Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE [Localité 4]
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2011
(n° 490 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16444
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2010 - Tribunal d'Instance de [Localité 4] 18ème arrondissement - RG n° 11-09-000583
APPELANT :
- Etablissement Public [Localité 4] HABITAT- OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC DE [Localité 4], pris en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 2]
représenté par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour
assisté de Maître Pierre-Bruno GENON CATALOT, avocat au barreau de [Localité 4], toque B 0096
INTIMÉE :
- Mademoiselle [E] [I]
demeurant chez Madame [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP TAZE-BERNARD BELFAYOL BROQUET, avoués à la Cour
assistée de Maître Aurélie REBIBO, plaidant pour le Cabinet Vincent CANU, avocats au barreau de [Localité 4], toque E0869
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Marie KERMINA, Conseillère
Madame Claude JOLY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé : Madame OUDOT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, présidente et par Madame OUDOT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La cour est saisie de l'appel interjeté par l'Établissement Public [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4], d'un jugement rendu le 16 juin 2010, par le tribunal d'instance de [Localité 4] 18ème arrondissement, qui, après avoir ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 11-09-583 et 11-10-307, a :
- ordonné à [Localité 4] HABITAT-OPH de reloger Melle [E] [I] dans son parc immobilier aux mêmes conditions et qualités que le logement, dont la location lui avait été consentie par contrat de bail du 13 avril 1988, et sous astreinte de 25 € par jour de retard passé un délai de quatre mois à compter de la signification du jugement ;
- condamné [Localité 4] HABITAT-OPH à payer à Mlle [E] [I] les sommes suivantes :
- 1 606,45 €, pour le préjudice subi du 20 août 2008 au 31 janvier 2009 inclus ;
- 300,00 € par mois à compter du 1er février 2009 et jusqu'au relogement de l'intéressée dans le parc immobilier de [Localité 4] HABITAT-OPH ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné [Localité 4] HABITAT-OPH à payer à Mlle [E] [I] la somme de 700 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné [Localité 4] HABITAT-OPH aux dépens.
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Par acte sous seing privé daté du 13 avril 1988, l'Office Public d'habitations à loyer modéré de la ville de [Localité 4] (OPHLM) a loué à Mlle [I], à compter du 15 avril 1988, un appartement sis à [Adresse 5] (escalier 7, 2ème étage, n°116), moyennant un loyer mensuel s'élevant à 178,79 € en novembre 2007, outre une provision sur charges ; cette location a donné lieu au versement d'un dépôt de garantie de 129,63 € (850,30 Frs).
Par lettre datée du 1er février 2007, Mlle [I] a demandé au bailleur de 'bien vouloir procéder au rajout d'un avenant sur (son) contrat de bail de location en y ajoutant le nom de (son) conjoint Mr [F] [N] [W]', au motif que, 'pour des raisons administratives, il (était) obligatoire que son nom apparaisse sur les quittances de bail' ; dans le cas où cela ne semblerait pas possible, elle demandait 'à ce que le bail soit établi en son seul nom et le (sien) comme occupante'.
En réponse à un courrier de l'OPHLM de [Localité 4] du 15 février 2007 (non produit), Mlle [I] a, dans une lettre recommandée avec accusé de réception datée 19 février suivant, confirmé au bailleur sa 'décision pour (son) désistement de titulaire du bail en faveur de Mr [F] [N] [W]' ; ce dernier a, le 6 mars suivant, confirmé son 'agrément et sa décision de reprendre le logement à son nom'.
Par lettre datée du 14 mars 2007, l'OPAC de [Localité 4], venant aux droits de l'OPHLM de la ville de [Localité 4], a informé Mlle [I] de ce que, les conditions requises par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 n'étant pas remplies, il ne pouvait être répondu favorablement à sa demande de transfert de bail ; il invitait la locataire à lui 'indiquer à quelle date cet appartement sera remis à la libre disposition de l'OPAC'.
Ayant demandé, au visa de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, l'établissement du bail à son nom (lettre datée du 7 janvier 2008), M. [F] a été informé, par lettre datée du 4 avril 2008, de ce que la commission d'attribution de l'OPAC de [Localité 4] avait 'retenu (sa) candidature pour un appartement de type 2 situé dans l'immeuble [Adresse 3], à [Localité 4]' et de ce que le bail prendrait effet le 27 juin 2008.
Par acte sous seing privé daté du 16 mai 2008, l'OPAC de [Localité 4] a loué, à compter du 27 juin 2008, le logement n°116 (escalier 7, 2ème étage), sis à [Adresse 5], à M. [F], moyennant un loyer mensuel de 279,51 €, outre une provision sur charges ; cette location a donné lieu au versement d'un dépôt de garantie de 279,51 €.
Se plaignant d'avoir découvert, 'de manière fortuite', que les quittances de loyer des mois de juillet et d'août 2007 avaient été établies au seul nom de M. [F] qui lui avait interdit l'accès à l'appartement en procédant au changement des serrures fin août 2008 (cf: sa lettre recommandée avec accusé de réception datée du 22 août 2008), Mlle [I] a, par acte d'huissier daté du 10 avril 2009, fait assigner [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4], devant le tribunal d'instance, aux fins, notamment, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, d'ordonner sa réintégration sous astreinte dans l'appartement sus-visé, subsidiairement, d'ordonner son relogement dans le parc immobilier de [Localité 4] HABITAT-OPH et de voir condamner le bailleur à l'indemniser du préjudice subi.
Le 16 juin 2010, le Tribunal d'Instance a rendu le jugement dont [Localité 4] HABITAT-OPH a relevé appel.
Par ordonnance rendue le 14 octobre 2010 (Pôle 1, Chambre 1), le Président de Chambre délégataire du Premier Président de la cour d'appel de [Localité 4] a débouté [Localité 4] HABITAT-OPH de sa demande tendant à arrêter l'exécution provisoire des dispositions du jugement le condamnant à reloger Mlle [I] et à lui verser la somme de 300 € par mois.
La clôture a été prononcée le 18 octobre 2011.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 novembre 2010, l'Établissement Public [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4], demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- dire et juger Mlle [I] mal fondée en ses demandes, principales et subsidiaire ;
- l'en débouter purement et simplement ;
- dire et juger que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable à M. [Z] [F] ;
- condamner Mlle [I] à payer à [Localité 4] HABITAT-OPH une indemnité de 2 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction, en ce qui concerne ces derniers, au profit de la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 mars 2011, Mlle [E] [I] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'ordonner sa réintégration dans ses droits sur l'appartement sis à [Adresse 5] (escalier 7, 2ème étage, n°116), sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et de :
- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné [Localité 4] HABITAT-OPH à reloger Mlle [I] dans son parc immobilier aux mêmes conditions et qualités que le logement, dont elle a été évincée, sous astreinte journalière de 25 € par jour de retard passé un délai de quatre mois à compter de la signification dudit jugement ;
- y ajoutant, porter à la somme de 100 € l'astreinte journalière fixée par le tribunal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- en tout état de cause, condamner [Localité 4] HABITAT-OPH à payer à Mlle [I], en réparation du préjudice subi, la somme de 500 € par mois depuis le 20 août 2008, soit :
- 170 €, du 20 au '30' août 2008 ;
- 2 500 €, du 1er septembre 2008 au '30' janvier 2009 ;
- 500 €, par mois à compter du 1er février 2009, jusqu'à sa réintégration ou son relogement effectif dans le parc immobilier de l'OPH ;
- condamner [Localité 4] HABITAT-OPH à payer à Mlle [I] la somme de 8 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner [Localité 4] HABITAT-OPH aux entiers dépens, dont le recouvrement sera directement poursuivi par la SCP TAZE-BERNARD & BELFAYOL-BROQUET, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
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SUR CE, LA COUR
* sur la demande de [Localité 4] HABITAT-OPH concernant M. [F]
S'il a été assigné en intervention forcée devant le tribunal d'instance par [Localité 4] HABITAT-OPH (citation datée du 18 février 2010), M. [F] n'a pas été attrait en la cause par l'Établissement Public appelant devant la cour d'appel de [Localité 4], ce qui exclut que l'arrêt à intervenir puisse lui être déclaré commun et opposable.
[Localité 4] HABITAT-OPH sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef.
* sur la demande de réintégration de Mlle [I]
Si les parties s'accordent à considérer qu'en l'absence d'abandon du domicile par Mlle [I], il n'a pu y avoir transfert du bail au sens de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, elles s'opposent sur l'existence d'un congé dont le bailleur soutient qu'il a été donné par la locataire le 19 février 2007, à la condition que M. [F] devienne titulaire du bail en ses lieu et place, ajoutant que Mlle [I] ne s'est pas ultérieurement rétractée de cette demande.
L'Établissement Public appelant en déduit que la conclusion d'un nouveau bail avec M. [F] était 'l'aboutissement conventionnel de la commune intention exprimée par ce dernier et par Mlle [I]'.
Il convient cependant de relever que le fait, pour l'intimée, de ne pas avoir repris, dans sa lettre du 19 février 2007, sa demande, exprimée le 1er février précédent, de figurer sur le bail comme occupante des lieux, ne peut s'analyser en une renonciation à habiter le logement dont elle est locataire depuis une vingtaine d'années (15 avril 1988), puisqu'à aucun moment elle n'a manifesté l'intention de quitter les lieux et qu'elle n'a pas répondu à la demande du bailleur du 14 mars 2007 l'invitant à lui préciser la date de la remise du logement à sa libre disposition.
En l'absence de toute réponse de l'intimée à cette lettre lui refusant un transfert de bail, [Localité 4] HABITAT-OPH ne peut se prévaloir d'aucun congé donné par la locataire, la lettre du 19 février 2007 censée, selon le bailleur, valoir congé n'ayant au demeurant été suivie ni de l'établissement d'un état des lieux de sortie, ni de la restitution à Mlle [I] de son dépôt de garantie.
Il s'ensuit que, saisie, en janvier 2008, d'une demande présentée par le seul M. [F] (cf: sa lettre du 7 janvier 2010), [Localité 4] HABITAT-OPH, qui ne justifie pas avoir informé la locataire en titre de ce que la demande d'attribution de logement faite par son concubin d'alors avait été acceptée le 4 avril 2008 (soit plus d'un an après le refus opposé par le bailleur à l'intimée) a loué à un tiers un logement qui n'était pas libre.
Il y a dès lors lieu d'ordonner la réintégration de Mlle [I] dans le logement sis à [Adresse 5] (escalier 7, 2ème étage, n°116).
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a ordonné à [Localité 4] HABITAT-OPH de reloger Mlle [I] dans son parc immobilier.
M. [F] ayant vu sa candidature retenue pour un appartement de type 2 et ayant, dans sa lettre du 7 janvier 2010 précitée, précisé ne pas être opposé à quitter le logement concerné s'il lui en était attribué un autre, il y a lieu d'assortir la réintégration de la locataire d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard, commençant à courir à compter du 1er du mois suivant la signification du présent arrêt, et ce, durant six mois.
[Localité 4] HABITAT-OPH sera débouté de sa demande tendant au rejet des demandes principales de Mlle [I].
* sur la demande en paiement de dommages et intérêts
Il est incontestable que le fait d'avoir loué le logement dont elle n'avait pas donné congé à un tiers - qui l'a évincée du logement sus-visé dès la fin du mois d'août 2008, soit un peu moins de deux mois après la prise d'effet du nouveau bail (27 juin 2008) - a causé à Mlle [I] un préjudice dont [Localité 4] HABITAT-OPH, informé dès le 22 août 2008 de la situation à laquelle était confrontée l'intimée, lui doit réparation.
Le dommage subi par l'intimée ayant été justement évalué par le premier juge aux sommes de 1 606,45 € pour la période du 20 août 2008 au 31 janvier 2009 et de 300 € par mois à compter du 1er février 2009, le jugement sera confirmé de ces chefs, étant toutefois précisé que la somme de 300 € sera due par le bailleur jusqu'à la date du présent arrêt.
Sur les frais irrépétibles
L'issue du litige exclut l'application, en faveur de [Localité 4] HABITAT-OPH, des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
S'il y a lieu de confirmer le jugement qui a alloué à Mlle [I] une indemnité de 700 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel.
Il lui sera alloué de ce chef une indemnité complémentaire de 2 500 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Établissement Public [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4] à payer à Mlle [E] [I] les sommes de 1 606,45 € à titre de dommages et intérêts pour la période du 20 août 2008 au 31 janvier 2009 et 300 € par mois à compter du 01 février 2009 ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la somme de 300 € par mois à titre de dommages et intérêts est due jusqu'à la date du présent arrêt ;
Ordonne à l'Établissement Public [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4], de réintégrer Mlle [E] [I] dans le logement n°116 (escalier 7, 2ème étage), sis à [Adresse 5], et ce, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard commençant à courir à compter du 1er du mois suivant la signification du présent arrêt ;
Déboute l'Établissement Public [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4], de sa demande tendant à voir déclarer le présent arrêt commun et opposable à M. [Z] [F] et au titre des frais irrépétibles ;
Condamne l'Établissement Public [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4], à payer à Mlle [E] [I] la somme complémentaire de 2 500 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne l'Établissement Public [Localité 4] HABITAT-OPH, nouvelle dénomination de l'OPAC de [Localité 4], aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP TAZE-BERNARD & BELFAYOL-BROQUET, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, La Présidente,