Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 22 NOVEMBRE 2011
(no 353, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 10856
Décision déférée à la Cour :
jugement du 5 mai 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 17576
APPELANTS
Monsieur Joseph X...
...
75116 PARIS
représenté par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assisté de Me Claude OHANA de la SCP DREYFUS-SCHMIDT-OHANA-LIETTA, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 275
Madame Michèle de Z... épouse X...
...
75116 PARIS
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Me Claude OHANA de la SCP DREYFUS-SCHMIDT-OHANA-LIETTA, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 275
INTIMEES
SELARL Y... A..., prise en la personne de ses représentants légaux
23 rue Lavoisier
75008 PARIS
représentée par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Dominique SCHMITT de la SELARL CABINET SCHMITT et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0021
S. A. COVEA RISKS, Société Anonyme à Directoire, prise en la personne de ses représentants légaux
19/ 21 allée de l'Europe
92110 CLICHY
représentée par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Dominique SCHMITT de la SELARL CABINET SCHMITT et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0021
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 octobre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
M. et Mme X... ayant cédé, le 10 juillet 2000, les parts qu'ils détenaient dans un garage en prenant à leur charge une garantie de passif, ayant été parties à divers litiges les ayant opposés à ce garage et ayant d'une part obtenu la condamnation du garage à leur payer diverses sommes par arrêt du 23 mars 2004 mais ayant d'autre part été condamnés par jugement du 6 juin 2006 à lui verser 77 290, 50 € représentant le solde de leur compte courant débiteur dans la société, qu'ils ont échoué à faire placer en redressement judiciaire, recherchent la responsabilité de M. Y..., l'avocat qui les a assistés dans certaines de ces procédures, pour n'avoir ni conclu sur une demande reconventionnelle du garage ni s'être présenté devant le juge rapporteur à l'audience du tribunal de commerce au cours de laquelle le redressement a été évoqué puis pour avoir omis de demander à l'avoué la régularisation de l'acte d'appel qu'ils ont formé contre la décision du 6 juin 2006.
Par jugement du 5 mai 2010, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés de leur demande.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par M. et Mme X... en date du 20 mai 2010,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 15 septembre 2010 selon lesquelles, poursuivant l'infirmation du jugement, ils demandent que la SELARL Y... et associés et la compagnie COVEA RISKS soient condamnées solidairement à leur payer les sommes de 77 290, 50 €, " indûment mise à leur charge " par le tribunal de commerce en l'assortissant des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 octobre 2007, de 17 106, 73 € correspondant à l'ensemble des frais de procédures diverses engagés assortie des mêmes conditions, à les garantir des condamnations résultant de l'arrêt du 9 avril 2009, que soit ordonnée la capitalisation des intérêts et que la SELARL Y... et associés et la compagnie COVEA RISKS soient condamnées solidairement à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 13 mai 2011 par lesquelles la SELARL Y... A... et la société COVEA RISKS demandent la confirmation du jugement et, au constat de l'absence de chance de voir statuer différemment en appel, le débouté de M. et Mme X... de l'ensemble de leurs demandes, subsidiairement l'évaluation de leur perte de chance de triompher en appel à la somme de 39 000 € à compenser avec celle de 21 045, 09 € qu'ils doivent,
SUR CE,
Considérant que M. et Mme X... mettent en avant la double faute de M. Y... qui n'est pas venu le jour de l'audience devant le juge rapporteur, permettant ainsi à ses adversaires d'énoncer " des contre-vérités " sans être contredits, et qui n'a pas interjeté appel nonobstant les instructions formelles données et font valoir que cette double faute a entraîné de manière définitive leur condamnation au paiement d'une somme dont ils n'étaient pas redevables, leur compte courant d'associé n'étant pas débiteur mais créditeur et l'obligation d'assumer des frais pour toutes les procédures qu'ils ont subies ; que si, comme le soutient M. Y..., ils étaient redevables de ladite somme envers la société, ce qui a été inclus dans le prix de cession, alors cet avocat a manqué à son devoir de conseil en n'assurant pas l'efficacité de l'acte qu'il a rédigé qui devait, par la modification du régime fiscal, leur permettre de percevoir tous les bénéfices jusqu'à la cession et en les poussant à des procédures vouées à l'échec ; que, contrairement à ce que dit le jugement, les considérants de l'arrêt du 9 avril 2009 mettent en lumière tant la faute de M. Y... que le préjudice ou le lien de causalité ;
Qu'à l'inverse les intimés, qui ne contestent pas les deux fautes reprochées, soutiennent qu'à l'issue des diverses procédures M. et Mme X... ont été condamnés à verser au garage 56 245, 41 €, somme obtenue par compensation entre les condamnations du garage à leur endroit pour 21 045, 09 € et le solde de leur compte courant débiteur soit 77 290, 50 € qui ne peut pas constituer un préjudice puisqu'elle provient du constat du bilan arrêté par eux lors de la cession et présentant leur compte courant d'associé comme débiteur ; que si cette dette n'avait pas existé, l'actif de la société aurait été diminué d'autant et, par voie de conséquence, le prix de cession ; qu'en outre M. Y... avait déposé son dossier et ses conclusions au tribunal de sorte que son absence n'a pas eu de conséquence sur la décision ; que les chances en appel étaient minces puisque deux jugements des 6 juin 2006 et 28 janvier 2008 ont dit tous deux que M. et Mme X... étaient redevables de la somme contestée ; que le nouvel avocat de M. et Mme X... a commis plusieurs fautes déontologiques dans cette affaire ;
Considérant que les fautes commises ne sont pas contestées ; que ne restent donc en discussion que les conséquences que ces fautes ont eu sur le préjudice invoqué par M. et Mme X... ; qu'ils soutiennent que, saisie régulièrement et mieux informée, la cour d'appel aurait constaté que leur compte courant n'était pas débiteur et que, donc, loin d'être débiteurs de la somme de 77 290, 50 € envers le garage, ils auraient pu conserver cette somme qui représentait les bénéfices sociaux auxquels ils avaient droit du fait du régime fiscal qu'ils avaient adopté, comme elle l'a d'ailleurs fait dans les motifs de son arrêt de 2009, constatant l'irrecevabilité de la demande comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;
Considérant toutefois que le tribunal a justement énoncé que le fait, pour un avocat ayant régulièrement signifié ses écritures, de ne pas se présenter devant la juridiction commerciale, même s'il est, en soi, critiquable, est sans conséquence dès lors qu'il ressort de la procédure que la contradiction a été observée au cours de celle-ci et que les arguments que M. Y... avait avancés pour ses clients ont été pris en compte par le tribunal de commerce ;
Considérant en revanche que l'omission, par M. Y..., de régulariser l'acte d'appel contre le jugement rendu par le tribunal de commerce le 6 juin 2006, ce qui a eu pour effet de le rendre définitif, constitue bien une perte de chance subie par M. et Mme X... de voir examiner par la cour d'appel leur recours et donc, le cas échéant, de voir infirmer le jugement qui leur fait grief ;
Considérant néanmoins que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que, par voie de conséquence M. et Mme X... ne peuvent espérer obtenir la somme de 77 290, 50 € qui représente le montant précis dont ils prétendent avoir été privés ;
Considérant que, en vue caractériser leur préjudice et la chance perdue, M. et Mme X... s'appuient exclusivement sur l'arrêt rendu le 9 avril 2009 en ce qu'il laisse entendre que le tribunal de commerce aurait pu, dans le jugement du 6 juin 2006, ajouter à leur compte courant les résultats de l'année 2000 ;
Que ce faisant ils omettent de mentionner que la cour ajoute que ces sommes ont été intégrées dans le calcul fait par l'arrêt du 23 mars 2004 et que le tribunal de commerce les a utilisées pour établir la compensation entre ce qui était dû par les cédants et les cessionnaires ; que si cet arrêt souligne que le jugement du tribunal de commerce du 6 juin 2006 n'a pas repris une somme de 51 832, 66 € au titre du bénéfice 2000, il précise également que ce même jugement a " expressément rejeté leurs prétentions sur les résultats des 7 premiers mois de 2000 " ;
Qu'il en résulte qu'aucune certitude n'existe quant à l'issue de l'appel, s'il avait pu être formalisé, ce d'autant que l'arrêt du 9 avril 2009 indique également que la demande de paiement par M. et Mme X... de la somme de 19 595, 07 €, qui se trouvait pareillement dans le débat, se heurte à l'autorité de la chose jugée, non pas cette fois par le tribunal de commerce dont la décision n'a pu être régulièrement frappée d'appel, mais par la cour dans son arrêt de 2004 ;
Qu'en outre M. et Mme X... ne rapportent pas la preuve que leur compte courant, au lieu d'être débiteur, était créditeur, dans la mesure où leur propre comptable a attesté, le 30 septembre 2005, qu'il " présentait un solde débiteur de 506 992 80frs " à la date du 31 août 2000 ;
Que pour l'ensemble de ces raisons la perte de chance alléguée apparaît faible ;
Considérant cependant que M. et Mme X... évoquent justement avoir engagé des frais de procédure à fonds perdus dont ils doivent être indemnisés ; que, parmi ceux qui sont justifiés, seuls certains sont en lien direct avec la faute de l'avocat, de sorte qu'il leur sera alloué, à ce titre la somme globale de 5 000 € ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. et Mme X..., d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement et statuant à nouveau,
Dit que la SELARL Y... et associés a commis une faute dont elle doit réparation,
La condamne, in solidum avec la société COVEA RISKS, à payer à M. et Mme X... la somme de 5 000 € de dommages et intérêts,
Condamne la SELARL Y... et associés in solidum avec la société COVEA RISKS à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT