Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2011
(n° 486 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28694
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2009 - Tribunal d'Instance de PARIS 11ème arrondissement - RG n° 11-09-000061
APPELANTS :
- Monsieur [D] [B]
- Madame [P] [N] épouse [B]
demeurant tous deux [Adresse 1]
représentés par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Maître Sébastien PREVOT, avocat au barreau de PARIS, toque E323, qui a fait déposer son dossier
INTIMÉE :
- Madame [O] [M]
demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Cour
ayant pour avocat Maître Katia SARFATI, avocat au barreau de PARIS, toque D296, qui a fait déposer son dossier
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Marie KERMINA, Conseillère
Madame Claude JOLY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière,
lors des débats : Madame PIERRE-GABRIEL
lors du prononcé : Madame OUDOT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, présidente et par Madame OUDOT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Mme [M] a acquis en septembre 2005 un appartement situé à [Adresse 1], occupé par M. et Mme [B] en vertu d'un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 conclu le 11 juillet 2003 pour six ans entre M. [B] et le précédent propriétaire.
Par acte sous seing privé du 6 octobre 2005, signé par M. [B], Mme [M] a consenti un bail aux époux [B] d'une durée de trois ans portant sur le même logement après rénovation.
Par deux lettres recommandées avec demandes d'avis de réception des 14 et 28 février 2008, Mme [M] a notifié respectivement à M. [B] et à Mme [B] un congé aux fins de reprise pour habiter à titre personnel à effet au 5 octobre 2008.
Le 9 décembre 2008, Mme [M] a assigné M. et Mme [B] devant le tribunal d'instance aux fins, notamment, d'expulsion.
Par jugement du 27 octobre 2009 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal d'instance de Paris (11e arrondissement) a :
- validé les congés,
- ordonné, à défaut de délaissement volontaire des lieux dans le mois de la signification du jugement, l'expulsion de M. et Mme [B] et de tous occupants de leur chef au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,
- autorisé la séquestration des meubles dans un lieu clos et couvert aux frais et risque de qui il appartiendra,
- condamné solidairement M. et Mme [B] à payer à Mme [M] la somme de 1 293, 72 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné solidairement M. et Mme [B] à payer à Mme [M] une indemnité d'occupation fixée au montant du loyer courant majoré de 25 % taxes et charges en sus jusqu'à la libération des lieux,
- condamné solidairement M. et Mme [B] à payer à Mme [M] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté 'toute autre demande',
- condamné solidairement M. et Mme [B] aux dépens.
M. et Mme [B] ont interjeté appel de ce jugement.
Les lieux ont été libérés le 14 octobre 2010 par remise des clés.
Par conclusions signifiées le 14 octobre 2011, M. et Mme [B] demandent à la cour, réformant le jugement, à titre principal, de dire nul, voire inopposable à Mme [B], le bail du 5 octobre 2008, et, à titre subsidiaire, de fixer à la somme maximale de 500 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation et de leur accorder un délai pour quitter les lieux.
Par conclusions signifiées le 4 octobre 2011, Mme [M] demande à la cour de confirmer le jugement 'excepté sur les demandes tendant à l'expulsion et au paiement d'une indemnité d'occupation, demandes devenues sans objet du fait du départ des lieux par les époux [B]' et 'ajoutant' au jugement de condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 2 452, 90 euros au titre des indemnités d'occupation restant dues, la somme de 1 838, 34 euros au titre des frais de procédure et des dépens, la somme de 8 281, 71 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Considérant que rien n'empêchait les parties de conclure le 11 juillet 2003 un bail d'une durée de six ans dès lors que, conformément aux dispositions de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989, la durée convenue était, s'agissant de personnes physiques, d'au moins trois ans ;
Considérant que Mme [M] a fait le choix en 2005, ainsi qu'elle le fait valoir expressément dans ses conclusions, d'établir un contrat de location destiné à se substituer en totalité au bail précédent en en modifiant la durée et le prix ; qu'elle ne soutient pas que ce document n'aurait que la portée d'un avenant ;
Considérant, d'une part, que le terme du bail initial devait survenir le 11 juillet 2009 ; qu'avant cette date, les parties ne pouvaient convenir, éventuellement, que d'une prorogation du terme, et ce, par avenant ;
Que par conséquent, le nouveau contrat, qui stipule que par l'effet d'une durée de trois ans, le bail se terminera le 5 octobre 2008, à une date excluant d'ailleurs toute prorogation du terme initial, méconnaît les dispositions de l'article 10 précité qui disposent que la reconduction ou le renouvellement du bail n'interviennent qu'à son terme ; que le contrat du 6 octobre 2005 est, comme tel, nul ;
Considérant, d'autre part, que Mme [M] aurait pu, en application de l'article 17 e) de la loi du 6 juillet 1989, dès lors que les parties étaient convenues, par une clause expresse, de travaux d'amélioration du logement exécutés par le bailleur, fixer une majoration de loyer consécutive à ces travaux dans le contrat de location, ou dans un avenant à ce contrat ;
Qu'il ressort de ce qui précède que la majoration de prix pratiquée en l'espèce en l'absence d'avenant, et qui n'a pas été incluse dans un contrat de location valable, ne confère aucune licéité au bail du 6 octobre 2005, peu important que M. et Mme [B] aient payé la somme majorée demandée, cette circonstance n'exonérant pas la majoration de prix de son inopposabilité aux locataires ;
Qu'il s'ensuit que la demande de validation de congés notifiés sur le fondement d'un contrat de location nul ne peut être accueillie ; que Mme [M] sera déboutée de cette demande, le jugement étant réformé en ce sens ;
Que le jugement sera également réformé en ce qu'il a ordonné l'expulsion ;
Qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de délai de M. et Mme [B] pour quitter les lieux, devenue sans objet ;
Considérant qu'il appartient à Mme [M], qui se prévaut d'un arriéré en sa faveur, d'en justifier ;
Que le procès-verbal de conciliation du 21 octobre 2010, afférent à une procédure de saisie des rémunérations, est à cet égard dépourvu de force probante puisque s'il y est mentionné que M. et Mme [B] reconnaissent devoir à Mme [M] les sommes de 1 619, 57 euros en principal et 1 286, 66 euros de frais, il n'y est donné aucun détail sur l'objet et la composition de la créance ;
Considérant, s'agissant de la prétendue créance d'indemnités d'occupation, qu'il convient, en l'état des conclusions contradictoires de Mme [M] qui, tout en exposant qu'elle abandonne cette demande (pages 2 et 9 de ses conclusions), sollicite néanmoins la condamnation de M. et Mme [B] de ce chef (pages 8 et 9 de ses conclusions), d'admettre que Mme [M] demande la confirmation du jugement qui a condamné M. et Mme [B] au paiement de la somme de 1 293, 72 euros représentant un arriéré d'indemnités d'occupation et de régularisation de charges et qu'elle demande qu'ils soient condamnés en cause d'appel à un arriéré de 2 452, 90 euros dont elle indique qu'il n'est composé que d'indemnités d'occupation (à l'exclusion de toute demande, en appel, au titre de charges régularisées) ;
Considérant que la thèse de Mme [M] selon laquelle le bail s'est trouvé résilié le 5 octobre 2008 étant rejetée, il y a lieu de retenir que le bail du 11 juillet 2003 est parvenu à son terme le 11 juillet 2009, date à laquelle il a été tacitement reconduit pour trois ans en application de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989, de sorte qu'à la date de libération des lieux, seuls des loyers, et non des indemnités d'occupation, étaient exigibles ;
Que le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné M. et Mme [B] au paiement d'une indemnité d'occupation ;
Que Mme [M] ne réclame pas le paiement de loyers à titre subsidiaire ; qu'elle précise d'ailleurs que M. et Mme [B] ont persisté, postérieurement au jugement, à payer le loyer au prix fixé par le bail initial ce dont il faut déduire qu'aucun arriéré ne s'est constitué de ce chef ; qu'au surplus, aucun des décomptes qu'elle produit ne parvient au solde débiteur de 2 452, 90 euros qu'elle réclame en cause d'appel ;
Considérant, enfin, que si l'extrait de compte d'indemnités d'occupation de l'administrateur de biens du 1er octobre 2009, sur lequel s'est fondé le premier juge pour statuer (pièce n° 17 de Mme [M]), fait état, en dehors d'indemnités d'occupation, d'une régularisation de charges de 636, 18 euros en faveur de Mme [M] au titre de l'exercice 2008 (ses pièce n° 20 et n° 21), il ressort du décompte produit pour la période antérieure (sa pièce n° 12) que celui-ci débute le 1er janvier 2006 par un solde débiteur non justifié de 550 euros, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si ce reliquat de charges reste effectivement dû ;
Qu'il s'ensuit que non seulement l'appel incident de Mme [M] en paiement de la somme de 2 452, 90 euros ne sera pas accueilli mais le jugement ne sera pas non plus confirmé en ses dispositions ayant condamné M. et Mme [B] au paiement de la somme de 1 293, 72 euros ;
Considérant que le message électronique de l'administrateur de biens de Mme [M] du 4 octobre 2011, expédié un an après la libération des lieux, est impropre à établir que les dégradations qui y sont décrites sont imputables à M. et Mme [B] ; que Mme [M] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant que les pièces produites par Mme [M] ne permettent pas de reconstituer le solde de 1 838, 34 euros qu'elle réclame au titre de 'frais de procédure et de dépens' ; qu'elle en sera déboutée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ; que le jugement sera réformé en ses dispositions condamnant M. et Mme [B] de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [M] de sa demande de validation des congés notifiés à M. et Mme [B] les 14 et 28 février 2008 ;
Déboute Mme [M] de sa demande d'expulsion ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de délai de M. et Mme [B] pour quitter les lieux ;
Déboute Mme [M] de sa demande en paiement de la somme de 1 293, 72 euros ;
Déboute Mme [M] de sa demande en paiement de la somme de 2 452, 90 euros ;
Déboute Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute Mme [M] de sa demande en paiement de la somme de 1 838, 34 euros ;
Déboute Mme [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [M] aux dépens de première instance et aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,