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01/03/2012 | FRANCE | N°10/05822

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 01 mars 2012, 10/05822


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 01 Mars 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05822 - JS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/08605



APPELANTE

Madame [C] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assistée de Me Sabine MIT, avocat au barreau de PARIS, toque :

D1136



INTIMEE

CONFEDERATION NATIONALE DU CREDIT MUTUEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Hubert FLICHY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461



COMPOS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 01 Mars 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05822 - JS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/08605

APPELANTE

Madame [C] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assistée de Me Sabine MIT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1136

INTIMEE

CONFEDERATION NATIONALE DU CREDIT MUTUEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Hubert FLICHY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La Confédération national du crédit mutuel (CNCM) exerce un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation de chaque caisse du crédit mutuel, au moyen d' inspecteurs amenés à se déplacer entre le siège parisien et les caisses régionales situées en province afin d'y effectuer des audits.

Madame [C] [Z] a été embauchée en qualité d'inspectrice junior le 12 janvier 2004. Elle a été positionnée à compter de novembre 2004 sur une mission appelée «Bâle» qui était réalisée à [Localité 4]. Elle est partie en congé maternité du 15 janvier au 22 octobre 2007. Avant son retour dans l'entreprise, son supérieur hiérarchique, Monsieur [D] [Y], lui a proposé de prendre la responsabilité de la fonction support, qu'elle a finalement refusée. Elle a repris son métier d'inspecteur au sein de la mission Bâle mais sous le lien hiérarchique de son ancien subordonné, M.[I].

Estimant avoir été injustement privée du versement de la prime Bâle alors qu'elle était très impliquée sur le projet depuis son origine en 2004 et privée d'entretien individuel en 2007, elle affirme avoir demandé par message électronique du 16 janvier 2008 des conditions de travail plus sereines et le paiement de sa prime. L'employeur, contestant avoir reçu ce courrier électronique, doublé d'un courrier du conseil de [C] [Z], a opposé une fin de non recevoir le 13 mars 2008 à la demande de prime.

[C] [Z] a été en arrêt maladie à compter du 31 mars 2008. A son retour, il lui a été proposée une mission à [Localité 3]. Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 15 mai 2008. Elle a été de nouveau en arrêt maladie du 20 mai au 20 juin 2008. Par courrier du 30 mai 2008, l'employeur lui a répondu qu'il la considérait comme démissionnaire. Elle a été dispensée d'exécuter son préavis.

[C] [Z] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris le 4 juillet 2008 aux fins de condamnation de son employeur à lui verser une indemnité au titre de la prime Bâle 2 et une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil, par jugement du 18 mai 2010, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Régulièrement appelante, [C] [Z] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement, constater que la Confédération Nationale du Crédit Mutuel a fait preuve à son égard de discrimination et de déloyauté dans la relation contractuelle et notamment dans l'attribution de la prime relative à la mission Bâle II, juger qu'elle a gravement manqué à ses obligations d'employeur et que ces manquements justifient la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur donc condamner celle-ci à lui payer les sommes de 2000 euros au titre de la prime Bâle II, 33.000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.

La Confédération national du crédit mutuel demande à la cour de confirmer le jugement et y ajoutant, condamner [C] [Z] à lui verser 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS ET DECISION :

Sur la rupture du contrat de travail :

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Au soutien de sa prise d'acte, [C] [Z] invoque la lettre rédigée le 15 mai 2008, en ces termes :

«Suite à nos divers échanges et entretien, je reviens vers vous concernant ma situation au sein de l'Inspection générale. En effet, ces tentatives d'explication n'ont pas abouti à une résolution et m'ont encore plus affecté que je ne l'étais déjà. La mauvaise foi dont a fait preuve M. [Y] qui m'affirme, d'une part, ne pas avoir reçu les deux mails que je lui ai adressés alors que j'ai une copie des accusés de réception et confirmations de lecture et, d'autre part, ne pas avoir eu d'entretiens téléphoniques en fin d'année avec les inspecteurs du service alors que ces derniers me l'ont confirmé, m'a profondément blessé : vous avez été témoin de mon état larmoyant lors de notre entrevue.

Les arguments qui m'ont été apportés quant à la non attribution de la prime Bâle II n'ont pasété convaincants et confirment l'existence d'une discrimination à mon égard. En effet, vousm'avez indiqué que cette prime était attribuée pour les travaux réalisés en 2007. Or, comme jevous l'ai répondu et bien qu'en congé maternité une partie de l'année, j'ai contribué à cedossier pendant deux mois en 2007. Mon intervention a donc été plus longue que celled'[V] [K] (un mois) et qui a obtenu la prime, alors de surcroît que j'ai fait partiede la première équipe de l'Inspection à travailler sur Bâle II à partir de novembre 2004. Seul cet argument de période m'a été communiqué et malgré mon insistance, vous n'avez pas su me donner une autre justification. A ces éléments de discrimination et de mise à l'écart depuis mon retour de congé maternité, s'ajoute le discrédit vis-à-vis du service puisque mes travaux ont été supervisés par un inspecteur senior que j'ai encadré à son arrivée à l'Inspection.

De plus, quelques jours après notre entretien au cours duquel vous m'affirmiez que tout n'était qu'interprétation de ma part, le planning des missions est communiqué au service et je découvre alors mon affectation à une mission de sept semaines en province alors qu'une autre équipe est planifiée à [Localité 4]. J'ai bien conscience que les déplacements sont inhérents au métier et que la composition des équipes ne peut être réalisée en fonction des souhaits de chacun, néanmoins la durée prolongée rend difficile l'organisation d'une vie familiale avec un tout jeune enfant. Et il s'avère que dans le service je suis la seule femme à avoir un enfant. Une fois de plus, la composition des équipes aurait pu être différente.

S'agissant de la composition des équipes, [R] [I] que je supervisais est devenu mon supérieur. Ce dernier avait en charge de fixer mes objectifs et de corriger mes travaux. Malgré ma bonne volonté, je n'ai pas pu accepter cette situation que j'ai vécue comme une régression au sein du service et qui a conduit à ce que je sois placée en arrêt maladie.

Aujourd'hui, cette situation m'est insupportable. Dans ces conditions, ces éléments de discrimination à mon égard, de mise l'écart, de supervision par un inspecteur senior me contraignent à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel en l'absence de toute résolution. Je trouve regrettable d'en arriver à cette situation malgré l'investissement dont j'ai pu faire preuve.

Néanmoins, je reste à la disposition de l'entreprise pour la durée du préavis de trois mois prévu dans mon contrat de travail».

[C] [Z] soutient donc que son employeur lui a injustement confié un poste qui l'éloignait de [Localité 4] ; qu'il ne l'a pas reçue pour son entretien annuel d'évaluation ; qu'il l'a placée sous la subordination d'un ancien subordonné et qu'il l'a privée sans raison de la prime Bâle II. S'agissant du grief relatif à l'absence d'attribution de la prime Bâle II, versée au titre de l'année 2007, l'employeur rétorque que chaque année, ses collaborateurs sont susceptibles de bénéficier de primes en raison de leur implication dans le projet principal de leur service ; que 2007 a été une année charnière pour la mise en 'uvre, au sein de la CNCM notamment, de la réforme dite « Bâle II » à la suite d'un arrêté du 20 février 2007 intégrant les nouvelles normes Bâle II dans le droit français et qu'il s'en est suivie une période de haute activité pour les inspecteurs en 2007; que les plus méritants ont été récompensés par l'attribution d'une prime exceptionnelle, versée fin 2007, discrétionnairement évaluée par leur supérieur (aux alentours de 1 500€) ; que [C] [Z] n'ayant pas travaillé sur le projet Bâle II en 2007, à l'exception de 5 jours en janvier, elle n'a pas contribué à l'effort particulier qui a dû être déployé immédiatement avant et après l'adoption de la nouvelle réglementation en 2007, et qu'il n'y avait donc aucune raison de la récompenser à ce titre.

L'employeur soutient en outre que [C] [Z] ayant travaillé aux phases antérieures du projet, en particulier en 2006, son implication à ce stade antérieur du projet Bâle II avait été récompensée par une augmentation de 110 points en janvier 2007, soit plus de 10% d'augmentation individuelle, augmentation qui n'avait été accordée qu'à trois des six inspecteurs seniors, et qu'à un seul des quatre inspecteurs juniors et venait s'ajouter à une précédente augmentation de 80 points en juillet 2005, soit presque 8% d'augmentation individuelle ; qu'il ne s'agit pas d'augmentations générales, lesquelles passent par une majoration de la valeur du point et non du nombre de points lui-même et se sont encore ajoutées à ces augmentations individuelles ; que l'augmentation de 110 points a eu lieu un mois avant le départ de [C] [Z] en congé maternité et que conformément à l'accord d'entreprise, elle a ainsi bénéficié du maintien d'une rémunération fixe sensiblement majorée pendant l'intégralité de son congé maternité.

L'employeur conclut que [C] [Z] ayant bénéficié de plus de 30% d'augmentation en un peu plus de 3 ans de présence, son salaire étant passé de 33 700 € à 44 566 € bruts annuels, aucune discrimination ne peut lui être reprochée.

Il n'est pas contesté que chaque année, les collaborateurs étaient susceptibles de bénéficier de primes en raison de leur implication dans le projet principal de leur service, que [C] [Z] a été en arrêt maternité du 11 janvier 2007 au 22 octobre 2007 et qu'elle avait perçue auparavant, une augmentation de salaire. Si elle affirme que la prime accordée à Mme [K], Mme [B] et M.[L] lui est due en contrepartie du travail accompli notamment par elle depuis novembre 2004, qui a permis de préparer l'analyse de la commission bancaire, dont les préconisations étaient en attente de sorte que le projet s'est trouvé suspendu en grande partie en 2007, elle ne démontre pas que la prime réclamée était versée de façon constante à l'ensemble du personnel ou à une catégorie déterminée de celui-ci, et que son montant était fixe ou déterminé par référence à un critère fixe et précis.

Le grief invoqué par la salariée à l'encontre de l'employeur n'est donc pas fondé.

S'agissant du grief relatif à la désignation d'un collaborateur qu'elle avait auparavant encadré, en dépit des explications fournies par l'employeur, la salariée, à son retour de congé maternité, ne pouvait que considérer comme une rétrogradation le fait de se trouver dans un rapport hiérarchique inversé.

L'employeur a ainsi manqué de façon suffisamment grave à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner notamment les griefs relatifs à l'éloignement de [Localité 4] et l'absence d'entretien annuel d'évaluation de [C] [Z] par [D] [Y] au titre de l'année 2007, la prise d'acte était fondée.

La prise d'acte ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il en résulte que [C] [Z] est fondée à obtenir compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, une somme de 30000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

[C] [Z] ne sollicite ni d'indemnité de préavis, qui lui a été versée, l'employeur l'ayant dispensée de son préavis, ni d'indemnité conventionnelle de licenciement, qui lui a également été versée.

Sur la prime Bâle II :

Pour les motifs évoqués ci-dessus, la demande est rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de [C] [Z] les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour assurer sa défense. La somme de 2000€ lui sera allouée à ce titre.

La CNCM verra sa propre demande à ce titre rejetée et supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté [C] [Z] de sa demande de paiement au titre de la prime Bâle II,

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,

Condamne la Confédération Nationale du Crédit Mutuel à verser à [C] [Z] les sommes suivantes :

- 30 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Confédération Nationale du Crédit Mutuel de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Confédération Nationale du Crédit Mutuel aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/05822
Date de la décision : 01/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/05822 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-01;10.05822 ?
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