Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 22 NOVEMBRE 2011
(n° ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/00991
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/12006
APPELANT
Monsieur [G] [I]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués près la Cour
assisté de Me Jean-Pascal TMEINJ de la SCP TMEINJ, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.
INTIMEE
S.A. FORTIS ASSURANCES désormais dénommée AGEAS FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués près la Cour
assistée de Me Judith TORDJMANN de la SELARL CONFINO, avocat au barreau de PARIS, toque : K182.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre
M. Christian BYK, conseiller
Mme Sophie BADIE, conseillère
qui en ont délibéré.
Rapport a été fait par M. Christian BYK, conseiller, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Melle Fatia HENNI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique REYGNER, présidente et par Melle Fatia HENNI, greffier.
* * *
Par acte du 5 septembre 2007, M. [I] a assigné la société FORTIS ASSURANCES devant le Tribunal de grande instance de PARIS afin de la voir condamner à lui verser la somme de 149051,16 euros correspondant, selon lui, au solde du capital restant dû en cas de vie au terme du contrat souscrit le 12 juin 1975 avec la compagnie.
Par jugement du 15 décembre 2008, cette juridiction a déclaré la demande irrecevable comme prescrite et condamné M. [I] aux dépens.
Par déclaration du 15 janvier 2009, celui-ci a fait appel de cette décision et, par dernières conclusions du 28 mars 2011, il sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de la société FORTIS à lui payer la somme de 149051,16 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2002, outre celle de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 10 mai 2011, la société FORTIS désormais dénommée AGEAS FRANCE sollicite la confirmation du jugement et, subsidiairement, le débouté de l'appelant à qui il est réclamé, en tout état de cause, une somme de 10000 euros au titre des frais irrépétibles ;
CE SUR QUOI, LA COUR
Sur la prescription :
-inopposabilité
Considérant que M [I] avance que la prescription ne lui est pas opposable, la police ne rappelant pas les dispositions légales en ce domaine, le cantonnement fait par l'article R112-1 du code des assurances de son champ aux seules compagnies d'assurances relevant du 5° de l'article L 310-1 n'ayant plus lieu d'être ;
Considérant que la société FORTIS répond que l'article R 112-1 du code des assurances n'est pas applicable au contrat d'assurance -vie souscrit, qu'au demeurant, ce texte ne prévoit aucune sanction tirée de l'absence de mention de la prescription, qu'elle n'est par ailleurs pas tenue d'une obligation d'informer sur le risque de prescription abrégée et que M [I] est un souscripteur averti ;
Considérant qu' à la date où le contrat litigieux a été souscrit, le 12 juin 1975, il n'existait aucune disposition légale ou réglementaire obligeant d'informer l'assuré sur le délai de la prescription abrégée ; qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter l'exception d'inopposabilité ;
-point de départ :
Considérant que M. [I] soutient encore que la prescription n'est pas acquise, le point de départ de celle-ci étant le 12 juin 2003, date d'échéance du contrat, et non le 9 août 2002, date alléguée de la lettre de refus de garantie, dont il n'a eu connaissance qu'au moment du paiement du capital en février 2005 ;
Qu'il ajoute que l'absence de réponse à son courrier du 16 juillet 2002 doit, au contraire, être interprétée comme un acquiescement de la société FORTIS ou, pour le moins, comme une manoeuvre destinée à l'empêcher d'agir en justice ;
Qu'il estime, si la cour devait considérer que la prescription a commencé à courir à compter du 16 juillet 2002, qu'alors la société FORTIS se trouverait prescrite à compter du 16 juillet 2004 pour lui opposer un refus ;
Considérant que, pour l'assureur, le refus de modification du contrat est le point de départ de la prescription et est bien intervenu le 10 juillet 2002, que seul l'envoi par M. [I] le 16 juillet 2002 d'une lettre recommandée avec accusé de réception a interrompu la prescription, qui était donc acquise le 10 juillet 2004, qu'au demeurant, une absence de réponse ne peut valoir acquiescement et qu' à supposer l'existence d'un tel acquiescement, il ne pourrait valoir pour une demande à laquelle un refus a déjà été opposé, qu'enfin, le fait que le contrat stipule que 'l'accord de la compagnie sera acquis sans formalité si cette modification n'entraîne pas une modification du capital assuré en cas de décès' n'implique pas que le silence de l'assureur vaut acceptation de la demande mais seulement que cette modification ne sera pas soumise à examen médical;
Que l'assureur conteste toute manoeuvre dilatoire, l'absence de réaction aux lettres de l'assuré ne pouvant caractériser une faute et la compagnie n'ayant jamais laissé ignorer à son assuré son refus de modifier le contrat;
Considérant que le point de départ du délai de prescription de l'article 114-1 du code des assurances est la date de l'événement qui donne naissance à l'action, c'est-à-dire, en l'espèce, la date où le souscripteur a eu connaissance du refus opposé par l'assureur à sa demande de modifier le rapport entre capital décès et capital vie;
Considérant que la compagnie FORTIS estime qu'ayant exprimé à M. [I], dans un courrier daté du 10 juillet 2002, qu' 'elle ne pouvait accéder à (sa) demande de changement de rapport entre la garantie décès et vie', c'est à partir de cette date que court le délai ;
Mais considérant qu'à défaut pour elle de justifier de la date de réception de cet envoi par l'appelant avant un courrier en recommandé avec accusé de réception de celui-ci daté du 20 octobre 2004 et dans lequel M. [I] fait explicitement référence au courrier du 10 juillet 2002, il y a lieu de considérer que le point de départ de la prescription doit être fixé au 20 octobre 2004 ;
Considérant que M. [I] justifie de nombreux courriers avec accusé de réception, dont le dernier remonte au 8 septembre 2005 et qui visant la question de la prescription, ont eu ainsi pour effet de l'interrompre, de sorte que celle-ci n'était pas acquise le 5 septembre 2007, jour de l'assignation ;
-renonciation à se prévaloir de la prescription
Considérant que la cour ayant admis le bien-fondé des arguments de l'appelant quant au principal, il n'y a pas lieu de statuer sur le subsidiaire, tenant à la prétendue renonciation de l'assureur à se prévaloir de la prescription ;
Sur le bien fondé de la demande :
-modification du rapport entre le capital décès et le capital vie
Considérant que M [I] fait valoir qu'en l'absence de refus notifié par l'assureur à son courrier du 16 juillet 2002, celui-ci a accepté sa demande, conformément aux dispositions de la police ; qu'en effet, le changement du rapport entre ces deux capitaux ne constitue pas une modification du contrat mais relève de son exécution ;
Qu' à titre subsidiaire, il fait valoir que si la cour considérait que la phrase 'ces modifications seront consenties aux conditions en vigueur au moment de la demande' s'applique au litige, il conviendrait de constater que la compagnie a stipulé à l'indicatif et sans condition suspensive, que la compagnie a donc commis une faute en ne communiquant pas ces conditions ainsi que ses nouveaux tarifs ;
Considérant que la société FORTIS réplique qu'elle a fait connaître son refus tant le 10 juillet que le 9 août 2002, que, subsidiairement, son silence ne vaut pas acceptation et que la police ne peut s'interpréter en ce sens, mais que toute modification doit être , conformément à l'article L112-3 alinéa 5 du code des assurances, être constatée par un avenant dès lors qu'il s'agissait bien de modifier le contrat;
Qu'elle ajoute que son refus était justifié, une modification de la tarification du risque étant impossible, la demande en ce sens étant intervenue après que l'assuré eut acquitté l'ensemble de ses cotisations, que le défaut de communication des 'nouveaux tarifs' n'est pas fautif, M [I] n'ayant pas été privé de ce fait de la possibilité d'obtenir le paiement d'une somme de 149051,16 euros, que les règles des articles A 335-1 et A 132-1 du code des assurances ne permettaient pas de satisfaire à la demande;
Considérant que si l'alinéa 5 de l'article L 112-2 du code des assurances dispose qu' ' est considéré comme acceptée la proposition faite par lettre recommandée, de prolonger ou de modifier un contrat...si l'assureur ne refuse pas cette proposition dans les dix jours après qu'elle lui est parvenue', le dernier alinéa du même article prévoit que 'les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux assurances sur la vie';
