Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRET DU 13 FEVRIER 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11185
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juin 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/54346
APPELANTE
SNC MEUBLES IKEA FRANCE, agissant poursuites et diligences de son gérant et associé.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)
INTIMEES
SAS [H] DIAGNOSTIC STRATEGIE EMPLOI, prise en la personne de son Président.
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
SOCIETE COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE MEUBLES IKEA, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves GARCIN, Président
Mme Laurence GUIBERT, Vice-présidente placée
Madame Claire MONTPIED, Conseillère
qui en ont délibéré
En la présence de [I] [V], élève dans un centre régional de formation professionnelle d'avocats effectuant un stage dans cette juridiction, qui a assisté aux débats et au délibéré sans voie consultative en vertu de l'article 12-2 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Greffier, lors des débats : Mme Nathalie GIRON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Yves GARCIN, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Yves GARCIN, président et par Mme Nathalie GIRON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel interjeté, par déclaration au greffe enregistrée le 15 juin 2011 par la SNC IKEA France à l'encontre de l'ordonnance en la forme des référés rendue le 7 juin 2011 par Mme le Premier Vice Président du Tribunal de Grande Instance de Paris , agissant par délégation du président du tribunal , qui à la suite de la demande qu'elle avait formée , a :
- statuant en la forme des référés , par ordonnance contradictoire ,
- rejeté l'intégralité des demandes de la société Meubles IKEA France ,
- condamné la société Meubles IKEA France à payer à la société [H] Diagnostic Stratégie Emploi la somme de 3.000€ sur s le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,
- ordonné l'exécution provisoire ,
- condamné la société Meubles IKEA aux dépens ,
Vu l'ordonnance de clôture du 12 décembre 2010 et l'ordonnance du 9 janvier 2012 révoquant cette clôture pour la fixer à cette dernière date ,
Vu les conclusions signifiées le 12 décembre 2011 aux termes desquelles la SNC IKEA France demande à la Cour , au visa des articles L.2325-35, L.2325-36, L.2323-10 et R.2325-7 du code du travail de :
- constater que le CCE de la SNC IKEA France a désigné le cabinet [H] le 25 mars 2010, afin qu'il procède à l'examen annuel des comptes de l'entreprise et à l'analyse des comptes prévisionnels , conformément à l'article L.2325-35 du Code du Travail,
- constater que le Cabinet [H] a rendu son 'rapport sur l'analyse annuelle des comptes FY09- année fiscale 2009- et l'analyse des prévisions FY10 - année fiscale 2010" le 24 juin 2010,
- constater que ce rapport répond à l'intégralité de la mission de l'expert-comptable telle que définie par l'article L.2335-35 du code du travail,
- constater que le cabinet [H] a rendu un second rapport d'analyse le 5 novembre 2010 portant sur 'la politique ressources humaines de la société pour faire face aux enjeux de demain',
- dire que ce second volet est sans lien avec l'examen annuel des comptes , dépasse manifestement la mission de l'expert-comptable telle que définie par l'article 2325-35 du Code du Travail et n'ont pas à être supportées par l'entreprise,
- constater que la société Meubles IKEA n'a jamais accepté une quelconque extension de mission au delà de celles définies par l'article 2325-35 du code du travail,
en conséquence,
- dire et juger qu'un audit des pratiques Ressources Humaines n'entre pas dans le champ des missions légales d'analyse des comptes définies à l'article L 2325-35 , dès lors que cet audit n'est pas nécessaire à l'intelligence des comptes ;
- infirmer l'ordonnance entreprise,
- dire que le cabinet [H] a dépassé la mission d'expertise des comptes pour laquelle il a été désigné par le CCE de la société Meubles IKEA dans le cadre de l'article 2325-35 du Code du Travail ,
- dire que le second volet portant sur 'la politique Ressources Humainesde la société pour faire face aux enjeux de demain ' n'entre pas dans le champ légal des missions de l'expert comptable telles que définies à l'article 2325-35 du Code du Travail,
- constater le caractère injustifié des honoraires réclamés par l'expert-comptable pour le second volet d'analyse,
- dire et juger n'y avoir lieu au règlement par la SNC IKEA France de la facture N° B00110l642 du 31 décembre 2010, pour un montant de 82.235,13€ ,
- annuler cette facture,
- subsidiairement réduire cette facture à hauteur du travail réellement effectué par le Cabinet [H] et au maximum à 8.000€ ,
- en ordonner le remboursement à la SNC IKEA France et la régularisation comptable,
- condamner le cabinet [H] au paiement de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner le cabinet [H] au paiement des entiers dépens , dont le montant sera recouvré directement par Me Teytaud -Avoué- conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 22 décembre 2011 aux termes desquelles le Cabinet [H] entend voir :
- débouter la société Meubles IKEA France de ses demandes ,
- condamner cette dernière à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile , en sus de la somme allouée par le premier juge,
- condamner la société IKEA France en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP C.Bommart Forster& E.Fromantin , Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'en vertu de l'article 2325-35 du Code du Travail , le Comité d'Entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix , notamment , en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L 2323-8 et L 2323-9 du code du travail ainsi qu'en vue de l'examen des documents mentionnés à l'article L 2323-10 du Code du Travail - comptes prévisionnels- ;
qu'aux termes de l'article L 2325-36 du Code du Travail , la mission de l'expert comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique , financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ;
Considérant qu'il est constant en l'espèce, que :
-le CCE de la SNC IKEA France a le 25 mars 2010, en application des articles L 2323-35 et 2323-10 du Code du Travail, à l'unanimité, décidé de se faire assister par un cabinet d'expertise comptable pour l'examen des comptes clos le 31/08/2009 ainsi que pour l'examen des comptes prévisionnels FY10( 1ère et 2 ème itération) ;
- par courrier en date du 30 mars 2010 adressé à IKEA FRANCE , le Cabinet [H] indiquait qu'il acceptait la mission et sollicitait un entretien de la part de l'employeur notamment pour discuter de la lettre de mission, et sollicitait dès cette date, à titre de demande initiale d'informations, la liste des 96 documents ,
- par courrier du 27 avril 2010 le Cabinet [H] précisait à IKEA France le contenu de sa mission, en ces termes ' nos travaux prendront la forme d'analyses dynamiques ( sur 3 ans) et comparatives (vis à vis des objectifs fixés, de la concurrence, de la conjoncture...).
Elles porteront sur l'environnement économique de la société et du groupe, l'activité de la société et des établissements, la formation et la répartition des résultats de la société et des établissements , les effectifs et les données sociales de la société et des établissements, la politique de financement et la structure financière de la société .
Il était également précisé qu'une attention particulière serait portée aux relations avec le groupe, à l'état des lieux, la politique commerciale et le développement de l'enseigne, maillage du territoire, construction juridique, livraison gratuite, .. et que les travaux de [H] feraient l'objet d'un rapport écrit présenté en séance préparatoire et en séance plénière , les travaux relatifs aux comptes prévisionnels FY10 y étant intégrés ; que la restitution se ferait en 2 temps fin juin : performance de la société, relations avec le groupe, fin septembre: performance des établissements ; les honoraires étant fixés au taux journalier de 1.175€ et le temps estimé pour réaliser l'expertise entre 90 et 115 jours , de sorte que le coût de l'expertise se situerait dans une fourchette comprise entre 105 750€ et 135 125€ HT ;
- par courrier en réponse du 5 mai 2010, IKEA France proposait de rencontrer le Cabinet [H] le 12 mai 2010 , notamment pour 'aborder ... l'étendue de votre mission ainsi que les documents sollicités et le montant et les modalités de facturation des honoraires'
- par mail du 28 mai 2010, le Cabinet [H] transmettait à IKEA France , la liste des entretiens qu'il souhaitait voir organiser au plus tard les 7 et 8 juin suivants , sur 8 thématiques , et exprimait notamment le souhait de rencontrer le DRH pour aborder 'les moyens et les enjeux RH : axes de la politique sociale à moyen terme, les outils RH: état de l'art du développement des outils du GPEC , la formation professionnelle, les accords d'entreprise, le management des hommes: l'encadrement de proximité , son rôle , ses moyens et sa formation , la promotions sociale, les litiges, la politique de rémunération ...,
- lors de de la réunion du CCE en date du 24 juin 2010 au cours de laquelle était restitué le premier volet du rapport du Cabinet [H] , était évoqué l'existence d'un volet RH de l'expertise , les représentants d' Ikea s'engageant à remettre le plan' BPL RH' ,
- par mail du 27 juillet 2010 , le Cabinet [H] souhaitait obtenir un entretien avec Mme [Y] [S] sur ' la politique RH de l'entreprise d'une part, et en vue de l'élaboration de fiches de diagnostic RH par établissement d'autre part '
- par mail du 30 juillet 2010, le Cabinet [H] réclamait à IKEA , les bilans sociaux 2007-2008-2009 , et pour la même période et par établissements les mouvements d'entrée
et de sorties par motifs, qualification , pyramide des âges et des anciennetés, effectifs par contrats, contrat à durée déterminée par motifs, intérim, temps partiels, promotion sociale, heures travaillées par contrat , par qualification, par établissement, détail de l'absentéisme , ........fichier anonyme de l'ensemble du personnel, outils RH/GPEC, fiches de poste, cartographie des emplois, référentiels, entretien annuel de développement, , système de rémunération, bilans de mobilité, plan de formation ....... accords collectifs, ARTT, participation , intéressement , droit syndical , handicap ,........... risques psycho-sociaux,
- par mail du 10 septembre 2010 , le Cabinet [H] souhaitait dans le cadre 'du 2 ème volet de l'expertise' rencontrer Mme [S] pour 'recadrer la réalisation de la partie ressources humaines' et sollicitait divers documents complémentaires, dont le Business plan RH Europe 2010-2015 et le business plan RH France 2010 ,
- par mail du 1er octobre 2010 , Mme [S] réclamait au Cabinet [H] sa lettre de mission pour le volet'RH' ,
- par courrier du 6 octobre 2010 le Cabinet [H] se disait surpris par la demande de lettre de mission du 'volet RH' , alors que des échanges à ce sujet se faisaient depuis 5 mois et qu'ils avaient rappelé les thématiques à aborder , leur volonté étant 'd'inclure l'analyse de la politique des ressources humaines dans la présentation programmée en juin';
qu'étaient également évoquées les difficultés rencontrées dans l'exercice de la mission d'expertise, faute de pouvoir rencontrer la DRH , Mme [L] et d'obtenir l'intégralité de documents ;
- par mail du 8 octobre 2010 Mme [Y] [S] faisait observer qu'elle n'avait toujours pas reçu de lettre de mission du 'volet RH'
- par mail en réponse du 8 octobre 2010, le Cabinet [H] expliquait qu'il ne s'était jamais engagé à adresser une lettre de mission sur le volet RH , précisant que le second volet de leurs travaux ne portait pas exclusivement sur le volet RH
- par mail du 21 octobre 2010, et du 10 décembre 2010 le Cabinet [H] sollicitait un RV téléphonique avec la DRH et sollicitait l'obtention de documents en attente ou incomplets,
- le 5 novembre 2010 , le CCE se réunissait en vue de la présentation du '2 ème volet de l'expertise des comptes FY09 et prévisionnels FY10";
- par mail du 15 décembre 2010 le Cabinet [H] adressait son décompte de temps passé,
- par courrier du 3 janvier 2011 , le Cabinet [H] adressait une facture de 108.688€HT, correspondant à 92,5 jours de travail ,
- par courrier du 4 février 2011 le Cabinet [H] adressait à Ikea France une mise en demeure d'avoir à lui payer 147.168,03 TTC correspondant au total des factures du 30 juin 2010 ( 64 932 ,90€ TTC ) et du 31 décembre 2010 ( 82 235 ,13 € TTC )
- par courrier du 15 février 2011 IKEA contestait la facture n° B00110L642 correspondant à la deuxième restitution des travaux au motif que l'audit des pratiques RH n'entrait pas dans la mission de l'expert,
- par courrier du 2 mars 2011 , le Cabinet [H] rappelait le contenu de sa mission, et que le second rapport ne portait pas sur les seuls éléments d'ordre social , mais également sur l'analyse déclinée par magasin,
- par courrier du 23 mars 2011, adressé au Cabinet [H], Ikea contestait que 'l'analyse de la politique ressources humaines de la société fasse partie intégrante de la mission légale de l'expert-comptable relative à l'examen des comptes annuels et prévisionnels,
- le 7 avril 2011 , la SNC IKEA France saisissait le Tribunal de Grande Instance de Paris en la forme des référés ;
Considérant que la SNC IKEA France considère que le premier volet du rapport rendu par [H] le 24 juin 2010 portant sur l'examen des comptes de l'entreprise répond à la mission d'analyse des comptes telles que prévue par l'article L 2325-35 du Code du Travail et se suffit à lui même , de sorte que le Cabinet [H] avait rempli l'intégralité de sa mission dès le 24 juin 2010 ;
Qu'elle soutient en revanche que le second volet de l'expertise n'a clairement aucun lien avec l'analyse des comptes de la société , dès lors qu'il consiste en une compilation de données sociales reproduites textuellement sans la moindre analyse critique et qu'il s'agit d'un descriptif de la politique et des pratiques des ressources humaines de la société telle que présentée dans le cadre de la démarche internationale du groupe intitulée 'Growing IKEA together' axée sur le développement des collaborateurs et la satisfaction de la clientèle ; qu'elle ajoute que le Cabinet [H] ne saurait se prévaloir d'une acceptation tacite de l'extension de sa mission , ce que l'employeur n'a pas le pouvoir de faire , l'expert étant strictement tenu au contenu de la mission légale, laquelle ne peut pas davantage , en l'absence de textes comparables à ceux prévus pour les expertises du CHSCT , être judiciairement contestée ;
Qu'en outre, ce n'est qu'au vu de la restitution du 2 ème volet de l'expertise relatif à 'la politique des ressources humaines de la société pour faire face aux enjeux de demain ' que la société IKEA a véritablement pu comprendre que l'expert avait outrepassé sa mission ;
Que l'employeur n'était pas juge des pièces à communiquer au Cabinet [H] et qu'il ne peut se déduire de la transmission de certains documents qu'il ait accepté de manière tacite l'extension de sa mission ;
Considérant que la société [H] Diagnostic stratégie emploi oppose que dès le premier entretien avec la direction, le 12 mai 2010 , elle avait annoncé que parmi les problématiques analysées dans le cadre de sa mission figureraient, les moyens et enjeux RH, les outils RH, la formation professionnelle, les accords d'entreprise, le management des hommes , ce qu'elle avait confirmé le 28 mai 2010,
que ce n'est que le 1er octobre que IKEA lui a réclamé une lettre de mission pour le volet RH alors qu'elle avait dû reporter ces axes d'investigation dans le 2 ème volet à raison du retard apporté par IKEA dans la communication des documents ;
que c'est à l'expert désigné par le CE de déterminer l'étendue de ses investigations ;
que sa mission s'apparente non à une simple présentation des comptes, mais à un diagnostic de la situation de l'entreprise sous tous ses aspects , économiques , sociaux et financiers ;
qu'au cours des travaux de l'expert, le CE peut être amené à en préciser la mission;
qu'elle a en parfaite transparence exposé la nature des investigations qu'elle entendait mener ;
que la première partie du 2ème volet de l'expertise, relatif à l'analyse de la politique RH, notamment au regard du plan stratégique International Growing IKEA Together, permettent comme l'analyse socio-démographique du personnel qui a été effectuée de comprendre la valeur des frais de personnel au compte de résultat, tant dans son évolution passée que dans sa dynamique potentielle future;
que la 2 ème partie du second volet de l'expertise est consacrée à l'analyse d'éléments purement comptables et financiers pour chacun des 26 magasins;
que la 3 ème partie consiste en une analyse des données sociales comparées ( taux de cdd , taux d'encadrement, taux de temps partiels , taux de travailleurs handicapés , sous forme de synthèses et graphiques ;
Que de tels éléments entraient dans le cadre de sa mission ;
Qu'elle a déjà déduit 10 jours de temps passé sur sa facturation ;
Considérant que le sens de la mission de l'expert comptable , telle que prévue par l'article 2325-35 , dans le cadre de la présentation des comptes annuels de l'entreprise devant le CE et devant l'assemblée générale des actionnaires - au sens de l'article L 2323-8 - est de donner au CE tous les éléments nécessaires, d'ordre économique, financier et social , d'une part à la compréhension des comptes, d'autre part à l'appréciation de la situation de l'entreprise et d'éclairer les membres du CE sur le sens des comptes qui leur sont présentés pour leur rendre intelligibles aux fins de leur permettre d'engager un dialogue éclairé avec le chef d'entreprise , mais aussi en direction des actionnaires , et d'exercer pleinement leurs attributions , de sorte que le domaine des ressources humaines permettant d'apprécier la situation de l'entreprise n'a pas à être exclu du champs de l'expertise ;
Que s'agissant des comptes prévisionnels, la mission de l'expert consiste à éclairer le CE en appréciant le vraisemblance des hypothèses, la cohérence d'ensemble des informations retenues avec la situation de l'entreprise ;
