une clause compromissoire prévoyant que tous litiges opposant les parties seraient résolus par voie d'arbitrage suivant le Règlement de la Cour européenne d'arbitrage et de médiation de Versailles, étant précisé que l'arbitre désigné conformément à ce règlement statuerait comme amiable compositeur ;
Que faisant grief à la société Serv de n'avoir pas rempli ses obligations contractuelles et de n'avoir jamais vraiment lancé la production du dispositif breveté, sans s'acquitter, depuis le mois d'octobre 2003, de la redevance alors que le montant mensuel avait été réduit à 2. 500 euros, M. X... lui a fait parvenir une mise en demeure ;
Que la société Serv n'ayant pas réagi et le 7 mai 2004, M. X... lui a notifié la rupture du contrat de licence ; que la société a, alors, saisi la Cour d'arbitrage afin d'obtenir, d'une part, la restitution des redevances, regardées comme étant des avances remboursables puisqu'elles ne dépassaient pas les 4 % prévus par le contrat, et, d'autre part, la réparation du préjudice causé par la rupture et la perte des investissements réalisés et privés d'objet ;
Que, par sentence du 24 avril 2006, l'arbitre a condamné M. X... à rembourser à la société Serv la somme de 53. 800, 40 euros et débouté la société de sa demande de dommages et intérêts après avoir constaté que la rupture du contrat lui était imputable ;
Que, le 14 juin 2006, M. X... a, de son côté, saisi la Cour d'arbitrage afin d'obtenir la réparation du préjudice causé par la société Serv qui n'a pas respecté ses obligations et le remboursement de ses vacations d'assistance et de formation ; que, par sentence du 5 février 2007, l'arbitre a déclaré ses demandes irrecevables en retenant qu'il s'agissait de demandes reconventionnelles présentant un lien de connexité avec les demandes présentées par la société Serv ;
Que, par arrêt du 19 juin 2008, la Cour d'appel de Versailles a déclaré irrecevable le recours en annulation formé par M. X... en décidant que l'arbitre avait statué comme amiable compositeur et que les demandes auraient dû être présentées lors de la première procédure arbitrale ;
Que, sur la recommandation d'un avocat aux conseils, M. X... n'a pas persisté en son pourvoi en cassation ;
Que, dans ces circonstances, M. X... recherche la responsabilité de son ancien conseil ;
Sur la recevabilité de la demande en payement d'une somme de 30. 957, 53 euros :
Considérant que la demande présentée à ce titre par M. X... tend, non pas à la restitution des honoraires perçus par son ancien conseil, mais à l'octroi de dommages et intérêts dont le montant est arrêté en fonction des sommes versées « en pure perte », selon lui, aux auxiliaires de justice ;
Que, comme l'a décidé le Tribunal de grande instance de Paris, une telle prétention, à fin indemnitaire, est recevable ;
Au fond :
Considérant que, lorsque la société Serv a saisi la Cour d'arbitrage afin d'obtenir, d'une part, la restitution des redevances qu'elle estimait remboursables et la réparation du préjudice causé par la rupture et la perte des investissements réalisés et privés d'objet, M. C... a expliqué à M. X..., par une lettre du 5 octobre 2005, qu'il était « à sa disposition pour discuter de l'opportunité de formuler une demande reconventionnelle qui aura pour conséquence de mettre à sa charge une partie de la provision sur honoraires de l'arbitre, calculée en fonction du barème et du montant de sa demande éventuelle conformément aux dispositions de l'article 22 du règlement » ; que, par message électronique du 6 des mêmes mois et an, M. X... lui répondait : « Je reviens sur notre conversation, ce serait effectivement ridicule de demander des dommages et intérêts dans une affaire où je n'ai même pas réagi quand ils tentaient de me vendre soit chez P. S. A., soit Toyota … A mercredi comme convenu » ;
Qu'il ressort des ces échanges, ainsi que d'autres messages, que M. X... et son avocat se sont entretenus de l'éventualité d'une demande reconventionnelle et qu'il a été décidé de ne point en présenter ;
Considérant qu'en outre, il ressort d'un message daté du 15 mai 2006 et adressé à M. C... que M. X... essayait de lui « faire parvenir un dossier proche de celui qu'il lui avait fait dans la première phase, mais que la recherche des bases et la reconstitution des événements lui prenaient un peu plus de temps que prévu … » ; qu'il est ainsi démontré que M. X... n'était pas en possession des pièces et de documents qui lui auraient permis de fonder une demande reconventionnelle dans le délai de quinze jours fixé par l'article 2 du règlement de la Cour d'arbitrage ;
Considérant qu'en deuxième lieu, M. X... reproche à M. C... d'avoir manqué à son devoir de conseil et commis une erreur de procédure en lui conseillant d'introduire une nouvelle procédure et ce, en violation des dispositions du Règlement d'arbitrage ;
Qu'en réalité et nonobstant les termes de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles, il n'est pas certain que les dispositions de l'article 2 du règlement de la Cour d'arbitrage, qui obligent le défendeur à déposer, le cas échéant, sa demande reconventionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la saisine de la Cour, doivent être interprétées en ce sens qu'il est interdit au défendeur, prenant alors la qualité de demandeur, d'engager une nouvelle procédure contre la partie qui était demanderesse dans la première instance ;
Qu'à cet égard et contrairement à ce que soutient M. X..., l'avis de M. Bruno D..., avocat aux conseils, loin de porter sur la fin de non-recevoir retenue par la Cour d'appel de Versailles, se borne à énoncer que le pourvoi n'avait aucune chance d'aboutir dès lors que la Cour d'appel avait seulement à vérifier que l'arbitre, statuant comme amiable compositeur, s'est expressément référé à l'équité, ce qui était le cas ;
Qu'en conséquence et en conseillant à M. X... d'introduire une deuxième instance, la selafa Joubert et associés n'a nullement commis la faute qui lui est reprochée ;
Considérant qu'il suit de ce qui précède que les premiers juges ont exactement estimé que la selafa Joubert et associés n'a pas manqué à son devoir de conseil alors surtout qu'il n'est aucunement prouvé que M. X... aurait perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir gain de cause, fût-ce partiellement, devant la juridiction arbitrale ;
Que, par voie de conséquence, il convient de confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement frappé d'appel ;
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions susvisées ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, M. X... sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à verser à la selafa Joubert et associés, représentée par la S. C. P. Y..., Z..., A... et B..., et à la société Covéa Risks, les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 3. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 1er septembre 2010 par le Tribunal de grande instance de Paris au profit de la selafa Joubert et associés :
Déboute M. Roger X... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à la selafa Joubert et associés, représentée par la S. C. P. Y..., Z..., A... et B..., mandataire judiciaire, et à la société Covéa Risks, la somme de 3. 000 euros ;
Condamne M. X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Fromentin, avocat de la selafa Joubert et associés, représentée par la S. C. P. Y..., Z..., A... et B..., et de la société Covéa Risks, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT