Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2011
(n° ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/17623
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 04/06096
APPELANTE
S.C.I. ALBOU
agissant poursuites et diligences de son gérant
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Lionel MELUN, avoué près la Cour
assistée de Me Loren MAQUIN,substituant Me Francis RAIMON, de la SSCP AKPR, avocats au barreau du Val de Marne.
INTIMEE
MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE - MACIF
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP EDOUARD ET JEAN GOIRAND, avoués près la Cour.
assistée de Me FrédéricGUERREAUde la SCP BOUAZIZ-DERIEUX-GUERREAU- SERRA , avocats au barreau de MELUN.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 octobre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre, et Monsieur Christian BYK, conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Rapport a été fait par Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre,Monsieur Christian BYK, conseiller,
Madame Sophie BADIE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Melle Fatia HENNI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique REYGNER, présidente et par Melle Fatia HENNI, greffier.
* * * * *
La S.C.I. ALBOU est propriétaire d'un local commercial situé à [Localité 3] qu'elle avait loué à la société M.C.2.B., laquelle a cédé son fonds de commerce incluant le droit au bail à la société FOOD EXPRESS par acte du 28 mars 2001.
Le 6 janvier 2002, un sinistre incendie est survenu dans les locaux loués.
A la suite d'une ordonnance de référé du 15 mai 2002 constatant l'acquisition de la clause résolutoire du bail de la société FOOD EXPRESS, ordonnant son expulsion et la condamnant au paiement d'une provision sur les loyers et charges dus, la S.C.I. ALBOU a procédé à la reprise des lieux suivant procès-verbal d'huissier du 6 novembre 2002 et additif du 12 décembre suivant.
La société FOOD EXPRESS a été déclarée en liquidation judiciaire le 3 mars 2003.
Par acte du 17 décembre 2004, la S.C.I. ALBOU a assigné la MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE - MACIF en sa qualité d'assureur de la société FOOD EXPRESS devant le tribunal de grande instance de Meaux afin d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices.
Par jugement rendu le 19 juin 2008, ce tribunal a :
- rejeté l'exception de procédure soulevée par la MACIF,
- déclaré l'action de la S.C.I. ALBOU à l'encontre de la MACIF recevable,
- débouté la S.C.I. ALBOU de ses demandes à l'encontre de la MACIF,
- condamné la S.C.I. ALBOU aux dépens,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La S.C.I. ALBOU a relevé appel de ce jugement par déclaration du 11 septembre 2008.
Dans ses dernières conclusions du 21 juin 2011, elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son action à l'encontre de la MACIF recevable mais le réformer du chef du bien fondé,
- condamner la MACIF à lui verser les sommes de
* 30 000 euros au titre des aménagements, embellissements et améliorations dont elle est propriétaire du fait des clauses du bail et des travaux de réparation qu'elle doit faire effectuer,
* 93 875,40 euros à titre d'indemnité représentative des loyers qu'elle n'a pu recevoir pendant trois années compte tenu de la faute commise par la MACIF,
* 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 1er septembre 2011, la MACIF prie la cour de :
- débouter la S.C.I. ALBOU de toutes ses demandes,
- réformer le jugement entrepris,
- à titre principal, dire et juger la S.C.I. ALBOU irrecevable en ses demandes,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la S.C.I. ALBOU sur le fondement des dispositions de l'article 1733 du Code civil,
- à titre plus subsidiaire, débouter la S.C.I. ALBOU de ses prétentions en application de la clause d'exclusion de garantie prévue par le contrat de bail,
- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la S.C.I. ALBOU est irrecevable pour partie dans le quantum de ses demandes,
- la débouter pour le surplus,
- en tout état de cause, réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités sollicitées,
- condamner la S.C.I. ALBOU au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
SUR CE, LA COUR,
Sur la recevabilité de l'action de la S.C.I. ALBOU
Considérant que la MACIF soutient que l'action de la S.C.I. ALBOU est irrecevable en l'absence de mise en cause de la société FOOD EXPRESS et de déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective ouverte contre cette société, et subsidiairement en raison de l'acquisition de la prescription biennale ;
Mais considérant que comme le fait à juste titre valoir la S.C.I. ALBOU, la recevabilité de l'action directe de la victime contre l'assureur découlant de l'article L. 124-3 du Code des assurances, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007, n'est pas subordonnée à l'appel en la cause de l'assuré par la victime, et que cette dernière ayant un droit exclusif sur l'indemnité due par l'assureur de l'auteur responsable du dommage, n'est pas tenue de déclarer sa créance et de se soumettre à la procédure de vérification des créances pour faire reconnaître dans son principe et son étendue la responsabilité de l'assuré faisant l'objet d'une procédure collective ;
