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10/11/2011 | FRANCE | N°09/08996

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 10 novembre 2011, 09/08996


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 10 Novembre 2011

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08996 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section encadrement RG n° 08/01426





APPELANTE

Madame [L] [P] épouse [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Etienne PUJOL, avocat au

barreau de PARIS, toque : P0014





INTIMEE

SA OSEO

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry MEILLAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J 033





COMPOSITION DE LA COU...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 10 Novembre 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08996 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section encadrement RG n° 08/01426

APPELANTE

Madame [L] [P] épouse [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Etienne PUJOL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

INTIMEE

SA OSEO

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry MEILLAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J 033

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 20 juillet 2011

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Oseo, venant aux droits de la société Oseo financement, de la BDPME, du CEPME est un établissement bancaire détenu par l'État et spécialisé dans le financement des petites et moyennes entreprises.

Le 31 décembre 2010, la société Oseo financement, nouvellement dénommée Oseo SA a absorbé les autres entités du groupe qui comprenait outre la société Oseo financement, la société Oseo innovation et la société Oseo garantie.

Mme [H] avait été engagée par le CEPME le 1er mai 1999 en qualité de secrétaire attachée de direction avec reprise de son ancienneté au 1er décembre 1988, date de son embauche au sein de la société Procrédit, filiale de la CEPME.

Par décisions des conseils d'administration de l'établissement public d'Oseo et de la société Oseo aux droits de laquelle est venue la société Oseo innovation, en date du 19 juillet 2005, Mme [H] s'est vue confier la responsabilité du secrétariat des conseils de ces entités.

Par décision du 29 juin 2005, elle avait été nommé secrétaire du conseil de surveillance de la société Oseo BDPME.

À compter du 18 avril 2006, Mme [H] a été promue au grade de sous-directeur conformément à la classification conventionnelle applicable dans l'entreprise moyennant, en dernier lieu, le versement d'une rémunération mensuelle brute d'un montant de 6466 €.

Dans le cadre de ses fonctions de responsable du secrétariat du conseil, Mme [H] avait pour mission de préparer, d'organiser la tenue des conseils d'administration et de surveillance, des comités spécialisés et des assemblées générales des trois sociétés, de rédiger les procès-verbaux de ces réunions, de traiter les sujets de gouvernance, de gérer la conduite opérationnelle des projets d'organisation juridique du groupe, d'élaborer des rapports annuels d'activité et de gérer la vie sociale des sociétés du groupe. Elle était hiérarchiquement rattachée au directeur général délégué en la personne de M. [J] [Z], lui-même rattaché directement au président du groupe M. [M] [W].

En octobre 2007, lors du départ du président, M. [M] [W], M. [O] [S] a été amené à prendre la direction du groupe Oseo.

La nécessaire réorganisation du fonctionnement du groupe et plus particulièrement de ses organes de gouvernance ont amené M. [O] [S], les conseils d'administration d'Oseo, d'Oseo innovation, et le conseil de surveillance d'Oseo financement à ne plus faire appel à un salarié de l'entreprise pour assumer le secrétariat des conseils mais de désigner au sein de chaque conseil, un animateur en qualité de secrétaire.

Le 25 avril 2008, les conseils d'administration des sociétés et le conseil de surveillance de la société Oseo le financement ont mis fin aux fonctions de Mme [H] en qualité de responsable du secrétariat des conseils.

Le 5 mai 2008, Mme [H] a été affectée à un poste de chargé de mission au sein d'une autre société du groupe, la société Oseo innovation.

Considérant que la modification de ses fonctions avait pour conséquence une modification de sa qualification, de son niveau de responsabilité et de la nature même de son activité, soit une modification substantielle de son contrat de travail, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Elle sollicitait la condamnation de la SA Oseo Financement lui verser les sommes suivantes :

- 132'566,65 € à titre d'indemnités de licenciement,

- 155 200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 19'399,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1939,99 € à titre de congés payés afférents,

- 77'600 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par un jugement du 16 juillet 2009, le conseil de prud'hommes de Créteil, section encadrement, a débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes.

