RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 23 Février 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05582 - JS
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 10/00498
APPELANT
Monsieur [E] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Rachel SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : W04 substitué par Me Muriel PALOMBIERI, avocat au barreau de PARIS, toque : W04
INTIMEE
S.A.R.L COMPAGNIE DES BATOBUS
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Fabrice ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C.2585
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 20 juillet 2011
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Monsieur [T] a été engagé par la SARL BATOBUS, laquelle exploite les liaisons fluviales dans [Localité 3] intramuros, par contrat à durée déterminée saisonnier du 26 mai 2008 au 31 août 2008, en qualité de capitaine, moyennant une rémunération de 1779€ bruts par mois, outre une prime de performance et une prime de fidélité.
Le contrat de Monsieur [T] était assorti d'une période d'essai de 12 jours de travail effectif durant laquelle chacune des parties pouvait rompre cette collaboration sans préavis ni indemnité.
Le contrat de travail de Monsieur [T] a été rompu pendant la période d'essai le 29 mai 2008.
Monsieur [T] a saisi le 1er octobre 2008 le Conseil de Prud'hommes de Paris aux fins notamment de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et d'indemnisation et subsidiairement aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour rupture anticipée de son contrat de travail.
Par jugement du 21 mai 2010, le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.
Régulièrement appelant, Monsieur [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, condamner la SARL Compagnie des Batobus à lui verser l779€ (1 mois de salaire) à titre d'indemnité de requalifïcation et 5337€ (3 mois) en réparation du préjudice moral et financier subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail, subsidiairement, 6000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive de la période d'essai, et en tout état de cause, 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil et capitalisation.
La SARL BATOBUS demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, et de condamner [E] [T] à lui payer la somme de 800€ en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS ET DECISION :
Sur la demande de requalification :
Les entreprises peuvent conclure des contrats à durée déterminée pour pourvoir les emplois à caractère saisonnier. Le recours à ces contrats n'est pas limité à des secteurs d'activité. Il s'agit d'emplois concernant des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
[E] [T] a été engagé par la SARL BATOBUS, par contrat à durée déterminée saisonnier, du 26 mai 2008 au 31 août 2008, en qualité de capitaine.
Il demande la requalification de son contrat saisonnier en soutenant que l'activité de la société BATOBUS, à savoir le transport de voyageurs en bateaux dans [Localité 3], s'exerce toute l'année et ne fait que connaître une augmentation en période estivale. Il soutient que le recours au contrat saisonnier s'explique en l'espèce uniquement par la volonté de s'exonérer de la prime de précarité de 10% non applicable à ce type de contrat, contrairement aux autres contrats à durée déterminée.
La SARL BATOBUS rétorque que son activité est «essentiellement saisonnière» dans la mesure où une grande part des passagers sont des touristes dont le nombre est beaucoup plus important durant la période estivale et qu'elle a recours à des contrats saisonniers et non à des contrats à durée déterminée causés par un simple accroissement d'activité dans la mesure où le caractère cyclique de l'augmentation d'activité est déterminé par le rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Elle explique que la multiplication des rotations des bateaux durant cette période conduit à recruter un certain nombre de capitaines pour compléter l'effectif présent tout au long de l'année.
Si la société BATOBUS justifie de l'augmentation significative (56%) du trafic sur les lignes fluviales qu'elle exploite, chaque année durant les mois de mai, juin, juillet et août, en raison notamment d'un fréquentation touristique plus importante, il n'est pas contesté qu'elle exerce tout au long de l'année son activité de transport de passagers. Elle propose ainsi aux parisiens un abonnement annuel leur permettant de bénéficier de ses services.
Dès lors que l'entreprise a bien une activité annuelle, et non saisonnière, et qu'il s'agissait uniquement de fournir un emploi de capitaine sur une période de l'année connaissant un simple accroissement d'activité, le recours au contrat à durée déterminée «saisonnier» est illicite. Cette situation ouvre droit pour [E] [T] aux indemnités suivantes :
- 1779€ à titre d'indemnité de requalifïcation,
- 1500€ en réparation du préjudice moral et financier subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail, compte tenu notamment de son âge et des difficultés du marché de l'emploi dans le secteur concerné.
Conformément à l'article 1153-1 du code civil, ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt et les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 du même code.
Le jugement sera donc infirmé de ces chefs et l'examen de la demande subsidiaire est sans objet.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la SARL BATOBUS à verser à [E] [T] les sommes suivantes :
- 1 779 € à titre d'indemnité de requalifïcation,
- 1 500 € en réparation du préjudice moral et financier subi,
- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts de droit échus sur ces sommes dans les condition de l'article 1154 du code civil,
Condamne la SARL BATOBUS aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,