Que par ailleurs, la prescription biennale de l'article L. 114-1 du Code des assurances n'est pas applicable à l'action directe de la victime, laquelle est soumise à la prescription de droit commun, et que la S.C.I. ALBOU a valablement interrompue par son assignation du 17 décembre 2004 ;
Considérant que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la S.C.I. ALBOU contre la MACIF recevable ;
Sur le fond
Considérant que la S.C.I. ALBOU soutient que l'origine exacte de l'incendie n'a pas été établie et que la MACIF ne rapportant pas la preuve d'une faute intentionnelle ou dolosive de la société FOOD EXPRESS, est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances ;
Qu'elle développe que la responsabilité de la société FOOD EXPRESS est engagée en application de l'article 1733 du Code civil et que la MACIF, qui ne rapporte pas non plus la preuve directe et positive d'un cas fortuit ou de cause majeure, alors que la société FOOD EXPRESS a commis de graves négligences en rapport avec l'incendie, est tenue de garantir cette dernière des conséquences du sinistre ;
Considérant que la MACIF, contestant la négligence imputée à la société FOOD EXPRESS dans la fermeture de l'établissement, prétend que l'incendie, d'origine criminelle, constitue un cas fortuit au sens de l'article 1733 du Code civil exonérant le preneur de responsabilité de sorte qu'elle n'est pas tenue d'indemniser la S.C.I. ALBOU et, subsidiairement, excipe de présomptions sérieuses et concordantes laissant penser que l'incendie a pour origine un fait volontaire de son assurée, exclusif de garantie ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1733 du Code civil, le preneur 'répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve : que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction' ;
Considérant que le preneur ne peut s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe qu'à la condition de rapporter la preuve directe et positive que l'incendie provient de l'une des causes énumérées dans l'article précité ;
Considérant, en l'espèce, qu'il ressort du compte rendu d'infraction initial et du rapport de synthèse du 23 octobre 2002 établis par les services de police ainsi que de l'attestation du commissaire principal du 30 décembre 2002 que l'incendie a pris à deux endroits différents du magasin à usage de restaurant-viennoiserie, alors en réfection, le premier sur un comptoir en bois, le second dans une petite pièce au fond de l'établissement, et qu'un bidon contenant du carburant a été découvert, Monsieur [S], co-gérant de la société FOOD EXPRESS, ayant déclaré aux policiers qu'il n'y avait aucun bidon de ce type dans le magasin ;
Qu'il se déduit de ces éléments que l'incendie en cause est d'origine volontaire ; que l'auteur en est resté inconnu ;
Considérant qu'il ne peut être retenu que cet incendie a été facilité par une négligence imputable à la société preneuse, qui n'aurait pris aucune mesure de protection particulière contre l'intrusion de tiers, comme le prétend la S.C.I. ALBOU ;
Qu'en effet Monsieur [S] a déclaré aux services de police que lorsque le co-gérant ou lui-même partaient de la boutique, la porte d'entrée principale était toujours fermée à clef, qu'elle fermait très bien, n'était pas abîmée et n'avait jamais été forcée ;
Que Monsieur [E], pompier, a déclaré aux policiers avoir constaté lors de son arrivée sur les lieux du sinistre que l'un des battants de la porte principale du magasin était voilée, donc forcée, qu'elle était verrouillée sur un tour et qu'il avait juste donné un petit coup de pied dans le bas des deux portes battantes pour qu'elles s'ouvrent sans difficulté ;
Que les policiers ont eux-mêmes relevé une trace suspecte sur la partie gauche de la double porte d'entrée au niveau de la serrure ;
Qu'il résulte de ces constatations que la porte d'entrée du magasin avait bien été fermée par un tour de verrou et que l'auteur de l'incendie l'a forcée pour s'introduire dans les lieux, ce qui a ensuite permis aux pompiers d'y pénétrer facilement ;
Considérant, en conséquence, que l'incendie volontaire survenu dans les locaux loués à la société FOOD EXPRESS a constitué pour elle un fait imprévisible et irrésistible, l'exonérant de sa responsabilité ;
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la S.C.I. ALBOU de ses demandes contre l'assureur de sa locataire ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Considérant que la solution du litige conduit à condamner la S.C.I. ALBOU aux dépens d'appel et à faire droit à la demande de la MACIF au titre de ses frais irrépétibles, sa propre demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile devant être rejetée.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la S.C.I. ALBOU à payer à la MACIF la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la S.C.I. ALBOU aux dépens d'appel, que la SCP GOIRAND, avoué, pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE