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01/03/2012 | FRANCE | N°10/05706

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 01 mars 2012, 10/05706


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 01 Mars 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05706 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 08/01810



APPELANT

Monsieur [F] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, t

oque : R271





INTIMEE

SA SERVAIR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03



COMPOSITION ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 01 Mars 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05706 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 08/01810

APPELANT

Monsieur [F] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

INTIMEE

SA SERVAIR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 30 novembre 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [J] a été engagé par la société Air Inter le 22 Avril 1991, en qualité de contrôleur de gestion.

Son contrat de travail a été transféré à la société Air France à compter du 1er Avril 1997.

A compter du 1 Avril 1999, M. [J] a été détaché au sein de la SA Servair, toujours en qualité de contrôleur de gestion.

Il a connu plusieurs promotions au sein de la société Servair.

Dans le dernier état, il était directeur Finances et Relations Air France, moyennant une rémunération brute mensuelle de 9 608,24 € sur 14 Mois.

Par lettre du 14 Avril 2008, la société Servair a notifié à M. [J] la cessation de leur collaboration à l'issue d'un délai de trois mois et lui a proposé de prendre attache avec le directeur des cadres d'Air France afin d'examiner les modalités de sa nouvelle affectation.

Le 10 juillet 2008, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, dans sa formation en référé afin que lui soit versée l'indemnité compensatrice de préavis conforme à l'engagement unilatéral pris par l'employeur aux termes d'un document du 23 Octobre 2006.

Le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel de Paris ont fait droit à sa demande et ont condamné la SA Servair à lui verser à titre provisionnel, la somme de 141 462,09 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 14146,20 € au titre des congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Parallèment, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes au fond aux fins de voir dire qu'un contrat de travail le liait à la SA Servair, que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il est par suite fondé à obtenir des indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par un jugement du 2 Juin 2010, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté M. [J] de ses demandes et a rejeté la demande reconventionelle de la SA Servair.

M.[J] a relevé appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la SA Servair à lui verser les sommes suivantes :

- 81 412,74 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 8 1412,27 € au titre des congés payés afférents,

- 445 749,65 € à titre d'indemnité de licenciement et subsidiairement 282 924,22 €,

avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de la demande,

- 190 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 95 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

et capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Il sollicite aussi la délivrance des documents sociaux à savoir : un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux termes de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 € par jour et par document.

Il réclame enfin une indemnité de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Servair conclut à la confirmation du jugement entrepris et au débouté de M. [J]. Elle sollicite une indemnité de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés aux conclusions respectives des parties visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS,

Sur la qualification des relations de travail :

M. [J] soutient que s'il a été détaché à compter du 1er Décembre 1999 au sein de la SA Servair, nonobstant les dispositions contractuelles et/ou conventionnelles fixant les modalités d'un détachement, celui-ci doit être requalifié en contrat de travail dès lors qu'il résulte des conditions mêmes d'exécution de la collaboration, l'existence d'un lien de subordination lequel est révélé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il fait valoir que la SA Servair elle-même dans les documents établis faisait mention à la réalité d'un contrat de travail et communique notamment :

- un document du 2 Janvier 2006, signé par les deux parties intitulé: 'avenant au contrat de travail entre la société Servair et M.[J]' faisant mention de la qualité de salarié de celui-ci,

- une lettre signée par la président directeur général faisant référence au contrat et évoquant préavis et indemnité de licenciement,

- une lettre de la SA Servair en date du 13 mars 2008 aux termes de laquelle, il est précisé 'votre contrat de travail n'a en aucun cas été modifié'[...] 'cette nomination a pour seule conséquence en ce qui vous concerne de changer de responsable hiérarchique'.

Il explique que dans les faits, dès son détachement concrétisé, il n'a plus travaillé pour la société Air France et qu'il a oeuvré exclusivement pour le compte de la SA Servair pendant neuf années.

Il relève que :

- l'évolution de sa carrière a été exclusivement décidée et gérée par la SA Servair qu'il se fût agi des conditions de la collaboration, de ses promotions professionnelles, des augmentations salariales, de l'organisation de son temps de travail, de ses congés,

- il a travaillé sous la subordination juridique exclusive de la SA Servair et s'appuie sur l'avenant du 2 janvier 2006, sur la lettre du 23 octobre 2006 sur les conditions d'emploi et notamment sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement en cas de rupture des relations ou en cas de licenciement, la lettre du 3 Décembre 2007 relative à sa rémunération fixe portée à 9 450 € brute à compter du 1er Décembre 2007 et à l'octroi d'une prime exceptionnelle de 33 000 €, les organigrammes, les documents sur les contrats de prévoyance, les comptes-rendus des comités de direction au sein desquels il se trouvait,

