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28/02/2012 | FRANCE | N°10/18611

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 28 février 2012, 10/18611


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2012

(no 63, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 18611

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 01394

APPELANTS

Monsieur René L. X...
...
92210 SAINT CLOUD
représenté par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Caroline BOMMART FORSTER) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)


assisté de la SELARL CABINET SCHMITT et ASSOCIES (Me Dominique SCHMITT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0021)

SA...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2012

(no 63, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 18611

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 01394

APPELANTS

Monsieur René L. X...
...
92210 SAINT CLOUD
représenté par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Caroline BOMMART FORSTER) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assisté de la SELARL CABINET SCHMITT et ASSOCIES (Me Dominique SCHMITT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0021)

SA COVEA RISKS, agissant en la personne de ses représentants légaux.
19-21, allée de l'Europe
92110 CLICHY
représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Caroline BOMMART FORSTER) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée de la SELARL CABINET SCHMITT et ASSOCIES (Me Dominique SCHMITT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0021)

APPELANTE PROVOQUÉE

Mme Elisabeth Y...
...
et actuellement...
75018 PARIS
agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice du Cabinet de M. Valentin Z..., décédé, lui-même désigné en qualité de suppléant de M. René X..., avocat démissionnaire
représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Caroline BOMMART FORSTER) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée de la SELARL CABINET SCHMITT et ASSOCIES (Me Dominique SCHMITT) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0021)

INTIMÉ et APPELANT INCIDENT

Monsieur Jean-Pierre A...
...
TORREANO DI MARTIGNACCO
33035 ITALIE
représenté par la SCP BOLLING-DURAND-LALLEMENT (Me Didier BOLLING) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0480)
assisté de Me Martine SCHARYCKI (avocat au barreau de LYON, toque : 591)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

La Cour,

Considérant que M. Jean-Pierre A... et Catherine B... veuve C..., étaient associés de la société civile immobilière de la rue D... ; que, par acte daté du 29 novembre 2001 et rédigé par M. René X..., avocat, Catherine C... a cédé à M. A... la totalité de la nue-propriété des 300 parts qu'elle possédait sur les 500 moyennant un prix converti en rente mensuelle à hauteur de 136. 124 francs par an ; cet acte a été enregistré le 3 décembre 2001 ;
Que Catherine C... est décédée le 25 décembre 2001, soit 28 jours après la date figurant dans l'acte et 22 jours après l'enregistrement ;
Qu'a alors été découvert le testament olographe daté du 5 février 2000 par lequel Catherine C... consentait divers avantages notamment en faveur de M. Pietro C..., un neveu, qui a engagé contre M. A... une procédure en restitution successorale suivie d'un accord transactionnel ;
Que, trois ans plus tard, au mois de décembre 2004, l'administration fiscale a contesté l'acte de cession du 29 novembre 2001 en estimant qu'il s'agissait non pas d'une vente soumise à des droits de 4, 80 % mais d'une donation déguisée soumise à des droits de 60 % ; qu'une procédure en contestation de ce redressement aurait été engagée ;
Que, reprochant à M. X... de n'avoir pas rédigé un acte efficace, régulier et utilisable, M. A... a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 7 juillet 2010, a mis hors de cause Mme Elisabeth Y..., avocat, administrateur du Cabinet de M. Valentin Z..., avocat, décédé, qui était le suppléant de M. X..., démissionnaire, condamné M. X... et la société Covéa Risks à payer à M. A... la somme de 65. 000 euros et la somme de 4. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Considérant qu'appelants de ce jugement, M. X..., la société Covéa Risks, son assureur, et Mme Elisabeth Y..., agissant tant en son personnel que comme administrateur du Cabinet de M. Valentin Z..., suppléant de M. X..., démissionnaire, qui en poursuivent l'infirmation, demandent que M. A... soit débouté de toutes ses demandes et condamné à payer à M. X... la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Qu'au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, l'acte litigieux était efficace dès lors que M. A... est devenu propriétaire des parts qui étaient détenues par Catherine C... ainsi que l'accord passé entre M. C... et M. A... le fait apparaître ; qu'ils ajoutent que, lors de la signature de l'acte, le décès de Catherine C... était imprévisible et que, précisément, le protocole d'accord énonce qu'elle est décédée « brutalement » le 25 décembre 2001 ;
Qu'après avoir fait observer que Mme Y..., agissant comme il est dit supra, qui n'est intervenue que devant le Comité consultatif de répression des abus de droit, n'a commis aucune faute, les appelants soutiennent que M. A..., tout comme plusieurs personnes de son entourage familial, était informé des questions fiscales et qu'en l'occurrence, il ne pouvait ignorer les conséquences fiscales de l'acte ;
Qu'enfin, M. X... et son assureur contestent l'existence du préjudice invoqué par M. A..., soit 124. 727, 50 euros au titre de la moitié de la pénalité de retard et de la pénalité pour abus de droit et 16. 923 euros au titre des frais et honoraires prétendument injustifiés, dès lors qu'il n'a pas épuisé toutes les voies de recours ouvertes pour contester la décision de l'administration fiscale et qu'il n'a pas cherché à faire annuler la vente, ni à payer spontanément les droits de mutation à titre gratuit ;

