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20/01/2012 | FRANCE | N°10/20173

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 20 janvier 2012, 10/20173


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 JANVIER 2012



(n° 010, 11 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20173.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS 15ème Chambre - RG n° 2008011805.









APPELANTES :



- SARL KAINA

prise en la personne

de son gérant,

ayant son siège social [Adresse 3],



- SARL CASITA

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège social [Adresse 9],



représentées par la SCP OUDINOT FLAURAUD, avoué à la Cour,

assistées ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 JANVIER 2012

(n° 010, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20173.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS 15ème Chambre - RG n° 2008011805.

APPELANTES :

- SARL KAINA

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège social [Adresse 3],

- SARL CASITA

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège social [Adresse 9],

représentées par la SCP OUDINOT FLAURAUD, avoué à la Cour,

assistées de Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0617.

INTIMÉE :

SARL MEUBLE MONTAGNE

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,

assistée de Maître Alfred DERRIDA de la SCP A DERRIDA, avocat au barreau de GRENOBLE.

INTIMÉE :

SARL M.C.M. DIFFUSION

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 8],

représentée par la SCP MENARD - SCELLE MILLET, avoué à la Cour,

assistée de Maître Sophie BOUCHARD STECH, de la SCP BOUCHARD & TRESSE, avocat au barreau de DIJON.

INTIMÉ :

Maître [I] [S]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL C.T. MOBILIER dont le siège est [Adresse 4],

demeurant [Adresse 2],

Non représenté.

(Assignation délivrée le 13 avril 2011 à domicile).

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Madame Marie-Claude APELLE, présidente de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

*

* *

Fondée en 1996, la société Kaina est spécialisée dans la création de meubles. La société Casita est le revendeur exclusif de la société Kaina.

La Sarl Meuble Montagne est spécialisée dans la commercialisation de meubles divers relevant du mobilier de montagne et d'appartements de vacances destinés à des appartements de montagne.

Ses fournisseurs sont les sociétés CT Mobilier et MCM Diffusion.

Estimant que la Sarl Meuble Montagne contrefaisait dans son catalogue paru sur son site internet trois de leurs meubles - un confiturier CONF11 et deux bahuts BAC22 et BAC33 - les sociétés Kaina et Casita ont fait procéder le 11 janvier 2008 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Meuble Montagne sis à [Localité 7] - Savoie.

Seul un des trois meubles - un confiturier - argués de contrefaçon a été saisi, les deux autres meubles ne se trouvant pas dans les locaux visités.

Par exploits en date des 4, 5 et 11 février 2008, les sociétés Kaina et Casita ont saisi le tribunal de commerce de Paris d'une action en contrefaçon et en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Meuble Montagne, CT Mobilier et MCM Diffusion.

Par jugement en date du 5 octobre 2010, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit la société Kaina recevable à agir sur le fondement de la contrefaçon,

- rejeté l'exception de nullité de la saisie-contrefaçon soulevée par la société Meuble Montagne,

- dit que les sociétés Meuble Montagne et CT Mobilier, représentée par Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, ont commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la société Kaina en fournissant et commercialisant le bahut C1 qui est une copie quasi-servile du meuble BAC22,

- dit que les sociétés Meuble Montagne et CT Mobilier représentée par Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société sont tenues in solidum de dédommager la société Kaina du préjudice par elle subi du fait de la contrefaçon de ce meuble, évalué ce préjudice à la somme de trois mille euros et compte tenu de l'état de liquidation judiciaire de la société CT Mobilier ordonné l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière de la somme de trois mille euros à titre de dommages-intérêts, condamné la société Meuble Montagne à payer à la société Kaina la somme de trois mille euros à titre de dommages-intérêts,

- dit que la contrefaçon des meubles CONF11 et BAC33 de la société Kaina n'est pas établie,

- débouté la société Kaina de l'ensemble de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de ces deux modèles,

- mis hors de cause la société MCM Diffusion,

- interdit aux sociétés Meuble Montagne et CT Mobilier de commercialiser de quelque façon que ce soit le modèle de bahut contrefaisant et ce sous astreinte de trois cents euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision,

- dit qu'il y a lieu de faire application de l'article L 331-4- du code de la propriété intellectuelle et ce sous astreinte de trois cents euros par jour de retard passé le huitième jour de la signification de la décision,

- dit que les sociétés Meuble Montagne et CT Mobilier représentée par Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Casita,

- dit que les sociétés Meuble Montagne et CT Mobilier représentée par Me [S] en qualité de liquidateur judiciaire sont tenues in solidum de dédommager la société Casita du préjudice subi par elle du fait de la concurrence déloyale et évalué à la somme de trois mille euros,

- compte tenu de l'état de liquidation judiciaire de la société CT Mobilier, ordonné l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société de la somme de trois mille euros à titre de dommages intérêts et condamné la société Meuble Montagne à payer à la société Casita la somme de trois mille euros à titre de dommages intérêts,

- débouté la société Meuble Montagne de son appel en garantie,

- condamné solidairement les sociétés Kaina et Casita à verser à la société MCM Diffusion la somme de trois mille euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- sauf en ce qui concerne les mesures irréversibles, ordonné l'exécution provisoire de la décision, à charge pour les sociétés Kaina et Casita de fournir une caution bancaire couvrant en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution de la décision outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné solidairement les sociétés Meuble Montagne et Me [S] es qualités de liquidateur judiciaire de la société CT Mobilier aux dépens.

Les sociétés Kaina et Casita ont interjeté appel de ladite décision.

Dans leurs dernières conclusions resignifiées le 10 mai 2011, les sociétés Kaina et Casita ont demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la société Kaina recevable à agir sur le fondement de la contrefaçon, dit que les sociétés Meuble Montagne et CT Immobilier ont commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la société Kaina en commercialisant une copie quasi servile du meuble BAC22, interdit aux sociétés Meubles Montagne et CT Mobilier de commercialiser de quelque façon que ce soit ce modèle de bahut et ce sous astreinte de trois cents euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision, dit que, s'agissant du modèle BAC22, les sociétés Meuble Montagne et CT Mobilier représentée par Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Casita,

- réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

- dire les sociétés Kaina et Casita recevables et fondées en leur appel,

- condamner la société Meuble Montagne et la société CT Mobilier à verser à la société Casita la somme de quinze mille euros - 15.000 € - pour avoir commis à son encontre des actes de concurrence déloyale en offrant à la vente et en commercialisant un meuble qui constitue la copie du modèle BAC22 et ordonner de ce chef l'inscription au passif de la société CT Mobilier,

- constater que les sociétés Meubles Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier ont importé, offert à la vente et commercialisé des meubles qui constituent la contrefaçon des modèles CONF11 et BAC33 créés par la société Kaina,

- dire que les sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier ont commis des actes de contrefaçon en application des articles L 335-2 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle à l'encontre de la société Kaina,

- dire en outre que, s'agissant des modèles CONF11 et BAC33, les sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier ont commis des actes de concurrence déloyale en application de l'article 1382 du Code civil à l'encontre de la société Casita,

en conséquence,

- faire interdiction aux sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier de commercialiser de quelque façon que ce soit des meubles reproduisant les modèles CONF11 et BAC33 sous astreinte de trois cents euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner sous la même astreinte, en application de l'article L 331-1-2b du code de la propriété intellectuelle, aux sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier de communiquer les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées, ainsi que le prix obtenu pour les marchandises en cause à savoir les meubles constituant la contrefaçon des modèles BAC22, CONF11 et BAC33,

- condamner solidairement les sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier représentée par Me [S], en sa qualité de liquidateur judiciaire, à payer à la société Kaina la somme de trente mille euros - 30.000 € - à titre de dommages-intérêts sauf à parfaire en fonction des éléments comptables que les sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier devront fournir et ordonner de ce chef l'inscription au passif de la société CT Mobilier,

