Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 21 FEVRIER 2012
(no 55, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 17133
Décision déférée à la Cour :
jugement du 16 Juin 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 08068
APPELANT
Monsieur Charles-Henri X...
...
75008 PARIS
représenté par Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B0753)
qui a déposé son dossier
INTIMES
Monsieur Jean-Pierre Y...
...
75002 PARIS
représenté par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN (avocats au barreau de PARIS)
assisté de Me Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1085
SOCIETE COVEA RISKS
19/ 21 allée de l'Europe
92110 CLICHY
représentée par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN (avocats au barreau de PARIS)
assistée de Me Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1085
Monsieur Claude Z...
...
28210 NOGENT LE ROI
représenté par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assisté de Me Bruno MARGUET (avocat au barreau de PARIS, toque : J084)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
M. Charles-Henri X... a été assisté par M. Claude Z..., avocat au barreau de Paris, actuellement retraité, dans l'instance par lui engagée sans succès à l'encontre de deux sociétés Cofracib et Sogeprom.
M. Jean-Pierre Y..., avocat au barreau de Paris, qui était le conseil d'une société tierce, la société GTI, laquelle se trouvait elle-même en litige avec les sociétés Cofracib et Sogeprom, a engagé une procédure à l'encontre de ces dernières et par arrêt du 22 mai 2008, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement rendu le 7 mars 2006 par le tribunal de commerce de Nanterre qui a condamné les sociétés Cofracib et Sogeprom à payer à la société GTI la somme de 1 million de francs à titre de dommages et intérêts au titre d'une perte de chance de n'avoir pu acquérir des immeubles, outre une indemnité de procédure.
Selon M. X..., lequel ne précise pas la date de l'entrevue, M Z... l'a mis en relation avec son confrère, M. Jean-Pierre Y..., il était convenu, pour faciliter la réussite de l'action engagée par la société GTI, cliente de M. Y..., que M. X... remette à ce dernier, au cabinet de M. Z..., des documents qu'il avait en sa possession, et en échange, M. Y... s'était engagé à lui remettre 20 % de la somme recueillie en cas de succès, que toutefois la somme de 200 000 € qui devait lui revenir en contrepartie de la remise des documents ne lui a pas été versée, ce malgré des honoraires versés par chèque à M. Y... d'un montant de 8000 € et malgré ses demandes de règlement, notamment deux mises en demeure adressées à la date du 5 février 2009.
M. X... invoque tant le manquement de M. Z... à son devoir de conseil pour ne pas lui avoir fait signer de protocole écrit avec M. Y..., ne le mettant pas en garde et lui laissant croire qu'un simple échange de lettres suffisait, que le manquement de M. Y..., lequel a été son avocat et auquel il a réglé des honoraires : lesdits avocats ont contesté l'un et l'autre avoir été mandatés par M. X... dans les termes et conditions dont ce dernier fait état, M. Z... faisant valoir qu'il a seulement mis en relation M. X... avec son confrère Y..., M. X... ayant été auparavant son client mais ayant depuis un autre conseil, M. A... et M. Y... faisant valoir qu'il n'a jamais été le conseil de M. X... d'autant qu'il était celui de la société GTI, qu'ainsi il n'a contracté à l'égard de M. X... aucune obligation et n'en a reçu aucun honoraire.
C'est dans ces conditions que M. X... a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, M. Z..., M. Y... et la société Covea Risks, leur assureur de responsabilité, pour rendre le jugement opposable à ce dernier, en soutenant que les deux avocats ont engagé leur responsabilité à son égard et a demandé la condamnation in solidum de MM. Z... et Y... à lui payer la somme de 208 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Par jugement en date du 16 juin 2010, le tribunal a débouté M. X... de toutes ses demandes, a rejeté les autres demandes, a condamné in solidum M. Y..., la société Covea Risks et M. Z... aux dépens.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 18 août 2010 par M. Charles-Henri X...,
Vu les conclusions déposées le 15 novembre 2011 par l'appelant qui demande d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, au visa des dispositions de l'article 1147 du code civil, de condamner in solidum M. Z... et M. Y... à payer à M. X... la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts, ladite somme due avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 22 mai 2008, ou à tout le moins à compter du 2 octobre 2008, date de la sommation interpellative délivrée à M. Y..., voire à compter du 5 février 2009, date des mises en demeure, de condamner M. Y... à restituer les honoraires réclamés à hauteur de 8000 €, de condamner in solidum les intimés à payer les dépens et à lui payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, de statuer sur la garantie de la société Covea Risks,
Vu les conclusions déposées le 15 novembre 2011 par M. Z..., qui demande de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. X..., dont l'intimé n'était pas l'avocat, de toutes ses demandes, de condamner M. X... à payer les dépens et à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 15 septembre 2011 par M. Y... et la société Covea Risks qui demandent de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf la charge des dépens, de débouter M. X..., de le condamner à payer à M. Y... une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour procédure d'appel abusive, de le condamner à payer les entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. Y... et à la société Covea Risks chacun la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE :
Considérant que l'appelant, sur les faits, affirme qu'un accord a été scellé entre M. Z... et M. Y... et que ce dernier l'a confirmé par courrier à son confrère
lequel lui en a rapporté les termes ; que l'arrêt du 22 mai 2008 de la cour d'appel de Versailles a été transmis immédiatement par M. Y... au conseil d'alors de M. X..., M. A... et qu'alors M. Y... lui a réclamé des honoraires, d'un montant de 10 000 €, ramené à 8000 €, puisqu'il avait oeuvré pour lui ; que certes les échanges de courriers entre MM. Z... et Y... sont couverts par le secret professionnel, la levée de leur caractère confidentiel ayant été refusée par l'Ordre des Avocats, mais que selon M. X..., les faits résultent suffisamment des courriers échangés avec ses précédents conseils ainsi qu'avec M. Y..., les deux avocats intimés y reconnaissant, selon lui, que la somme de 200 000 € lui est due, ce qu'il démontre par l'analyse des pièces numérotées 1 à 14 qui ont été régulièrement versées aux débats ;
Considérant que vis à vis de M. Z..., M. X... s'appuie sur :
- un e-mail du 18 janvier 2009, aux termes duquel l'intimé indique :
" je vous confirme bien volontiers que je n'ai jamais été mis en possession d'un quelconque projet d'accord devant être soumis à votre signature et à celle du client de Maître Y.... Un tel document était bien inutile en raison de l'engagement pris à mon endroit-règlement de 20 % des fonds à provenir de l'accueil favorable réservé à la demande de Me Y...et de la transition des fonds via la CARPA ",
- un courrier du 19 février 2009 adressé à M. B..., aux termes duquel il indique :
" Comment aurais-je pu imaginer que les fonds dus à mon client ne lui seraient pas directement remis alors que le processus choisi l'imposait " ;
Considérant que l'appelant soutient, sur la responsabilité professionnelle de M. Z..., que ce dernier avait conscience, en demandant à son client initial une remise de pièces, d'apporter à M. Y... une aide utile dans la poursuite des mêmes sociétés, qu'il aurait dû veiller à concrétiser l'accord et à établir un protocole avant que M. Y... ne choisisse à son cabinet parmi les pièces mises à sa disposition par M. X..., qu'il a appris qu'une convention a bien été rédigée et signée entre les avocats mais ne lui a pas été remise par M. Z... ; qu'il soutient, sur la responsabilité professionnelle de M. Y..., que ce dernier, lorsqu'il a pris possession des pièces, aurait dû conseiller à sa cliente, la société GTI et à son confrère Z..., d'établir un protocole, ou à tout le moins de séquestrer les fonds à la CARPA ; qu'il est établi que M. Y... se considérait bien comme son conseil puisqu'il lui a réclamé des honoraires ; que d'ailleurs le fait d'avoir transmis au nouveau conseil de M. X... la teneur de l'arrêt obtenu de la cour d'appel de Versailles, ne s'explique que par la reconnaissance et l'aveu de la créance de M. X... et démontre la nature des relations existant entre les parties comme la réalité de leur accord ; qu'ainsi, il a eu deux conseils dans cette affaire mais n'a eu aucun résultat alors que chacun des avocats concernés reconnaît que la somme de 200 000 € lui est due ;
Considérant que M. X... s'appuie, quant à l'existence du rendez-vous tenu au cabinet de M. Z..., pour la remise des pièces, sur le courrier en date du 19 février 2009 (pièce 14) et sur le courrier du 3 juin 2008 (pièce 2) que lui a adressé M. A... dans lequel il déclare " Mon confrère estime avoir agi dans votre intérêt dans le litige opposant GTI à Cofracib et Sogeprom " et quant aux honoraires réclamés par M. Y..., sur le même courrier du 3 juin 2008 qui lui indique encore " que cet honoraire était une juste rétribution du résultat obtenu ", ajoutant " il m'interroge également sur le point de savoir si les 8000 € sont HT ou TTC " ; qu'ainsi M. X... considère qu'il établit que M. Y... n'a pas renoncé expressément à réclamer ses honoraires et qu'il s'était considéré comme son conseil ; qu'il pouvait être l'avocat tant de GTI que de lui-même, ces deux parties n'étant pas, selon lui, en contradiction d'intérêts, bien au contraire ;
Considérant que M. Z..., tout en admettant avoir mis en relation M. X... et M. Y..., conteste être davantage intervenu ou avoir été missionné en qualité de conseil pour sécuriser un accord avec la société GTI, via M. Y..., thèse dont M. X... est dans l'incapacité d'établir la réalité ; qu'il n'était plus l'avocat de M. X... et ne saurait avoir engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, aucune faute en lien avec un préjudice n'étant au surplus susceptible d'être caractérisée, M. X... ne faisant valoir qu'un préjudice incertain et ne démontrant pas ni que la société GTI aurait accepté de signer un accord avec lui ni qu'elle l'aurait exécuté, ce qui exclut que l'absence de conseil de formalisation d'un accord par écrit puisse lui être reproché ;
Considérant que M. Y... soutient pour sa part n'avoir jamais été le conseil de M. X..., ce qui exclut en conséquence qu'il puisse avoir contracté une quelconque obligation vis-vis de ce dernier ; qu'il rappelle qu'il est constant et d'ailleurs non contesté par M. X... lui-même qu'il était l'avocat de la société GTI, dont M. X... se prétend créancier, ce qui montre l'inanité des affirmations de M. X... et observe qu'aucune correspondance échangée entre M. X... et lui-même ne vient accréditer la thèse saugrenue selon laquelle M. X... aurait été son client, alors que toutes les pièces communiquées établissent clairement que les seuls avocats de M. X... ont été M. Z..., dans un premier temps, puis M. A... qui lui a succédé ; que la pièce No 3, consistant en la photocopie d'un chèque de 8000 €, que M. X... a pris la liberté d'établir lui-même pour les besoins de sa propre cause alors qu'aucune note d'honoraires émanant de M. Y... n'est produite, ne prouve rien, ledit chèque n'ayant jamais été encaissé par l'intimé ; que M. Y... affirme n'avoir jamais reçu aucune instruction de la société GTI, sa cliente, quant à une quelconque somme revenant ou à revenir à M. X... ; qu'il estime sa mise en cause abusive et être l'objet d'un véritable harcèlement, M. X... ne craignant pas de porter à son encontre des accusations calomnieuses dans des courriers par lui adressés aux plus hautes autorités de l'Etat Français, ce qui fonde sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour ne peut qu'approuver, les premiers juges ont recherché, en prenant en compte les explications des parties et les diverses pièces produites, si la preuve était rapportée par M. X... que les avocats intimés aient reçu de lui une mission déterminée, judiciaire ou juridique, que ces derniers aient acceptée, étant rappelé qu'à défaut, leur responsabilité civile professionnelle fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil ne saurait être engagée, leur devoir de conseil ne prenant naissance que dans le cadre d'un mandat clair et incontestable ;
