La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2012 | FRANCE | N°10/25173

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 17 février 2012, 10/25173


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 17 FEVRIER 2012



(n° 051, 9 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 10/25173.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2010 - Tribunal de Grande Instance de MEAUX 1ère Chambre - RG n° 08/01349.











APPELANTE :



SA [Adresse 3] anciennemen

t dénommée BICS BANQUE POPULAIRE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège [Adresse 2],



représentée par Maître Jacques PELLERIN de la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avocats au barreau de PARIS, toqu...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 17 FEVRIER 2012

(n° 051, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/25173.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2010 - Tribunal de Grande Instance de MEAUX 1ère Chambre - RG n° 08/01349.

APPELANTE :

SA [Adresse 3] anciennement dénommée BICS BANQUE POPULAIRE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège [Adresse 2],

représentée par Maître Jacques PELLERIN de la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0018,

assistée de Maître Armelle MAISANT plaidant pour la SCP NEVEU SUDAKA, avocat au barreau de PARIS, toque : P43.

INTIMÉE :

Madame [J], [J] [J]

demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque L068,

assistée de son avocat plaidant, Maître Stéphane AMRANE, avocat au barreau de VAL DE MARNE.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 janvier 2012, en audience publique, devant Madame Sylvie NEROT, conseillère chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Benjamin RAJBAUT, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Suivant acte reçu par Maître [K], notaire associé, le 18 juin 2004, la BICS - Banque Populaire (aujourd'hui dénommée [Adresse 3]) a consenti à la société Sandali un prêt d'un montant en principal de 245.000 euros au taux de 4 % l'an, destiné à financer partiellement l'acquisition d'un fonds de commerce de bar-brasserie-restaurant au prix principal de 358.250 euros.

Par acte sous seing privé du 17 juin 2004, Madame [J] [J] (s'ur de l'acquéreur du fonds de commerce) s'est portée caution solidaire de ce prêt à hauteur de la somme de 249.000 euros, ledit prêt étant par ailleurs garanti par la subrogation de la banque dans le privilège du vendeur avec action récursoire, par un nantissement de premier rang sur le fonds de commerce, par le cautionnement de la Socama BICS à hauteur de 73.500 euros et par le cautionnement personnel et solidaire de Monsieur [U] [U] dans les mêmes termes que l'engagement de Madame [V].

Après ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Sandali puis sa liquidation, selon jugements prononcés par le tribunal de commerce de Paris les 08 novembre 2006 et 18 avril 2007, la banque a déclaré sa créance qui a été admise au passif de cette société à hauteur de la somme de 198.722 euros.

Aux termes d'un jugement rendu le 08 août 2007, ce même tribunal a validé un plan de cession au profit d'un premier tiers qui s'engageait à reprendre le prêt ; la société Pas A Pas qui s'est substituée à ce tiers a été placée en redressement judiciaire le 08 juillet 2009 de sorte que la banque a déclaré sa créance au passif de cette société pour un montant de 137.553,96 euros puis, après avoir vainement mis en demeure Madame [J] [J] de respecter son engagement de caution, l'a assignée en paiement de la somme de 201.534,27 euros.

Par jugement rendu le 25 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Meaux a débouté Madame [J] de sa demande d'annulation du cautionnement, a déclaré ce cautionnement disproportionné et la [Adresse 3] déchue du droit d'agir contre la caution en la déboutant de toutes ses demandes ; il a débouté Madame [J] [J] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, débouté les parties de leurs demandes au titre de leurs frais non répétibles et condamné la banque aux dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 02 décembre 2011 la société anonyme coopérative de banque populaire [Adresse 3] (anciennement BICS - Banque Populaire), appelante, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'acte de cautionnement, de l'infirmer pour le surplus et de condamner Madame [J] à lui payer :

- la somme de 191.753,03 euros avec intérêts au taux légal du 15 janvier 2009, date du dernier versement de la société Pas A Pas, avec capitalisation annuelle des intérêts, représentant les sommes restant dues après déduction de la somme versée par la société Pas A Pas,

- la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 1er septembre 2011, Madame [J] [J] [J] demande à la cour :

- à titre principal et au visa des articles L 341-1 du code de la consommation et 1382 du code civil, de confirmer le jugement en ce qu'il retient le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution qu'elle a souscrit, de prononcer la déchéance de la banque de son droit d'agir à l'encontre de la caution et de la condamner à lui verser la somme de 65.000 euros en raison des nombreuses fautes commises tant à son endroit qu'à l'égard de la SARL Sandali,

