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10/11/2011 | FRANCE | N°10/01553

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 10 novembre 2011, 10/01553


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 10 Novembre 2011

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01553 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de MELUN section activités diverses RG n° 08/00434





APPELANTE

Madame [K] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Olivier GADY, avocat a

u barreau de PARIS, toque : B.372





INTIMEE

FONDATION LES AMIS DE L'ATELIER

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle SANTESTEBAN, avocat au barreau de PARIS, to...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 10 Novembre 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01553 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de MELUN section activités diverses RG n° 08/00434

APPELANTE

Madame [K] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Olivier GADY, avocat au barreau de PARIS, toque : B.372

INTIMEE

FONDATION LES AMIS DE L'ATELIER

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle SANTESTEBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G 874 substitué par Me Céline FRETEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1792

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine METADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 20 juillet 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[K] [I] a été engagée par la Fondation APRIM dont l'activité a depuis été reprise par la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER, selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 19 juin 1978.

Elle occupait en dernier lieu les fonctions de secrétaire de direction.

La Fondation se trouve dans le champ d'application de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 13/03/1966.

[K] [I] était convoquée le 24 janvier 2008, pour le 4 février à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cette dernière ne s'étant pas présentée, une nouvelle convocation lui a été adressée pour le 12 février 2008.

Elle a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée, datée du 18 février 2008.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, [K] [I] a, le 9 juin 2008, saisi le conseil de prud'hommes de MELUN afin d'obtenir à titre principal des dommages-intérêts pour licenciement nul, à titre subsidiaire, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, une indemnité de licenciement et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 27 janvier 2010, le conseil de prud'hommes a débouté [K] [I] de ses demandes et débouté la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER de sa demande reconventionnelle.

Régulièrement appelante de cette décision, [K] [I] demande à la cour de :

A titre principal,

- condamner la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER à lui payer la somme de 65 819 € de dommages-intérêts pour licenciement nul

- condamner la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER à lui payer les sommes de :

' 5 484,92 € de préavis,

' 548,49 € de congés payés afférents,

' 16 454,76 € d'indemnité de licenciement,

' 65 819 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Fondation LES AMIS DE L'ATELIER sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a jugé légitime et bien fondé le licenciement pour faute grave de [K] [I], ainsi que le débouté de cette dernière.

À titre subsidiaire, la Fondation demande à la cour de réduire dans de notables proportions les demandes de [K] [I] et en tout état de cause de la condamner au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :

'Le 9 janvier 2008 à été portée à notre connaissance, la lettre que vous avez adressée à la présidente du conseil de vie sociale ainsi qu'aux autres parents membres de ce conseil.

Dans cette lettre datée du 3 janvier 2008 vous portez des accusations diffamatoires contre votre employeur actuel. En effet vous y déclarez «depuis six ans, assister à la dégradation des conditions de prise en charge des résidents ». Ces conditions de prise en charge se détérioreraient donc selon vous depuis que l'établissement est géré par la Fondation Les Amis de l'Atelier. Cette dernière étant responsable de l'organisation de la prise en charge des résidents, vous laissez entendre qu'elle va jusqu'à organiser la dégradation de cette prise en charge.

Vous l'accusez également d'un manque de considération envers les résidents au sein de l'établissement. Ce sont des propos dilatoires que vous prétendez étayer par des exemples concernant d'une part les consignes qui vous ont été données et que par insubordination vous avait refusé de respecter. À titre d'exemple vous écrivez que : l'« interdiction (du jour au lendemain) de leur offrir un bonbon) vous est insoutenable alors que dans la fiche de résolution de la réunion du 12 octobre 2007 il a été stipulé en tant que consigne à respecter : « ne plus donner de bonbons, journaux etc aux résidents ». Vous n'avez pas respecté cette consigne à plusieurs reprises notamment en donnant des bonbons à une résidente souffrant d'obésité sévère. La consigne est posée pour protéger les résidents et votre propos est donc diffamatoire puisqu'il déforme les intentions et la réalité du fondement de cette consigne.