Considérant que s'agissant de M. Z..., dont il est constant qu'il a été précédemment le conseil de M. X... dans la procédure engagée à l'encontre des sociétés Cofracib et Sogeprom, laquelle est achevée, il est certain que c'est cet avocat qui a mis en contact M. X... et l'avocat de la société GTI qui se sont rencontrés à son cabinet ; que les pièces invoquées par M. X..., dont le courrier du 27 août 2008 (pièce 5) reçu de M. Z... vient seulement confirmer que le but de cette rencontre était bien, mais après discussions, d'obtenir un règlement de la part de la société GTI ; que les termes de la pièce 10, soit l'e-mail de M. Z... à M. X... du 19 janvier 2009, vont dans le même sens ; que toutefois, comme l'ont exactement analysé les premiers juges, ces circonstances ne permettent pas d'établir le bien fondé de la thèse de M. X... lorsqu'il affirme que M. Z... était son conseil et au surplus chargé de le représenter dans une négociation avec M. Y... ou la société GTI ; que les divers autres courriers adressés par M. X..., produits en pièces 2 et 4, 11, 12, ou les sommations interpellatives qu'il a délivrées, pièces 6 et 7, ne sauraient constituer des éléments probants puisqu'ils ne traduisent que la position de M. X... lui-même ;
Considérant que s'agissant de M. Y..., force est de constater que M. X... ne justifie pas davantage d'un mandat par lui donné et accepté par l'avocat et susceptible de définir une mission précise qui lui aurait été confiée ; qu'il n'est d'ailleurs nullement démontré qu'un acte ait été rédigé par l'intimé dans l'intérêt de M. X... ni que M. Y... lui ait effectivement réclamé des honoraires ; que par ailleurs, la simple rédaction par M. X... d'un chèque le 7 octobre 2008 n'est pas probante, dès lors que ce chèque n'a pas été encaissé et qu'aucun honoraire n'a été perçu par M. Y... ; que tout au plus, il ressort des divers courriers produits que M. X..., dans l'espoir que son aide serait rémunérée, hypothèse effectivement envisagée à défaut de s'être concrétisée, s'est quelque peu mépris sur le rôle exact de M. Y..., dont il pensait, à tort, que ce dernier pourrait, vis à vis d'un adversaire commun, représenter les intérêts de la société GTI et les siens, ce qui explique le courrier de reproche de M. X... à M. Y... du 5 février 2009 (pièce 12) ; que toutefois, comme l'ont justement retenu les premiers juges, ces éléments factuels et d'interprétation ne suffisent en rien à établir que M. Y... ait été missionné par M. X... et tenu à un devoir de conseil ;
Considérant que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de toutes ses demandes ;
Sur la demande reconventionnelle de M. Y... :
Considérant que M. X..., simple particulier, en relation avec des professionnels dont, à tout le moins, l'attitude et les diverses correspondances n'ont pas été empreintes de toute la clarté et la rigueur souhaitables vis à vis pour l'un, d'un ancien client et pour l'autre, d'un particulier dont on constate qu'il n'était pas, alors, assisté, a pu légitimement lourdement se méprendre sur l'étendue de ses droits et que la procédure qu'il a engagée ne revêt pas, dans ces circonstances, de caractère abusif ; que M. Y... sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
Considérant que pour les mêmes motifs, l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ; que M. X..., qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les entiers dépens, de première instance et d'appel, le jugement entrepris étant infirmé de ce seul chef.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne les dépens de première instance,
Statuant à nouveau quant à ce :
Condamne M. X... à payer les dépens de première instance,
Y ajoutant,
Déboute M. Y... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne M. X... à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT