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15/12/2011 | FRANCE | N°10/03024

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 15 décembre 2011, 10/03024


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 15 Décembre 2011

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03024 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/02813



APPELANT

Monsieur [B] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Michèle SIARI, avocat au barreau de PARIS, toque : P 412<

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INTIMEE

SASU GROUPE RESERVOIR

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2547



COMPOSITION DE LA COUR :



En app...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 15 Décembre 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03024 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/02813

APPELANT

Monsieur [B] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Michèle SIARI, avocat au barreau de PARIS, toque : P 412

INTIMEE

SASU GROUPE RESERVOIR

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2547

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine METADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 18 mars 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, Présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[B] [J] a été engagé par la société CARSON PROD, le 17 décembre 2001 selon un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur général adjoint, statut cadre.

Il était à ce titre en charge notamment :

- de la supervision des équipes de productions et de post-production

- du contrôle et de l'analyse des prévisionnels, du contrôle de la maîtrise des budgets, du suivi de la rentabilité du fonctionnement

- de la gestion des aspects juridiques spécifiques à la production en liaison avec la direction juridique.

Le 21 juin 2005 il lui a été proposé un transfert de son contrat de travail à la société mère, la holding GROUPE RÉSERVOIR, à compter du 16 août 2005, avec reprise de son ancienneté, en qualité de directeur général adjoint en charge des productions de l'ensemble des filiales du groupe, sous la direction hiérarchique de la directrice générale, ce qu'il a accepté selon un courriel en date du 24 juin 2005.

Le 29 janvier 2008, [B] [J] était convoqué pour le 11 février 2008 à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

Il a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 15 février 2008.

Estimant ce licenciement injustifié [B] [J] a, le 10 mars 2008, saisi le conseil des prud'hommes de Paris afin d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement conventionnelle, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour violation de la procédure de licenciement ainsi que la remise des documents sociaux sous astreinte définitive de 100 € par document.

Par jugement en date du 25 mars 2010, le conseil des prud'hommes, en sa formation de départage, a dit le licenciement d'[B] [J] valide et fondé, a condamné la société GROUPE RÉSERVOIR à lui payer la somme de 1500 € à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure de licenciement ainsi que la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dit que les intérêts au taux légal couraient à compter du jugement et que les intérêts dus se capitaliseraient conformément aux dispositions de l'article 1544 du Code civil, et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Régulièrement appelant de cette décision, [B] [J] demande à la cour de :

Vu les articles L. 1234-1, L. 1235-2 et L. 1332-4 du code travail,

- infirmer le jugement rendu le 25 mars 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

- constater la prescription des faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

À titre subsidiaire,

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

- condamner la société GROUPE RÉSERVOIR à lui verser les sommes de :

' 34'000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

' 3400 € au titre des congés payés afférents

' 12 280,57 € au titre de l'indemnité de licenciement

' 17'000 € au titre de dommages-intérêts pour non-respect la procédure de licenciement

' 380'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 20'000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes

- condamner la société GROUPE RÉSERVOIR à lui remettre un bulletin de paie conforme sous astreinte de 100 € par jour à compter du cinquième jour suivant la notification du présent arrêt

- condamner la société GROUPE RÉSERVOIR au paiement de la somme de 7500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La S.A.S.U GROUPE RÉSERVOIR sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le débouté d'[B] [J] de l'ensemble de ses demandes, la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :

' Je fais suite à notre entretien du 11 février 2008 au cours duquel vous étiez assisté de M.[T]. J'ai en effet eu à déplorer de votre part plusieurs agissements fautifs constitutifs d'une faute grave dont j'ai fait état lors de notre entretien. J'ai pris bonne note des explications que vous m'avez fournies lors de notre entretien. Malheureusement, elles ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits. Je vous informe que j'ai, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :

Vous avez rejoint la société GROUPE RÉSERVOIR le 16 août 2005 en qualité de directeur général adjoint en charge des productions de l'ensemble des filiales du groupe et principalement de la société Réservoir Prod. Vous avez un statut de cadre dirigeant.

Vous étiez précédemment directeur général adjoint au sein de la société Carson depuis décembre 2001 société créée par le Groupe Réservoir et M. [C] [S].

