COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 7 FÉVRIER 2012
(no 34, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 08057
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 mars 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 01320
APPELANTES
S. C. I. 48 RUE DE LA RÉPUBLIQUE 93200 SAINT DENIS agissant en la personne de son mandant le Cabinet IMMOSOULT elle-même agissant en la personne de son gérant en exercice 48 rue de la République 93200 SAINT DENIS représentée par Me Louis-Charles HUYGHE (avoué à la Cour) assistée de Me Patrick TOSONI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1010
S. A. R. L. LES JARDINS DE FRANCIADE agissant en la personne de son gérant en exercice 48 rue de la République 93200 SAINT DENIS représentée par Me Louis-Charles HUYGHE (avoué à la Cour) assistée de Me Patrick TOSONI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1010
INTIMES
Maître Philippe X... ... 93000 BOBIGNY représenté par Me Lionel MELUN (avoué à la Cour) assisté de Me Hélène BUREAU-MERLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E2038
S. A. R. L. DYONISIENNE DE COPROPRIETÉ " S. D. C. " prise en la personne de son représentant légal 127 rue Gabriel Péri 93200 SAINT DENIS représentée par Me Frédéric BURET (avoué à la Cour) assistée de Me Jean-Claude BENHAMOU, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS toque : Bobigny 196
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 décembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Brigitte HORBETTE, conseiller chargé du rapport, en présence de Madame GUEGUEN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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La SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade ont recherché la responsabilité de la société Dionysienne de copropriété, syndic de l'immeuble jusqu'au 26 octobre 2005, et celle de M. X..., nommé administrateur provisoire de la copropriété par ordonnance du 8 juin 2005, pour les diverses pertes, notamment de loyers ou d'exploitation, qu'elles ont subies à la suite de l'incendie des locaux survenu le 30 août 2005, non indemnisé du fait du non versement des primes d'assurance.
Parallèlement le syndicat des copropriétaires avait saisi de demandes indemnitaires portant sur le coût des travaux à réaliser, pour les mêmes motifs, le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 10 novembre 2009, a condamné la société Dionysienne de copropriété et M. X... à verser à ce syndicat des provisions à valoir sur son préjudice pour l'évaluation duquel il a ordonné une expertise, en estimant que la première était responsable à hauteur de 65 % du préjudice subi par le syndicat, le second à hauteur de 10 % et le syndicat des copropriétaires à hauteur de 25 %.
Par jugement du 10 mars 2010, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade de leurs demandes et les a condamnées à payer à la société Dionysienne de copropriété et à M. X... 3 000 € à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade en date du 7 avril 2010,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 21 novembre 2011 selon lesquelles, poursuivant la réformation du jugement, elles demandent la condamnation solidaire de la société Dionysienne de copropriété et de M. X... à leur payer les sommes de 406 272, 59 € pour la SCI et de 191 306, 52 € pour la SARL en réparation de leurs préjudices financiers, subsidiairement la nomination d'un expert pour déterminer leurs préjudices tant pour leur trouble de jouissance, que pour leur perte financière de chiffre d'affaires ou pour les travaux nécessaires et, en ce cas, la condamnation solidaire des intimés à leur payer à chacune 100 000 € à titre provisionnel et, en tout état de cause, 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 23 novembre 2011 par lesquelles M. X... demande de confirmer la décision en ce qu'elle a constaté qu'il n'avait commis aucune faute (!), en ce qu'il n'existait pas de préjudice en lien de causalité avec la faute imputée et en ce qu'elle a débouté la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade de leurs demandes, de prendre acte de leur aveu judiciaire en ce qu'elles reconnaissent qu'il n'a pas commis de faute et les débouter, de débouter la société Dionysienne de copropriété de ses demandes, de constater que la mission de celle-ci a pris fin par l'assemblée générale du 26 octobre 2005 et que sa propre mission se limitait à convoquer une assemblée générale, ce qu'il a fait, de réformer la décision en ce qu'elle a jugé que l'action n'était pas abusive et de condamner solidairement la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade à lui payer la somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 28 novembre 2011 aux termes desquelles la société Dionysienne de copropriété demande, sous de nombreux constats sans portée, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade et, à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être retenue, de limiter celle-ci à une quote-part n'excédant pas 75 %, et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade soutiennent, pour l'essentiel, que si M. X... n'a eu qu'une mission limitée, il s'est comporté comme administrateur provisoire, levant des fonds pour éviter la résiliation de l'assurance, que la SCI a payé sa quote-part qui représente le tiers des millièmes, qu'il n'a pas informé les copropriétaires du risque lié au non paiement et a ainsi engagé sa responsabilité, que la mission de syndic de la société Dionysienne de copropriété ne s'est pas arrêtée à la désignation de M. X... et qu'elle a donc engagé, par sa carence, sa responsabilité ; que, sur leur préjudice, elles font valoir qu'on ne peut leur opposer l'autorité de chose jugée d'une affaire à laquelle elles n'ont pas été parties, leurs intérêts étant distincts de ceux du syndicat des copropriétaires et en détaillent les composantes ;
Considérant que M. X..., qui rappelle que sa mission était limitée à la convocation d'une assemblée générale qui a eu lieu le 26 octobre 2005, qu'une procédure pénale, dans laquelle les appelantes se sont constituées parties civiles, a été ouverte pour rechercher les auteurs de l'incendie et qu'il a dû, dans l'urgence, sommer des copropriétaires de payer leur quote-part de l'assurance, soutient essentiellement qu'il n'avait pas à gérer la copropriété à l'inverse de ce qui a eu lieu par une ordonnance du 21 mai 2008 désignant un autre administrateur et que la société Dionysienne de copropriété restait syndic et devait lever les fonds nécessaires pour s'acquitter des primes de l'assurance, que la suspension de la garantie est due au fait que des copropriétaires n'ont pas payé leurs primes, qu'aucune faute précise ne lui est imputée, que le préjudice tient à l'incendie dont les auteurs sont insolvables ce qui a poussé à rechercher sa responsabilité alors que le syndicat des copropriétaires a fait preuve de carence dans le paiement de l'assurance qui ne couvrait pas de toutes façons les défauts d'entretien, que d'ailleurs un arrêt du 16 novembre 2011 opposant les mêmes parties l'a dégagé de toute responsabilité dans ce sinistre et ses conséquences, que les appelantes ont par ailleurs été déjà indemnisées de leur préjudice, que leur mauvaise foi ressort notamment du fait que la SCI se plaint de ce que la SARL ne lui aurait pas réglé ses loyers alors qu'elles sont toutes deux dirigées par la même personne ;
Que la société Dionysienne de copropriété fait essentiellement valoir qu'aucune faute en lien de causalité avec le préjudice n'est démontrée à son égard par les appelantes qui ne précisent pas le fondement de leur action, qu'à la date du sinistre c'est M. X... qui était chargé de gérer la copropriété et non plus elle, en voulant pour preuve le fait qu'il a procédé à des appels de fonds et s'est fait donner quitus de sa gestion par l'assemblée générale, que la cause du préjudice tient dans le fait que les copropriétaires n'ont pas assumé le paiement des primes ce qui a entraîné la résiliation du contrat d'assurance, dans le caractère volontaire de l'incendie et dans le fait qu'il s'est déclaré dans des parties privatives non couvertes par le contrat d'assurance ; qu'elle mentionne l'arrêt intervenu le 16 novembre 2011 dans l'affaire l'opposant ainsi que M. X... au syndicat des copropriétaires, qui l'a dégagé de toute responsabilité et lui en a imputé 75 %, pour le désapprouver alors qu'elle s'est toujours acquittée de ses obligations de syndic jusqu'à en être déchargée au profit de M. X... ; qu'elle conteste le préjudice affirmé par les appelantes et non démontré ;
Considérant qu'il n'est pas contesté ni que l'incendie qui n'a pas été indemnisé s'est déclaré dans des parties privatives de l'immeuble pour s'étendre ensuite à des parties communes ni que cet immeuble n'était plus assuré, le syndicat des copropriétaires n'ayant pas réglé les primes afférentes, malgré les diligences de M. X... désigné le 8 juin 2005 ;
Considérant que, depuis le jugement querellé, qui s'appuyait sur un jugement du 10 novembre 2009 rendu sur assignation du syndicat des copropriétaires pour débouter la SCI et la SARL en considération du fait qu'elles avaient déjà été indemnisées, en tant que membres du syndicat, pour la partie du préjudice concernant les travaux et qu'elles ne justifiaient pas que les chefs de préjudice dont elles réclament réparation, soit leurs pertes de loyers et d'exploitation, soient prévus par le contrat d'assurance dans la mesure où le règlement de copropriété ne prévoit rien à ce sujet, ce jugement a été en partie infirmé par arrêt du 16 novembre 2011 quant aux responsabilités encourues, notamment en considérant que M. X... n'avait pas commis de faute en relation causale avec le défaut d'assurance ;
Qu'il en résulte que la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade ne peuvent désormais soutenir que celui-ci a commis une faute dans l'exercice de sa mission en ce qu'il n'a pas réglé à temps les assurances ni opéré les appels de fonds utiles, cette décision leur étant opposable, la SCI faisant partie du syndicat des copropriétaires et la SARL en tant que fait ; que ne peut donc rester, le cas échéant, en discussion que sa responsabilité au motif qu'il aurait excédé le cadre de la mission qui lui était impartie ; que toutefois, de ce point de vue, la seule conséquence qu'en retirent ces sociétés tient au fait qu'il aurait dû appeler les primes ou les payer plus tôt, pour que l'immeuble soit assuré, ce qui a été écarté par l'arrêt sus-visé ;
Considérant que si la société Dionysienne de copropriété a fait preuve d'une carence notoire dans la gestion de la copropriété en question, motivant la demande du syndicat en référé de voir désigner un administrateur, et si elle ne peut s'abriter derrière cette nomination en la personne de M. X... qui ne l'a été que pour une mission précise et limitée, convoquer et tenir une assemblée générale, pour éluder ses propres responsabilités, au demeurant consacrées par l'arrêt ci-avant cité, encore faut-il que la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade rapportent la preuve que le préjudice qu'elles invoquent, tenant à la non indemnisation de leurs préjudices financiers liés aux loyers perdus pour l'une et à la perte d'exploitation pour l'autre, soit en lien de causalité avec cette carence ;
Considérant à cet égard que, pas plus que devant les premiers juges qui les ont déboutées par des motifs ici approuvés, ni la SCI ni la SARL ne démontrent ce lien ; qu'en effet, si elles produisent désormais les conditions particulières du contrat d'assurance de la SARL, rien ne permet, à sa lecture, d'affirmer que l'assurance aurait couvert le sinistre alors que l'immeuble était vétuste et souffrait d'un grave défaut d'entretien, constaté par l'expert, ce qui relève des exclusions de la garantie ; que de même elles ne démontrent pas que l'assurance aurait couvert les conséquences de l'incendie qui a été volontaire ; qu'en outre ce contrat, qui prend en compte les pertes d'exploitation, a fait l'objet d'une procédure entre cette société et l'assureur GAN qui déniait sa garantie, aboutissant à un arrêt du 25 octobre 2006 donnant gain de cause à la SARL concernant son indemnisation ; qu'il en résulte que la SARL les jardins de Franciade ne peut demander à être indemnisée deux fois des dommages qu'elle affirme avoir subis ;
Considérant enfin que le contrat d'assurance de la copropriété n'est, pas plus qu'en première instance, produit, de sorte que les appelantes ne mettent par la juridiction d'appel en situation de se prononcer sur les garanties qu'elles ont perdu par la faute qu'elles reprochent aux intimés ; que c'est donc justement que les intimés font valoir qu'elles ont, au mieux, perdu une chance d'être indemnisées, dont la preuve de la matérialité et du lien avec les fautes reprochées n'est pas rapportée ;
Considérant dans ces conditions que, pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, la décision dont appel ne peut qu'être confirmée ;
Considérant que, pour autant, il n'est pas démontré le caractère abusif de l'appel, M. X... étant débouté de sa demande de dommages et intérêts formée sur ce fondement ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, au seul M. X..., d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement,
Déboute M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,
Condamne la SCI du 48 rue de la République et la SARL les jardins de Franciade à payer à M. X... la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT