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01/03/2012 | FRANCE | N°10/05819

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 01 mars 2012, 10/05819


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 01 Mars 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05819 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/15530



APPELANT

Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Eric BACHELERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P398
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INTIMEE

SA CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 01 Mars 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05819 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/15530

APPELANT

Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Eric BACHELERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P398

INTIMEE

SA CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J044

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine METADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La S.A.S [S] [G] [D] et Associés (NDC et Associés) est une société de création et de conseil en communication, dont [L] [S] a été un des fondateurs.

L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective des entreprises de publicité et assimilés.

Fin 2006, la société NDC et associés a été rachetée par la S.A CRM COMPANY GROUP.

C'est dans ces conditions qu'[L] [S] a été engagé, en qualité de directeur général, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 décembre 2006.

[L] [S] a été convoqué le 14 octobre 2008, pour le 24 octobre à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a fait simultanément l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

Il a reçu notification de son licenciement pour fautes graves par lettre recommandée, datée du 29 octobre 2008.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [L] [S] a, le 30 décembre 2008 saisi le conseil de prud'hommes de PARIS afin d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de congés payés, de primes, de rappel de rémunération variable, des congés payés afférents, d'indemnité de rupture spéciale, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Par jugement en date du 17 juin 2010, le conseil de prud'hommes a débouté [L] [S] de l'ensemble de ses demandes, la S.A CRM COMPANY GROUP étant déboutée de sa demande reconventionnelle.

Régulièrement appelant de cette décision, [L] [S] demande à la cour d'infirmer ce jugement et de :

- condamner la S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et Associés à lui payer les sommes de

' 52 857,12 € d'indemnité de préavis,

' 5 285,71 € de congés payés afférents,

' 3 250,56 € d'indemnité complémentaire de congés payés,

' 3 922,20 € de prime 2007,

' 392 € de congés payés afférents,

' 47 920 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2007

' 4 792 € de congés payés afférents,

Et en tout état de cause, au minimum,

' 38 300 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2007,

' 3 830 € de congés payés afférents,

' 11 034,50 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2008,

' 1 103,45 € de congés payés afférents,

' 75 343,42 € d'indemnité de licenciement,

' 211 428,48 € d'indemnité spéciale de rupture,

' 320 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 190 000 € d'indemnité pour licenciement brutal et vexatoire

- débouter la S.A CRM COMPANY GROUP de toutes ses demandes

- la condamner au paiement de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et Associés sollicite la confirmation du jugement entrepris, le débouté de [L] [S] et reconventionnellement, demande à la cour de condamner [L] [S] à lui payer les sommes de :

- 16 013,33 € au titre du montant trop perçu relatif à sa prime variable

- 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

Sur la rémunération variable

[L] [S] se prévaut des dispositions de son contrat de travail selon lesquelles sa rémunération se compose de :

- une rémunération fixe annuelle brute de 150 000 €, versée en douze mensualités

- une rémunération brute variable :

- trimestrielle égale à 1% de la marge brute trimestrielle cumulée réalisée par la société et ses filiales, payable à la fin du mois suivant le trimestre civil considéré, ladite marge brute étant calculée selon la formule suivante : marge brute = chiffre d'affaires diminué des charges de sous-traitance externes et du chiffre d'affaires, le cas échéant de refacturation par la société de charges de fonctionnement,

- annuelle égale à 3 % du résultat d'exploitation cumulé réalisé par la société et ses filiales, tel que défini par les comptes certifiés de l'exercice, cette fraction du bonus étant payable le 31 mars de l'année suivante.

Il reproche à la S.A CRM COMPANY GROUP d'avoir refusé de lui verser une quelconque rémunération variable au titre de l'année 2007 et de s'être contentée de produire ses comptes annuels pour 2007 ainsi qu'un niveau de marge brut annuel alors qu'elle doit justifier du montant de marge brute réalisée par elle trimestre par trimestre, soit depuis le 1er janvier 2007 jusqu'au 30 septembre 2008, son dernier jour de travail.

La S.A CRM COMPANY GROUP réplique que l'ensemble des dirigeants des société NDC et SINGAPOUR (société acquise par CRM en 2006), [L] [S] compris, a renoncé courant 2007 à la perception de leur rémunération variable respective, identique à celle de ce dernier.

Elle conteste les calculs retenus par [L] [S].

Force est de constater que même si les autres cadres ou dirigeants de la société confirment l'affirmation de l'employeur selon laquelle tous avaient renoncé à la partie variable de leur rémunération, il n'en demeure pas moins que ce dernier ne peut opposer à [L] [S] une modification des dispositions de son contrat de travail relative à sa rémunération, une telle modification impliquant nécessairement d'avoir reçu son accord exprès.

Tel n'a pas été le cas en l'espèce.

[L] [S] est dès lors fondé à solliciter l'application de son contrat de travail.

' Sur la rémunération variable annuelle,

[L] [S] est bien fondé, au vu des comptes annuels publiés en cours de procédure, à solliciter la somme de 3 922,20 € pour 2007 (130 739 € x 3%) outre 392 € de congés payés afférents

' Sur la rémunération trimestrielle variable,

La S.A CRM COMPANY GROUP justifie de ce que la marge brute de la société DNC s'est élevée aux sommes de :

- 3 698 868 € pour 2006

- 3 830 019 € pour 2007.

Sur cette base, il convient de condamner cette dernière à verser à [L] [S] la somme de 38 300 € au titre de sa rémunération trimestrielle variable de 2007.

[L] [S] a perçu la somme de 24 905,50 € au titre de sa rémunération trimestrielle variable 2008.

Il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement sollicité par la S.A CRM COMPANY GROUP d'un trop perçu, selon elle, par [L] [S], les pièces produites ne permettant pas de constater, ainsi que le prévoit le contrat de travail, que le montant de la marge brute trimestrielle cumulée réalisée par la société et ses filiales doive être minoré.

La S.A CRM COMPANY GROUP sera donc déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 16 013,33 € et [L] [S] de sa demande en paiement de la somme de 11 034,50 €, dont aucun élément ne permet de justifier le bien-fondé.

Sur le licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1249-9 du code du travail, que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les griefs principaux suivants :

- développement parallèle d'une autre société concurrente en utilisant un salarié de la société,

- facturation de prestations fictives par une société dirigée par un de ses amis,

- facturation par [L] [S] de prestations jamais réalisées par la société NDC,

- utilisation des salariés du groupe pour réaliser des prestations pour le compte d'une société dans laquelle il a des intérêts personnels, sans facturation,

- propos insultants tenus à l'égard des dirigeants de la société,

- pertes abyssales de la société NDC et absences totales de mesures prises par [L] [S] pour enrayer ces difficultés,

- départ de trente cinq personnes (soit la totalité de la société) entre le 1er janvier 2007 et le mois d'octobre 2008 sans réaction d'[L] [S]

- avoir laissé la société (agence de communication) sans directeur de création et sans directeur commercial,

- perte de multiples clients sans réaction,

- refus de réduire les frais divers de l'agence,

- règlement de frais personnels par la société,

- embauche de dizaines de «free lance» («travailleurs indépendants») sans contrat.

Ces griefs ont été contestés par [L] [S] par courrier recommandé du 29 octobre 2010.

Ce dernier invoque la prescription des faits qui lui sont reprochés, faisant observer que la S.A CRM COMPANY GROUP invoque des griefs non datés ni étayés d'aucune pièce, et pour ceux qui le sont des faits et documents qui datent quasiment tous de plus de deux mois avant l'introduction de la procédure de licenciement engagée le 14 octobre 2008.

Il résulte de l'attestation de [J] [P], directeur administratif et financier de la S.A CRM COMPANY GROUP, que la S.A.S [S] [G] [D] et Associés a fait l'objet d'un contrôle fiscal à compter du 2 octobre 2008, ce qui a conduit à la mise en oeuvre d'un audit financier au cours duquel la S.A CRM COMPANY GROUP a découvert les quatre factures validées par [L] [S], relatives à des prestations de services, émises en juin, juillet, août et septembre 2007.

Il est par ailleurs établi que la société NDC, a le 1er décembre 2008, adressé à la société KID PRODUCTION des demandes d'information concernant ces factures, dates et prestations précises réalisées, ce courrier n'appelant aucune réponse de la part de cette société, puis lui a fait sommation, par acte d'huissier, de s'expliquer, en vain.

C'est donc début octobre 2008 que l'employeur a eu connaissance des faits litigieux, ce dernier soulignant à juste titre qu'il pouvait d'autant moins avoir connaissance de ces factures qu'[L] [S] avait à l'époque tous les pouvoirs et qu'il en est le signataire.

Aucune prescription n'est donc encourue.

S'agissant de la matérialité des faits allégués, le conseil de prud'hommes a relevé avec pertinence qu'[L] [S] n'avait, malgré les demandes d'explications qui lui ont été adressées, y compris par voie de sommation, par acte d'huissier, apporté aucun éclaircissement concernant la nature, le contenu, les dates exactes des prestations réalisées, d'un montant total de 20 000 € hors taxes.

Interrogée également, dans les mêmes formes, lettre recommandée et sommation de payer, la société KID PRODUCTIONS n'a pas estimé utile d'apporter une quelconque information à la société NDC et, de plus, s'est abstenue de solliciter le paiement de la 4ème facture, laquelle n'est toujours pas réglée à ce jour.

Ce seul grief tenant à la facturation par l'appelant de prestations dont la réalité n'est pas démontrée, est caractérisé et constitue, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen des autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, un manquement d'une gravité telle qu'il rend impossible la poursuite des relations de travail, compte tenu de la qualité d'[L] [S], cadre dirigeant, et de ses éventuelles conséquences au plan fiscal.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement d'[L] [S] reposait donc sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des parties en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement d'[L] [S] reposait donc sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'INFIRME pour le surplus,

CONDAMNE la S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et associés à payer à [L] [S] les sommes de :

- 3 922,20 € au titre de la rémunération variable annuelle 2007,

- 392 € au titre des congés payés afférents,

- 38 300 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2007,

- 3 830 € au titre des congés payés afférents,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et associés aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE, RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 01 Mars 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05819 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/15530

APPELANT

Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Eric BACHELERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P398

INTIMEE

SA CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J044

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine METADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La S.A.S [S] [G] [D] et Associés (NDC et Associés) est une société de création et de conseil en communication, dont [L] [S] a été un des fondateurs.

L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective des entreprises de publicité et assimilés.

Fin 2006, la société NDC et associés a été rachetée par la S.A CRM COMPANY GROUP.

C'est dans ces conditions qu'[L] [S] a été engagé, en qualité de directeur général, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 décembre 2006.

[L] [S] a été convoqué le 14 octobre 2008, pour le 24 octobre à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a fait simultanément l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

Il a reçu notification de son licenciement pour fautes graves par lettre recommandée, datée du 29 octobre 2008.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [L] [S] a, le 30 décembre 2008 saisi le conseil de prud'hommes de PARIS afin d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de congés payés, de primes, de rappel de rémunération variable, des congés payés afférents, d'indemnité de rupture spéciale, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Par jugement en date du 17 juin 2010, le conseil de prud'hommes a débouté [L] [S] de l'ensemble de ses demandes, la S.A CRM COMPANY GROUP étant déboutée de sa demande reconventionnelle.

Régulièrement appelant de cette décision, [L] [S] demande à la cour d'infirmer ce jugement et de :

- condamner la S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et Associés à lui payer les sommes de

' 52 857,12 € d'indemnité de préavis,

' 5 285,71 € de congés payés afférents,

' 3 250,56 € d'indemnité complémentaire de congés payés,

' 3 922,20 € de prime 2007,

' 392 € de congés payés afférents,

' 47 920 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2007

' 4 792 € de congés payés afférents,

Et en tout état de cause, au minimum,

' 38 300 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2007,

' 3 830 € de congés payés afférents,

' 11 034,50 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2008,

' 1 103,45 € de congés payés afférents,

' 75 343,42 € d'indemnité de licenciement,

' 211 428,48 € d'indemnité spéciale de rupture,

' 320 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 190 000 € d'indemnité pour licenciement brutal et vexatoire

- débouter la S.A CRM COMPANY GROUP de toutes ses demandes

- la condamner au paiement de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et Associés sollicite la confirmation du jugement entrepris, le débouté de [L] [S] et reconventionnellement, demande à la cour de condamner [L] [S] à lui payer les sommes de :

- 16 013,33 € au titre du montant trop perçu relatif à sa prime variable

- 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

Sur la rémunération variable

[L] [S] se prévaut des dispositions de son contrat de travail selon lesquelles sa rémunération se compose de :

- une rémunération fixe annuelle brute de 150 000 €, versée en douze mensualités

- une rémunération brute variable :

- trimestrielle égale à 1% de la marge brute trimestrielle cumulée réalisée par la société et ses filiales, payable à la fin du mois suivant le trimestre civil considéré, ladite marge brute étant calculée selon la formule suivante : marge brute = chiffre d'affaires diminué des charges de sous-traitance externes et du chiffre d'affaires, le cas échéant de refacturation par la société de charges de fonctionnement,

- annuelle égale à 3 % du résultat d'exploitation cumulé réalisé par la société et ses filiales, tel que défini par les comptes certifiés de l'exercice, cette fraction du bonus étant payable le 31 mars de l'année suivante.

Il reproche à la S.A CRM COMPANY GROUP d'avoir refusé de lui verser une quelconque rémunération variable au titre de l'année 2007 et de s'être contentée de produire ses comptes annuels pour 2007 ainsi qu'un niveau de marge brut annuel alors qu'elle doit justifier du montant de marge brute réalisée par elle trimestre par trimestre, soit depuis le 1er janvier 2007 jusqu'au 30 septembre 2008, son dernier jour de travail.

La S.A CRM COMPANY GROUP réplique que l'ensemble des dirigeants des société NDC et SINGAPOUR (société acquise par CRM en 2006), [L] [S] compris, a renoncé courant 2007 à la perception de leur rémunération variable respective, identique à celle de ce dernier.

Elle conteste les calculs retenus par [L] [S].

Force est de constater que même si les autres cadres ou dirigeants de la société confirment l'affirmation de l'employeur selon laquelle tous avaient renoncé à la partie variable de leur rémunération, il n'en demeure pas moins que ce dernier ne peut opposer à [L] [S] une modification des dispositions de son contrat de travail relative à sa rémunération, une telle modification impliquant nécessairement d'avoir reçu son accord exprès.

Tel n'a pas été le cas en l'espèce.

[L] [S] est dès lors fondé à solliciter l'application de son contrat de travail.

' Sur la rémunération variable annuelle,

[L] [S] est bien fondé, au vu des comptes annuels publiés en cours de procédure, à solliciter la somme de 3 922,20 € pour 2007 (130 739 € x 3%) outre 392 € de congés payés afférents

' Sur la rémunération trimestrielle variable,

La S.A CRM COMPANY GROUP justifie de ce que la marge brute de la société DNC s'est élevée aux sommes de :

- 3 698 868 € pour 2006

- 3 830 019 € pour 2007.

Sur cette base, il convient de condamner cette dernière à verser à [L] [S] la somme de 38 300 € au titre de sa rémunération trimestrielle variable de 2007.

[L] [S] a perçu la somme de 24 905,50 € au titre de sa rémunération trimestrielle variable 2008.

Il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement sollicité par la S.A CRM COMPANY GROUP d'un trop perçu, selon elle, par [L] [S], les pièces produites ne permettant pas de constater, ainsi que le prévoit le contrat de travail, que le montant de la marge brute trimestrielle cumulée réalisée par la société et ses filiales doive être minoré.

La S.A CRM COMPANY GROUP sera donc déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 16 013,33 € et [L] [S] de sa demande en paiement de la somme de 11 034,50 €, dont aucun élément ne permet de justifier le bien-fondé.

Sur le licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1249-9 du code du travail, que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les griefs principaux suivants :

- développement parallèle d'une autre société concurrente en utilisant un salarié de la société,

- facturation de prestations fictives par une société dirigée par un de ses amis,

- facturation par [L] [S] de prestations jamais réalisées par la société NDC,

- utilisation des salariés du groupe pour réaliser des prestations pour le compte d'une société dans laquelle il a des intérêts personnels, sans facturation,

- propos insultants tenus à l'égard des dirigeants de la société,

- pertes abyssales de la société NDC et absences totales de mesures prises par [L] [S] pour enrayer ces difficultés,

- départ de trente cinq personnes (soit la totalité de la société) entre le 1er janvier 2007 et le mois d'octobre 2008 sans réaction d'[L] [S]

- avoir laissé la société (agence de communication) sans directeur de création et sans directeur commercial,

- perte de multiples clients sans réaction,

- refus de réduire les frais divers de l'agence,

- règlement de frais personnels par la société,

- embauche de dizaines de «free lance» («travailleurs indépendants») sans contrat.

Ces griefs ont été contestés par [L] [S] par courrier recommandé du 29 octobre 2010.

Ce dernier invoque la prescription des faits qui lui sont reprochés, faisant observer que la S.A CRM COMPANY GROUP invoque des griefs non datés ni étayés d'aucune pièce, et pour ceux qui le sont des faits et documents qui datent quasiment tous de plus de deux mois avant l'introduction de la procédure de licenciement engagée le 14 octobre 2008.

Il résulte de l'attestation de [J] [P], directeur administratif et financier de la S.A CRM COMPANY GROUP, que la S.A.S [S] [G] [D] et Associés a fait l'objet d'un contrôle fiscal à compter du 2 octobre 2008, ce qui a conduit à la mise en oeuvre d'un audit financier au cours duquel la S.A CRM COMPANY GROUP a découvert les quatre factures validées par [L] [S], relatives à des prestations de services, émises en juin, juillet, août et septembre 2007.

Il est par ailleurs établi que la société NDC, a le 1er décembre 2008, adressé à la société KID PRODUCTION des demandes d'information concernant ces factures, dates et prestations précises réalisées, ce courrier n'appelant aucune réponse de la part de cette société, puis lui a fait sommation, par acte d'huissier, de s'expliquer, en vain.

C'est donc début octobre 2008 que l'employeur a eu connaissance des faits litigieux, ce dernier soulignant à juste titre qu'il pouvait d'autant moins avoir connaissance de ces factures qu'[L] [S] avait à l'époque tous les pouvoirs et qu'il en est le signataire.

Aucune prescription n'est donc encourue.

S'agissant de la matérialité des faits allégués, le conseil de prud'hommes a relevé avec pertinence qu'[L] [S] n'avait, malgré les demandes d'explications qui lui ont été adressées, y compris par voie de sommation, par acte d'huissier, apporté aucun éclaircissement concernant la nature, le contenu, les dates exactes des prestations réalisées, d'un montant total de 20 000 € hors taxes.

Interrogée également, dans les mêmes formes, lettre recommandée et sommation de payer, la société KID PRODUCTIONS n'a pas estimé utile d'apporter une quelconque information à la société NDC et, de plus, s'est abstenue de solliciter le paiement de la 4ème facture, laquelle n'est toujours pas réglée à ce jour.

Ce seul grief tenant à la facturation par l'appelant de prestations dont la réalité n'est pas démontrée, est caractérisé et constitue, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen des autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, un manquement d'une gravité telle qu'il rend impossible la poursuite des relations de travail, compte tenu de la qualité d'[L] [S], cadre dirigeant, et de ses éventuelles conséquences au plan fiscal.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement d'[L] [S] reposait donc sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des parties en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement d'[L] [S] reposait donc sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'INFIRME pour le surplus,

CONDAMNE la S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et associés à payer à [L] [S] les sommes de :

- 3 922,20 € au titre de la rémunération variable annuelle 2007,

- 392 € au titre des congés payés afférents,

- 38 300 € au titre de la rémunération variable trimestrielle pour 2007,

- 3 830 € au titre des congés payés afférents,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A CRM COMPANY GROUP venant aux droits de la S.A.S [S] [G] [D] et associés aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/05819
Date de la décision : 01/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/05819 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-01;10.05819 ?
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