Vous bénéficiez donc, à ce moment-là, de nombreuses années d'expérience dans la gestion opérationnelle de la production d'émissions.

Au titre de la fonction que Groupe Réservoir vous confie, vous avez la responsabilité de la bonne exécution de la production de l'ensemble des émissions dans toutes les phases de leur process de fabrication, la responsabilité du respect des budgets de production que vous établissez et des délais de livraison. À ce titre vous supervisez, gérez et validez toutes les embauches directement liées à la bonne exécution de la fabrication des émissions et principalement la gestion des ressources du personnel statut intermittent, ainsi que le bon établissement de la paie des intermittents.

Dans ce cadre vous validez les contrats de travail de l'ensemble du personnel statut intermittent, ces contrats étant pré-établis par le personnel de production et de post-production que vous supervisez. Vous assurez la validation de la paie avant l'établissement des ordres de virement par la direction financière chaque mois. Pour ma part, compte tenu de votre niveau de responsabilité, je me contente de contresigner ces ordres de virement, procédure imposée par notre banque compte tenu des montants élevés.

Début novembre 2007, alors que notre service paie est en cours de récupération des éléments de paie des intermittents pour le mois d'octobre, je découvre qu'un certain nombre d'intermittents affectés à la fabrication d'une nouvelle émission pour M6, « maison à vendre » ont déclaré des heures supplémentaires au-delà des plafonds réglementaires. De même, je constate que pour la majorité des missions effectuées par le personnel intermittent au cours de ce même mois, les salariés intermittents déclarent systématiquement des heures supplémentaires dans des proportions importantes, ce qui a pour conséquence des coûts supplémentaires importants.

Je m'en suis fortement étonnée auprès de vous et vous ai demandé de vous consacrer de façon urgente à l'étude au cas par cas de la justification de ces dérives importantes, signe à mon sens, d'une désorganisation dans le process de fabrication de nos émissions, et d'une mauvaise gestion des ordres de mission qui avait pour effet une évolution inquiétante du montant des heures supplémentaires payées.

Or, contrairement à ce que je vous avais clairement demandé, j'ai constaté que vous n'aviez aucunement étudié le process de déclenchement de ces heures supplémentaires tant au niveau de l'organisation des tournages de nos reportages qu'au niveau de l'organisation du montage en post production de ces reportages. Cette étude vous aurait pourtant certainement permis de mettre en place des procédures plus strictes de contrôle des heures réellement effectuées qui vous auraient ensuite aidé à identifier les étapes d'éventuels dysfonctionnements et à mettre en place des procédures, voire à modifier certaines étapes de fabrication.

Mais, au contraire, vous avez décidé de votre propre initiative, sans aucune validation quant à la conformité légale et encore moins de votre hiérarchie, de supprimer le paiement début décembre d'un volume très important d'heures supplémentaires réellement effectuées par un grand nombre d'intermittents au cours du mois de novembre (430 heures pour 700 heures déclarées), de modifier de façon unilatérale et arbitraire la fonction de tous les intermittents, ce qui a entraîné pour un grand nombre un déclassement de cadre à non-cadre non seulement sur le mois de novembre mais également sur le mois de décembre, et de réduire le montant de base journalier de toutes les catégories d'intermittents.

Ce n'est qu'en étant destinataire du courrier d'un avocat saisi par nos intermittents le 7 janvier 2008 que je découvre que de nouvelles dispositions ont été prises par la société à leur encontre.

Je découvrirai par la suite que vous aviez expressément demandé à vos collaborateurs lors d'une réunion à laquelle je n'ai pas été conviée, de ne pas informer les intermittents de la suppression d'un certain nombre d'heures supplémentaires sur l'état de novembre et de la modification de leur qualification. Vous les avez seulement autorisés à les informer par téléphone de la réduction de leur salaire de base quotidien pour le mois de décembre, plus proche des minima de la convention collective aujourd'hui applicable, ce qu'ils ont accepté.

Vos équipes et collègues vous ont alerté sur cette décision et les éventuelles conséquences négatives et ce, d'autant que certains intermittents avaient déjà signé leur contrat indiquant un certain nombre d'heures supplémentaires et qu'il fallait alors leur en faire signer un nouveau différent. Le directeur de production, M. [I], vous a, en particulier, alerté sur le danger immédiat d'une telle décision et a refusé de signer les contrats nouvellement établis.

Par ailleurs, j'ai découvert depuis que Mme [P] [V], vous avait, dès le 30 novembre 2007, alerté sur les risques liés à ces modifications vous indiquant que les intermittents avaient très vivement réagi et envisageaient de saisir le conseil de prud'hommes. Vous n'avez pas jugé utile de m'alerter sur ce début de crise sur un sujet aussi important, ce qui vous aurait contraint à m'informer de vos décisions unilatérales. Vous vous êtes contenté de demander les noms des personnes qui avaient indiqué envisager une action prud'homale. Cette attitude semble démontrer de votre part une réelle volonté de laisser la société dans l'ignorance de vos décisions.

Les conséquences ont été extrêmement rapides puisqu'au début du mois de décembre au moment de l'établissement de la paye du mois de novembre 2007, une vague de protestation a enflé très rapidement chez RÉSERVOIR et aux alentours. En effet, vous aviez fait établir de nouveaux contrats différents de ce que certains avaient déjà signé et leur rémunération était, de facto, différente.

De même, dès le 13 janvier, un collectif des «intermittents de RÉSERVOIR en colère» apparaissait sur le Web pour dénoncer les rétrogradations dont ils avaient fait l'objet et indiquait envisager une action contentieuse.

Dans le même temps, une campagne de presse très hostile à RÉSERVOIR apparaissait, incluant un appel de tous les intermittents de la production audiovisuelle à refuser de travailler pour nous.

Comme vous le savez, cette décision de votre part et ses conséquences immédiates, on ne peut plus néfastes, sont intervenues au moment où RÉSERVOIR se préparait comme toutes les sociétés de production audiovisuelle à appliquer les dispositions de la nouvelle convention collective de la production audiovisuelle.

Dans ce contexte, votre décision a mis RÉSERVOIR dans une situation très difficile puisqu'à l'évidence, il était très facile pour les intermittents de faire un amalgame entre la baisse de rémunération et la modification de statut qui leur était infligée, sans aucune raison objective, et les éventuelles conséquences futures sur leur statut et leur rémunération compte tenu de l'application de la nouvelle convention collective.

Le collectif a, en effet, très vite communiqué sur ce point en indiquant très précisément que RÉSERVOIR avait anticipé l'application de la convention collective en modifiant leur statut pour éviter toute augmentation future.

Vous comprendrez aisément que cette initiative incompréhensible et désastreuse a eu et continue d'avoir des effets catastrophiques sur RÉSERVOIR. Une telle attitude, caractérisant une déloyauté vis-à-vis de l'entreprise, est à l'évidence incompatible avec l'exercice d'une fonction telle que la vôtre.

De plus, et alors qu'il fallait gérer une situation de crise provoquée par votre décision, je vous ai sollicité à plusieurs reprises pour m'aider à gérer cette situation et à mettre en place une régularisation immédiate de la situation de ces intermittents. Vous avez alors été incapable de me communiquer un état précis et exhaustif des modifications que vous aviez effectuées pour les mois de novembre et décembre. J'ai même découvert très récemment que vous n'aviez aucune connaissance des méthodes de calcul de la durée du travail et de la rémunération des personnes dont vous avez pourtant la responsabilité. Plus encore j'ai découvert que vous n'aviez aucune connaissance de l'organisation générale de l'entreprise des services qui vous sont rattachés et leur fonctionnement, ce qui est totalement inacceptable à votre niveau de responsabilité.

J'ai donc été contrainte de demander à un de vos collaborateurs de m'assister pour réaliser un audit rapide de l'organisation des productions et effectuer les régularisations nécessaires. Compte tenu de votre incapacité à me faire un état des lieux complet, j'ai même dû réunir, mi-janvier lors d'une réunion de crise, certains intermittents travaillant chez RÉSERVOIR ce jour-là pour qu'ils m'expliquent quelles modifications avaient été opérées sur leurs feuilles de paie au cours de ces deux derniers mois.

Cette attitude est totalement inacceptable et ne nous permet pas, à l'évidence de maintenir nos relations.

Enfin, alors que n'ayant aucun soutien de votre part pour la gestion de la crise que vous aviez créée, j'ai découvert, lors de votre absence depuis le 28 janvier dernier, que vous aviez délibérément abandonné vos fonctions de direction et supervision des productions laissant vos équipes et collègues sans directives ni validation. Ainsi, par exemple, j'ai pu constater que l'ensemble des infrastructures nécessaires au bon déroulement de l'émission en « prime time» diffusé en direct le 13 février 2008 sur la maladie d'Alzheimer n'avait pas été mis en place. En particulier, certains éléments du décor ainsi que l'habillage visuel et sonore n'avaient pas fait l'objet des états de validation pour une mise en fabrication à moins de deux semaines de sa diffusion.

Or, d'une part, cette responsabilité vous incombait à l'évidence, compte tenu de votre poste et, d'autre part, comme vous ne pouviez pas l'ignorer, cette émission était extrêmement importante pour RÉSERVOIR. Il s'agissait, en effet, d'une des rares émissions en « prime time » présentée par [Y] [W] à livrer à France 2 sur la saison audiovisuelle en cours. Par ailleurs, vous n'ignoriez pas que cette émission devait accueillir une interview exceptionnelle du Président de la République. La réussite d'une telle opération était primordiale pour l'entreprise. Nous avons donc dû dans l'urgence vous chercher un remplaçant non pas seulement pour continuer à faire avancer ce dossier convenablement, mais pour en réalité reprendre une grande partie du suivi de la production de cette émission qui avait été négligée par vos soins. Il est évident que cet abandon caractérise également un manquement très important à vos obligations professionnelles.

L'ensemble de ces faits nous contraint donc à mettre fin à nos relations contractuelles. En effet le maintien de votre contrat de travail au sein de la société ne peut perdurer, même de manière temporaire. C'est la raison pour laquelle nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave'.

Sur la prescription

Vainement [B] [J] invoque la prescription des faits allégués dans la lettre de licenciement, dès lors que ce n'est que courant novembre que la société GROUPE RÉSERVOIR PROD a été informée des difficultés relatives aux heures supplémentaires, et que, même si le mouvement de protestation des intermittents a commencé en décembre 2007, ce n'est que début janvier 2007 que la direction a été informée des demandes précises de ceux-ci par leurs avocats.

Il en est de même en ce qui concerne le déclassement des salariés.

Les faits relatifs à l'organisation de l'émission consacrée à la maladie d'Alzheimer ne sont en aucun cas prescrits.

Sur le fond

Il est reproché en premier lieu à [B] [J] d'avoir décidé de sa propre initiative, sans aucune validation quant à la conformité légale et encore moins de sa hiérarchie, de supprimer le paiement début décembre d'un volume très important d'heures supplémentaires réellement effectuées par un grand nombre d'intermittents au cours du mois de novembre, d'avoir modifié de façon unilatérale et arbitraire la fonction de tous les intermittents, ce qui a entraîné pour un grand nombre un déclassement de cadre à non-cadre non seulement sur le mois de novembre mais également sur le mois de décembre, ce qui a eu pour effet de réduire le montant de base journalier de toutes les catégories d'intermittents.

Au terme de son contrat de travail initial le liant à la S.A.S CARSON PROD, repris par la société GROUPE RÉSERVOIR PROD, [B] [J] avait notamment en charge la gestion des aspects juridiques spécifiques à la production en liaison avec la direction juridique.

Il résulte des termes mêmes de la lettre de licenciement que s'agissant des contrats de travail, son rôle consistait à en assurer la validation et, a contrario, qu'il n'était donc pas chargé de la gestion proprement dite du personnel, laquelle incombait ainsi que cela est précisé dans le contrat de travail de l'intéressée, à [F] [I], directrice adjointe sous l'autorité de laquelle il était placé.

Il incombait en effet à cette dernière d'assurer 'la gestion de la politique sociale, des formalités juridiques, sociales, fiscales et du droit des sociétés au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur', ce qui est au demeurant conforté par l'attestation en date du 29 juin 2004, rédigée par Madame [A] elle-même indiquant qu'elle dispose de tous les pouvoirs, moyens et de l'autonomie nécessaires pour veiller à la bonne application de toutes des dispositions relatives à la gestion du personnel de RÉSERVOIR PROD dans divers domaines parmi lesquels les 'conditions et durée du travail, contrôle de l'emploi et notamment des contrats de travail à durée déterminée et contrats de travail à durée indéterminée et du travail temporaire, recrutement et licenciement du personnel...'.

Les courriels versés aux débats confirment que [F] [A] assumait effectivement ces fonctions, et donnaient des consignes concernant les jours de récupération (courriel du 6 juin 2007, du 20 juillet 2007 relatif aux 'éventuelles rémunérations à compter de janvier'), les dates de vacances, analyse de la nouvelle convention collective.

A cet égard, il y a lieu de relever qu'[B] [J] n'est souvent destinataire de ces courriels qu'en copie et n'est pas l'interlocuteur premier de la directrice générale.

S'agissant des heures supplémentaires, si le directeur des affaires juridiques a procédé dès le mois d'octobre 2007 à l'analyse de la nouvelle convention collective, heures supplémentaires comprises, en revanche aucune consigne particulière n'a été donnée par la direction générale quant aux conséquences immédiates pour les contrats de travail en cours.

La société GROUPE RÉSERVOIR PROD ne peut, sans contradiction, soutenir que doivent être dissociées les décisions prises par [B] [J] des réflexions en cours sur l'application de la convention collective, dès lors que ces dispositions avaient nécessairement des répercussions sur les contrats de travail en cours et à venir.

C'est d'ailleurs en raison des modifications impliquées par le nouveau texte, que le 7 novembre 2007, [H] [I], directeur de production, selon l'organigramme versé aux débats, a alerté [B] [J] sur l'existence de difficultés relatives concernant les contrats de travail de certains intermittents ayant travaillé au-delà de 48 heures hebdomadaires, qu'[B] [J] a dû, compte tenu de l'alternative proposée par ce dernier, faire un choix et qu'il a donc opté pour un paiement des heures supplémentaires selon un forfait, ce dont le directeur administratif et financier a été avisé de même que la directrice générale, [F] [A], sans que cela appelle alors de leur part de quelconques réserves.

Force est de constater que cette décision qui a suscité le mouvement de protestation des intermittents a été qualifiée 'd'erreur' par la direction qui s'est engagée aussitôt à la réparer.

Cette erreur d'appréciation commise par [B] [J] si elle est réelle, n'est en considération de du contexte particulier dans laquelle elle est intervenue, à savoir application d'une nouvelle réglementation et en absence de consignes précises, ni fautive ni constitutive d'un motif sérieux de nature à justifier un licenciement, compte tenu de surcroît de son caractère isolé.

La société GROUPE RÉSERVOIR PROD ne peut de bonne foi, dans ces conditions, imputer la campagne de presse dont elle a fait l'objet à [B] [J] seul.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, ce dernier a été réactif puisque dès le début du mois de décembre il a entrepris auprès de [F] [A] des démarches pour corriger ces erreurs (attestation de Monsieur [Z]).

Concernant la qualification des salariés, il résulte des pièces produites, que la dénomination des postes, entraînant pour certains d'entre eux un 'déclassement', a été déterminée par [F] [A] (courriel à l'adresse de l'appelant du 22 janvier 2008) et en aucun cas par [B] [J]:

'Il y a urgence à revoir la dénomination des «tourneurs intermittents ». Je ne vois pas ce qui justifie que nous les embauchions comme «réalisateur»... Au mieux ils devraient être 1er assistants...'.

[B] [J] fait observer avec pertinence que les contestations relatives aux difficultés nées de la qualification donnée aux fonctions occupées par les salariés de GROUPE RÉSERVOIR PROD ont perduré au-delà de son départ de la société ainsi que cela résulte des extraits de presse versés aux débats.

Ce grief n'est pas fondé.

Enfin s'agissant de l'abandon de fonction et du refus d'information concernant l'émission consacrée à la maladie d'ALZHEIMER prévue le 13 février 2008, il est établi que dans les jours qui ont précédé cette émission, [B] [J] a fait l'objet, à compter du 28 janvier 2008, d'un arrêt de travail pour cause de maladie, lequel s'est prolongé jusqu'au mois d'août de la même année.

Les pièces versées aux débats contredisent l'affirmation selon laquelle [B] [J] aurait abandonné ses fonctions de direction et supervision à l'occasion notamment de cette émission.

Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir mis en place les infrastructures nécessaires au bon déroulement de cette émission, alors même qu'il a, le 25 janvier organisé une réunion avec tous les prestataires, décorateur compris, et tout mis en oeuvre pour régler les problèmes d'ordre administratif tenant à l'organisation d'un duplex avec une équipe médicale de [Localité 4], les difficultés concernant les modifications du décor ayant été soulevées le 28 janvier.

[K] [L], régisseur général statut intermittent, après avoir évoqué une précédente réunion de préparation qui s'est tenu en novembre 2007, atteste en ces termes :

'Le 18 janvier 2008, lors d'une nouvelle réunion de préparation avec [B] [J], j'ai pu constater que tous les éléments du décor et habillage étaient déterminés et tous les moyens techniques étaient fermement réservés auprès des prestataires...

La directrice générale de la société, Madame [F] [A], était tout à fait informée de l'avancement de cette production, ce que j'ai pu constater lors d'un entretien entre elle et Monsieur [J], en ma présence dans son bureau cette même semaine...

Néanmoins, lors du départ d'[B] [J] en congés maladie, le 28 janvier, j'ai été convoquée par la directrice générale de Réservoir Productions, Madame [F] [A], qui m'a demandé de lui faire un nouveau point d'étape, ce qui m'a surpris puisqu'elle était déjà en possession de toutes les informations sur cette production.

Je lui ai donc rapporté tout ce qui avait été mis en place par [B] [J].

Elle m'a demandé de ne rien changer à ce qui avait été organisé et réservé par ce dernier.

L'émission s'est déroulée en direct le 13 février sur France 2 dans de bonnes conditions, cela n'aurait sans doute pas été le cas si une bonne préparation n'avait été initiée plusieurs mois avant par [B] [J] et comme cela a été le cas pour de nombreux programmes produits par lui au sein du GROUPE RÉSERVOIR PROD depuis de nombreuses années.'

Il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède que la preuve des faits allégués à l'encontre d'[B] [J] dans la lettre de licenciement n'est pas rapportée, qu'aucune faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifiant la cessation immédiate du contrat de travail n'est caractérisée ni aucune cause réelle et sérieuse pouvant fonder un licenciement.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

[B] [J] est dès lors bien fondé à solliciter le paiement des sommes suivantes :

- 34'000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 3400 € au titre des congés payés afférents

- 12 280,57 € au titre de l'indemnité de licenciement

Il convient, compte tenu de l'ancienneté d'[B] [J] au sein de la GROUPE RÉSERVOIR PROD, de son âge, de ses difficultés à retrouver un emploi de même nature, de lui allouer la somme de 175 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure qui ne peut se cumuler avec l'indemnité prévue par l'article L.1235-3 du code du travail.

Les circonstances brutales dans lesquelles est intervenu le licenciement, ont causé à [B] [J] qui a fait l'objet d'un arrêt de travail prolongé pour dépression, un préjudice moral certain qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation.

Il y a lieu d'ordonner à la société GROUPE RÉSERVOIR PROD de remettre à [B] [J] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt, sans qu'il soit cependant fait droit à la demande d'astreinte que les circonstances de l'espèce ne justifient pas.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [B] [J] à qui il sera alloué la somme de 2 000 € pour les frais qu'il a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.S.U GROUPE RÉSERVOIR PROD à payer à [B] [J] les sommes suivantes :

- 37'000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 3400 € au titre des congés payés afférents

- 12 280,57 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 175 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral

DIT que les seules créances salariales sont productives d'intérêt au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, les autres portant intérêts à compter de la notification de l'arrêt,

ORDONNE à la GROUPE RÉSERVOIR PROD de remettre à [B] [J] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt

CONDAMNE la S.A.S.U GROUPE RÉSERVOIR PROD à payer à [B] [J] la somme de 2 000 € en application l'article 700 du code de procédure civile

ORDONNE le remboursement par la S.A.S.U GROUPE RÉSERVOIR PROD à Pôle Emploi des indemnités de chômage effectivement versées à [B] [J] dans la limite de six mois

CONDAMNE la S.A.S.U GROUPE RÉSERVOIR PROD aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/03024
Date de la décision : 15/12/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/03024 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-15;10.03024 ?
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