- condamner solidairement les sociétés Meuble Montagnes, MCM Diffusion et CT Mobilier représentée par Me [S] liquidateur judiciaire à payer à la société Casita la somme de trente mille euros - 30.000 € - à titre de dommages-intérêts, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables que les sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier devront fournir et ordonner de ce chef l'inscription au passif de la société CT Mobilier,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux au choix des sociétés Kaina et Casita et aux frais des sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier représentée par Me [S], liquidateur judiciaire, sans que le coût de chacune de ces publications ne soit inférieur à la somme de cinq mille euros - 5.000 € - hors taxes et ordonner de ce chef l'inscription au passif de la société CT Mobilier,

- condamner solidairement les sociétés Meuble Montagne, MCM Diffusion et CT Mobilier représentée par Me [S] , liquidateur judiciaire, au paiement de la somme de quinze mille euros- 15.000 € - en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leurs demandes, elles exposent les éléments suivants : la société Kaina justifie avoir créé les trois modèles BAC22, CONF11 et BAC33 et est ainsi parfaitement recevable à agir en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur. La qualité d'auteur de ces modèles lui a d'ailleurs été reconnue par cette cour dans une autre instance l'opposant à une autre partie mais concernant la contrefaçon des même meubles. Les trois modèles sont originaux, la société Meuble Montagne ne justifiant aucunement de la commercialisation ou de la création antérieure de meubles qui auraient les caractéristiques de chacun des trois modèles. Par contre, chacune des caractéristiques de chacun des modèles est reprise dans chacun des modèles de la société Meuble Montagne offerts à la vente par cette dernière sur son site internet, ce qui constitue un acte de contrefaçon des meubles créés par la société Kaina et de concurrence déloyale par rapport à la société Casita qui commercialise lesdits meubles. Outre le préjudice commercial subi, ces agissements ont eu pour conséquence d'avilir et de banaliser considérablement les modèles de la société Kaina et plus généralement l'ensemble de la gamme de produits de la société Kaina vendus par la société Casita.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 octobre 2011, la société Meuble Montagne a demandé à la cour de :

- constater que des modèles strictement identiques à ceux argués de contrefaçon ont été commercialisés par la société Transilvania Productions dès 1995, ce qui est formellement établi par la production de factures d'imprimerie de catalogues publicitaires,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a indiqué que ' l'antériorité de toutes pièces des meubles de la société Transilvania Productions sur ceux de la société Kaina ne serait pas démontrée',

- dire consécutivement que la société Kaina ne peut être à l'origine de la création, à partir de 1998, des modèles CONF11, BAC22 et BAC33 revendiqués,

- au contraire, constater que ces modèles sont des copies serviles des meubles trompeusement argués de contrefaçon,

- dire à tout le moins que les modèles revendiqués ne répondent pas aux critères de nouveauté et d'originalité prévus par la loi et qu'ils ne sont dès lors pas protégeables,

- débouter en conséquence les sociétés Kaina et Casita de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- constater le mal fondé des demandes présentées par les sociétés Kaina et Casita à son encontre,

- constater le préjudice moral et matériel parfaitement caractérisé subi par elle,

- condamner reconventionnellement la société Kaina in solidum avec la société Casita à lui verser la somme de cent mille euros - 100.000 € - à titre de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice,

- condamner les sociétés Kaina et Casita à lui verser la somme de sept mille euros - 7.000 € - au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la contrefaçon des modèles CONF11 et BAC33 n'était pas démontrée,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le bahut C1 constituerait une copie quasi servile du modèle BAC22 argué de contrefaçon,

- en effet, constater l'absence de toute ressemblance entre les meubles revendiqués et les modèles argués de contrefaçon ( collection Arizona 1995),

- constater pour elle simple détaillant l'absence de 'toute connaissance de cause', au sens des dispositions de l'article L 615-1 du code de la propriété intellectuelle, dans la vente des meubles prétendument contrefaits,

- en déduire en conséquence l'absence de toute contrefaçon qui lui serait imputable,

- dire consécutivement qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a été commis par elle,

- débouter en conséquence les sociétés Kaina et Casita de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner reconventionnellement les sociétés Kaina et Casita à lui verser la somme de cent mille euros - 100.000 € - à titre de dommages-intérêts , en réparation des différents préjudices moral et matériel qui lui ont été causés,

- condamner les sociétés Kaina et Casita à lui verser la somme de sept mille euros - 7.000 € - au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

à titre très subsidiaire,

- constater que les sociétés Kaina et Casita qui, depuis 2004, n'ont pas cru devoir déposer leurs bilans, leurs comptes sociaux et leurs rapports annuels aux greffes des tribunaux de commerce de [Localité 6] et d'[Localité 5] et ne justifient pas du préjudice qu'elles allèguent,

- débouter en conséquence les sociétés Kaina et Casita de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner reconventionnellement les sociétés Kaina et Casita à lui verser la somme de cent mille euros - 100.000 € - à titre de dommages-intérêts en réparation des différents préjudices moral et matériel qu'elles lui ont causés,

- condamner les sociétés Kaina et Casita à lui payer la somme de sept mille euros - 7.000 € - au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

à titre encore plus subsidiaire,

- ordonner une expertise aux frais avancés des sociétés appelantes avec notamment pour mission pour l'expert de dire si les trois modèles argués de contrefaçon correspondent effectivement à ceux figurant dans la collection 'Arizona' de la société Translivania Production, dire si les modèles de la collection 'Arizona' ont effectivement fait l'objet d'une commercialisation en France ou à l'étranger, le cas échéant, rechercher à partir de quand ces meubles ont été commercialisés, dire si, au vu des éléments susvisés, les modèles revendiqués répondent aux critères d'originalité et de nouveauté et sont consécutivement protégeables, le cas échéant dire si ces modèles ont été contrefaits, donner tous éléments permettant d'évaluer les préjudices allégués,

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner les sociétés MCM Diffusion et CT Immobilier ses fournisseurs à la relever et la garantir contre toutes les condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre,

- condamner les sociétés MCM diffusion et CT Immobilier à lui payer la somme de vingt mille euros - 20.000 € - en réparation du préjudice subi par elle car ces sociétés lui auraient en ce cas vendu en toute connaissance de cause des produits qui seraient juridiquement viciés, l'exposant ainsi à subir les ennuis procéduraux que lui causent les sociétés Kaina et Casita et provoquant une atteinte à son image dans le cadre de la commercialisation de ses produits alors qu'elle n'avait jamais été mêlée de près ou de loin à pareille contestation,

- ordonner de ce chef l'inscription au passif de la société CT Mobilier représentée par Me [S] en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société,

- condamner dans cette hypothèse les sociétés MCM Diffusion et CT Mobilier représentée par Me [S], en qualité de liquidateur judiciaire de la société, à lui payer la somme de sept mille euros - 7.000 € - au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Meuble Montagne expose les éléments suivants à l'appui de ses demandes :

La société Kaina prétend avoir créé le modèle CONF11 en 1998, le modèle BAC22 en 1999 et le modèle BAC33 en 2000. Or des modèles strictement identiques ont été commercialisés en 1995 par la société Transliviana Production. Par ailleurs les meubles de même type existent depuis cinquante ans en Roumanie et sont exposés au Musée du Meuble à Bucarest.