Considérant que M. A..., qui forme appel incident, demande que Mme Y..., M. A... et la société Covéa Risks soient condamnés solidairement ou in solidum à lui payer la somme de 141. 650, 50 euros à titre de dommages et intérêts ;
Qu'il soutient que, comme l'a retenu le Tribunal, M. X... a manqué à son devoir de diligence et de conseil dès lors qu'en tant que professionnel du droit, il ne pouvait ignorer que, si l'administration fiscale avait connaissance de l'acte, elle le requalifierait en donation déguisée et qu'en outre, il n'a pas donné l'information selon laquelle, il était possible de procéder à l'annulation de la cession de parts ; qu'il ajoute que M. X... ne l'a pas utilement informé sur la conduite à tenir face au service des impôts ;
Que M. A... fait encore valoir que la responsabilité de Mme Y... est engagée puisqu'elle a été son conseil et qu'à ce titre, elle a déposé un mémoire devant le Comité consultatif de répression des abus de droit et qu'elle a manqué à ses obligations en ne l'informant pas sur la conduite à tenir vis-à-vis de l'administration fiscale ;
Qu'enfin, M. A... soutient que la réparation de son préjudice s'élève à la somme de 124. 727, 50 euros au titre de la moitié de la pénalité de retard et de la pénalité pour abus de droit, l'autre moitié étant supportée par M. C..., et à la somme de 16. 923 euros au titre des frais et honoraires injustifiés ;

SUR CE :

Considérant qu'en sa qualité de rédacteur d'acte, l'avocat est tenu d'un devoir de conseil, d'information et de diligence à l'égard de toutes les parties à l'acte ; qu'en particulier, il est tenu d'informer les parties sur les conséquences fiscales de l'acte qu'il rédige ; qu'en outre, il appartient à l'avocat d'apporter la preuve qu'il s'est acquitté de son obligation d'information et de conseil envers elles ;
Qu'à cet égard, il convient de souligner que, quelles que soient les connaissances et les compétences des parties à l'acte, l'avocat, professionnel du droit, reste entièrement tenu de ces obligations ;

Sur la responsabilité de M. X... :

Considérant qu'en l'espèce, il ressort du rapport dressé par le Comité consultatif pour la répression des abus de droit que « l'acte en cause a été signé alors que Madame Ballatore séjournait dans un établissement médical et qu'elle est décédée 26 jours après la signature définitive du contrat dans un établissement spécialisé dans les soins palliatifs sans qu'aucun élément objectif puisse établir que, comme le soutient M. A..., elle se trouvait dans ledit établissement pour un motif de simple convalescence » ; qu'en outre Catherine B... veuve C..., était, à la date de l'acte, qui a été signé dans les locaux de l'établissement hospitalier, âgée de soixante-quatorze ans comme étant née en 1927 ;
Que, dans ces circonstances, M. X... aurait dû envisager l'éventualité d'un décès survenant à une époque proche de la date de l'acte de cession de la totalité de la nue-propriété des 300 parts que Catherine C... possédait sur les 500 moyennant un prix converti en rente mensuelle à hauteur de 136. 124 francs par an et, quoique l'acte soit efficace en tant qu'il opère le transfert de propriété des parts, avertir M. A... des risques d'ordre fiscal auquel il s'exposait en contractant dans de telles conditions ;
Qu'en réalité, il était prévisible qu'en cas de décès survenant à une époque proche de la date de l'acte, l'administration fiscale procèderait à une proposition de rectification et que, de plus, eu égard aux circonstances, il était inutile, contrairement à ce que prétend M. X..., de contester la position prise par l'administration dans cette affaire ;
Considérant qu'en outre, M. X... ne démontre pas avoir donné conseil à M. A... de poursuivre l'annulation de la cession lorsque, dès le mois de mai 2002, M. C... a sollicité l'exécution du testament de Mme C... ;
Considérant qu'enfin, M. X... ne saurait dégager sa responsabilité en soutenant que M. A... et des membres de sa famille auraient, à un moment ou à autre de leur vie professionnelle, la qualité de fonctionnaire ou d'agent des impôts alors surtout qu'il est démontré, par des pièces soumises à la libre discussion des parties et qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats, que M. A... avait un emploi modeste d'agent de bureau et son épouse un emploi d'agent de recouvrement ;
Qu'il convient donc d'approuver les premiers juges qui ont retenu la responsabilité de M. X... ;

Sur la responsabilité de Mme Y... :

Considérant que, si Mme Y... était l'administratrice du Cabinet de M. Valentin Z..., suppléant de M. X..., démissionnaire, elle a, néanmoins, rédigé un rapport en réplique destiné au Comité consultatif pour la répression des abus de droit en se présentant comme assistant M. A... ; qu'à ce titre, elle était soumise aux obligations de conseil, d'information et de diligence pesant sur l'avocat assistant son client devant un organisme administratif ;
Considérant que, toutefois, Mme Y... n'a fait qu'intervenir dans l'intérêt de M. A... dans une procédure administrative déjà engagée et que, cette procédure fût-elle vouée à l'échec, elle n'a commis, en la poursuivant, aucune faute qui serait en rapport direct avec le préjudice que M. A... prétend avoir subi ; que, tenue à une seule obligation de moyens, aurait-elle conseillé à M. A... d'abandonner la discussion que l'administration n'aurait pas modifié son opinion sur la nature véritable de l'acte conclu le 29 novembre 2001 auquel elle n'a aucunement participé ;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce que le Tribunal a écarté la responsabilité de Mme Y... ;

Sur le préjudice :

Considérant que le payement de droits d'enregistrement comme de toute imposition n'est pas constitutif d'un préjudice indemnisable ;
Considérant qu'en réalité, le préjudice subi par M. A... réside dans l'impossibilité où il a été mis par la faute de M. X... de choisir, compte tenu des conséquences fiscales, entre la cession, effectivement conclue, et une donation véritable, ou de renoncer à l'acte ou encore de rechercher toute autre modalité de transfert des parts conforme à ses intérêts et à ceux de Catherine C... ;
Que, privé de la possibilité d'effectuer un choix éclairé, il a perdu une chance réelle et sérieuse d'échapper à un redressement fiscal et à une imposition élevée ainsi qu'à des frais et honoraires d'avocat qui, en tant que tels, restent dus en rémunération des diligences dont la matérialité n'est pas contestée ;
Qu'il convient, en réparation de la perte de chance subie, d'indemniser M. A... à hauteur de 65. 000 euros ; que, sur ce point, le jugement sera pareillement confirmé ;

Sur la demande de dommages et intérêts :

Considérant que M. X..., qui estime la procédure abusive, sollicite une somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que, compte tenu de la solution donné au litige, il sera débouté de sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions susvisées ; que, succombant en leurs prétentions et supportant les dépens, M. X... et la société Covéa Risks seront déboutés de leur réclamation ; qu'en revanche, ils seront condamnés à payer à M. A... les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 5. 000 euros ; que, de son côté et en application des mêmes principes, M. A... versera à Mme Y... la somme de 2. 000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 juillet 2010 par le Tribunal de grande instance de Paris au profit de M. Jean-Pierre A... ;

Déboute M. René X... de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute M. X... et la société Covéa Risks de leur demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et les condamne, par application de ce texte, à payer à M. A... la somme de 5. 000 euros ;

Condamne encore, par application du même texte, M. A... à payer à Mme Elisabeth Y... la somme de 2. 000 euros ;

Condamne M. X... et la société Covéa Risks aux dépens d'appel, à l'exception des dépens exposés par Mme Y... qui resteront à la charge de M. A..., et dit qu'ils seront recouvrés par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/18611
Date de la décision : 28/02/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-02-28;10.18611 ?
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