- subsidiairement et au visa de l'article 1116 du code civil, de prononcer la nullité de son cautionnement en raison de la réticence dolosive dont la banque s'est rendue coupable,

- plus subsidiairement et au visa des articles 2314 du code civil et L 642-12 du code de commerce, de la décharger de son engagement de caution en raison de la carence de la banque à administrer la preuve de l'inscription modificative de son nantissement et autre privilège à la suite de la cession du fonds de commerce au profit du tiers acquéreur puis de la société le substituant, à savoir la société Pas A Pas,

- plus subsidiairement, si la cour venait à infirmer le jugement et au visa des articles 2290 du code civil, L 341-1 et L 341-6 du code de la consommation, L 313-22 du code monétaire et financier et 47 de la loi du 11 février 1994, de constater que la créance de la banque ne saurait être supérieure à 64.053,96 euros sous réserve de justifier de la carence de Monsieur [U] et, en tout état de cause, de prononcer la compensation des créances s'il y a lieu,

- de condamner, enfin, l'appelante à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

SUR CE,

Sur la validité du cautionnement :

Considérant qu'alors que la banque sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que Madame [J], caution avertie, ne démontrait pas que la banque lui ait caché des informations témoignant de la situation obérée du fonds de commerce exploité par ses vendeurs, les époux [T], ni qu'elle ignorait la situation objective du fonds de commerce, Madame [J], formant appel incident, poursuit à titre subsidiaire son infirmation sur ce point, lequel doit être examiné avant les autres chefs de demandes dès lors que l'annulation de l'acte les rendrait sans objet ;

Que Madame [J] fait valoir que son consentement a été vicié du fait que la banque, violant les obligations légales qui lui incombent, s'est abstenue de lui communiquer tout document comptable et plus généralement toute information de nature à l'éclairer sur la portée de ses engagements, que celle-ci était pourtant informée de la situation irrémédiablement compromise du fonds de commerce en raison des liens 'hautement' privilégiés qu'elle entretenait avec les précédents exploitants, qu'elle ne rapporte pas la preuve des diligences qu'elle aurait dû effectuer à son bénéfice sur ce point, et enfin que si elle l'avait informée du péril encouru du fait de la situation déficitaire du fonds, elle ne se serait pas engagée comme elle l'a fait ;

Mais considérant que par motifs pertinents et particulièrement circonstanciés dont Madame [J] s'abstient de débattre et que la cour adopte, le tribunal a considéré qu'elle n'était pas fondée à se prévaloir du dol de la banque en retenant qu'il n'était pas démontré que les époux [T] étaient des clients de la banque depuis plusieurs années, que si quatre nantissements étaient inscrits sur le fonds au moment de sa cession, ils ne révélaient pas à eux seuls une situation irrémédiablement compromise, que les éléments comptables des trois derniers exercices accusaient, certes, une baisse des résultats nets mais n'en révélaient pas moins une hausse du chiffre d'affaires, qu'il n'était pas démontré que la banque ait été en possession d'autres documents que les liasses fiscales communiquées, que le compte-rendu de visite établi avant l'octroi du prêt tendait à établir que le fonds bénéficiait d'une situation favorable mais était sous-exploité par les époux [T] du fait de leurs dissensions et que Madame [J], elle-même gérante d'une brasserie et bénéficiant d'une expérience professionnelle, avait activement participé à cette acquisition ;

Que le jugement sera, par conséquent, confirmé sur ce point ;

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution :

Considérant que la banque appelante reproche au tribunal d'avoir, par fausse application des dispositions de l'article L 341-1 du code de la consommation selon lequel 'un créancier personnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation' considéré que la mise à exécution du cautionnement reviendrait à priver Madame [J] de l'essentiel de son patrimoine alors qu'elle ne dispose pas, par ailleurs, de ressources ;

Qu'elle oppose à Madame [J] le contenu de la fiche de situation personnelle que cette dernière a elle-même renseignée et signée le 21 mai 2004 en vue du cautionnement ;

Qu'en réplique, Madame [J] fait valoir que l'engagement souscrit à hauteur de la somme de 294.000 euros était manifestement disproportionné en regard de sa situation personnelle (puisqu'elle était célibataire et élevait seule un enfant de 15 ans) et tire argument de ses revenus particulièrement modestes, d'un bien immobilier d'une valeur de 230.000 euros (aujourd'hui estimé à 250.000 euros et qui constitue sa résidence principale et le seul élément de son patrimoine) précisant qu'elle n'en est, en fait, que propriétaire indivise pour moitié depuis 1992 et que la banque avait sollicité la communication de l'acte de vente préalablement à l'engagement de caution ;

