Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 8 NOVEMBRE 2011
(no 333, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 05234
Décision déférée à la Cour :
Décision rendue le 3 février 2011 par le bâtonnier tiers, par laquelle il sursoit à statuer dans l'attente de la décision relative à la compétence du bâtonnier du barreau de Paris
DEMANDERESSE AU RECOURS
S. C. P. DOUMITH représentée par ses représentants légaux
186, avenue Victor Hugo
75116 PARIS
assistée de Monsieur le Bâtonnier Francis TEITGEN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132 WEIL GOTSHAL et MANGES
DÉFENDERESSE AU RECOURS
S. C. P. GIBIER-SOUCHON-FESTIVI-RIVIERE représentée par ses co-gérants
30, boulevard Chasles
28000 CHARTRES
représentée par la SCP VERDUN-SEVENO, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-François LOUIS de la SCP GIBIER SOUCHON FESTIVI RIVIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 septembre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Sabine DAYAN
ARRET :
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*************
Une société civile de moyens (SCM) a été créée à Paris entre les SCP GIBIER-SOUCHON-FESTIVI-RIVIERE et DOUMITH et M. X..., tous avocats, lors d'une assemblée générale extraordinaire du 30 mars 2004 au cours de laquelle a été constatée la sortie de la SCM de la SCP POUDENX et l'entrée concomitante de la SCP GIBIER-SOUCHON-FESTIVI-RIVIERE (GSFR).
De nouveaux statuts ont donc été adoptés. La SCM s'est domiciliée à Paris, 186 avenue Victor Hugo (article 3). Chacun des avocats ou SCP partie aux statuts de la SCM y a indiqué être domicilié à cette même adresse. Il y figure un article 33 intitulé " contestations " qui soumet à l'arbitrage du bâtonnier de Paris tous les différends susceptibles d'intervenir " entre les associés " ou entre eux " et la société " relatifs à " la conclusion, l'interprétation ou l'exécution " de ces statuts ou plus généralement " à propos des affaires sociales ". L'article 34 intitulé " élection de domicile " précise que " Pour l'exécution des présentes, les parties élisent domicile au 186 avenue Victor Hugo ".
M. X... s'est retiré de la SCM le 9 septembre 2007. Un différend est ensuite survenu entre les associés restants. A la demande de la SCP DOUMITH formulée le 23 janvier 2009, un médiateur a été désigné par le bâtonnier du barreau de Paris. Il a présidé, le 11 septembre 2009, une assemblée générale de la SCM qui a constaté sa dissolution depuis le 26 juillet précédent par suite des retraits successifs, a statué sur certaines questions dont une relative aux lignes téléphoniques, dit que les co-gérants seront les liquidateurs de la société et agiraient de concert mais a renvoyé à une assemblée générale ultérieure la question des comptes de clôture de la liquidation.
Cette assemblée ne s'est jamais tenue, le médiateur a constaté l'échec de sa mission et un liquidateur a été désigné par le bâtonnier du barreau de Paris le 7 janvier 2010.
C'est à la suite de cette désignation que la SCP GSFR a saisi, par lettre du 19 janvier 2010 complétée le 26, le bâtonnier du barreau de Paris, auquel elle a soumis le différend pour arbitrage, en contestant la désignation du liquidateur, demandant la résolution de la question du téléphone et estimant que la SCM reste lui devoir des sommes.
A réception de ces saisines transmises par le conseil de l'ordre des avocats au Barreau de Paris, la SCP DOUMITH a, par lettre du 19 mars 2010, fait toutes observations sur les prétentions de la SCP GSFR, sollicité l'arbitrage du bâtonnier du barreau de Paris et demandé la désignation urgente d'un liquidateur pour procéder " à la reddition des comptes de liquidation de la SCM ".
Cependant les parties se sont refusées à signer un acte de mission à l'arbitre désigné et à établir un calendrier de procédure et la SCP GSFR a soulevé, le 8 avril 2010, l'incompétence de l'arbitre.
La SCP GSFR, invoquant le fait qu'elle était avocat inscrit au barreau de Chartres et y avait sa domiciliation, a saisi par lettre du 26 avril 2010 le bâtonnier de cette ville d'une demande de désignation, en commun avec celui de Paris, d'un bâtonnier tiers arbitre sur le fondement de l'article 179-2 du décret no91-1197 du 27 novembre 1991 modifié par l'article 6 du décret du 11 décembre 2009, puis, le bâtonnier du barreau de Paris ayant répondu qu'il était saisi et devait préalablement statuer sur sa propre compétence, obtenu du président du conseil national des barreaux, le 26 mai 2010, cette désignation, en la personne du bâtonnier CAILLE du barreau de Lille, dessaisissant par voie de conséquence celui de Paris.
Ce bâtonnier tiers a rendu, le 3 février 2011, une décision par laquelle il sursoit à statuer dans l'attente de la présente décision relative à la compétence du bâtonnier du barreau de Paris, se déclare incompétent pour statuer sur une demande de fixation des honoraires de la SCP GSFR et la renvoie à ce titre devant le bâtonnier de Chartres, se déclare compétent pour connaître de sa demande de dommages et intérêts formée contre la SCP DOUMITH pour les éventuels refus de transfert de bail des locaux de la SCM et dénonciation unilatérale par anticipation et fixe un calendrier de procédure.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de la sentence par la SCP DOUMITH en date du 15 février 2011,
Vu ses dernières conclusions déposées le 4 août 2011 par lesquelles la SCP DOUMITH demande l'infirmation de la sentence, irrégulière, la saisine du bâtonnier tiers étant dilatoire, constitutive d'un détournement de procédure et contraire à une bonne administration de la justice, l'article 179-2 du décret no91-1197 du 27 novembre 1991 modifié par l'article 6 du décret du 11 décembre 2009 n'étant pas applicable au litige mais seulement la clause compromissoire attribuant compétence exclusive au bâtonnier de Paris,
Vu les dernières conclusions déposées le 16 septembre 2011 aux termes desquelles la SCP GIBIER-SOUCHON-FESTIVI-RIVIERE demande, à titre principal, que la cour se déclare incompétente au profit de celle de Douai, à titre subsidiaire que la demande d'annulation de la saisine du bâtonnier tiers soit déclarée irrecevable, comme nouvelle, et que la décision soit confirmée et infirmée celle du bâtonnier du barreau de Paris se déclarant compétent,
SUR CE,
Considérant que le litige dont est saisie la cour d'appel de Paris porte sur sa compétence et celle du bâtonnier du barreau de Paris dans le litige qui oppose deux SCP d'avocats antérieurement associées au sein d'une SCM, enregistrée à l'ordre des avocats au Barreau de Paris, dont les statuts, antérieurs à l'entrée en vigueur de l'article 179-2 du décret no91-1197 du 27 novembre 1991 dans sa rédaction résultant de l'article 6 du décret du 11 décembre 2009, comportait une clause compromissoire attributive de compétence au bâtonnier du barreau de Paris, le litige portant sur les conséquences de la dissolution de la SCM intervenue également antérieurement à l'entrée en vigueur du texte suscité ;
Considérant que la SCP DOUMITH, qui fait valoir que, dans leurs relations, les deux SCP aujourd'hui adversaires, ont toujours évoqué la possibilité d'avoir recours à l'arbitrage du bâtonnier pour régler leurs différends, soutient que la demande de saisine d'un bâtonnier tiers, postérieure à celle du bâtonnier de Paris est dilatoire et constitue un détournement de procédure ; que le litige n'oppose par deux avocats de deux barreaux différents mais deux associés d'une même SCM, tous deux inscrits au barreau de Paris, la SCP GSFR n'y figurant pas comme cabinet secondaire mais étant une société inter-barreaux qui y est inscrite, peu important que son siège social soit à Chartres ; que le litige était déjà en cours lors de la publication du décret invoqué, qui écarte son application dans cette hypothèse, du fait de la médiation ordonnée ; que le litige concerne une SCM inscrite au barreau de Paris contenant une clause compromissoire que la SCP GSFR a toujours appliquée dans ses différents échanges avec la SCP DOUMITH ou avec les tiers ;