Mme [H] a relevé appel de ce jugement.

Dans des conclusions déposées et soutenues oralement lors des débats, Mme [H] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, statuant à nouveau de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SA Oseo Financement et de la condamner à lui verser les sommes suivantes :

- 155'199,98 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 19'399,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1939,99 € au titre des congés payés afférents,

- 155'200 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 77'600 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite aussi la remise des documents de fin de contrat de travail sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Aux termes d'écritures reprises et développées lors de l'audience, la SA Oseo Financement conclut à la confirmation du jugement, s'oppose à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à toute demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et réclame, à son tour, une indemnité de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La rémunération brute de Mme [H] s'éleve à la somme de 6466 €.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS :

Sur la demande de résiliation du contrat de travail :

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, Mme [H] invoque la modification unilatérale du contrat de travail et le harcèlement moral subi.

S'agissant de la modification du contrat de travail, Mme [H] relève que si le titulaire du poste de responsable du secrétariat des conseils est désigné ainsi que le prévoient les statuts respectifs par les conseils concernés, dès lors que celui-ci est un salarié de l'entreprise, ses fonctions sont exercées dans le cadre du contrat de travail. Dans les faits, l'exercice de ces nouvelles fonctions se sont accompagnées d'une promotion conventionnelle puisqu'à compter du mois de juillet 2005, elle a bénéficié du statut de 'fondé de pouvoir' hors classe 1150 puis à compter de janvier 2006 du statut 'sous-directeur' hors classe 1350. Elle considère qu'ayant exercé ce poste, fut-il prévu par les statuts, en sa qualité de salarié, la nature et l'étendue des responsabilités opérationnelles ainsi exercées revêtent alors un caractère contractuel, en conséquence, un salarié doit être replacé sur un poste similaire, correspondant à la nature et l'étendue des responsabilités opérationnelles acquises au titre de ce précédent emploi.

Dans ces conditions, son reclassement sur un poste de chargé de mission s'analyse, selon elle, en une rétrogradation.

Elle soutient que les fonctions exercées en tant que responsable du secrétariat des conseils exigeaient une technicité importante notamment en droit des sociétés, en droit public ainsi qu'une connaissance très particulière des spécificités du groupe, que pour exercer ses missions, elle bénéficiait d'une autonomie complète étant directement rattachée au directeur général délégué lui-même rattaché directement au président du groupe, qu'enfin elle avait sous sa responsabilité une équipe de quatre personnes composée d'un rédacteur, d'une juriste, d'une assistante spécialisée en publication, d'une assistante personnelle.

Son reclassement comme chargée de mission est à l'origine d'une rétrogradation hiérarchique puisqu'elle est désormais affectée à un poste la situant hiérarchiquement à deux échelons inférieurs, qu'elle n'apparaît plus sur l'organigramme fonctionnel des principaux responsables du groupe.

Elle considère avoir également subi une rétrogradation de sa qualification faisant observer que le référentiel des emplois indique que les classifications hors classe correspondent aux emplois de responsable, alors qu'elle est désormais affectée à un emploi de chargée de mission, inférieur à un tel emploi de responsable.

Enfin, elle estime subir une rétrogradation fonctionnelle ayant tout à la fois perdu toute fonction d'encadrement et toute autonomie.

Elle fait remarquer que la proposition de poste formulée le 27 février 2006 quelques jours à peine avant l'audience devant le conseil de prud'hommes est opportuniste et confirme le déclassement imposé.

La SA Oseo Financement conteste toute modification du contrat de travail de Mme [H].

Elle soutient que la nomination de Mme [H] en tant que responsable du secrétariat des conseils résulte d'une décision discrétionnaire, que par suite la fin des missions confiées par décision des organes d'administration de la société ne constitue pas une modification du contrat de travail si les tâches nouvelles confiées à la salariée correspondent à sa qualification, laquelle doit être appréciée indépendamment des fonctions précédemment exercées en vertu des statuts de la société.

La SA Oseo Financement soutient qu'à compter du 25 avril 2008, Mme [H] s'est vue confier une mission au sein de la direction de la gestion de l'innovation dans le pôle Convention partenaire avec le grade de sous-directeur, que sa rémunération a fait l'objet d'une augmentation, qu'elle était placée directement sous la responsabilité du directeur de la gestion d'innovation ce qui correspondait parfaitement à sa qualification, les missions confiées exigeant la mise en oeuvre de connaissances juridiques parfaitement maîtrisées.

L'employeur considère que Mme [H] s'est acquittée de ses tâches de façon satisfaisante, qu'elle a fait, à plusieurs reprises, l'objet de remerciements de la part de sa supérieure hiérarchique, qu'elle a conservé sa classification et sa rémunération, et qu'elle a continué à déléguer certaines tâches à d'autres salariés de l'entreprise comme elle le faisait en sa qualité secrétaire des comités.

Pour la société, le poste proposé de responsable services Convention partenaire par lettre du 26 février 2009 correspond à une promotion dès lors que les responsabilités attachées à ce poste sont à tout le moins de même niveau sinon supérieures à celles qu'elle assume en sa qualité de chargé de mission. Elle précise que la date d'envoi de ce courrier se justifiait par la proximité de la fin de mission confiée Mme [H]. Elle confirme que ce courrier précisait que la classification et la rémunération de Mme [H] demeuraient inchangées de même que son lieu de travail.

D'après les pièces produites, et plus spécialement le contrat de travail du 3 mai 1999, Mme [H] a été engagée à compter du 1er mai 1999 pour exercer les fonctions de secrétaire attachée de direction, classe V, coefficient de base de 655. L'ancienneté dans le groupe de Mme [H] a été à cette occasion intégralement reprise.

Mme [H] a connu plusieurs promotions, ainsi celle du 5 janvier 2004 lui permettant d'accéder au niveau cadre de niveau J.

Par une lettre du 24 mai 2005, M. [M] [W], président du directoire d'Oseo BDPME a adressé à Mme [H] une lettre rédigée de la façon suivante :

- 'j'ai le plaisir de vous informer que vous êtes appelée à prendre la responsabilité du secrétariat du conseil d'Oseo...

Ces nominations, en qualité de secrétaire du conseil et du directoire d'Oseo bdpme seront confirmées pour Oseo BDPME par le prochain conseil du 29 juin 2005 et pour Oseo et Oseo Anvar à l'occasion de la première réunion des conseils considérés.

Dans cette attente, vous êtes chargée de mission auprès du membre du directoire, responsable du pôle financier support.

À compter du 1er juillet 2005, vous serez promue cadre hors classification avec le grade de 'fondé de pouvoir' et votre salaire brut annuel de base sera porté à 65 000 € (pour un temps plein) par intégration définitive de votre prime de fonction de 4 000 €.

Au 1er janvier 2006, votre salaire annuel brut de base sera porté à 70 000 € (pour un temps plein)...'.

Il est admis qu'à la suite d'un changement de gouvernance, les conseils et comités concernés ont déchargé Mme [H] de ses fonctions de responsable de leur secrétariat et ont désigné en ses lieu et place, un administrateur.

C'est alors que la SA Oseo Financement a affecté Mme [H] à un poste de chargée de mission pour une durée de neuf mois au moins au sein de la direction de la Gestion de l'innovation dans le pôle 'Conventions partenaires' en lui conservant le grade de sous directeur et sa rémunération.

Le 11 février 2009, le directeur des ressources humaines lui a signifié que consécutivement à la signature de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois des compétences en date du 27 janvier, mettant fin aux dispositifs antérieurs, son rattachement préférentiel serait le suivant :

- métier : gestion des produits Oseo,

- emploi et fonction : chargée de mission.

Quelques jours plus tard, le 26 février 2009, le même directeur des ressources humaines a écrit à Mme [H] :

'par un courrier du 25 avril 2008, nous vous avons confié, au sein de la direction de la gestion et de l'innovation, une mission relative à la remise en ordre des conventions partenaires d'Oseo innovation pour une durée minimale de neuf mois. Nous vous informons que dans la perspective du départ programmé dans le courant de l'année 2009 de la responsable du service conventions partenaires, nous serons en mesure de vous affecter sur ce poste en qualité de responsable du service à la date du départ effectif de la responsable actuelle. Ce poste correspond à votre qualification et à votre expérience. À ce titre, vous aurez notamment en charge les missions suivantes : encadrer, animer, motiver, former et informer les équipes du service ; prendre en charge les missions confiées et piloter l'activité en fixant les priorités et encore dans les actions du service ; piloter le suivi budgétaire des ressources d'intervention ; piloter la gestion, le suivi budgétaire des conventions partenaires dans les applications métiers budgétaires. Dans l'intervalle, vous continuerez à assurer les missions qui vous ont été confiées depuis le 25 avril 2008.

Comme jusqu'à présent, aucune modification ne sera apportée à votre rémunération et à votre niveau de classification, pas plus qu'un autre lieu de travail, ce poste étant basé à [Localité 5]'.

L'examen de ces divers documents ainsi que des écritures déposées lors des débats montre que la SA Oseo Financement elle-même fait ressortir que Mme [H] n'a pas été affectée, en mai 2008, à un poste correspondant à son niveau de classification dès lors que la société présente elle-même 'ce nouvel emploi et/ou cette nouvelle fonction' en qualité de responsable de service à la date du départ effectif de la responsable alors en poste comme une future promotion.

Il est en effet curieux de constater qu'à quelques mois d'intervalle, les postes de chargé de mission d'une part et de responsable du service 'convention partenaires' d'autre part correspondent tous deux, selon l'employeur aux compétences, à la qualification, et à l'expérience de la salariée n'induisant aucune modification à sa rémunération, à son statut, à son niveau de classification, et que dans le même temps, il soit soutenu que le poste de responsable de service s'analyse en une promotion.

Par ailleurs, l'examen des nouveaux 'référentiels d'emplois compétences' montre d'une part qu'aucun chargé d'affaires ne peut être positionné Hors Classe, d'autre part que parmi les postes de 'responsables' référencés, le poste de responsable de service ne peut davantage être positionné Hors Classe.

Pourtant, l'examen des bulletins de salaire confirme que l'employeur, conscient de ses obligations n'a pas modifié la rémunération de la salariée et a constamment reconnu qu'elle était positionnée Hors Classe 1350, ce qui établit que la promotion accordée à Mme [H] concomitamment à sa prise de fonction de la responsabilité du secrétariat des conseils, était contractuellement prise en compte.

La rétrogradation de la salariée résulte des propos contradictoires contenus dans les deux lettres précitées rédigées par le directeur des ressources humaines, dès lors qu'il était précisé dans l'une que sa mission consisterait à analyser le stock des conventions partenaires... les emplois et les ressources par recoupement des systèmes de gestion,... complétée par la documentation d'inventaire physique et son instrumentation base Access, par les informations disponibles provenant des directions régionales et par l'analyse juridique de la documentation contractuelle avec le partenaire.

Dans la seconde lettre comportant la proposition du poste de responsable de service conventions partenaires, il était notamment envisagé de confier à Mme [H] des fonctions d'encadrement, d'animation des équipes du service.

C'est en vain que l'employeur soutient que Mme [H] disposait d'un pouvoir d'encadrement dès lors qu'il résulte des courriels qu'elle-même communique aux débats, qu'elle recevait des consignes très précises avec des contrôles réguliers et soutenus de son travail, qu'elle établit que le courriel adressé à Mme [N], invoqué par l'employeur, ne correspond pas à une instruction qu'elle donne elle-même et directement à cette interlocutrice, mais à une transmission d'instruction qui lui avait été donnée par Mme [F]. Mme [H] n'est au surplus pas contestée quand elle soutient que Mme [N] n'appartenait pas au service dont elle même dépendait mais à celui de la comptabilité.

L'employeur a donc failli à ses obligations en ce qu'il devait permettre à la salariée d'exercer un emploi, des fonctions en rapport avec sa classification, ce qu'il n'a pas fait.

Par ailleurs, Mme [H] reproche à son employeur un harcèlement à son égard caractérisé par des convocations multiples du directeur des ressources humaines avant même qu'elle soit démise par les conseils de sa responsabilité du secrétariat, par un dessaisissement progressif des tâches qui lui étaient habituellement confiées, par la suppression du véhicule de fonction dont elle bénéficiait jusqu'alors, par la mutation imposée à de nouvelles fonctions, par un éloignement de la présidence dans un bureau isolé situé dans une autre aile du siège social à un autre étage, avec un travail solitaire la coupant de tout lien avec les autres salariés de la société et par une mise à l'écart confirmée par le fait qu'elle n' était plus invitée aux réunions périodiques, comme les principaux cadres de la 'maison'.

Elle soutient avoir connu un grand état de fragilité physique et mentale lui imposant plusieurs arrêts médicaux.

Selon les dispositions de l'article 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son interprofessionnel.

Lorsque le salarié concerné établit des faits qui permettent de laisser présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur d'établir que les agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Même si aucun élément objectif ne permet de déterminer la teneur des échanges entre le directeur des ressources humaines et Mme [H] avant qu'elle soit démise par les conseils de sa fonction de responsable de leur secrétariat, il n'est pas contesté que plusieurs entretiens ont effectivement eu lieu ce qui corrobore l'affirmation de la salariée selon laquelle son reclassement était à l'ordre du jour avant même toute décision discrétionnaire des conseils.

Il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 25 avril 2008, que la 12e résolution portait sur la fin du mandat de membre du directoire de [J] [Z] qu'à cette occasion le président, M. [S] a exprimé qu'il jugeait utile de 'constituer une équipe à sa main'. La résolution mettant fin au mandat de M. [Z] a été adoptée.

M. [Z] atteste que 'concomitamment à sa propre révocation, Mme [H] a été évincée de ses responsabilités de secrétaire du conseil moyennant une évolution organisée à dessein et en dépit de ce qu'elle avait fait connaître au nouveau président son souhait de poursuivre sa mission sous son autorité'.

M. [Z] licencié quelques mois plus tard, atteste de l'état de souffrance psychique et du sentiment de détresse qui était les siens à l'issue de ses trois entretiens relatifs à sa nouvelle affectation, qu'elle a été mutée à des fonctions très éloignées de celles exercées jusqu'alors s'agissant d'un travail d'exécution, sans aucune autonomie et sans grand rapport avec ses compétences.

M. [Z] précise qu'il en a été de même pour deux de ses collaborateurs.

Mme [E] témoigne des actions entreprises visant à dessaisir Mme [H] de tâches lui étant usuellement attribuées, de la requête du président de confier la rédaction des comptes-rendus de comité de direction à une autre personne faisant elle-même partie de l'équipe du secrétariat des conseils et dépendant pourtant de l'autorité hiérarchique de Mme [H]. Cette personne avait reçu instruction de ne pas rendre compte à Mme [H]. Elle soutient avoir elle-même en tant qu'assistante de Mme [H] reçu instruction de la part de l'assistante du Président de la SA Oseo Financement de ne pas préparer un conseil convoqué exceptionnellement, ce conseil étant préparé et diffusé en direct par la présidence.

Elle précise que cela lui a été imposé pendant un arrêt de travail de Mme [H] sans que celle ci en ait été informée, qu' à son retour, elle n'a pas eu accès à l'ordre du jour ni au contenu de ce dossier avant son envoi aux membres du conseil.

Ce témoin explique avoir subi conjointement avec Mme [H] et M. [G] également membre du secrétariat des conseils, la réduction volontaire de la quantité des tâches qui leur étaient habituellement confiées comme la rédaction de notes d'information, la préparation de documents destinés aux administrateurs etc.

Mme [E] déplore avoir dû se résoudre à négocier son départ de la société au mois de mai 2008 avec dispense d'effectuer sans préavis dès lors que la société n'a pas été en mesure de lui proposer un autre poste correspondant à ses qualifications malgré plusieurs suggestions.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la révocation du supérieur hiérarchique de Mme [H], M. [Z], est à l'origine de la décision prise d'affecter la salariée à un poste éloigné de la présidence.

Il a été précédemment constaté que le poste de chargé de mission correspondait en réalité à une rétrogradation à la fois hiérarchique et fonctionnelle.

Cette mutation a aussi entraîné un éloignement réel de la salariée dès lors qu'il lui était imposé de changer de direction, de perdre son autonomie dans l'organisation de ses tâches.

Mme [H] communique aux débats plusieurs arrêts de travail et des certificats médicaux attestant de la réalité d'un état dépressif chronique.

Si le médecin, n'ayant pas été directement témoin des événements retenus par Mme [H] comme étant à l'origine de sa souffrance, ne peut en effet soutenir que l'état dépressif constaté est consécutif aux problèmes professionnels, la cour est en mesure au regard des éléments précédemment évoqués de constater le lien de causalité entre l'état de souffrance et de désarroi constaté par les témoins précités et l'affection médicalement constatée.

Dans ce contexte, l'employeur n'établit pas que les agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En effet, par la mise à l'écart de la salariée initié avant même qu'elle fut démise par les conseils de sa responsabilité de leur secrétariat confirmée par la mutation de la salariée emportant une rétrogradation hiérarchique et fonctionnelle, dans des conditions telles qu'elles avaient pour objet de la désavouer voire de l'humilier vis à vis des autres cadres et collaborateurs du groupe alors qu'elle avait assumé pendant dix années un poste de responsabilité proche de la présidence avec un engagement d'ailleurs non contesté, la SA Oseo Financement s'est effectivement livrée à un harcèlement à l'égard de la salariée.

Ces manquements de la part de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] aux torts de l'employeur.

Cette résiliation judiciaire prend effet à la date du présent arrêt.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat :

Mme [H] est fondée à réclamer les indemnités de rupture soit l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

La société se limite à s'opposer à l'octroi de ces sommes au motif que la demande de résiliation judiciaire était infondée mais ne formule aucune observation quant à leur montant.

Dans ces conditions, il convient d'allouer à Mme [H] les sommes suivantes :

- 155'199,98 € titre d'indemnité de licenciement,

- 19'399,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1939,99 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et permet à la salariée de solliciter une indemnité à ce titre.

L'entreprise comporte plus de 10 salariés.

Lors de la signature du contrat de travail en mai 1999, la reprise d'ancienneté dans le groupe a été expressément prévue.

Aussi Mme [H] a-t-elle dans le groupe une ancienneté remontant au 1er décembre 1988, soit une ancienneté de 22 ans et 20 mois.

Les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail ont dès lors vocation recevoir application.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salarié, de son âge, son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et aux conséquences de la rupture du contrat de travail compte tenu de son état de santé tel que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies , la cour est en mesure d'allouer à Mme [H] la somme de 155 200 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement :

Il a été précédemment constaté que la société s'était effectivement rendue coupable d'agissements répétés ayant eu pour objet de dégrader les conditions de travail de la salariée et de porter atteinte à cette dignité, à sa santé et à son avenir professionnel sans que la société ait pu justifier ces agissements par des raisons objectives.

L'important préjudice moral résultant de ces agissements sera équitablement réparé par l'allocation de la somme de 77'600 € que réclame légitimement la salariée.

Le jugement déféré sera infirmé.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat de travail :

La demande de remise des documents de fin du contrat de travail est légitime. Il y sera fait droit. Toutefois aucune astreinte ne sera prononcée dès lors que la salariée ne peut en l'état allégué d'un refus de la SA Oseo Financement d'exécuter les obligations mises à sa charge par le présent arrêt.

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande d'allouer à la salariée la somme qu'elle réclame pour les frais engagés par elle au soutien de son action et ce, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA Oseo Financement à verser à Mme [H] les sommes suivantes :

- 155'199,98 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 19'399,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1930,99 € au titre des congés payés afférents,

- 155'200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 77'600 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne la remise à Mme [H] de tous les documents de fin de contrat de travail,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SA Oseo Financement aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/08996
Date de la décision : 10/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°09/08996 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-10;09.08996 ?
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