Qu' il s'en déduit , au vu de l'objet de l'expertise , que les éléments d'ordre économique, financier ou social et donc les ressources humaines entrent dans la mission d'expertise , autant qu' ils sont nécessaires à la compréhension des comptes ainsi qu' à l'appréciation de la situation de l'entreprise ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le premier volet du rapport rendu par le Cabinet [H] le 24 juin 2010 portait effectivement sur l'examen des comptes de l'entreprise et entrait dans la mission de l'expert telle que prévue par l'article L 2325-35 du Code du Travail ;
Considérant, s'agissant du 2 ème volet de l'expertise que si la lettre de mission en date du 27 avril 2010 , définissait ainsi le périmètre de l'expertise - 'environnement économique de la société et du groupe, activité de la société et des établissements, la formation et la répartition des résultats et des établissements, les effectifs et les données sociales de la société et des établissements, la politique de financement et la structure financière de la société'- elle prévoyait que le 2 ème volet de l'expertise soit un rapport sur les 'performances des établissements' ;
Considérant qu'il ressort du préambule du 2ème volet du rapport de l'expert [H] que ce volet , traite 'essentiellement' de la 'politique des ressources humaines de la société pour faire face aux enjeux de demain' ;
Que l'examen de ce 2ème volet révèle d'ailleurs qu'y sont évoqués les axes de la démarche Internationale du groupe IKEA 'Growing together' non encore appliquée, la 'déclinaison en France' du Business Plan RH , les échéances de ce plan, les effectifs et la socio démographie du personnel , l'évolution projetée de l'organigramme de la DRH , le déploiement des actions RH dans les magasins, le lien entre la productivité et les conditions de travail, la corrélation entre l'ancienneté moyenne et l'absentéisme maladie, la concertation GPEC, l'évaluation des compétences au coeur du dispositif, la formation professionnelle , les leviers de motivation , sans qu' aucune analyse sur la situation de l'entreprise ne soit effectuée ou que les conséquences de cette politique RH n'en soit tirée ;
que dès lors dans la mesure où il n'est procédé à aucune analyse personnelle de l'expert en lien avec l'objet de l'expertise , mais qu'il procède d'une compilation d'éléments RH , le 2 ème volet du rapport d'expertise , ne correspond effectivement pas à la mission dévolue à l'expert , telle que ci-dessus rappelée et encadrée par le code du travail ; qu'à cet égard , pour avoir communiqué des documents RH , ou pour avoir été informée du montant prévisionnel de l'expertise, la société IKEA , ne saurait être regardée comme ayant donné un accord tacite , avant sa réalisation, au contenu de l'expertise ;
Considérant en revanche , qu'ont également été intégrés à ce 2ème volet d'expertise , des documents comptables par magasins , sans autres commentaires qu'un petit encadré par magasin , évaluant l'évolution des effectifs en termes d' équivalents temps plein , de turn over , de taux d'absentéisme ;
Que ces éléments comptables , déclinés par magasin , bien que peu commentés, sont néanmoins de nature à compléter le premier volet du rapport , de sorte que le temps de travail estimé par le Cabinet [H] à 8 jours , dans sa note du 15 décembre 2010, devra être payé par IKEA à hauteur de 1.175€X8 HT , soit 9.400€ HT ;
Considérant que le sens de la décision et l'équité commandent le rejet des demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour l'ensemble de la procédure ;
Considérant qu'étant débiteur de sommes envers le Cabinet [H] , la SNC IKEA France sera condamnée aux dépens d'appel en sus de ceux de première instance ;
PAR CES MOTIFS
La Cour , statuant publiquement et contradictoirement ,
Infirme l'ordonnance dont appel , sauf en ce qui concerne les dépens ,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la société [H] Diagnostic Stratégie Emploi , sauf en ce qui concerne les comptes par magasins , a dans le second volet de son expertise outrepassé sa mission,
Condamne la société Meubles IKEA France à payer au Cabinet [H] 9.400€ HT, en sus du règlement du premier volet de l'expertise ;
Dit le présent arrêt opposable au CCE de la société Meubles IKEA ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Condamne la Société Meubles IKEA FRANCE aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Teytaud , avoué ;
LE PRESIDENT, LE GREFFIER,