Considérant que la SCP GSFR soutient quant à elle qu'elle a été constituée et immatriculée à Chartres, qu'elle est donc soumise à la juridiction du bâtonnier de cette ville, que l'arbitrage demandé par la SCP DOUMITH, qui ne concerne pas que des questions intéressant la SCM, intéresse donc deux avocats appartenant à deux barreaux différents et doit en conséquence être soumis à un arbitre tiers puisque les statuts invoqués, datant de 2004, sont antérieurs à l'article 179-2 ci-dessus visé qui, datant de 2009, est lui même antérieur à la saisine du bâtonnier le 19 mars 2010, ce qui a pour conséquence qu'il est pleinement applicable au litige, n'ayant pas à être écarté par référence aux litiges " en cours " à sa date de publication, puisque ce n'était pas le cas ; que ce texte d'ordre public doit prévaloir sur la clause compromissoire des statuts, antérieure, devenue caduque ;
Considérant toutefois que ce raisonnement et ces objections supposent d'adopter comme prémisses que la SCP appelante est un avocat du barreau de Chartres alors qu'il est constant que, quel que soit le lieu de son immatriculation, elle s'est domiciliée à Paris 186 avenue Victor Hugo, comme il a été dit ci-avant, pour les besoins de son entrée dans la SCM litigieuse, relevant, dès lors, pour tout ce qui touche au fonctionnement de ladite SCM ou à sa dissolution, du barreau de Paris ;
Qu'à supposer que la clause compromissoire inscrite dans les statuts adoptés en 2004 soit devenue caduque lors de l'entrée en vigueur du décret susvisé en 2009, il n'en demeure pas moins que la SCM ayant elle même son siège à Paris, elle relève, comme telle, pour toutes les difficultés liées à son administration, à sa gestion ou à son organisation, du bâtonnier de Paris ; qu'à cet égard, et contrairement à ce que prétend la SCP GSFR, le différend concerne d'évidence le fonctionnement de la SCM, ses membres s'opposant tant sur la répartition des charges liées à l'usage des lignes téléphoniques de la société que sur le droit au bail de celle-ci et son éventuel transfert à l'un ou l'autre de ses membres ou sur les comptes résultant des retraits successifs ;
Considérant que si la SCP GSFR fait également valoir que seule la procédure prévue à l'article 179-2 ci-dessus visé est applicable à l'arbitrage considéré du fait de la saisine du bâtonnier postérieure à l'entrée en vigueur de ce texte, il convient de lui rappeler que le bâtonnier de Paris a été saisi initialement du différend le 23 janvier 2009, la SCP DOUMITH demandant la désignation d'un médiateur qui a présidé une assemblée générale cette même année et n'a pu achever sa mission du fait d'un désaccord persistant ; qu'il a donc été sollicité antérieurement à l'entrée en vigueur du décret invoqué et que c'est au vu du litige, toujours en cours, que la SCP GSFR l'a, à son tour, saisi d'une demande d'arbitrage par sa lettre du 19 janvier 2010 complétée le 26 ;
Qu'elle ne peut, sans se contredire, soutenir que le bâtonnier de Paris est incompétent alors que c'est elle qui l'a saisi de la demande d'arbitrage à cette date dans des termes qui ne souffrent aucune ambiguïté, admettant alors formellement sa compétence et lui demandant avec insistance, ainsi qu'en font foi les correspondances versées, de bien vouloir désigner un arbitre et de statuer de manière urgente, la SCP DOUMITH n'ayant fait que répondre à ses arguments dans sa lettre du 19 mars 2010, qui ne constituait pas une demande d'arbitrage, et formuler une demande reconventionnelle de désignation d'un liquidateur ;
Que sa contestation de la compétence du bâtonnier de Paris, qu'elle a elle-même sollicité, apparaît pour le moins dilatoire et en tout état de cause inexplicable alors au surplus qu'elle n'a, à aucun moment au cours des nombreux échanges, jusqu'à ce que le délégué propose un calendrier, émis le moindre doute ou la moindre réserve sur sa légitimité à arbitrer le désaccord qui l'oppose à la SCP DOUMITH ;
Considérant dans ces conditions que, le bâtonnier de Paris ayant été saisi en premier et se trouvant compétent pour connaître du différend, comme l'est, par voie de conséquence la présente cour, la SCP GSFR est mal fondée en ce qu'elle revendique la compétence du seul bâtonnier tiers ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme la sentence du bâtonnier tiers en ce qu'il s'est déclaré compétent,
Condamne la SCP GIBIER-SOUCHON-FESTIVI-RIVIERE (GSFR) aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,