A titre subsidiaire, les meubles revendiqués, aux formes et caractéristiques tout à fait communes et différentes, n'ont strictement rien à voir avec ceux qu'elle commercialise. L'huissier, mandaté pour la saisie-contrefaçon, indique que le confiturier présent sur les lieux n'a que peu de ressemblances avec le modèle CONF11 et qu'il n'a trouvé sur place aucun meuble argué de contrefaçon qui reproduirait les caractéristiques des meubles référencés BAC22 et BAC33. Par ailleurs les seuls éléments communs aux deux confituriers n'existent qu'en raison des propres fonctionnalités incontournables de ces meubles et n'induisent en rien une quelconque volonté de copier telle ou telle originalité artistique.

A titre infiniment subsidiaire, elle a effectué toutes diligences nécessaires auprès de ses fournisseurs pour s'assurer que les produits n'étaient pas contrefaisants. Par voie de conséquence, aucun acte de contrefaçon ne saurait être retenu à son encontre.

Enfin, elle rappelle que les sociétés appelantes ne produisent aucune pièce comptable au soutien de leur demande de dommages-intérêts ; elles n'ont d'ailleurs pas cru devoir déposer leurs bilans, leurs comptes sociaux et leurs rapports annuels aux greffes des tribunaux de commerce de [Localité 6] et d'[Localité 5].

Par conclusions signifiées le 6 octobre 2011, la société MCM Diffusion a demandé à la cour de :

à titre principal,

- dire que le confiturier fourni par ses soins ne porte pas atteinte aux droits d'auteur de la société Kaina et aux modèles commercialisés par la société Casita,

- constater que la contrefaçon n'est pas constituée à son égard,

- la mettre hors de cause,

à titre subsidiaire,

- dire que les modèles de meubles en cause ne peuvent en aucun cas conférer à leur créateur la protection sur un genre,

- constater qu'elle ne s'est livrée à aucun acte répréhensible au titre de la concurrence déloyale,

- débouter les sociétés Kaina et Casita de leur demande d'indemnisation,

- dire que l'appel en garantie et la demande d'indemnisation de la société Meuble Montagne à son encontre n'est pas fondée,

- condamner solidairement les sociétés Kaina et Casita à lui payer la somme de cinquante mille euros - 50.000 € - pour procédure abusive,

- condamner solidairement les sociétés Kaina et Casita à lui payer la somme de trois mille euros - 3.000 € - au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner solidairement les sociétés Kaina et Casita aux dépens.

Elle expose que les décisions dont se prévaut la société Kaina quant à sa reconnaissance de sa qualité d'auteur desdits meubles sont inopposables en la présente espèce, les parties et les circonstances étant différentes. Par ailleurs, les sociétés appelantes ne peuvent revendiquer un genre. Ces sociétés ne démontrent ni l'originalité de leurs modèles, les traverses revendiquées ayant une pure fonction technique ni la contrefaçon, aucune caractéristique revendiquée n'étant reproduite sur les modèles argués de contrefaçon qu'elle fabrique. La société Kaina ne crée pas, son activité consistant dans le commerce de gros, elle doit donc justifier d'une cession de droits d'auteur existants sur les modèles dont elle se prévaut, ce qu'elle ne fait pas. Ne sont pas invoqués par ailleurs, au titre de la concurrence déloyale, des faits différents de ceux allégués au titre de la contrefaçon.

Elle précise n'avoir quant à elle fait preuve d'aucune légèreté blâmable ni négligence en fournissant des meubles qui pourraient mettre en défaut ses distributeurs.

Me [I] [S], es qualités de mandataire liquidateur des la société CT Mobilier, a été régulièrement assigné mais a refusé de signer l'acte, la société ayant fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif. Aucune des parties présentes à la procédure n'a souhaité faire désigner un mandataire pour cette société.

SUR CE :

Considérant que Maître [S] ès qualités de mandataire liquidateur de la société CT Mobilier doit être mis hors de cause, la société ayant fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actifs le 26 février 2010 ;

1) Sur la titularité des droits :

Considérant qu'il est constant que les meubles, référencés CONF11, BAC22, BAC33, sont commercialisés par la société Casita sous le nom commercial de la société Kaina ; qu'aucun autre auteur ne revendique la titularité de droits sur ces meubles et ne vient renverser la présomption de titularité des droits patrimoniaux que la société Kaina détient sur ces biens ;

Que, par voie de conséquence, il ne peut qu'être constaté que la société Kaina est présumée titulaire des droits patrimoniaux sur ces trois meubles ;

2) Sur l'originalité :

Considérant que la société Kaina demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré originaux les trois meubles en cause ;

Considérant que la société Kaina caractérise comme suit les trois meubles revendiqués ;

Considérant que le confiturier CONF11 est un meuble en bois composé d'une porte et d'un tiroir ; que la porte et le tiroir sont joints en façade ; que la porte est ornée de deux traverses de bois bizeautées disposées de manière horizontale et décorées chacune de têtes de clou ; que les deux traverses horizontales ont les mêmes dimensions et sont disposées d'une manière symétrique l'une par rapport à l'autre, la largeur de chaque traverse étant inférieure à la largeur de la porte, que le plateau est orné sur le côté frontal et les deux côtés latéraux d'une moulure horizontale taillée selon un profil constant dans toute sa longueur ; que les deux pieds de devant sont galbés ; que le tablier est caractérisé par des lignes courbes et saillantes organisées de manière symétrique les unes par rapport aux autres ;

Que le modèle BAC 22 est un modèle de bahut composé de deux portes et de deux tiroirs ; que la porte et le tiroir sont joints en façade ; que les portes sont ornées de deux traverses de bois bizeautées disposées de manière horizontale et décorées chacune de têtes de clou ; que les quatre traverses horizontales ont les mêmes dimensions et sont disposées d'une manière symétrique les unes par rapport aux autres, la largeur de chaque traverse étant inférieure à la largeur de la porte, que le plateau est orné sur le côté frontal et les deux côtés latéraux d'une moulure horizontale taillée selon un profil constant dans toute sa longueur ; que les deux pieds de devant sont galbés; que le tablier est caractérisé par des lignes courbes et saillantes organisées de manière symétrique les unes par rapport aux autres ;

Que le modèle BAC33 est un ensemble de deux meubles composé d'un bahut de bois sur lequel est disposé un vaisselier de bois ; que le bahut, soit la partie inférieure du meuble seule concernée par le présent litige, comprend trois portes et trois tiroirs ; que chacune des portes est ornée de deux traverses de bois bizeautées disposées de manière horizontale et décorées chacune de têtes de clou ; que les traverses horizontales ont les mêmes dimensions et sont disposées d'une manière symétrique les unes par rapport aux autres, la largeur de chaque traverse étant inférieure à la largeur de la porte, que le plateau est orné sur le côté frontal et les deux côtés latéraux d'une moulure horizontale taillée selon un profil constant dans toute sa longueur ; que les deux pieds de devant sont galbés ; que le tablier est caractérisé par des lignes courbes et saillantes organisées de manière symétrique les unes par rapport aux autres ;

Considérant que les sociétés appelantes tirent l'originalité de chacun des ces meubles de la combinaison de leurs caractéristiques soit la présence de traverses horizontales disposées de manière symétrique les unes par rapport aux autres, la moulure horizontale ornant le plateau, la forme particulière du tablier ;

Considérant que la société Meuble Montagne conteste l'originalité desdits meubles et ce aux motifs que ces meubles étaient déjà commercialisés en 1995 par la société Translavania Production dans la collection dénommée 'Arizona' comme en attestent le catalogue 1995/1996 et les factures de livraison ;

Considérant que force est de constater toutefois que le catalogue produit, outre qu'il n'est pas traduit en langue française et qu'il n'est pas plus justifié qu'en première instance de sa diffusion, présente deux meubles page 11 ayant certes des ressemblances avec les modèles revendiqués par les sociétés appelantes mais qui ne reprennent pas , à leur simple vue et ce alors qu'aucune description n'en est faite dans le catalogue, la combinaison des caractéristiques revendiquées par la société Kaina ;

Que de même si l'étude traduite concernant le mobilier paysan roumain et communiquée aux débats rappelle l'évolution dans ce pays du mobilier en bois pour des armoires ou des bahuts et explique que la rigidité des panneaux en bois est obtenue par l'introduction de traverses, qui ont également un aspect décoratif, présentes dans les meubles en cause, elle ne reproduit toutefois en photographie aucun meuble reprenant la combinaison des caractéristiques revendiquées pour chacun des meubles en cause par la société Kaina ;

Qu'enfin, l'expertise communiquée par la société Meuble Montagne porte sur un petit garde-manger rectangulaire ouvrant à deux portes plates garnies de traverses extérieures provenant d'Europe centrale beaucoup plus rudimentaire que les meubles revendiqués par la société Kaina ;

Considérant, en conséquence, que ces divers documents ne justifient aucunement que la société Kaina n'aurait fait que reproduire une ligne de meubles fabriqués et commercialisés par la société Translivania Production ou appartenant au domaine public ;

Considérant au contraire que la combinaison des caractéristiques de chacun des meubles créés par la société Kaina résulte des choix qui ont présidé pour chacun des meubles à l'agencement, au nombre et aux proportions des différents éléments qui le constituent, traduit le parti pris esthétique choisi et reflète incontestablement un effort créatif qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, ce qui confère à chacun des trois meubles revendiqués le caractère d'originalité requis pour accéder au statut d'oeuvre de l'esprit digne de la protection instituée au Livre Ier du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

3) Sur la contrefaçon :

Considérant que la contrefaçon s'apprécie en fonction des ressemblances et non des différences, étant indifférent que les meubles argués de contrefaçon puissent présenter des caractéristiques supplémentaires telles que la présence d'un coeur, l'existence d'une contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur étant établie dès lors que la combinaison des caractéristiques essentielles des meubles originaux est reprise ;

Considérant que les portes des meubles argués de contrefaçon sont ornées, comme les meubles de la société Kaina, de traverses en bois disposées de manière horizontale et décorées chacune de trois têtes de clou ; que ces traverses sont disposées d'une manière symétrique les unes par rapport aux autres sur chacun des modèles et la largeur de chaque traverse est inférieure à la largeur de chaque porte de chaque modèle en cause comme sur chacun des modèles de la société Kaina ; que le tablier de chacun des meubles en cause, argués de contrefaçon et originaux, est effectivement caractérisé par des lignes courbes et saillantes organisées de manière symétrique les unes par rapport aux autres et des lignes très voisines de découpe des tabliers ;

Considérant que force est de constater que, mis à part ces éléments communs dans les meubles argués de contrefaçon pris individuellement, la combinaison des proportions de chaque élément qui constitue l'originalité de chacun des meubles de la société Kaina n'est pas reprise ; qu'en effet :

- le bahut à deux portes de la société Meubles Montagne a des proportions différentes du bahut 22 étant beaucoup plus massif, les divers éléments qui composent le bahut argué de contrefaçon témoignent du parti pris de la société Meuble Montagne de souligner le côté montagnard de ce modèle qui est par ailleurs renforcé par la fermeture du bahut par un loquet, particularité qui n'existe pas dans la combinaison revendiquée des éléments constituant le bahut 22 de la société Kaina qui a privilégié plutôt une atmosphère campagnarde,

- le confiturier de la société Meuble Montagne présente également la même fermeture originale que le meuble ci-dessus décrit, fermeture qui se combine avec le côté plus imposant du meuble que le meuble de la société Kaina qui se présente plus haut et plus fin, la combinaison des proportions des éléments caractérisant chacun des deux modèles étant dès lors différente et traduisant un parti-pris esthétique non commun,

