La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2012 | FRANCE | N°10/18781

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 28 février 2012, 10/18781


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2012

(no 64, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 18781

Décision déférée à la Cour :
jugement du 12 mai 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 08649

APPELANTS

Madame Riama X... épouse Y...
...
93120 LA COURNEUVE
représentée par Me Rémi PAMART (avocat au barreau de PARIS, toque : J 142)
assistée de Me Cécile POITVIN d

e la SCP BAUDELOT COHEN-RICHELET POITVIN (avocat au barreau de PARIS, toque : P0216)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2012

(no 64, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 18781

Décision déférée à la Cour :
jugement du 12 mai 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 08649

APPELANTS

Madame Riama X... épouse Y...
...
93120 LA COURNEUVE
représentée par Me Rémi PAMART (avocat au barreau de PARIS, toque : J 142)
assistée de Me Cécile POITVIN de la SCP BAUDELOT COHEN-RICHELET POITVIN (avocat au barreau de PARIS, toque : P0216)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 030128 du 06/ 09/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Monsieur Msa Mohamed A...
chez Madame X...
...
93120 LA COURNEUVE
représenté par Me Rémi PAMART (avocat au barreau de PARIS, toque : J 142)
assisté de Me Cécile POITVIN de la SCP BAUDELOT COHEN-RICHELET POITVIN (avocat au barreau de PARIS, toque : P0216)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle 15 % numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SCP D'AVOCATS CLT JURIS
28 rue Scandicci
93500 PANTIN
représentée par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)
assistée de Me Laurent DEVAUX de la ASS DEVAUX-ADDA (avocat au barreau de PARIS, toque : R225)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***************

Mme X... épouse Y... et M. A..., qui avaient comparu devant le tribunal correctionnel de Bobigny assistés par M. B..., avocat exerçant au sein de la SCP d'avocats CLT JURIS, lui reprochent de ne pas les avoir informés de leur possibilité de faire appel de la décision rendue le 27 janvier 2005 qui a condamné la première et relaxé le second mais les a tous deux condamnés à indemniser la partie civile de première part, de ne leur avoir transmis le jugement rendu que tardivement de seconde part et de n'avoir pas décelé l'erreur qu'il contenait, ce qui a eu pour conséquence une saisie indue des rémunérations de M. A....

Ils reprochent également à M. B..., informé de cette saisie, d'avoir déposé une requête en rectification d'erreur matérielle le 20 février 2007 qui a été admise par le tribunal en septembre suivant, mais de ne leur avoir communiqué la décision que le 27 décembre 2009, ce qui n'a pas permis d'y remédier rapidement jusqu'à ce que le créancier obtienne que soit ordonnée la mainlevée totale de la saisie par jugement du 3 mars 2008.

Ils font valoir que ces erreurs et négligences ont eu pour conséquence le paiement indu par eux de la somme de 8 214, 29 € chacun, représentant les dommages et intérêts auxquels ils ont été condamnés.

Par jugement du 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Paris, tout en constatant les fautes de l'avocat, les a déboutés de leurs demandes, Mme X... épouse Y... parce qu'elle ne justifie d'aucun préjudice et M. A... parce que les sommes en question lui seront intégralement restituées.

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Vus l'appel de ce jugement par Mme X... épouse Y... en date du 20 septembre 2010, enregistré sous le numéro 10/ 23320, celui de M. A... en date du 2 décembre 2010, enregistré sous le numéro 10/ 18781 et l'ordonnance de jonction de ces deux procédures en date du 22 mars 2011,

Vu leurs dernières conclusions déposées le 21 décembre 2011 selon lesquelles, poursuivant l'infirmation du jugement, ils demandent la condamnation de la SCP d'avocats CLT JURIS, en raison du manquement de M. B... à son obligation de conseil, à leur payer la somme de 8 214, 29 € chacun ainsi que celle de 2 000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Vu les dernières conclusions déposées le 21 novembre 2011 par lesquelles la SCP d'avocats CLT JURIS demande la confirmation du jugement et la condamnation solidaire des appelants à lui verser 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

SUR CE,

Considérant que Mme X... épouse Y... et M. A... soutiennent que M. B... ne leur a pas indiqué la possibilité qu'ils avaient de faire appel de la décision rendue par le tribunal correctionnel dans les dix jours, alors que pèse sur lui la charge de la preuve de ce qu'il s'est acquitté de son devoir de conseil et qu'il n'en n'est pas déchargé par l'information qu'a pu fournir le tribunal, qu'il a reçu le jugement, selon ses dires, le 12 décembre 2005, certes après expiration du délai d'appel, mais ne l'a jamais transmis à ses clients, que, averti par M. A... en octobre 2006 de ce que ses rémunérations étaient saisies, il a attendu le 22 décembre pour lui écrire et envisager les modalités d'exécution du jugement sans relever qu'il n'avait pas été condamné et, au contraire, en l'informant de la condamnation in solidum de tous les prévenus à la somme de 57 500 €, qu'alerté par ses clients il a, alors, déposé, plus de deux ans plus tard, une requête en rectification d'erreur matérielle dont il n'a jamais communiqué le jugement en réponse, interdisant à M. A... de pouvoir solliciter la mainlevée des saisies ; qu'ils critiquent le jugement qui n'a pas reconnu leur préjudice alors que, si M. A... a été remboursé des sommes prélevées, il a subi au moins un préjudice moral pour avoir subi une saisie durant trois ans et demi et que Mme X... épouse Y... avait de fortes chances de voir réformer la condamnation en appel et honore sa condamnation en versant 100 € mensuels à la partie civile ;

Que pour s'y opposer la SCP d'avocats CLT JURIS, qui conteste toute faute commise par M. B... aux motifs que ses clients étaient présents à l'audience et qu'il les a informés oralement de leur possibilité de faire appel et les délais utiles, la brièveté de ceux-ci rendant inutile un écrit, qu'il est d'usage que le tribunal les informe également, qu'il était plus opportun pour M. A..., bénéficiaire d'une décision favorable, de former requête en rectification d'erreur matérielle plutôt que de faire appel, qu'il n'a pas été informé des saisies pratiquées, conteste également l'existence d'un préjudice pour les motifs retenus par le jugement querellé, ainsi que le lien de causalité entre la faute qui lui est imputée et le préjudice allégué ;

Considérant qu'investi d'un devoir particulier d'information et de conseil envers son client, dont il doit justifier s'être acquitté, l'avocat est tenu d'accomplir toutes les diligences utiles à la défense de ses droits, de lui suggérer les mesures adéquates à la protection de ses intérêts et de l'éclairer sur l'étendue et la portée de ses obligations ;

Considérant, dès lors, que la SCP d'avocats CLT JURIS ne saurait, pour s'affranchir de ses obligations, se limiter à indiquer la présence physique à l'audience du tribunal correctionnel de ses clients et supputer l'information qu'aurait fournie le tribunal sur les délais d'appel alors que, à supposer même que cette indication leur ait été donnée, elle n'en dispense pas l'avocat ; qu'elle ne peut pas plus affirmer, sans apporter le moindre élément concret en ce sens, que M. B... aurait avisé ses clients à cet égard, la brièveté des délais d'appel en la matière n'interdisant nullement de consigner par écrit le renseignement fourni ;

Considérant que, à défaut pour la SCP d'avocats CLT JURIS de justifier s'être acquittée de cette obligation, elle a commis une faute et privé ses clients de la possibilité de faire appel des chefs leur faisant grief du jugement qui, d'une part, a condamné Mme X... épouse Y... à la peine de quatre mois d'emprisonnement intégralement assortie du sursis et, d'autre part, a condamné M. A..., relaxé des fins de la poursuite, in solidum avec les condamnés, à payer des dommages et intérêts à la société France Télécom, partie civile ;

Considérant que la SCP d'avocats CLT JURIS a également manqué à ses obligations en n'adressant pas à ses clients le jugement en question dès qu'elle en a reçu copie, ce qu'elle ne conteste pas, et en ne procédant ensuite à aucune analyse ni commentaire de la décision à leur intention ce qui lui aurait permis, au moins à ce moment, de prendre conscience de l'erreur qui y était commise, ce qu'elle n'a pas plus fait, envoyant tout au contraire à M. A..., qui l'alertait sur les réclamations de la partie civile dont il était le destinataire, une lettre lui précisant, le 22 décembre 2006, un an après avoir reçu le jugement, la manière la plus commode pour lui de s'acquitter de sa condamnation civile, à savoir une saisie-arrêt de ses salaires ;

Que cette succession de fautes de la SCP d'avocats CLT JURIS a eu directement pour conséquence la saisie-arrêt indue des rémunérations de M. A..., durant de longs mois, l'ordonnance ayant ordonné mainlevée ayant été prononcée le 3 mars 2008, l'objection selon laquelle la stratégie opportune à ce stade était celle de la requête en rectification d'erreur matérielle, qui n'a d'ailleurs été déposée que le 20 février 2007, ne modifiant pas cette critique ;

Considérant à cet égard que Mme X... épouse Y... et M. A... affirment, sans être contredits, que le jugement du 6 septembre 2007 rectifiant l'erreur matérielle, ne leur a jamais été communiqué ; qu'à défaut d'avoir cette pièce, il était impossible à M. A... d'obtenir la mainlevée de la mesure d'exécution, ce que la SCP d'avocats CLT JURIS ne pouvait ignorer ; que cette nouvelle négligence est également à l'origine du maintien de la saisie-arrêt indue ;

Considérant, dans ces conditions, que le jugement qui a retenu des fautes multiples à la charge de la SCP d'avocats CLT JURIS ne pourra qu'être confirmé ;

Considérant, s'agissant de son préjudice, que Mme X... épouse Y... fait valoir qu'elle aurait pu obtenir en appel une décision différente de la condamnation prononcée contre elle par le tribunal correctionnel de Bobigny ;

Considérant cependant que, s'il est certain que, par la carence de la SCP d'avocats CLT JURIS, elle a perdu une chance de voir statuer à nouveau sur sa culpabilité dans les faits d'escroquerie en bande organisée pour lesquels elle avait été mise en examen et renvoyée devant le tribunal correctionnel, la perte de chance invoquée apparaît négligeable à la lecture du jugement de condamnation, Mme X... épouse Y... n'apportant d'ailleurs aucun élément de nature à penser qu'il ait pu en être jugé autrement et ne contestant même pas dans ses écritures sa participation aux faits délictueux ;

Que, dans ces conditions, aucun préjudice n'est résulté pour Mme X... épouse Y... des fautes de la SCP d'avocats CLT JURIS, sa condamnation solidaire à des dommages et intérêts envers la partie civile n'étant que la suite civile de sa condamnation pénale ;

Que le jugement qui en a ainsi décidé ne pourra qu'être confirmé ;

Considérant que M. A... soutient à raison que, par la faute de la SCP d'avocats CLT JURIS, il a subi durant trois ans et demi une saisie-arrêt sur ses salaires qui n'aurait pas dû avoir lieu et, en tout état de cause, aurait pu être interrompue plus tôt ; que cette mesure, dont il ne nie pas qu'elle a trouvé son terme et que le remboursement des sommes indûment prélevées est en cours, lui a, pour le moins, causé un préjudice moral ;

Que ce préjudice sera, au vu des éléments fournis, réparé par la condamnation de la SCP d'avocats CLT JURIS à lui verser la somme de 2 000 €, le jugement étant infirmé quant à ce ;

Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. A... seul, d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. A... de ses demandes,

L'infirme uniquement de ce chef et faisant droit,

Condamne la SCP d'avocats CLT JURIS à payer à M. A... la somme de 2 000 € (deux mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamne la SCP d'avocats CLT JURIS à payer à M. A... la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les autres parties de leurs demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/18781
Date de la décision : 28/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-02-28;10.18781 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award