- il a été intégré totalement dans l'organisation de la la SA Servair,

- il rendait compte à sa hiérarchie au sein de la SA Servair dont il recevait les consignes, et communique les mails échangés avec M. [O] nommé comme directeur Finance le 1er février 2008, M. [C], M. [R],

- il exerçait un pouvoir hiérarchique sur le personnel qu'il pouvait recruter, et à qui il pouvait déléguer des pouvoirs,

- il s'était vu attribuer une délégation de signature bancaire, un pouvoir d'engager des dépenses ainsi qu'un pouvoir de représentation en tant qu'administrateur notamment aux conseils d'administration des filiales et en tant que représentant permanent de la société au sein du conseil d'administration de la société Aerosur, également filiale de la SA Servair.

D'après les documents communiqués, M. [J] a été détaché au sein de la SA Servair à compter du 1er décembre 1999 consécutivement à un accord passé entre la SA Servair et la société Air France. Ainsi par une lettre du 1er décembre 1999, la société Air France, employeur de la SA Servair a informé M. [J] ' qu'après accord entre notre direction et Servair, il a été décidé de procéder à votre détachement auprès de cet organisme à compter du 1er décembre 1999, dans les conditions fixées à l'article 18 du statut du personnel que nous vous rappelons ci-après :

- pendant toute la durée de votre détachement votre situation sera au moins équivalente à celle que vous auriez à la société Air France,

- le déroulement de votre carrière sera assuré par comparaison avec celle de collègue resté en service à Air France,

- vos droits à la retraite seront maintenus, Servair précomptera sur votre paye les cotisations ( parts employé) aux caisses UPS et UPC des régimes de retraite complémentaire ARRCO/AGIRC,

- le temps de service que vous effectuerez à Servair vous sera décompté comme temps de service à notre société.

À l'issue de votre détachement à Servair, vous serez réintégré à notre société dans un emploi correspondant à votre classement Air France. À la date de votre détachement, votre situation au regard de notre réglementation est la suivante : cadre supérieur C07,

- tant que vous resterez à la Servair, vos facilités de transport dans les conditions du RPCn° 1 vous seront maintenues [...]'.

.

Concomitamment, la SA Servair a précisé à M. [J] les conditions de sa rémunération dans le cadre de ce détachement dans les termes suivants :

- 'Comme suite à l'accord intervenu entre Servair et la compagnie Air France, nous vous confirmons qu'à compter du 1er décembre 1999, vous serez détaché auprès de Servair en qualité de contrôleur de gestion Servair SA et filiales. Pendant la durée de votre détachement, vous serez rémunéré par Servair aux conditions suivantes : statut cadre supérieur, salaire de base mensuelle 31'400 fr. ( 14 mois), indemnité de nourriture...'.

Les dispositions de l'article 18 du statut du personnel auquel fait référence la lettre du 1er décembre 1999 ont été reprises par la convention du personnel au sol de la société Air France.

Cette convention rappelle que le détachement est la position du salarié qui assure son service, dans les conditions prévues par la convention d'entreprise commune, auprès d'autres sociétés ou organismes présentant pour la compagnie un intérêt direct.

Elle précise que pendant la durée du détachement, le salarié détaché est soumis aux règles en vigueur dans l'organisme de détachement, en particulier en ce qui concerne la durée du travail et la discipline, exception faite du cas de faute grave,[...].

L'article 5.4 de la convention expose que le détachement est prononcé pour une durée de deux ans, renouvelable pour des périodes de même durée par accord tacite de la compagnie, de l'organisme de détachement avec le consentement écrit de l'intéressé, qu'il peut être dérogé aux dispositions qui précèdent à la demande de l'organisme de détachement en accord avec la compagnie et l'intéressé.

L'article suivant précise que pendant la durée du détachement, l'intéressé a droit dans des conditions déterminées par la compagnie en accord avec l'organisme de détachement à une situation au moins équivalente à celle qu'il aurait eue dans la compagnie s'il n'avait pas été placé dans cette position, en ce qui concerne notamment sa rémunération et le déroulement de sa carrière[...].

Enfin, il est précisé que le détachement cesse normalement à la demande de la compagnie ou à celle de l'organisme de détachement en accord avec la compagnie, lors de l'arrivée à l'expiration de la période de deux ans pour laquelle il a été prononcé ou renouvelé.

En cas de non renouvellement du détachement, l'organisme de détachement en accord avec la compagnie, s'engage à informer l'intéressé trois mois avant la date d'expiration...] il peut également y être mis fin, dans les mêmes conditions, avant l'arrivée du terme sous réserve de l'observation par les différentes parties d'un préavis de trois mois. Toutefois le préavis peut être réduit ou même supprimé dans le cas d'un accord entre la compagnie, l'organisme de détachement et l'intéressé.

L'article 5.8 ajoute que certaines entreprises ou organismes extérieurs peuvent être désireux de s'attacher la collaboration d'un salarié de la compagnie sans pour autant accepter de souscrire à toutes les conditions de détachement. Si elle estime qu'elle y a un intérêt, la compagnie peut, à la demande du salarié intéressé, autoriser celui-ci à conclure un contrat de travail avec l'entreprise ou l'organisme demandeur.

Il n'est ni soutenu, ni allégué que la SA Servair a exprimé le souhait de conclure un contrat de travail avec M. [J], qui de son côté n'a jamais sollicité auprès de la compagnie Air France une quelconque autorisation pour conclure un tel contrat de travail avec la SA Servair.

Par ailleurs, au regard des dispositions conventionnelles précédemment relatées qui prévoient que le salarié détaché est soumis aux règles en vigueur dans l'organisme de détachement, en ce qui concerne la durée du travail et la discipline sauf pour la faute grave, la SA Servair pouvait diriger l'exécution du travail du salarié détaché, l'autorité ainsi exercée n'étant en conséquence que déléguée.

Toujours en conformité avec les dispositions conventionnelles relatives au détachement, et ainsi que cela ressortait de la lettre de la compagnie Air France informant M.[J] de son détachement, la société d'accueil a pu effectivement assurer l'évolution de carrière et la promotion fonctionnelle de M. [J], verser les rémunérations, notifier les augmentations ainsi que les gratifications.

Si en principe, le détachement est prononcé pour une durée de deux ans, renouvelable pour des périodes de même durée par accord tacite de la compagnie de l'organisme de détachement avec le consentement écrit de l'intéressé, il est prévu qu'il peut être dérogé à ces dispositions.

Les renouvellements, dans le cas d'espèce, sont intervenus de manière tacite.

Le contrat de travail de M. [J] avec la compagnie Air France a en réalité été maintenu pendant toute la période du détachement étant observé que la compagnie, Air France a effectivement engagé des démarches pour réintégrer M. [J] après que la SA Servair lui eut signifié la fin de leur collaboration et du détachement par lettre du 28 avril 2008.

Il s'ensuit que M. [J] ne peut voir sa demande en requalification de son détachement au sein de la SA Servair en contrat de travail avec la SA Servair prospérer.

Par suite, la lettre du 28 avril 2008 par laquelle la SA Servair lui a signifié la fin de leur collaboration et de son détachement ne peut être qualifiée de lettre de licenciement.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la fin du détachement ne valant pas rupture des relations contractuelles, le salarié étant à cette époque toujours lié par un contrat de travail à l'égard de la compagnie Air France.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Se fondant sur la lettre que lui a adressée M. [G] le 23 octobre 2006 sur ses conditions d'emploi à Servair, M. [J] réclame paiement de l'indemnité compensatrice de préavis calculée sur douze mois, déduction faite de ce qu'il a déjà perçu consécutivement à la dispense d'exécuter le préavis notifiée le 28 Avril 2008.

La SA Servair considère que l'engagement alors pris par la voie de son président de l'époque et consistant à accorder au salarié un préavis de douze mois et en cas de dispense d'exécution du préavis de lui verser une indemnité compensatrice de préavis correspondant à douze mois de salaire :

- n'a pas valeur contractuelle,

- est inapplicable dès lors que la notion de 'fin de collaboration' ne peut correspondre à l'hypothèse de la fin du détachement, la collaboration ayant perduré avec la compagnie Air France jusqu'au licenciement du salarié,

- est subordonné à l'absence de faute lourde.

Or, l'engagement unilatéral de la SA Servair est clair et l'oblige.

Par ailleurs, selon les dispositions conventionnelles précédemment rappelées, il peut être mis fin au détachement avant l'arrivée du terme sous réserve de l'observation par les différentes parties d'un préavis de trois mois.

Le principe même d'un préavis en cas de fin de détachement avant la fin du terme est donc conventionnellement prévu. Par suite la 'fin de la collaboration' évoquée dans la lettre vise une telle hypothèse.

Enfin, la SA Servair évoque la faute lourde sans être très explicite, puisqu'elle se limite à évoquer le caractère douteux de la lettre du 23 Octobre 2006 sans soutenir qu'elle serait un faux ou une entente entre quelques cadres pour 'offrir une protection aux cadres dirigeants'.

Elle fait aussi état :

- d'un virement de 163 724,57 € au profit d'un collègue, signé par M. [J] et M. [M] mais non par la secrétaire générale Mme [N] et par suite, du non respect de la procédure d'autorisation interne,

- d'une fraude relativement à l'absence de déclaration des jours de congés pris,

- d'une attitude négative à l'égard de la direction à partir du mois de février 2008.

Ces faits n'ont pas été évoqués lors de la notification de la fin du détachement aux termes de la lettre du14 Avril 2008, ni dans celle qui a dispensé M. [J] d'activité en date du 29 Avril 2008 laquelle ne fait état que de l'attitude négative de celui-ci depuis Février 2008.

Ils n'ont pas davantage été repris par l'employeur de M. [J], la compagnie Air France qui avait le pouvoir de relever les fautes graves et a fortiori les fautes lourdes du salarié.

Pour combattre le reproche en lien avec le virement effectué au profit d'un collègue, M. [J] communique les avis de virements qu'il a reçu du cabinet David tout au long du mois de janvier 2008 à savoir:

- celui du 2 janvier 2008 à M. [C] pour la somme de 163 724,57 €,

- celui du 14 Janvier 2008 à M. [Y] pour la somme de 194 438,79 €,

- celui du 25 Janvier 2008 à M. [G] pour la somme de 319 865 €.

Il communique aussi les nouvelles délégations de signatures bancaires décidées par le nouveau directeur, M. [V].

D'après ce document, jusqu'à 800 K€ d'engagement, sont requises deux signatures du second panier ou une du second et une du troisième panier.

M. [J] était signataire du second panier et M. [M] était un signataire du troisième panier.

Dans ces conditions, la procédure a été respectée, le virement litigieux étant inférieur à 800 K€.

Il est aussi établi que le virement en cause au profit de M. [C] a fait l'objet d'un bulletin de salaire délivré par le Directeur des relations humaines et correspondait à 'une sortie numéraire CET' de 183 039,48 € bruts.

M. [J] fait observer avec pertinence qu'aucune plainte n'a été engagée contre quiconque à cet égard.

Aucun élément ne permet de retenir la réalité des autres griefs qui, en tout état de cause ne constitueraient pas une faute lourde, exclusive de l'application de l'engagement unilatéral.

L'indemnité compensatrice de préavis correspondant à douze mois de salaire est en conséquence due à M. [J], peu important qu'il ait, compte tenu de la dispense d'activité qui lui a été notifiée, recherché une solution d'ordre professionnel, y compris en dehors de toute réintégration au sein de la compagnie Air France.

Une telle indemnité se calcule sur la base du salaire brut qu'aurait perçu le salarié s'il avait accompli son préavis et englobe tous les éléments de la rémunération auxquels aurait pu prétendre le salarié.

La prime perçue en Juillet 2007 n'a pas vocation à être intégrée pour déterminer l'indemnité compensatrice de préavis, peu important qu'il s'agisse d'une 'sortie numéraire CET' ou de RTT. En effet, cette somme de 108 550,32 € rémunérait des jours RTT remontant à 1999, et n'avait pas vocation à être versée régulièrement.

Dans ces conditions, la part d'indemnité compensatrice de préavis restant due au salarié et correspondant aux neuf mois qu'avait refusés de verser la SA Servair correspond à la somme accordée par la cour d'appel dans l'arrêt du 19 Février 2009, soit à la somme de 141 462,09€ à laquelle ont été ajoutés les congés payés afférents.

Aucune indemnité de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en revanche ne sont dues à M. [J], la fin du détachement n'étant pas assimilable à une rupture des relations contractuelles, celui-ci étant au surplus resté à cette date salarié de la compagnie Air France.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale :

M. [J] ne peut prétendre que la résistance de la SA Servair à lui reconnaître l'existence d'un contrat de travail est fautive dès lors qu'elle a été jugée par la présente cour comme étant au contraire légitime.

M. [J] fait aussi état de la situation qui lui a été imposée au cours des mois qui ont précédé la notification de la fin du détachement.

Il communique de nombreux documents qui montrent qu'il a été effectivement mis en situation difficile, dès lors qu'à la suite de la nomination de M. [D] [O] en tant que directeur Finance, il a été ostensiblement dépouillé de ses responsabilités et prérogatives.

L'exécution déloyale de la part de Servair de la collaboration au cours des derniers mois est à l'origine d'un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 30 000€.

Le jugement sera infirmé.

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Dans le contexte de cette affaire, l'équité commande d'allouer à M. [J] une indemnité de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la collaboration,

L'infirme sur ce point,

Y ajoutant,

Condamne la SA Servair à verser à M. [J] les sommes suivantes :

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la collaboration au cours des derniers mois,

- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SA Servair aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/05706
Date de la décision : 01/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/05706 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-01;10.05706 ?
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