- enfin le deuxième bahut argué de contrefaçon a quant à lui non seulement une combinaison d'éléments différente dans ses proportions, le meuble argué de contrefaçon étant beaucoup plus large et massif mais également un nombre d'éléments différent, le meuble de la société Kaina présentant en façade trois tiroirs et trois portes alors que le meuble argué de contrefaçon comporte six tiroirs et deux portes ;

Considérant que la combinaison retenue pour conférer aux meubles Kaina leur originalité n'étant reprise par la société Meuble Montagne dans aucun des meubles en cause, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il débouté la société Kaina de sa demande tendant à voir condamner la société Meuble Montagne pour contrefaçon de ses modèles CONF11 et BAC33 et infirmé en ce qu'il a retenu des actes de contrefaçon du meuble BAC22 et en ses dispositions concernant la réparation de ces actes de contrefaçon ;

4) Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société Casita forme sa demande de concurrence déloyale en se fondant uniquement sur les faits de contrefaçon allégués par la société Kaina ;

Que ces faits de contrefaçon n'ayant pas été retenus et faute de fonder sa demande sur d'autres éléments, la société Casita ne peut qu'être déboutée de celle-ci et le jugement entrepris réformé de ce chef ;

5) Sur les autres demandes :

Considérant que les sociétés appelantes ayant été déboutées de l'ensemble de leurs demandes, les demandes de garantie de la société Meuble Montagne à l'égard de la société MCM Diffusion et de la Sarl CT Mobilier s'avèrent sans objet ;

Considérant qu'une action en justice même non fondée ne saurait à elle seule ouvrir droit à dommages-intérêts en l'absence d'une faute démontrée caractérisée par une mauvaise foi ou une volonté de nuire, les sociétés appelantes ayant pu se méprendre sur leurs droits ;

Que la société MCM Diffusion doit être déboutée de ce chef de demande ;

Que la société Meuble Montagne ne justifie par ailleurs d'aucun détournement ou perte de clientèle ou perte de sa crédibilité du fait de cette procédure ;

Qu'elle sera déboutée par voie de conséquence de sa demande tendant à se voir reconnaître des dommages-intérêts à ces titres ;

Considérant qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Meuble Montagne et de la société MCM Diffusion les frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour l'ensemble de la procédure ; que les sociétés appelantes seront condamnées solidairement à payer à chacune la somme de cinq mille euros - 5.000 € - sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les sociétés appelantes, parties succombantes, seront par contre déboutées de ce chef de demande ;

Que le jugement sera réformé de ce chef ;

Considérant que les sociétés appelantes, parties succombantes, doivent les dépens de première instance et d'appel, le jugement étant dès lors réformé en ce qui concerne les dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS,

Met hors de cause Maître [I] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CT Mobilier.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Kaina recevable à agir au titre du droit d'auteur, en ce qu'il a reconnu l'originalité des meubles crées par la société Kaina, en ce qu'il a débouté la société Kaina de sa demande en contrefaçon des meubles CONF11 et BAC33 et en ce qu'il a mis hors de cause la société MCM Diffusion.

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu des actes de contrefaçon du meuble BAC22 et en ses autres dispositions concernant tant la contrefaçon que la concurrence déloyale alléguées.

Statuant de nouveau de ce chef.

Déboute la société Kaina de l'ensemble de ses demandes de contrefaçon.

Déboute la société Casita de sa demande de concurrence déloyale.

Condamne in solidum les sociétés Kaina et Casita à payer d'une part à la société Meuble Montagne, d'autre part, à la société MCM Diffusion la somme de cinq mille euros

- 5.000 € - au titre des frais irrépétibles exposés pour l'ensemble de la procédure tant de première instance que d'appel.

Déclare sans objet les demandes en garantie de la société Meuble Montagne à l'égard de la société MCM Diffusion et de la société CT Mobilier.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne in solidum les sociétés Kaina et Casita aux dépens, dont distraction pour ceux d'appel au bénéfice des avoués concernés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/20173
Date de la décision : 20/01/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°10/20173 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-20;10.20173 ?
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