Considérant que pour écarter l'application de ces dispositions , M [I] fait valoir qu'il n'a pas demandé de modification du contrat mais uniquement l'exécution de celui-ci, qui prévoyait une telle option ;
Considérant qu'il résulte des dispositions générales de la police que 'l'accord de la compagnie sera acquis sans formalité si cette modification n'entraîne pas une modification du capital assuré en cas de décès' et qu''en cas contraire ,l'acceptation sera subordonnée à des formalités médicales';
Considérant que, n'étant pas contesté que la modification sollicitée n'entraînait pas en l'espèce une modification du capital décès, il s'ensuit que non seulement cette modification ne supposait pas d'examen médical mais qu'elle impliquait que l'accord de la compagnie était acquis sans formalité ; que la compagnie ne saurait donc prétendre que cet accord était conditionné à un consentement de sa part, exprès, spécifique et formalisé dans un avenant ;
Considérant, en revanche, que cette modification est soumise aux conditions en vigueur au moment de la demande ainsi qu'il résulte du dernier alinéa du préambule des conditions générales, cette disposition s'appliquant sans distinction à toutes les modifications mentionnées dans le texte du préambule;
Considérant que l'assureur ne saurait se retrancher , pour refuser la modification, derrière le fait qu'il était devenu impossible de modifier la tarification de la cotisation en découlant, M. [I] ayant acquitté l'ensemble des cotisations prévues et les tarifs imposés par le code des assurances interdisant de prendre en compte cette modification;
Considérant, en effet, que les dispositions contractuelles, qui permettent la modification litigieuse à toute époque sans autres conditions que de voir appliquer 'les conditions en vigueur au moment de la demande', et qui ont été librement souscrites par l'assureur, doivent être interprétées comme imposant à celui-ci de se mettre en condition de respecter ses obligations contractuelles sans pouvoir opposer à l'assuré qu'il 'ne commercialise plus ce type de produit', que l'article 8 des conditions générales invoquée par l'assureur ne saurait s'appliquer au litige, ce texte concernant uniquement la revalorisation de la participation aux bénéfices et non les modifications du rapport entre capital décès et capital vie ;
-calcul du capital résultant de la modification du rapport
Considérant que M [I] estime inexact et inopposable le calcul fait par l'assureur sur la base d'un capital souscrit diminué ;
Considérant, en effet, que l'assureur, qui a refusé de tirer les conséquences de la modification sollicitée par M. [I] et qui contractuellement s'imposait à lui, ne saurait, pour le calcul du capital dû, se fonder, à défaut d' avoir pu augmenter les cotisations, sur un capital décès diminué, qu'il ne peut, en effet, faire subir à son assuré son imprévision contractuelle sur la liberté laissée à l'assuré de modifier le rapport entre les deux capitaux, qu'il s'ensuit qu'il sera fait droit à la demande de M. [I], l'assureur étant condamné à lui payer la somme de 149051,16 euros, déduction faite de la somme de 24841,86 euros déjà versée, correspondant à 175% du montant prévu au contrat;
Sur le point de départ des intérêts :
Considérant que l'assureur estime que le point de départ des intérêts ne peut être fixé au 1er juillet 2002, le contrat n'étant pas à cette date parvenu à terme et l'article 10 des dispositions générales prévoyant que les sommes dues sont payables dans les 10 jours de la transmission des pièces justificatives, que M. [I] n'a pas transmises, qu'au demeurant, la demande est prescrite par application de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008;
Considérant que les intérêts devront courir à compter du présent arrêt, qui a établi la réalité et le montant de la somme due;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de condamner la société FORTIS à payer à M. [I] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'assureur à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société FORTIS désormais dénommée AGEAS FRANCE à payer à M. [I] la somme de 124209,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, outre la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société FORTIS désormais dénommée AGEAS FRANCE de sa demande à ce titre et la condamne aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE