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28/02/2012 | FRANCE | N°11/07181

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 28 février 2012, 11/07181


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2012

(no 66, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07181

Décision déférée à la Cour :
jugement du 15 Mars 2011- Tribunal de Grande Instance de CRETEIL-RG no 10/ 02017

APPELANT

Monsieur Frédéric X...
...
06580 PEGOMAS
représenté par Me Frédéric INGOLD (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)
assisté de Me Pascal KOERFER (avocat

au barreau de PARIS, toque : P 378)
SCP BKP

INTIME

Maître Sandrine Z...
...
77000 MELUN
représentée par la SCP KIEFFER JOLY-...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2012

(no 66, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07181

Décision déférée à la Cour :
jugement du 15 Mars 2011- Tribunal de Grande Instance de CRETEIL-RG no 10/ 02017

APPELANT

Monsieur Frédéric X...
...
06580 PEGOMAS
représenté par Me Frédéric INGOLD (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)
assisté de Me Pascal KOERFER (avocat au barreau de PARIS, toque : P 378)
SCP BKP

INTIME

Maître Sandrine Z...
...
77000 MELUN
représentée par la SCP KIEFFER JOLY-BELLICHACH (Me Jacques BELLICHACH) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0028)
assistée de Me Bruno LEPLUS (avocat au barreau de PARIS, toque : E 1230)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

M. X..., qui avait choisi de faire appel à Mme Z..., avocat unique pour son divorce sur requête conjointe, prononcé le 6 avril 2007, lui reproche de l'avoir mal conseillé, d'avoir commis des erreurs de droit dans la convention et de l'avoir défavorisé au profit de son épouse en prévoyant le versement, par lui, d'une prestation compensatoire par abandon de ses droits sur l'immeuble commun et d'une pension alimentaire mensuelle jusqu'à ce que l'épouse retrouve un emploi.

Indiquant que son ex-épouse avait retrouvé un emploi rémunéré mais qu'il a été débouté par le juge aux affaires familiales de sa demande de suppression de la pension alimentaire, M. X... considère que Mme Z... a, à tort, inscrit dans la convention une pension alimentaire au titre du devoir de secours contraire aux dispositions des articles 212 et suivants du code civil et une clause de révision de la pension purement potestative en ce qu'elle ne dépend que de la volonté de l'ex-épouse et que ces fautes sont directement à l'origine de son préjudice consistant dans le fait d'avoir dû payer des pensions injustifiées, assumer des frais de procédure devant le juge aux affaires familiales et subi un préjudice moral, même s'il a ensuite conclu un accord avec son ex-épouse sur ce sujet.

Par jugement du 15 mars 2011, le tribunal de grande instance de Créteil l'a débouté de ses demandes au motif que la faute de l'avocat, consistant à avoir inséré une pension qualifiée à tort d'alimentaire et donc contraire à l'article 270 alinéa 1er du code civil, que le juge aux affaires familiales a requalifiée en rente, est sans lien avec le préjudice car l'article 278 lui aurait imposé le versement d'une rente à durée limitée.

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Vu l'appel de ce jugement par M. X... en date du 14 avril 2011,

Vu ses dernières conclusions déposées le 14 novembre 2011 selon lesquelles, poursuivant l'infirmation du jugement, il demande la condamnation de Mme Z... à lui payer la somme de 76 843, 96 € en réparation de son préjudice ainsi que celle de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées le 16 juin 2011 par lesquelles Mme Z... sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 4 000 € pour ses frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,

SUR CE,

Considérant qu'au soutien de son appel M. X... fait valoir que, nonobstant l'accord qu'il a pu conclure avec son ex-épouse, ce qui a entraîné le désistement de l'appel qu'il avait formé contre le jugement rendu par le juge aux affaires familiales le 3 juillet 2009, les fautes commises par l'avocat choisi en commun, consistant en ne l'avoir pas averti de la portée des engagements qu'il prenait dans la convention, fortement déséquilibrée à son détriment par la prise en considération des " prétentions financières... disproportionnées " de son ex-épouse qu'elle n'était pas en droit d'obtenir, en inscrivant dans la convention une pension alimentaire au titre du devoir de secours se poursuivant après divorce contrairement aux articles 212 et suivants du code civil alors qu'une prestation compensatoire était également prévue, en mentionnant une condition potestative contraire à l'article 278 du même code l'événement visé dépendant du bon vouloir de son ex-épouse, ont eu pour conséquence qu'il a été obligé d'acquitter des sommes qui n'étaient pas dues, dont celle prévue par l'accord transactionnel qui n'avait pas lieu d'être en l'absence de la faute de Mme Z... qui a permis au juge aux affaires familiales de rejeter sa demande de révision en requalifiant en prestation compensatoire la pension alimentaire ; qu'il en veut pour preuve que, dès la transaction signée, son ex-épouse a retrouvé un travail, ce qui atteste que la convention rédigée par Mme Z... l'incitait à n'en rien faire ; qu'il indique que son préjudice se compose des sommes indûment versées auxquelles s'ajoutent les frais de procédure engagés devant le juge aux affaires familiales y inclus sa condamnation à des indemnités de procédure ; qu'il précise que son préjudice est en lien de causalité avec les fautes commises dans la mesure où il n'aurait jamais accepté, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le paiement d'une rente assise sur une condition purement potestative alors que, par ailleurs, il versait une prestation compensatoire, ce qui l'a conduit à transiger ; qu'il subit un préjudice moral consistant à devoir continuer d'acquitter un devoir de secours à une ex-épouse alors qu'il en a une nouvelle à laquelle il le doit ;

Que pour s'y opposer Mme Z... fait essentiellement valoir que tous les termes de la convention critiqués par M. X... ont été voulus par lui au titre du devoir moral dont il s'estimait tenu, qu'il a demandé la révision de la convention non pas du fait de l'évolution de sa situation matérielle ou de celle de son ex-épouse mais du fait qu'il était à nouveau engagé dans les liens du mariage, père et souscripteur d'un emprunt, que la condition d'emploi de madame n'était pas potestative du fait du marché de l'emploi, que son niveau intellectuel lui a permis de comprendre tous les termes de la convention, qu'il ne peut reprocher la requalification de la pension en rente n'ayant pas fait appel du jugement, qu'il ne justifie ni du protocole d'accord, ni de l'emploi de son ex-épouse et ne peut inclure dans son préjudice ni la somme transactionnelle ni les frais d'avocat ;

Sur la faute :

Considérant que Mme Z... étant, comme tout avocat, débiteur d'une obligation de conseil envers son client, ne saurait, pour tenter d'y échapper, se retrancher derrière le fait qu'il a lu et signé la convention de divorce qu'elle avait préparé ou que son niveau intellectuel lui permettait d'en comprendre les termes ou qu'il en souhaitait le contenu au nom d'un " devoir moral " dont elle n'apporte pas la preuve de l'existence ;

Que dès lors, la faute qu'elle a commise en insérant de manière erronée une pension alimentaire survivant au divorce, à la charge de M. X... qui, non juriste, ne pouvait, au surplus, se douter de l'inanité, ne peut qu'être constatée, comme l'a fait à raison le jugement querellé dans d'autres termes ; que cette faute est d'autant moins contestable qu'elle a été relevée par le juge aux affaires familiales dans le jugement du 3 juillet 2009 déjà cité ; que Mme Z... ne peut sérieusement soutenir que ce manquement pouvait être corrigé en faisant appel de cette décision alors qu'il n'appartient pas au client d'un avocat de devoir multiplier les procédures pour remédier aux erreurs de son conseil ;

Que le jugement ne peut qu'être approuvé en ce qu'il a retenu une faute ;

Sur le préjudice :

Considérant que, pour écarter tout préjudice en lien causal avec la faute ainsi caractérisée, le tribunal a estimé que, même sans la faute de son avocat, M. X... aurait été tenu au paiement d'une rente dont le principe était posé, pour une durée limitée, par l'article 278 du code civil ;

Que toutefois M. X... soutient à juste raison que ledit article ne prévoit le paiement d'une rente que comme modalité de la prestation compensatoire alors que la convention de divorce rédigée par Mme Z... en prévoyait déjà une, de sorte que, même avec la requalification opérée par le juge aux affaires familiales, il n'aurait pas été possible qu'il soit tenu au versement de deux prestations compensatoires l'une en capital, comme ce fut le cas, et l'autre sous forme de rente ; qu'il a donc bien subi un préjudice en lien avec la faute commise ;

Que le jugement, qui en a décidé autrement, sera infirmé sur ce point ;

Considérant que M. X... évalue son préjudice en considération du fait que, n'ayant pu obtenir de révision de la pension alimentaire, et lié par celle-ci qui était affectée d'une condition purement potestative, il a été contraint à une transaction et au paiement de la pension durant 30 mois ainsi qu'à celui d'une indemnité transactionnelle ;

Que toutefois rien ne démontre le caractère purement potestatif de la condition de reprise d'une activité salariée par son ex-épouse, le fait qu'elle ait pu retrouver un emploi rapidement après la transaction n'en n'étant pas, contrairement à ce qu'avance M. X..., la preuve ;

Qu'en revanche, par la faute de Mme Z... qui a rédigé de manière erronée la convention, M. X... a perdu une chance d'obtenir du juge aux affaires familiales une réévaluation de la prestation compensatoire en considération de sa nouvelle situation personnelle et de celle de son ex-épouse qui avait retrouvé un emploi ; qu'au vu des situations professionnelles et financières respectives des ex-époux, cette chance est modérée ;

Considérant qu'ajoutant à ce chef de préjudice, il convient de prendre en considération, comme il le demande, le préjudice moral subi par M. X... qui a été contraint d'engager des procédures et de conclure une transaction qui n'auraient pas eu lieu d'être sans le manquement de Mme Z..., sans qu'elle puisse décemment lui opposer la circonstance qu'il ne l'a pas consultée sur leur opportunité ;

Qu'en considération de ces différents critères, il convient de fixer le préjudice de M. X... à la somme de 25 000 €, toutes causes confondues ;

Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. X..., d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que Mme Z... avait commis une faute,

Faisant droit à nouveau,

Condamne Mme Z... à payer à M. X... la somme de 25 000 € (vingt cinq mille euros) de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériels et moraux,

La condamne à lui payer la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/07181
Date de la décision : 28/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-02-28;11.07181 ?
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