Considérant, ceci exposé, qu'il résulte du texte précité que la disproportion doit d'abord s'apprécier au moment de la formation du contrat ;

Que c'est à bon droit que l'appelante fait valoir que le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution doit être apprécié en regard des biens et revenus déclarés par la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude;

Qu'à s'en tenir, par conséquent, à la fiche de situation personnelle invoquée par l'appelante (pièce 10) Madame [J] a, selon mentions manuscrites, déclaré qu'elle était gérante d'une société Le Bourguignon, que son revenu annuel était de 20.000 euros, qu'elle était propriétaire d'un pavillon acquis en 1992 au prix de 122.000 euros et estimé à 230.000 euros, sans garantie sur prêts en cours, qu'au dessous de la mention 'si le bien n'appartient qu'à la caution, le conjoint ou la caution' elle a ajouté : 'Mme [J]' et qu'elle a enfin déclaré n'avoir ni prêts en cours ni engagements de caution ;

Que la banque, qui s'est montrée raisonnablement diligente en interrogeant la caution, dont rien, par ailleurs, ne permet d'établir qu'elle ait sollicité, comme il est prétendu, des titres de propriété et qui n'était pas tenue de vérifier les déclarations qu'elle lui a faites en l'absence d'anomalies apparentes, est fondée à prétendre qu'aucune disproportion manifeste ne peut être retenue au moment de la formation du contrat litigieux en regard des biens et revenus déclarés ;

Que Madame [J], faisant état de son impécuniosité présente, de la valeur actuelle de son bien et de la nécessité qui serait la sienne de trouver à se reloger si elle devait vendre son unique bien immobilier, entend vainement voir juger que la disproportion de l'engagement initial doit également être objectivement appréciée au moment où la caution est appelée ;

Que son interprétation se heurte, toutefois, aux termes-mêmes de la dernière partie de la phrase du texte précité (' à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation' ) laquelle doit s'entendre comme un correctif ('à moins que') à une situation initiale de disproportion manifeste, ce dans l'hypothèse d'une amélioration de la situation patrimoniale de la caution au moment où elle est appelée ;

Que le caractère disproportionné de l'engagement de caution au moment de la formation du contrat n'étant pas retenu, ces dispositions n'ont pas vocation à être appliquées ;

Qu'il suit que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a considéré, sur ce fondement juridique, que la banque se trouve déchue de son droit de poursuivre la caution ;

Sur la décharge de la caution fondée sur les dispositions de l'article 2314 du code civil 

Considérant que Madame [J] soutient plus subsidiairement - en visant les dispositions de cet article selon lequel 'La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution' - que lorsque le fonds de commerce litigieux a été cédé au tiers cessionnaire auquel s'est substituée la société Pas A Pas, il appartenait à la banque de procéder à l'inscription modificative du nantissement et du privilège de vendeur de fonds de commerce qui, aux termes de l'article L 642-12 du code de commerce, avaient été transmises au cessionnaire ;

Qu'elle fait grief à la banque de s'en être abstenue, de l'avoir ainsi privée de la faculté d'être subrogée dans ses droits et, partant, du bénéfice d'un droit qui pouvait lui profiter ;

Qu'elle lui reproche en outre de n'avoir par retenu le prix de cession fixé par le tribunal de commerce à la somme de 20.000 euros ;

Mais considérant que les dispositions susvisées ne sont applicables qu'en présence de droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance ;

Que l'hypothèse de la perte de la créance elle-même qui n'est pas appréhendée par ce texte n'emporte pas décharge de la caution, étant au surplus relevé, en l'espèce, que Madame [J] laisse sans réponse le moyen de la banque selon lequel elle n'a pu bénéficier d'une quelconque répartition du prix de cession du fonds de commerce ;

Que Madame [J] ne peut davantage reprocher à la banque d'avoir négligé, lors de la cession du fonds de commerce litigieux, de procéder à l'inscription des sûretés dont elle disposait dans la mesure où la banque produit (en pièces 17 et 18) les déclarations qu'elle a faites les 08 juillet et 30 septembre 2009 entre les mains du mandataire-liquidateur dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Pas A Pas et qui démontrent que sa créance était garantie par un nantissement de 1er rang ;

Qu'il s'en évince que la demande de Madame [J] tendant à être déchargée de son engagement de caution à ce titre doit être rejetée ;

Sur la créance de la banque :

Considérant que l'appelante poursuit le recouvrement de la somme de 191.758,03 euros, arrêtée au 15 janvier 2009, entre les mains de la caution en indiquant que sa créance a été admise au passif de la liquidation de la société cautionnée pour un montant de 198.722,31 euros selon une décision qui a autorité de chose jugée et en se prévalant de la cohérence de ses réclamations au titre de ce même prêt tant à l'égard de la caution que de la société Pas A Pas ;

Qu'à l'argumentation de l'intimée relative aux autres sûretés dont elle dispose, elle oppose le fait qu'elle a souscrit un engagement solidaire ;

Que Madame [J] qualifie d'indues et illégitimes les sommes qui lui sont réclamées compte tenu de la différence entre la somme qui lui est réclamée et le montant de la créance déclarée au passif de la société Pas a Pas, soit la somme de 137.553,96 euros ; que le cautionnement ne saurait excéder, selon elle, les sommes réellement dues, soit cette dernière somme ;

Qu'elle fait, de surcroît, état des autres garanties dont bénéficie la banque et en particulier du cautionnement de la Socama-BICS consenti à hauteur de la somme de 73.500 euros et mentionné dans l'acte de prêt ; qu'elle estime que cette somme doit venir en déduction de la somme de 137.553,96 euros, à l'instar des condamnations qui seront prononcées à l'encontre de Monsieur [U] ;

Qu'elle ajoute enfin que faute de rapporter la preuve qu'elle a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution, la banque doit être déchue de son droit à intérêts de retard et pénalités ;

Considérant, ceci exposé, que selon le décompte versé aux débats par l'appelante, le montant de sa créance s'établissait à la somme de 195.189,61 euros au 11 mai 2007, date à laquelle la caution a été mise en demeure de payer après le constat d'une première échéance impayée par la débitrice le 18 juin 2006 ; qu'elle y ajoute la somme de 11.767,28 euros au titre des intérêts arrêtés au 15 janvier 2009 et en retranche le montant des sommes acquittées par la société Pas A Pas du 17 novembre 2008 au 15 janvier 2009 pour parvenir à une créance arrêtée à cette dernière date à la somme de 191.758,03 euros ;

Que l'incohérence fustigée par l'intimée n'est que prétendue puisque le repreneur n'était tenu au paiement des échéances qu'à compter du jugement arrêtant le plan de cession et nullement à celui des échéances impayées antérieurement à ce jugement ;

Qu'en outre l'argumentation développée par Madame [J] relativement à l'existence d'autres sûretés ne saurait prospérer dès lors qu'aux termes de l'article 2 de l'acte de cautionnement auquel elle a souscrit, elle a expressément renoncé aux bénéfices de discussion et de division en raison du caractère solidaire de son engagement, stipulant clairement :'j'accepte expressément que la BICS puisse me réclamer, au cas où d'autres personnes se seraient portées cautions solidaires du débiteur principal, la totalité de ce que ce dernier lui doit, dans la limite de mon cautionnement' ;

Qu'en revanche, Madame [J] est fondée à revendiquer l'application de l'article L 313-22 du code monétaire et financier qui fait obligation à la banque de faire connaître à la caution l'état de la dette en principal, intérêts et frais du débiteur principal et de lui rappeler le terme de son engagement ou, s'il est indéterminé, sa faculté de révocation ; qu'elle déclare en effet ne pas avoir été rendue destinataire de cette information et la banque, à qui cette preuve incombe, ne justifie pas de ses diligences sur ce point ;

Que la sanction de ce manquement étant la déchéance du droit aux intérêts, la créance de la banque sera ramenée au montant du principal à la date du 11 mai 2007 (soit : 195.189,61 euros) dont à déduire les versements reçus (soit : 15.198,86 euros) ; que la banque ne peut donc prétendre qu'au paiement de la somme en principal de 179.990,75 euros ;

Que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent arrêt, étant rappelé que l'obligation d'information doit être respectée jusqu'à l'extinction de la dette cautionnée même après l'assignation de la caution ;

Que, de plus, la capitalisation éventuelle des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du code civil, ainsi que requis ;

Sur la demande indemnitaire de Madame [J] assortie d'une demande de compensation :

Considérant que pour solliciter l'allocation de la somme globale de 65.000 euros venant réparer ses divers chefs de préjudice, Madame [J] fait état du comportement fautif de la banque et incrimine tout à la fois :

- le fait qu'elle lui a caché l'existence d'un jugement rendu à l'encontre de Monsieur [U], afin, selon elle, de se voir allouer des sommes indues devant deux juridictions distinctes,

- d'avoir manqué aux devoirs de conseil et d'information auxquels elle était tenue dans le cadre de la cession du fonds de commerce, se défendant, ce faisant, d'être une caution avertie et mettant en avant les informations privilégiées dont disposait la banque, lesquelles ne lui permettaient pas d'ignorer la déconfiture imminente du fonds de commerce,

- d'avoir laissé la société Sandali SARL souscrire un crédit manifestement excessif et injustifié, notamment en regard de l'absence totale de rentabilité de ce fonds et de n'avoir pas satisfait loyalement à ses devoirs de mise en garde, de renseignement, d'information et de conseil à l'égard de cette société ;

Mais considérant, sur le grief tiré de la réticence de la banque à lui faire connaître l'existence d'autres poursuites pour recouvrer la même créance, que l'intimée n'étaye sa demande par aucun texte imposant à un créancier disposant d'une pluralité de garants de leur rendre compte des voies d'exécution qu'il pourrait mettre en 'uvre, étant de plus rappelé, comme précédemment énoncé, que Madame [J] a renoncé aux bénéfices de division et de discussion ;

Que, s'agissant du grief tiré des manquements de la banque dans ses devoirs d'information à l'égard de la caution, qu'à l'article 3 de l'engagement de caution, celle-ci a déclaré expressément : 'je reconnais contracter mon engagement de caution en pleine connaissance de la situation financière et juridique présente du débiteur principal dont il m'appartiendra, dans mon intérêt, de suivre personnellement la situation' ;

Que la banque qui relève que Madame [J] (s'ur de l'un des associés) était particulièrement avertie dans le domaine de la restauration du fait de sa qualité de gérante d'un tel établissement, fait justement valoir que le compte rendu de la visite effectuée le 18 mai 2005 préalablement à l'acquisition du fonds (pièce 13) confirme ses compétences, son expérience et sa connaissance du secteur d'activité ; qu'elle ne peut donc nier avoir eu pleine connaissance de la situation du fonds dès avant son engagement et reprocher à la banque de ne pas l'avoir informée et conseillée ;

Qu'enfin, sur les manquements qui pourraient être reprochés à la banque du fait d'un octroi inconsidéré de crédit, que la caution est recevable à invoquer cette exception sur le fondement de l'article 2313 du code civil, fût-ce en réclamant paiement de dommages-intérêts et une compensation avec sa dette (ce qui revient à poursuivre une décharge indirecte) ;

Qu'elle n'est toutefois pas fondée à s'en prévaloir en l'espèce dès lors qu'il n'est pas démontré, comme précédemment énoncé, que la banque aurait tu des informations selon lesquelles la situation de ce fonds était irrémédiablement compromise ; qu'en outre, les associés apportaient personnellement 30 % du financement destiné à l'acquisition du fonds et annonçaient de multiples initiatives de nature à le dynamiser ; qu'ainsi la banque, qui n'avait pas lieu de les mettre en garde ou de s'immiscer dans leur gestion personnelle, ne saurait voir sa responsabilité engagée pour avoir inconsidérément accordé son crédit ;

Qu'il en résulte que Madame [J] qui ne peut se prévaloir d'aucune faute imputable à la banque doit être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Sur les demandes complémentaires :

Considérant que l'équité conduit à condamner Madame [J] à verser à la banque la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, elle supportera les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement déféré à l'exception de ses dispositions rejetant la demande d'annulation du cautionnement pour vice du consentement ainsi que la demande indemnitaire fondée sur les perturbations imputées à faute à la banque et, statuant à nouveau :

Déboute Madame [J] [J] [J] de ses demandes tendant à être déchargée de son engagement de caution en raison de son caractère disproportionné ou du fait de la carence de la banque la privant du bénéfice de subrogation dans une sûreté ;

Dit que la société anonyme coopérative de banque populaire [Adresse 3] est déchue de son droit à intérêts ;

Condamne Madame [J] [J] [J] à payer à la [Adresse 3] la somme en principal de 179.990,75 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent arrêt ;

Ordonne, s'il y a lieu, la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Déboute Madame [J] [J] [J] de sa demande en paiement de dommages-intérêts assortie d'une demande de compensation ainsi qu'en ses prétentions au titre de ses frais non répétibles ;

Condamne Madame [J] [J] [J] à payer à la [Adresse 3] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [J] [J] [J] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/25173
Date de la décision : 17/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°10/25173 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-17;10.25173 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award