D'autre part, vous listez certains faits qui hors de leur contexte ne peuvent avoir pour résultat que d'effrayer les parents à qui vous adressez ce courrier. Et, toujours dans le même but, vous dites avoir assisté à des situations que vous n'avez jamais signalées à votre hiérarchie mais que vous jugez utile d'exposer à des familles déjà fragilisées par le handicap de leur enfant.

Vous poursuivez vos propos diffamatoires en accusant un cadre de la Fondation de ne pas respecter les familles. En effet vous dites que ce cadre vous a « enjoint à adresser à des familles des courriers qui -selon vous- s'avèrent être désobligeants ». Alors qu'il ne s'agissait que d'envoyer aux familles des calendriers trimestriels d'absence. Vous déformez la réalité une fois encore.

Nous ne pouvons accepter que vous diffusiez aux familles ce courrier diffamatoire à l'égard de votre hiérarchie et de votre employeur. Vous causez, ainsi, un préjudice considérable à notre institution. Par ce courrier vous avez posé un acte inadmissible et, nous ne pouvons accepter de ce fait la poursuite de notre relation contractuelle.

Par la présente, nous vous notifions donc votre licenciement pour faute grave suspensive de préavis et de l'indemnité de licenciement'.

La lettre du 3 janvier 2008 émanant de [K] [I] et dont il est fait état dans la lettre de licenciement est la suivante :

'J'ignorais tout du monde du handicap lorsque j'ai été engagée par l'APRIM en juin 1978. Si je suis restée aussi longtemps travailler, d'abord avec les résidents, puis au secrétariat, mais auprès d'eux, c'est que la précédente association gestionnaire avait su m'insuffler (au travers des divers cadres de direction que j'ai pu côtoyer) la considération que tout un chacun est en droit d'attendre.

Depuis six ans, j'assiste à la dégradation des conditions de leur prise en charge, tant dans leur état physique que psychique. J'admets que, pour certains d'entre eux, le vieillissement est en partie la cause. Mais ce n'est pas le cas pour le tourment que reflètent certains visages. Cette situation a été tolérable tant que j'ai pu contribuer, modestement, à un certain mieux-être des résidents.

Si je ne suis pas en mesure d'être à mon poste aujourd'hui, c'est que le manque de considération envers les résidents, et aussi le personnel, a, depuis quelque temps, pris une nouvelle tournure.

En effet, il m'est insoutenable d'envisager ce que certains semblent pouvoir admettre :

- Intimer l'ordre de sortir du bureau ou résident qui sont les bienvenus depuis nombre d'années.

- Interdiction « du jour au lendemain » de leur offrir un bonbon. Bien entendu, pour moi, il ne s'agit pas d'une friandise mais d'un véritable échange de relations.

- Interdiction de servir à un tel le café qu'il me demande alors qu'il arrive frigorifié au centre de jour dans son fauteuil roulant.

- Devoir aller rechercher untel trempé près du portail, sous la pluie, assis dans une flaque d'eau, alors que personne ne s'en est préoccupé.

- Sortir, par les pieds, un résident d'un lieu où il n'est pas désiré.

- Enfiler les chaussures orthopédiques d'un résident sans les délacer complètement.

Essayez donc sur vous-même pour voir !

- Entendre untel me dire qu'il n'a pu manger son repas car, de l'entrée au dessert, ses voisins de table lui ont pris et qu'il ait été répondu qu'il n'avait qu'à faire attention.

- Mettre un résident qui ne voit pas contre le mur, dans un fauteuil «ranger comme un caddie de supermarché » sans lui parler, desserrer les freins et le «reprendre» sans un mot.

- Voir arriver des résidents au centre de jour avec les cheveux mouillés alors qu'il gèle.

Néanmoins, cette énumération n'est pas exhaustive.

En ce qui concerne le personnel, se voir adresser des propos infantilisant, voire agressif de la part de Mme [Y], directrice adjointe.

Pour ma part :

Mme [Y] me rend mes courriers que je lui ai remis, pour signature au visa, avec un retard considérable : souvent quatre à six jours, 16 et 22 jours pour les cas extrêmes.

Il m'a même été reproché, lors d'un second entretien préalable à sanction, «d'enfouir» le courrier sur son bureau. Ce que j'ai vivement démenti en présence des directeurs et de Mme [D] qui m'assistait.

Mme [Y] m'adresse des propos infantilisants, m'enjoint d'adresser à des familles des courriers qui s'avèrent être désobligeants eu égard aux difficultés qu'elles éprouvent vis-à-vis de leur enfant..

Mme [Y] était à son bureau lorsque je suis allé, comme elle me l'avait indiqué, la voir pour lui donner des explications sur les courriers, elle m'a dit qu'elle ne voulait plus me voir dans son bureau, s'est levée et a fermé la porte de celui-ci'.

Selon l'article L1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Le salarié jouit de sa liberté d'expression, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, sauf abus de sa part.

La lettre litigieuse a été adressée par la salariée à la présidente du conseil de vie sociale.

Le conseil de la vie sociale a été institué par décret du 27 mars 2004, il est composé de deux représentants des personnes accueillies ou prises en charge, un représentant du personnel, un représentant de l'organisme de gestion. Son président est élu par et parmi les membres représentant les personnes accueillies.

Le conseil de la vie sociale donne son avis et peut faire des propositions intéressant notamment le fonctionnement de l'établissement ou du service, notamment sur l'organisation intérieure et la vie quotidienne, les activités, l'animation de la vie institutionnelle et les mesures prises pour favoriser les relations entre ces participants ainsi que les modifications substantielles touchant aux conditions de prise en charge.

Il est expressément prévu que les informations concernant les personnes, échangées lors des débats restent confidentielles.

Force est de constater que c'est à tort que l'employeur reproche à [K] [I] d'avoir diffusé son courrier aux familles, alors qu'il n'a été envoyée qu'au seul conseil de vie, lequel a été créée afin d'associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement des établissements ou services ainsi que le précise l'article L.321-1 du code de l'action sociale et des familles, section 2 relative aux droits des usagers.

Il ne peut, dès lors être fait grief à [K] [I] de s'être adressée au conseil de vie institué dans l'établissement dans lequel elle était affectée, au regard :

1/ de sa qualité de représentante des salariés au sein du conseil

2/ de l'objet du conseil, à savoir associer les membres le composant à l'organisation et la vie interne de l'établissement

3/de l'obligation de confidentialité qui s'impose à chacun des membres du conseil, au demeurant représentant un nombre très restreint de personnes.

S'agissant du contenu de la lettre, [K] [I] n'a fait qu'user, sans abus de sa liberté d'expression en s'adressant au conseil de vie, et en critiquant tout à la fois une méthode de management des personnels très différente de celle appliquée par la Fondation à laquelle a succédé la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER ainsi qu'en dénonçant des faits qu'elle estimait contraires à l'intérêt des résidents.

Aucun des termes employés dans cette lettre n'est injurieux, vexatoires ou diffamatoires, s'agissant de la relation de faits dont [K] [I] a été témoin et dont rien ne permet de démontrer l'inanité ou le caractère mensonger.

Par ailleurs, l'employeur ne peut fonder le licenciement sur les griefs de non-respect des consignes et insubordination, déjà sanctionnés par un avertissement du 12 octobre 2007, aucun élément ne permettant de constater que depuis lors, [K] [I] a persisté, notamment en continuant à distribuer des bonbons ainsi qu'il lui en avait été fait interdiction.

Aucun des griefs allégués à l'encontre de [K] [I] n'est constitutif d'une faute grave ou d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient donc, infirmant le jugement entrepris, de condamner la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER à verser à [K] [I] les sommes de :

- 5 484,92 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à deux mois de salaire

- 584,49 € de congés payés afférents

- 16 454,76 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

observation étant faite que l'employeur ne conteste pas les modalités de calcul de ces indemnités.

[K] [I] réunissant les conditions pour bénéficier de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.1235-3 du code du travail, il lui sera alloué, au regard de son ancienneté, trente ans, et de son âge, la somme de 65 819 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [K] [I] à hauteur de la somme de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré,

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER à payer à [K] [I] les sommes de :

- 5 484,92 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à deux mois de salaire

- 584,49 € de congés payés afférents,

- 16 454,76 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 65 819 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Fondation LES AMIS DE L'ATELIER aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/01553
Date de la décision : 10/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/01553 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-10;10.01553 ?
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