COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5- Chambre 5
ARRET DU 8 MARS 2012
(no, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 24882
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2008- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 05/ 05428
APPELANT
Monsieur Olivier X... demeurant :...
représenté par Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524, assisté de Me Pétra LALEVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524, substituant Me Cyril TRAGIN,
INTERVENANT
Me Didier Y... en sa qualité de liquidateur de la société PIXSCENE...
non représenté
INTIMEES
S. A. R. L. MA PRODUCTION ayant son siège : 32 rue Saint Lazare-75009 PARIS
S. A. R. L. ALVEOLE ayant son siège : 34 rue Saint Lazare-75009 PARIS
représentées par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN), avocats au barreau de PARIS, toque : L0034, assistées de Me Jean-Louis LANGLOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C. 880,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er février 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Patricia POMONTI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, présidente Madame Patricia POMONTI, conseillère Madame Irène LUC, conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
- réputé contradictoire-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Madame Noëlle KLEIN, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur Olivier X..., Messieurs Z... et A..., ont été employés par la société MA Production et sa filiale Alvéole, entre 2001 et 2004, en qualité d'intermittents du spectacle.
Messieurs X... et Z... étaient associés et salariés de la société Alvéole qui a pour activité la production et la vente de tous spectacles ainsi que toutes prestations notamment artistiques et techniques liées aux spectacle du vivant, de l'audiovisuel, de la communication, de l'information, du multimédia, de la production phonographique, de l'édition artistique et littéraire et du domaine photographique.
Les 4 et 5 septembre 2004, alors qu'ils n'étaient plus liés contractuellement aux sociétés Ma Production et Alvéole. ils ont cédé leurs parts de la société Alvéole et ont récupéré leurs affaires jusqu'àlors entreposées dans les locaux de ladite société.
En effet, Monsieur X... n'avait plus signé d'engagement avec les sociétés MA Production et Alvéole depuis le 10 août 2004, depuis le 30 juin 2004 pour Monsieur Z... et depuis le 11 août 2004 concernant Monsieur A....
Le 26 août 2004, la société Pixscène a été constituée avec un objet social identique à celui de la société Alvéole et a engagé comme salariés Messieurs X..., Z... et A....
Les sociétés Ma Production et Alvéole ont alors dénoncé des actes de concurrence déloyale émanant de Messieurs X..., Z... et A....
Elles ont fait assigner Messieurs X..., Z... et A..., ainsi que la société Pixscène à comparaître par devant le Tribunal de Grande Instance de Paris par acte extra judiciaire du 17 février 2005, aux fins de les voir condamner solidairement à leur verser la somme de 250. 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait des actes de détournement de clientèle, de parasitisme et de désorganisation d'entreprise dont elle leur fait grief, ainsi que celle de 100. 000 euros en réparation de leur préjudice moral et leur voir interdire la poursuite des actes reprochés.
Par jugement rendu le 25 mars 2008, le Tribunal de Grande Instance de Paris dit que, si la création d'une société concurrente d'une entreprise par un ancien salarié de celle-ci n'est pas fautive, il en va différemment lorsque cette création se fait alors que ce salarié n'a pas quitté l'entreprise, qu'il utilise le matériel de son employeur et les données auxquelles il a accès pour les détourner au profit de la nouvelle société. En conséquence :- condamne in solidum Monsieur Olivier X... et la société Pixscène à verser aux sociétés Ma Production et Alvéole la somme globale de 120. 000 euros à titre de dommages et intérêts,- condamne in solidum Monsieur Olivier X... et la société Pixscène à verser aux sociétés MA Production et Alvéole la somme globale de 6. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu'aux dépens, rejette le surplus des demandes.
Vu l'appel interjeté le 27 mai 2008 par Monsieur X... et par la société Pixscène.
Par un jugement en date du 20 avril 2010, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la société Pixscène et a désigné Maître B..., ès-qualités d'administrateur judiciaire, jugement converti en liquidation judiciaire le 21 décembre 2010 par le Tribunal de commerce de Paris, qui a désigné Maître Y..., ès-qualités de liquidateur.
Le 9 août 2011, à la requête des sociétés Alvéole et Ma Production, Maître Y... a été assigné en intervention forcée d'avoir à comparaître devant la Cour de céans.
Vu les dernières conclusions signifiées le 21 mai 2010 par M. X... et la société Pixscène par lesquelles ils demandent à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que le départ de Messieurs X..., A... et Z... ne constitue pas un acte de concurrence déloyale et a rejeté les prétentions des sociétés MA Production et Alveole au titre du détournement de clientèle et de débauchage et statuant à nouveau de : juger que ni M. X..., ni la société Pixscène n'ont commis d'actes de concurrence déloyale, débouter les sociétés MA Production et Alveole de toutes leurs prétentions augmenter le quantum de la condamnation prononcée par le tribunal au titre du dénigrement commis par elle au préjudice de la société Pixscène et les condamner à verser à celle-ci la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts, les condamner à lui verser à lui et à la société Picxscène la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. X... expose qu'il a été employé comme intermittent de manière ponctuelle par la société MA Production, qu'il était libre de créer sa propre entreprise et qu'il n'a ni débauché des salariés des sociétés MA Production et Alvéole, ni détourné sa clientèle. En revanche il expose que ces dernières se sont rendues coupables de dénigrement de la société Pixscène auprès de la FNAIM.
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 décembre 2011 par lesquelles les sociétés Ma Production et Alvéole demandent à la Cour de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris du 25 mars 2008 en ce qu'il a déclaré que les faits reprochés à Monsieur X... et à la société Pixscène constituent des actes de concurrence déloyale, qui par application de l'article 1382 du Code civil, seront réparés par l'allocation de dommages et intérêts.- de déclarer le procédure d'appel opposable à Maître Y... ès qualités de liquidateur de la société Pixscène-de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a limité le montant des dommages et intérêts en principal à la somme de 120. 000 euros Statuant à nouveau :- de condamner conjointement et solidairement Monsieur X... et la société Pixscène à payer à la société Ma Production et à la société Alvéole la somme de 500. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel et pécuniaire et à la somme de 100. 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.- fixer la créance des sociétés Alvéole et Ma Production au passif de la société Pixscène-condamner Monsieur X... à payer à chacune des sociétés Ma Production et Alvéole une somme de 8. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les sociétés Alvéole et Ma Production considèrent que le départ brutal de Messieurs X..., Z... et A..., sans notification préalable, constitue un acte de concurrence déloyale. Elles font grief à Messieurs X..., Z... et A... d'avoir détourné leur clientèle, exploité leur travail et leur savoir faire, emporté les dossiers papiers des contrats en cours, créé une société concurrente en provoquant la confusion dans l'esprit des tiers entre elles et cette société par l'imitation de l'organisation de l'entreprise, et débauché leur personnel.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Considérant que les dernières conclusions de l'appelant ayant été signifiées le 21 mai 2010, soit avant la liquidation judiciaire de la société Pixscène et la nomination de Maître Y... ès-qualités de mandataire liquidateur de ladite société, intervenue le 21 décembre 2010 ; que celui-ci régulièrement assigné en intervention forcée par les sociétés Alvéole et Ma Productions n'a pas conclu ;
Que dés lors les demandes formées à titre reconventionnelles par la société Pixscène et contenues dans ces conslusions au titre du dénigrement dont elle aurait fait l'objet, ne sont pas soutenues ;
Considérant que les sociétés MA Production et Alvéole relatent que M. M X..., A... et Z... disposaient d'une clé des locaux leur donnant un accès permanent à l'entreprise et à leurs bureaux qui restaient inoccupés lorsqu'ils n'étaient pas sous contrat ;
Que M. X... indique avoir été employé à raison de 49 jours en 2001 par MA Production 46 jours en 2002 par MA Production et Alvéole 62 jours en 2003 pour MA Production, Alvéole et Classic Events 34 jours en 2004 pour MA Productions ce qui n'est pas contesté ;
Qu'il produit d'ailleurs un specimen de contrat de travail, celui-ci en date du 8 novembre 2003 conclu pour 5 jours signé par Nicole C..., gérante de MA production ; que dès lors cette dernière ne peut sans mauvaise foi évidente attester que « c'est Olivier X... qui démarchait les clients, établissait les devis et engageait la société » ;
Que de plus le nombre de jours travaillés par M. X... est en contradiction avec l'affirmation des sociétés MA Production et Alvéole selon laquelle « le volume d'activité offert aux salariés, le renouvellement récurrent de leur engagement d'intermittent du spectacle étai suffisamment important pour que Messieurs X..., A... et Z... disposent chacun d'un bureau, de dossiers, d'archives et de matériel informatique dédié » ;
Que s'agissant du matériel informatique dédié, l'expert désigné par le tribunal n'a pu qu'examiner un seul ordinateur et a indiqué « seul le PC récemment utilisé par Monsieur D... ayant été utilisé par le passé par Monsieur X... nous a été présenté » ;
Que, de plus, alors qu'il avait pour mission d'accéder « dans ces ordinateurs utilisés par M. X... à 5 fichiers intitulés « business plan », il constate que « nos recherches n'ont permis ni de retrouver, ni d'analyser les cinq documents expressément visés par l'ordonnance de mission d'expertise ; En effet seuls des raccourcis correspondant à des liens informatiques permettant d'accéder aux dits fichiers ont été trouvés ; les documents concernés ne figurent plus sur le disque dur de l'ordinateur Nous avons cependant recherché la présence d'autres fichiers en relation avec la société Picxscène et nous en avons trouvé trois » ;
Que si l'expert conclut que les trois fichiers sont « parfaitement exploitables et correspondants à des business plan de ladite société », il ajoute « Bien qu'incertaines, les dates relatives à ces documents et aux raccourcis retrouvés indiquent que les dernières modifications de ces fichiers seraient intervenues entre le 9 août 2004 et le 3 septembre 2004 » ;
Qu'il indique que « ces raccourcis ne présentent aucun contenu car il s'agit de liens ayant permis dans le passé d'accéder à des documents » ;
Qu'en conséquence aucun élément ne permet de retenir que M. X... avait l'usage exclusif de l'ordinateur soumis à expertise ; que de plus celui-ci a été utilisé après son départ ; qu'enfin l'expert ne formule aucune conclusion certaine quant aux dates ; qu'il ne peut en être déduit qu'il s'agit de business plans relatifs à l'activité de la société Pixscène.
Que de plus, les seuls éléments découverts par l'expert ne peuvent être attribués de façon certaine à M. X... ;
Qu'il n'est pas démontré que M. X... ait emporté de dossiers ;
Que s'agissant des salariés, les sociétés MA Production et Alvéole ne caractérisent aucune manoeuvre de M. X... pour déterminer des salariés des sociétés MA Production et Alvéole à quitter leur emploi pour rejoindre Pixscène ;
Que si les statuts de la société Pixscene présentent des similitudes avec celui d'Alvéole, il n'est pas contesté que leur objet était le même et que M. X... a été associé d'Alveole avant la création de Pixscene ; que pour autant ce fait ne caractérise pas une concurrence déloyale.
Que les sociétés MA Production et Alvéole prétendent aussi que celui-ci aurait détourné leur clientèle ;
Que MA Production et Alvéole affirment encore que la société Pixscène a capté le marché des plus importants clients des sociétés Alveole et MA Production voire Classic Events alors que cette dernière n'est pas dans la cause
Qu'il convient de relever que MA Production affirme que son activité « consistait à engager pour le compte d'entreprises tiers qui ne pouvaient pas légalement employer des intermittents du spectacle pour les mettre à la disposition des dites entreprises » indiquant « le métier de la société MA Production consiste donc à gérer le recours à ce type d'emploi en engageant directement ces intermittents du spectacle aux lieux et place des tiers et de refacturer à ces tiers les prestations de ces intermittents moyennant rémunération » ;
Qu'en conséquence elle ne peut se plaindre d'une concurrence déloyale par une société créée pour réaliser des événements ce qui a été l'objet de Pixscène ;
Qu'au titre des clients est visée la Fnaim dont Alveole organisait depuis deux ans le congrès annuel ; que M. X... a produit en cause d'appel copie d'un courrier de Mme C..., gérante d'Alvéole, du 6 septembre 2004 informant la Fnaim que « suite au départ de mes collaborateurs en charge de la commercialisation et de la mise en place du Salon Fnaim 2004, notre société Alveole se trouve dans l'impossibilité d'honorer ses engagements quant au protocole d'accord qui noues lie et de mener à bien ma mission que vous nous aviez confiée » ;
Que si MA Production et Alvéole contestent avoir envoyé ce courrier et produisent une attestation de Mme C..., il y a lieu de noter que celle-ci ne conteste pas sa signature et que par ailleurs il est certain que le départ de trois salariés en même temps était de nature à mettre la société Alveole dans l'impossibilité de tenir ses engagements ;
Qu'Alveole prétend que l'adresse figurant sur ce courrier n'était plus la sienne ; qu'il convient de noter que c'est celle qui figure sur le bulletin de salaire de M. X... établi pour la période du 4/ 08/ 2004 au 10/ 08/ 2004 ; que cet argument ne saurait être retenu ;
Que si la Fnaim en a confié la réalisation de son salon à Pixscene, il s'agissait de son choix et il ne peut en être déduit un acte de concurrence déloyale de Pixscene ;
Que si MA Production et Alvéole citent un certain nombre de clients, elles ne font que procéder par affirmations ;
Que MA Production et Alvéole prétendent que M. X... s'est rendu coupable de dénigrement en ce qu'il aurait fait courir le bruit de difficultés financière et d'un possible dépôt de bilan sans pour autant rapporter la preuve de ces affirmations ;
Considérant en conséquence qu'il y a lieu d'infirmer le jugement et de débouter les sociétés MA Production et Alvéole de leurs demandes. ;
sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que M. X... a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré,
DEBOUTE les sociétés MA Production et Alvéole de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
CONDAMNE solidairement les sociétés MA Production et Alvéole à payer à M. X... la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidairement les sociétés MA Production et Alvéole aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier
N. KLEIN La Présidente
C. PERRIN