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16/02/2012 | FRANCE | N°10/04771

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 16 février 2012, 10/04771


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 16 Février 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04771 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/12716



APPELANTE

Madame [L] [H] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS

, toque : P0228



INTIMEE

Association RENOUVEAU VACANCES

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Nathalie CHAVOT, avocat au barreau de CHAMBERY



COMPOSITION DE LA C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 16 Février 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04771 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/12716

APPELANTE

Madame [L] [H] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228

INTIMEE

Association RENOUVEAU VACANCES

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Nathalie CHAVOT, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine METADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 20 juillet 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[L] [H] épouse [I] a été engagée par l'association RENOUVEAU VACANCES, en qualité de chef de service, à compter du 18 novembre 1991,selon contrat de travail à durée indéterminée.

L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective du tourisme social et familial

A la suite de l'engagement, en mai 2008, d'un directeur marketing et commercial, [L] [H] épouse [I] a été placée sous l'autorité de ce dernier, en qualité de 'responsable OR', avec une assistante, ce qui, selon elle, constituait une modification de son contrat de travail.

Par acte d'huissier du 12 septembre 2008, [L] [H] épouse [I], estimant avoir subi une modification unilatérale de son contrat de travail, a pris acte de la rupture de son contrat de travail à l'association RENOUVEAU VACANCES.

Le 29 octobre 2008, elle a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS afin d'obtenir la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts.

Par jugement en date du 11 janvier 2010, le conseil de prud'hommes a débouté [L] [H] épouse [I] de l'ensemble de ses demandes, a pris acte de sa reconnaissance de dette envers l'association RENOUVEAU VACANCES et au besoin l'a condamné au paiement de la somme de 1 457,71 € au titre du trop perçu, l'association RENOUVEAU VACANCES étant déboutée de sa demande reconventionnelle.

Régulièrement appelante de cette décision, [L] [H] épouse [I] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- dire que la responsabilité de la rupture de son contrat de travail est imputable à l'employeur et doit entraîner les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner l'association RENOUVEAU VACANCES à payer les sommes de :

' 11 767,20 € de préavis,

' 24 318,88 € d'indemnité de licenciement,

' 100 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association RENOUVEAU VACANCES sollicite l'infirmation du jugement et le débouté de [L] [H] épouse [I] et demande à la cour, par voie d'appel incident, de :

- condamner [L] [H] épouse [I] à lui rembourser la somme de 11 767,20 € correspondant au préavis qu'elle n'a pas exécuté.

Si la cour retenait sa responsabilité dans la prise d'acte de la rupture du contrat de travail,

- ordonner la compensation entre la créance de [L] [H] épouse [I] et celle de l'employeur d'un trop perçu par la salariée de 1 457,71 € sur solde de tout compte.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION :

La modification du contrat de travail s'oppose aux changements des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction.

Par acte d'huissier en date du 12 septembre 2008, [L] [H] épouse [I] a fait signifier à l'association RENOUVEAU VACANCES la lettre suivante :

'Ainsi que je vous l'ai déjà exposé dans mon courrier du 17 juillet 2008, j'ai subi la modification de mon contrat de travail par disparition pure et simple de ma fonction de responsable du service commercial qui a été vidée de sa substance et des responsabilités qui y étaient attachées.

Depuis plusieurs mois, je suis écartée des réunions décisionnelles concernant le service commercial.

Le nouvel organigramme a été annoncé face à mon équipe dans des circonstances particulièrement humiliantes.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'estime être en droit de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail qui est effective immédiatement.

J'ai restitué à l'agence de [Localité 3] mon véhicule de fonction ainsi que tous les documents et dossiers de l'association que je pouvais détenir. J'ai remis à mon adjointe... les clés des agences, le chéquier BNP, le téléphone portable, l'ordinateur portable, la carte 3G business everywhere ainsi que le GPS.

Cette rupture s'analysant en un licenciement sans motif réel et sérieux, vous voudrez bien me faire connaître rapidement les propositions de l'association pour indemniser mon préjudice.

A défaut d'offre satisfactoire au 30 septembre 2008, je saisirai le conseil de prud'hommes compétent pour en faire arbitrer le montant'.

La réponse en date du 16 septembre 2008 de l'association RENOUVEAU VACANCES est la suivante :

'...Permettez-moi d'être surpris de l'attitude que vous avez décidé d'adopter vis à vis de Renouveau vacances, alors que votre contribution professionnelle a toujours été reconnue.

Vous évoquez tout d'abord votre courrier du 17 juillet 2008, sans mentionner par ailleurs ma réponse du 11 août dernier adressée par recommandé... dans laquelle j'ai répondu à vos interrogations d'alors que vous reformulez à présent.

Vous estimez, dites-vous «être en droit de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail qui est effective immédiatement».

Dois-je vous rappeler que l'entreprise a toujours besoin de vos services, même si par ailleurs, il y a obligation, pour elle, de faire évoluer son fonctionnement.

C'est pourquoi, je vous invite à prendre contact très rapidement avec le secrétariat de la DRH afin qu'un rendez-vous vous soit fixé.

A titre exceptionnel, je vous place en congé protocolaire pour couvrir cette absence irrégulière, qui je l'espère, sera de très courte durée'.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.

[L] [H] épouse [I] reproche à son employeur d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail, par la 'disparition' de sa fonction de responsable du service commercial et des responsabilités qui y étaient attachées.

Le 1er février 2001, l'association RENOUVEAU VACANCES a procédé à une nouvelle organisation du service «production, promotion, diffusion vente» et définit les nouvelles missions de [L] [H] épouse [I], positionnée chef de services 3 - échelon 1, ainsi qu'il suit :

- la responsabilité du fonctionnement des bureaux de vente,

- l'encadrement du travail des commerciaux, dont elle devient 'le hiérarchique', les objectifs pour les commerciaux étant la réalisation de journées vacances «groupes» et la prospection en direction des comités d'entreprises et organismes réservataires,

- le suivi des relations avec les organismes réservataires et les comités d'entreprises,

- la politique «salons» de l'association

- le suivi des relations politiques (UNAT...).

Le 23 juillet 2002, l'association RENOUVEAU VACANCES informait [L] [H] épouse [I] de son 'avancement-promotion', compte tenu de son investissement, consistant en l'élévation de sa rémunération au niveau 16 -échelon 2 de la demande du tourisme social et familial.

Le 16 septembre 2004, l'association fixait à [L] [H] épouse [I] les objectifs suivants :

- promouvoir les agences de [Localité 3], [Localité 6] et [Localité 4],

- développer les ventes sur la Belgique et le Nord grâce à notre agence de [Localité 3],

- étudier la rentabilité économique des agences et les retombées commerciales,

- suivre le travail de chaque commercial en les mobilisant pour trouver de nouveaux clients,

- poursuivre les ventes avec les TO français, en lien avec [Y] [O] pour les TO étrangers, pour la gestion des stocks,

- rechercher de nouveaux partenariats avec les fédérations sportives,

- organiser la manifestation des 50 ans à [Localité 7],

- assurer la relation avec certains prestataires connus comme la thalassothérapie (bien qu'elle ait indiqué que cette mission pourrait être assurée par quelqu'un d'autre)

- participer aux réunions des institutionnels sur [Localité 7] (UNAT, loisirs de France') et sur [Localité 3] ainsi qu'une participation aux réunions du TAC pour la commercialisation,

- suivre les relations avec Arvel au niveau des opérations de communication et de partenariat,

- travailler sur les documentations groupes et classes en lien avec le service diffusion.

Il était noté, en outre, dans ce compte rendu faisant suite à l'entretien annuel d'évaluation du 23 janvier 2004 de l'intéressée que son engagement pour l'association, sa disponibilité, sa motivation et sa détermination pour aboutir dans différents dossiers étaient particulièrement appréciés, qu'elle avait reconstitué une équipe commerciale, et enfin que son travail de représentation de l'association dans différentes instances étaie reconnu.

Il était fait mention de ce que malgré son déménagement à [Localité 3] son poste resterait toujours basé à [Localité 7].

Après avoir recruté un nouveau directeur général début 2008, le conseil d'administration de l'association RENOUVEAU VACANCES a validé la décision prise au mois de juin précédent de procéder à l'engagement d'un directeur marketing et commercial qui a été effectif le 5 mai 2008.

Ce dernier était chargé notamment de mettre en place un plan d'action marketing et commercial, de diriger et mobiliser les équipes en place et d'assurer la responsabilité hiérarchique des chefs de services de son secteur.

Après avoir effectué un diagnostic et mis en évidence onze points à améliorer, un nouvel organigramme a été mis en place prévoyant que seraient sous l'autorité du directeur marketing et commercial, [L] [H] épouse [I] en qualité de responsable OR, un salarié chargé de la force de vente constituée de huit commerciaux, une responsable des ventes individuelles, avec un regroupement commun à ces deux services des assistantes commerciales, back office et pool groupes, un responsable du service marketing et communication.

[L] [H] épouse [I] a contesté cette nouvelle organisation au motif que sa fonction de directrice commerciale avait disparu, que les sept commerciaux qu'elle dirigeait passaient sous l'autorité du nouveau directeur marketing et commercial, que l'équipe de la vente individuelle se trouvait rattachée au service réservation du siège.

La réorganisation faite par l'employeur pour améliorer la gestion d'un secteur constitue un changement des conditions de travail dans l'exercice de son pouvoir de direction.

En l'espèce, l'association RENOUVEAU VACANCES a décidé de réorganisation complète de sa direction commerciale, ayant pour conséquence une redéfinition des fonctions, ce dont [L] [H] épouse [I] a été informée dès le 23 avril 2008 ainsi que cela résulte d'un compte-rendu d'une réunion qui s'est tenue en sa présence à [Localité 5].

Le changement opéré dans les fonctions de [L] [H] épouse [I], même s'il entraînait pour elle la perte de son pouvoir d'encadrement du travail des commerciaux, n'était pas de nature à affecter sa qualification, à savoir chef de service 3, et par conséquent sa rémunération.

Force est de constater que [L] [H] épouse [I] conservait un statut de responsable, l'employeur ayant précisé par courrier du 11 août 2008 qu'elle aurait pour mission de représenter l'association à [Localité 7], dans différentes instances (UNAT, Loisirs de France) et à 'commercialiser' auprès des différents grands comptes (comité d'entreprise et tour opérateurs français) ce qui ne constitue en aucun cas une réduction à un niveau inférieur des responsabilités qui étaient les siennes jusqu'alors.

Il en résulte que l'employeur en transformant les attributions de [L] [H] épouse [I] n'a pas modifié son contrat de travail mais, faisant usage de son pouvoir de direction, a uniquement opéré un changement des conditions de travail de cette dernière.

La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par [L] [H] épouse [I], dès lors qu'il n'est pas établi que l'association RENOUVEAU VACANCES a manqué à ses obligations, produit par conséquent les effets d'une démission, étant relevé qu'il a été indiqué lors de l'audience, sans aucune contradiction de la part de l'intéressée qu'elle s'était engagée à l'égard d'un nouvel employeur immédiatement après l'envoi de la lettre de rupture.

Le jugement sera donc confirmé, y compris en ce qu'il a condamné [L] [H] épouse [I] au remboursement de la somme de 2 957,71 €, correspondant à un trop perçu sur son salaire de septembre 2008.

Sur l'indemnité de préavis :

L'association RENOUVEAU VACANCES forme une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 11 767,20 € montant du préavis que [L] [H] épouse [I] n'a pas exécuté.

Dès lors que la rupture du contrat de travail n'est pas imputable à l'employeur et qu'elle produit les effets d'une démission, l'employeur est fondé à invoquer le non-respect par la salariée du délai-congé prévu conventionnellement.

Il convient donc de condamner [L] [H] épouse [I] au paiement de la somme réclamée par l'association RENOUVEAU VACANCES, faute pour cette dernière d'avoir exécuté ce préavis et d'établir qu'elle en aurait été dispensée, ce qu'elle n'invoque pas au demeurant.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'association RENOUVEAU VACANCES.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE [L] [H] épouse [I] à verser à l'association RENOUVEAU VACANCES la somme de 11 767,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'association RENOUVEAU VACANCES,

CONDAMNE l'association RENOUVEAU VACANCES aux entiers dépens.

LE PRESIDENTE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/04771
Date de la décision : 16/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/04771 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-16;10.04771 ?
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