La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2012 | FRANCE | N°09/12401

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 20 mars 2012, 09/12401


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 20 MARS 2012



(n° ,9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12401



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/17888





APPELANTE



SOCIETE ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR

représentée par son Président

[Adresse 4]
>[Localité 6]



représentée par Me Clotilde CHALUT NATAL, avocat postulant, barreau de PARIS, toque : B0552

et Me Danièle GUEHENNEUC, avocat plaidant, au barreau de PARIS, toque : B0571.







...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 20 MARS 2012

(n° ,9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12401

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/17888

APPELANTE

SOCIETE ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR

représentée par son Président

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Clotilde CHALUT NATAL, avocat postulant, barreau de PARIS, toque : B0552

et Me Danièle GUEHENNEUC, avocat plaidant, au barreau de PARIS, toque : B0571.

INTIMES

Monsieur [F] [O]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Madame [X] [J] épouse [O]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentés par la SCP KIEFFER JOLY - BELLICHACH (Me Jacques BELLICHACH), avocat postulant, avocats au barreau de PARIS, toque : L0028,

et Me Jean WILKIN, avocat au barreau de Marseille.

S.A CREDIT LYONNAIS

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SELARL HJYH AVOCATS (en la personne de Me Patricia HARDOUIN), avocat postulant, barreau de PARIS, toque : L0056, laquelle s'est régulièrement constituée au lieu et place de la SCP HARDOUIN,

et Me André CUSIN de la SCP MOLAS LEGER CUSIN & ASSOCIES, avocat plaidant, barreau de PARIS, toque : P0159.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le14 février 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre, et Monsieur Christian BYK, conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique REYGNER, présidente

Monsieur Christian BYK, conseiller

Madame Anne CARON-DEGLISE, conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Rapport a été fait par Madame Dominique REYGNER, présidente, en application de l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Melle Fatia HENNI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique REYGNER, présidente et par Melle Fatia HENNI, greffier.

* * *

Le 17 avril 1998, Messieurs [B] et [O] ont souscrit un contrat 'AREP' auprès de la société Assurances Mutuelles LE CONSERVATEUR (société LE CONSERVATEUR) par l'intermédiaire d'un mandataire non salarié de celle-ci, Monsieur [G] [V].

Dans le courant de l'année 2000, Monsieur et Madame [O] ont souscrit cinq contrats d'assurance-vie 'MultiValor' dans les mêmes conditions.

La société LE CONSERVATEUR ayant appris que Monsieur [V] avait commis des malversations, a révoqué son mandat le 15 mars 2004 et l'a attrait par voie de citation directe du 4 juin 2004 devant le tribunal correctionnel de Mende.

Il est apparu lors de cette procédure qu'une information judiciaire avait été ouverte le 15 juillet 2004 à la suite de plaintes de plusieurs victimes des agissements de Monsieur [V].

Par jugement définitif du 8 septembre 2005, le tribunal correctionnel de Mende a déclaré Monsieur [V] coupable d'abus de confiance, faux et usage de faux et l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement, un sursis à statuer étant ordonné sur la demande des parties civiles.

Par jugement également daté du 8 septembre 2005 statuant sur les intérêts civils, Monsieur [V] a été notamment condamné à payer à Monsieur et Madame [O] 76 224,50 euros sur les contrats MultiValor et 10 610,29 euros sur le contrat AREP au titre de préjudice financier et 1 000 euros à chacun au titre du préjudice moral.

Parallèlement à la procédure pénale, Monsieur et Madame [O], par acte d'huissier du 16 novembre 2004, ont assigné la société LE CONSERVATEUR devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir le remboursement des sommes détournées par Monsieur [V].

Par acte d'huissier du 13 octobre 2006, la société LE CONSERVATEUR a assigné la société CREDIT LYONNAIS en intervention forcée et garantie.

Par jugement rendu le 26 mars 2009, ce tribunal a :

- condamné la société LE CONSERVATEUR à payer à Monsieur et Madame [O]

* la valeur de rachat des contrats Multivalor n° 3015659, 3015660 et 3015661 au jour de signification du jugement,

* la somme de 60 979,61 euros au titre des faux contrats Multivalor n° 317109 et 317109 B avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2004,

* la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déclaré Monsieur et Madame [O] irrecevables à agir en remboursement du contrat AREP, en l'absence de mise en cause de Monsieur [L] [B], co-souscripteur de ce contrat,

- débouté Monsieur et Madame [O] de leurs demandes dirigées contre la société CREDIT LYONNAIS et de leur demande en paiement de dommages-intérêts,

- débouté la société LE CONSERVATEUR de sa demande de garantie dirigée contre la société CREDIT LYONNAIS,

- débouté la société CREDIT LYONNAIS de ses demandes reconventionnelles dirigées contre la société LE CONSERVATEUR,

- condamné la société LE CONSERVATEUR aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société LE CONSERVATEUR a relevé appel de ce jugement par déclaration du 4 juin 2009.

Dans ses dernières conclusions avant l'ordonnance de clôture, du 30 janvier 2012, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les époux [O] irrecevables en leurs demandes formées au titre d'un soi-disant contrat AREP pour défaut de qualité à agir,

- juger qu'elle n'a moyen s'opposant à une demande de rachat des trois contrats Multivalor n° 3015659, 3015660 et 3015661, que le rachat a été opéré par les époux [O] et est effectif,

- réformer le jugement sur les prétendus contrats Multivalor n° 317109 et 317109 B,

- juger les époux [O] irrecevables et infondés en leur demande de condamnation à son encontre et les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

- déclarer irrecevable comme nouvelle et subsidiairement infondée la demande en paiement de 15 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral formée par les époux [O]

- débouter les époux [O] de toutes demandes contraires,

- juger que le CREDIT LYONNAIS a engagé sa responsabilité à l'égard des époux [O],

- pour le cas où la cour entrerait en voie de condamnation au profit des époux [O], juger que les condamnations prononcées ne pourront l'être qu'à l'encontre du seul CREDIT LYONNAIS,

- subsidiairement, condamner le CREDIT LYONNAIS à la relever de toutes condamnations,

- débouter LE CREDIT LYONNAIS de l'ensemble de ses demandes,

- condamner les époux [O] à lui payer la somme de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 3 février 2012, les époux [O] prient la cour de confirmer le jugement entrepris, y ajoutant, condamner la société LE CONSERVATEUR à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi, et la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre aux dépens de première instance et d'appel.

Suivant dernières conclusions du 3 février 2012, la société CREDIT LYONNAIS demande à la cour de :

- déclarer la société LE CONSERVATEUR mal fondée en son appel et l'en débouter de toutes les fins qu'il comporte à son encontre,

- subsidiairement, juger que sa part de responsabilité ne saurait excéder le quart de celle de la société LE CONSERVATEUR et n'a en tout cas concouru au dommage invoqué par les époux [O] qu'à concurrence du quart de son montant au plus,

- en conséquence, en telle hypothèse, juger qu'elle ne saurait être condamnée à garantir la société LE CONSERVATEUR qu'à concurrence du quart de la somme qu'elle serait elle-même condamnée à payer aux époux [O],

- débouter la société LE CONSERVATEUR de toute réclamation concernant les contrats MULTIVALOR n° 3015659, 3015660 et 3015661,

- débouter toutes parties de toutes demandes contraires,

- condamner la société LE CONSERVATEUR à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2012.

Le 9 février 2012, la société LE CONSERVATEUR a déposé de nouvelles conclusions au fond et communiqué une nouvelle pièce (n°37) et le 13 février suivant, signifié des conclusions de procédure demandant la révocation de la clôture afin que ces conclusions et pièce soient acquises régulièrement aux débats.

L'incident a été joint au fond.

SUR CE, LA COUR,

Sur l'incident de procédure

Considérant qu'aux termes de l'article 783 du Code de procédure civile 'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office' ; que selon l'article 784 du même Code, 'l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue' ;

Considérant qu'au soutien de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 6 février 2012, la société LE CONSERVATEUR invoque la nécessité de répliquer aux dernières conclusions signifiées par les époux [O] le 3 février 2012 ;

Mais considérant que la société LE CONSERVATEUR ne précise pas en quoi les conclusions des intimés signifiées trois jours avant la date de clôture, dont les parties avaient été avisées, et qui répondaient à ses propres conclusions du 30 janvier 2012, nécessitaient une réponse, réponse qui au surplus n'aurait pas pu être régularisée avant le 6 février 2012 ;

Considérant en conséquence qu'il n'existe aucune cause grave tenant à une violation du principe de la contradiction et des droits de la défense justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture ;

Qu'il s'ensuit que les conclusions déposées et la pièce produite par la société LE CONSERVATEUR le 9 février 2012, après l'ordonnance de clôture, sont irrecevables ;

Sur les demandes des époux [O] à l'encontre de la société LE CONSERVATEUR

Considérant que le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il a condamné la société LE CONSERVATEUR à payer aux époux [O] la valeur de rachat des contrats Multivalor n° 3015659, 3015660 et 3015661, déclaré les époux [O] irrecevables à agir en remboursement du contrat AREP et débouté ces derniers de leurs demandes dirigées contre la société LE CREDIT LYONNAIS et en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Que ces dispositions seront donc confirmées, étant observé que 'nul ne plaidant pas procureur', la société LE CONSERVATEUR est irrecevable à solliciter la condamnation du CREDIT LYONNAIS au profit des époux [O] dès lors que ces derniers ne formulent plus de demande à l'encontre de la banque ;

Considérant, s'agissant des faux contrats Multivalor n° 317109 et 317109 B, que la société LE CONSERVATEUR, faisant observer que les décisions rendues par la juridiction pénale n'ont pas autorité de la chose jugée à son égard et sont sans portée dans le cadre du présent litige, soutient que sa responsabilité civile n'est pas engagée du fait des agissements de Monsieur [V], les époux [O] n'apportant pas la preuve de leur intention de contracter avec elle et Monsieur [V] ayant agi hors de son mandat, sans autorisation et à des fins étrangères à ses fonctions, ce que les époux [O] ne pouvaient ignorer eu égard notamment à la qualité de Monsieur [O], secrétaire général de la MSA, leurs négligences fautives leur interdisant de rechercher la responsabilité du mandant ; qu'elle ajoute, à titre subsidiaire, que les époux [O] ne justifient d'aucun préjudice et que leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, nouvelle en appel, est irrecevable et en tout état de cause injustifiée ;

Considérant que les époux [O], soulignant que l'obligation de la société LE CONSERVATEUR est de nature délictuelle, prétendent que sa responsabilité est engagée en sa qualité de mandant de Monsieur [V], étant établi par le jugement pénal du 8 septembre 2005 qu'ils ont été victimes des agissements délictueux de Monsieur [V] alors que celui-ci intervenait auprès d'eux en qualité de mandataire de l'assureur ; qu'ils font valoir qu'en tout état de cause, l'utilisation par le mandataire, dans le cadre de ses fonctions, de faux documents, à la sincérité desquels ils ont cru, engage la responsabilité de l'assureur, la société LE CONSERVATEUR ayant du reste reconnu dans sa citation directe contre son mandataire du 30 juin 2004 que celui-ci avait bien agi dans le cadre de ses fonctions ; qu'ils dénient au surplus toute mauvaise foi ou faute de leur part ;

Considérant qu'il est établi par le jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Mende du 8 septembre 2005, devenu définitif, que Monsieur [V] s'est rendu coupable d'abus de confiance, faux et usage de faux à l'occasion de son activité de mandataire non salarié de la société LE CONSERVATEUR au préjudice d'une centaine de victimes, dont les époux [O] ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 III. - du Code des assurances, pour l'activité d'intermédiation en assurance, 'l'employeur ou mandant est civilement responsable, dans les termes de l'article 1384 du Code civil, du dommage causé par la faute, l'imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l'application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire' ;

Considérant que le commettant ne s'exonère de la responsabilité ainsi encourue qu'à la triple condition que le préposé ait agi en dehors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions ;

Or considérant en l'espèce que si les époux [O] n'ont pas signé de bulletin de souscription, ils se sont vus remettre chacun par Monsieur [V] un document daté du 10 septembre 2000 intitulé 'Conditions particulières' portant un numéro de contrat -317109 pour Monsieur [O], 317109B pour Madame [O]-, à l'en-tête du Groupe LE CONSERVATEUR et de la Société d'Assurance Mutuelle ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR et prétendument signé du directeur général, sur lequel figurait la mention 'Assurance-vie MultiValor', à effet du 18 août 2000 avec versement à la souscription d'une cotisation de 50 000 francs (7 622,45 euros) pour Monsieur [O], à effet du 17 août 2000 avec versement à la souscription d'une cotisation de 150 000 francs (22 867,35 euros) pour Madame [O] ;

Qu'il est justifié du paiement de ces cotisations par la production de chèques d'un montant respectif de 50 000 francs et 150 000 francs émis sur le compte bancaire de Madame [O] le 18 août 2000 ainsi que de versements complémentaires de 100 000 francs chacun de Madame [O] par chèque du 18 juillet 2001 et de Monsieur [O] par chèque du 18 octobre 2001 dont Monsieur [V] leur a délivré acquit par un document du 18 octobre 2001 à entête du CONSERVATEUR, et des relevés des comptes bancaires des intéressés faisant apparaître les débits correspondant aux chèques ;

Que les époux [O] ont également reçu plusieurs lettres ou relevés de situation à l'en-tête de la société LE CONSERVATEUR ou du Groupe 'LE CONSERVATEUR' relatifs aux contrats en litige en date des 17 avril 2001, 12 octobre 2001, 24 avril 2002, 29 novembre 2002, 1er mars 2003 ;

Considérant qu'il ressort de ces éléments que les époux [O] se sont vus remettre par le mandataire de la société LE CONSERVATEUR, par l'intermédiaire duquel ils avaient déjà souscrits plusieurs contrats Multivalor, des documents qui avaient l'apparence de pièces contractuelles émanant de la société LE CONSERVATEUR, mais qui en réalité étaient des faux confectionnés par Monsieur [V] ;

Que Monsieur [V] a ainsi agi dans le cadre de ses fonctions de mandataire de la société LE CONSERVATEUR, dont il a profité pour se faire remettre des fonds qui étaient destinés à son mandant, et a trouvé dans l'exercice de celles-ci les moyens de sa faute et l'occasion de la commettre ;

Considérant que contrairement à ce prétend la société LE CONSERVATEUR, les époux [O], qui n'ont aucune compétence particulière en matière d'assurance-vie et de gestion de patrimoine, l'activité professionnelle de Monsieur [O], secrétaire général de la MSA, concernant la protection sociale des salariés et non salariés des professions agricoles, ont pu légitiment croire au vu des documents remis ou adressés par Monsieur [V], même si les modalités de souscription n'étaient pas totalement identiques à celles de leurs contrats précédents, qu'ils souscrivaient régulièrement de nouveaux contrats Multivalor auprès de la société LE CONSERVATEUR, leurs règlements ayant d'ailleurs tous été effectués par chèques libellés à l'ordre du 'CONSERVATEUR', auquel Monsieur [V] a apparemment ajouté son nom afin de pouvoir les encaisser ;

Que la rémunération du capital proposée ne figure pas sur les documents intitulés 'Conditions particulières' du 10 septembre 2000 ; que si le taux de rendement résultant des relevés de situation ultérieurement adressés aux époux [O], de 10,50 % à 9,25 %, apparaissent très élevés au regard de celui appliqué à l'époque pour les vrais contrats Multivalor, de 6 % à 4,75 %, il n'était pas en lui-même de nature à éveiller les soupçons des intéressés, non professionnels, alors que ce pourcentage n'était même pas mentionné sur lesdits relevés ;

Considérant, en conséquence, que la responsabilité de la société LE CONSERVATEUR est bien engagée à l'égard des époux [O] du fait des agissements fautifs de son mandataire, Monsieur [V], le préjudice de ces derniers correspondant au montant total des versements qu'ils justifient avoir effectués au titre des deux faux contrats, soit la somme de 60 979,61 euros ;

Qu'il y a lieu dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LE CONSERVATEUR à payer cette somme aux époux [O], sauf à dire qu'elle produira intérêts à compter non pas de l'assignation mais du jugement, la créance de réparation ne pouvant produire d'intérêts moratoires que du jour où elle est allouée judiciairement ;

Considérant, en revanche, que si la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée devant la cour par les époux [O] n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, s'agissant de l'accessoire et du complément de leur demande principale, elle n'est pas fondée, les intéressés ne justifiant ni de la réalité, ni du montant du préjudice allégué ; qu'elle sera donc rejetée ;

Sur la demande en garantie de la société LE CONSERVATEUR à l'encontre de la société CREDIT LYONNAIS

Considérant que la société LE CONSERVATEUR soutient que l'agence de Mende du CREDIT LYONNAIS a commis des fautes engageant sa responsabilité en encaissant des chèques établis à l'ordre de la société LE CONSERVATEUR et portant deux intitulés, 'CONSERVATEUR' et '[G] [V]', sur le compte ouvert au nom de 'Monsieur [V] - AGF' alors notamment que Monsieur [V] n'était plus mandataire des AGF depuis 1987, qu'aucun compte n'était ouvert au sein de cette agence au nom du CONSERVATEUR et que l'agence ne détenait aucune autorisation permettant à Monsieur [V] d'encaisser sur son compte personnel des sommes dont le destinataire était la société LE CONSERVATEUR ; que contestant le défaut de vigilance qui lui est reproché, elle prétend que les manquements du CREDIT LYONNAIS constituent la cause déterminante du préjudice invoqué par les époux [O] ;

Considérant que la société CREDIT LYONNAIS dénie toute faute dans l'exécution de ses obligations de banquier et en tout état de cause, tout lien de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice subi par les époux [O] ainsi que l'obligation de la société LE CONSERVATEUR à leur égard, l'absence de surveillance et de contrôle de l'assureur sur les activités de son mandataire étant selon elle la cause exclusive, et à tout le moins prépondérante des détournements massifs commis par Monsieur [V] ;

Considérant qu'il ressort des pièces produites que courant 1989, Monsieur [V] a ouvert un compte à l'agence de Mende du CREDIT LYONNAIS portant le n° [XXXXXXXXXX01] sous l'intitulé 'Monsieur [G] [V] AGF' ; que s'agissant d'un compte individuel ouvert par une personne physique, à usage professionnel, la banque n'avait pas d'autre obligation que celle de vérifier l'identité et le domicile du postulant, et notamment n'avait pas à vérifier les liens unissant celui-ci à la société UAP, qui n'était pas cotitulaire du compte ;

Considérant que les quatre chèques émis par Monsieur ou Madame [O] en règlement des cotisations qu'ils entendaient verser sur les deux faux contrats Multivalor ont été encaissés sur ce compte ;

Que ces chèques étaient tous libellés à l'ordre de 'CONSERVATEUR [V]' ou 'CONSERVATEUR [G] [V]', sans indication d'une forme sociale - société, compagnie, association, groupe .....- susceptible de désigner la société LE CONSERVATEUR, personne morale qui n'était titulaire d'aucun compte ouvert à son nom à l'agence de Mende du CREDIT LYONNAIS ;

Or considérant que depuis de nombreuses années, Monsieur [V] exerçait son activité à Mende sous la dénomination et enseigne commerciale 'LE CONSERVATEUR FINANCE [G] [V] Consultant Financier', ainsi qu'établi par le tampon apposé sur un certain nombre de documents remis ou adressés aux époux [O] ;

Que le CREDIT LYONNAIS qui, dès lors que le compte en litige n'était pas ouvert au nom de la société LE CONSERVATEUR, n'avait pas à vérifier si dans le cadre de son activité de mandataire non salarié de cette société, Monsieur [V] avait ou non le pouvoir d'encaisser les cotisations versées par les clients, a donc pu, sans faute de sa part, créditer le compte professionnel de celui-ci du montant de ces chèques, qui ne présentaient aucune anomalie apparente telle rature, grattage ou surcharge, l'ajout du nom de [V] à celui de CONSERVATEUR écrit de la main des tireurs des chèques n'étant pas suffisamment perceptible pour attirer l'attention d'un employé de banque normalement diligent lors d'un examen nécessairement superficiel du chèque à l'occasion d'une opération courante d'encaissement ;

Qu'en l'absence d'anomalie matérielle ou intellectuelle de nature à l'alerter, le CREDIT LYONNAIS n'avait pas à s'immiscer dans le fonctionnement du compte de Monsieur [V], qui n'avait pas donné lieu à incident depuis son ouverture une quinzaine d'années auparavant, la banque pouvant légitimement penser que les chèques libellés à l'enseigne de son Cabinet était destinés à être encaissés par Monsieur [V] dans le cadre de son activité professionnelle, d'autant que l'intéressé émettait lui-même régulièrement des chèques à l'ordre des sociétés LE CONSERVATEUR - 11 entre le 7 mars 1997 et le 9 avril 2002 - dont la banque ne pouvait connaître l'objet exact mais qui contribuaient à conférer aux opérations enregistrées sur un compte professionnel une apparence de normalité ;

Considérant, au surplus, que la société LE CONSERVATEUR ne démontre pas que la faute imputée au CREDIT LYONNAIS est la cause déterminante et principale du préjudice subi par les époux [O] dont elle est responsable en vertu de l'article L. 511-1 III. - du Code des assurances, alors que ce préjudice s'inscrit dans des détournements de plusieurs millions de francs commis par Monsieur [V] pendant plus d'une dizaine d'années et qui ont fait une centaine de victimes, traduisant nécessairement un manquement caractérisé de sa part à son devoir de surveillance et de contrôle des activités de son mandataire ;

Considérant que le jugement entrepris doit dès lors être également confirmé en ce qu'il a débouté la société LE CONSERVATEUR de sa demande en garantie ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Considérant que la solution du litige conduit à condamner la société LE CONSERVATEUR aux dépens d'appel et à payer, au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, la somme de 1 500 euros chacun aux époux [O] et celle de 2 000 euros au CREDIT LYONNAIS, sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture du 6 février 2012,

Prononce d'office l'irrecevabilité des conclusions déposées par la société ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR le 9 février 2012 et de la pièce communiquée à la même date,

Confirme le jugement entrepris, sauf sur le point de départ des intérêts de la somme de 60 979,61 euros allouée à Monsieur et Madame [O] au titre des faux contrats Multivalor n° 317109 et 317109 B,

Réformant de ce chef et statuant à nouveau,

Dit que la somme de 60 979,61 euros que la société ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR est condamnée payer à Monsieur et Madame [O] au titre des faux contrats Multivalor n° 317109 et 317109 B portera intérêts au taux légal à compter du jugement rendu le 26 mars 2009,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 500 euros chacun à Monsieur et Madame [O] et celle de 2 000 euros à la société CREDIT LYONNAIS,

Condamne la société ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/12401
Date de la décision : 20/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°09/12401 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-20;09.12401 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award