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25/10/2011 | FRANCE | N°10/06421

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 25 octobre 2011, 10/06421


COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 25 OCTOBRE 2011
(no 309, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 06421
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 février 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 0808766

APPELANTE

S. A. EPTA RACK anciennement ALSER INNOVATION agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général et tous représentants légaux 41 Boulevard de la République 78400 CHATOU représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour assistée de Me François-Xa

vier BOURDAIS de la SCP VERSINI CAMPINCHI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0454...

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 25 OCTOBRE 2011
(no 309, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 06421
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 février 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 0808766

APPELANTE

S. A. EPTA RACK anciennement ALSER INNOVATION agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général et tous représentants légaux 41 Boulevard de la République 78400 CHATOU représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour assistée de Me François-Xavier BOURDAIS de la SCP VERSINI CAMPINCHI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0454

INTIMES

Société SIMEON et ASSOCIES pris en la personne de son mandataire ad'hoc Maître Christian X... 47 avenue Georges Mandel 75016 PARIS

Maître Jérôme Y... ... 75008 PARIS

S. A. S COVEA RISKS 19/ 21 allée de l'Europe 92110 CLICHY

représentées par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour assistées de Me Jean-Pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600

CABINET SHEARMAN et STERLING 114 avenue des Champs Elysées 75008 PARIS représenté par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour assisté de Me Patrick MICHAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E 2123

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 septembre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a développé ses conclusions écrites

ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

La Cour,
Considérant que la société Epta Rack, reprochant à M. Jérôme Y..., avocat, membre de membre de la S. C. P. Siméon et associés puis du Cabinet Shearman et Sterling, d'avoir omis de lui préciser, à l'occasion de la reprise des actifs d'une société, que, pour bénéficier d'avantages fiscaux, elle devait conserver pendant au moins trois années l'activité acquise en 1997 à l'occasion du plan de cession de la société Alser, a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 10 février 2010, l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens, les parties étant déboutées, chacune de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'appelante de ce jugement, la société Epta Rack, qui en poursuit l'infirmation, demande que la S. C. P. Siméon et associés, M. Y..., le Cabinet Shearman et Sterling et la société Covéa Risks, leur assureur, soient condamnés à lui payer la somme de 2. 597. 648, 13 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 1. 077. 840, 10 euros, à titre de dommages et intérêts augmentées des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2000 sur la somme de 398. 301, 51 euros et, pour le surplus, à compter du 12 juin 2008, date de l'assignation introductive d'instance ; Qu'à ces fins, l'appelante fait valoir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la question n'est pas de savoir si elle a perdu une chance de bénéficier d'une exonération ultérieurement jugée illicite par la Commission européenne mais si, redressée pour avoir revendu dans un délai la privant d'un régime d'exonération pour lequel elle avait opté sur les conseils de son avocat, elle n'a pas, en raison du redressement, été privée d'un moyen de défense qu'elle aurait pu opposer à une action en restitution de cette aide en demandant reconventionnellement des dommages et intérêts en conséquence de la faute commise par l'Etat qui a mis en place, de façon illicite, un mécanisme d'aide à la reprise d'entreprises en difficulté, et qui a été la cause de très importantes pertes ; qu'elle en déduit qu'elle justifie d'un préjudice indemnisable et que la faute de son conseil ayant conduit au redressement l'a privée de recours indemnitaire contre l'Etat dont elle aurait disposé si le remboursement de l'aide lui avait été demandé ; Qu'après avoir exposé le calcul de l'indemnisation du préjudice, la société Epta Rack fait valoir que, même si elle n'est pas en droit d'être indemnisée des conséquences d'un redressement ayant remis en cause une aide illicite, elle est fondée à demander une indemnité correspondant à de nombreux frais accessoires dont elle aurait pu faire l'économie si elle avait été exactement informée sur les conditions d'application de l'article 44 septiès du Code général des impôts ;

Considérant que la S. C. P. Siméon et associés, M. Y... et la société Covéa Risks concluent à la confirmation du jugement au motif que nul n'est fondé à obtenir en justice la réparation d'un préjudice illicite de sorte que la société Epta Rack, qui a été privée d'une exonération fiscale illicite, invoque, en conséquence, un préjudice qui ne revêt pas le caractère légitime permettant son indemnisation dès lors que le dispositif prévu par l'article 44 septiès du Code général des impôts ne pouvait produire aucun effet juridique en vertu de la primauté du droit communautaire sur le droit national ; qu'elles en déduisent que la société Epta Rack n'aurait pu obtenir, en recherchant la responsabilité de l'Etat, un avantage équivalent à celui qui a été déclaré illicite ; Que, subsidiairement, les intimées soutiennent que M. Y... n'a pas commis la faute qui lui est reprochée dès lors que la consultation établie le 22 décembre 1997 avait un but seulement informatif et que la consultation du mois de février 2000 se rapportait à une mission technique de rédaction d'actes ; ils ajoutent que, d'une part, il n'existe aucun lien de causalité entre la faute et le préjudice allégués et que, d'autre part, la S. C. P. Siméon et associés est étrangère à l'intervention du mois de février 2000 ; Que, très subsidiairement, la S. C. P. Siméon et associés, M. Y... et la société Covéa Risks critique la méthode proposée par la société Epta Rack pour le calcul du préjudice allégué ;

Considérant que le Cabinet Shearman et Sterling, qui soutient n'être pas intervenu dans les aspects fiscaux de l'opération menée en 2000, conclut également à la confirmation du jugement au motif que la société Epta Rack n'apporte pas la preuve d'une faute qui lui serait imputable et qui aurait un lien direct avec le préjudice qu'elle prétend avoir subi ; Qu'à titre subsidiaire, le Cabinet Shearman et Sterling fait valoir que l'imposition à laquelle la société Epta Rack a été soumise est justifiée par la décision de la Commission européenne qui a annulé rétroactivement l'article 44 septiès du Code général des impôts de sorte que la demande présentée par l'appelante et tendant, en réalité, à l'indemnisation de la perte d'un avantage illicite ou à un enrichissement sans cause, n'est pas fondée ; qu'il ajoute qu'une partie des sommes réclamées par la société Epta Rack n'ont pas été mises en recouvrement et que, de ce chef, le préjudice allégué n'est pas né, actuel et certain ;

SUR CE :
Considérant qu'à l'occasion d'un plan de cession adopté le 13 novembre 1997 par le Tribunal de commerce de Nanterre, la société Alser Innovation, devenue Epta Rack, a fait l'acquisition d'un fonds de commerce exploité par la société Alser qui se trouvait alors en redressement judiciaire ; Que, le 22 décembre 1997, M. Y..., alors avocat et membre de la S. C. P. Siméon et associés, a répondu à une consultation qui avait pour objet de présenter les divers avantages fiscaux dont pourrait bénéficier la société Alser Innovation constituée en vue de procéder à la reprise de certains établissements de la société Alser ; Que, le 25 février 2000, aux termes d'un acte rédigé par M. Y..., devenu associé du Cabinet Shearman et Sterling, la société Epta Rack a cédé le fonds de commerce moyennant la somme de 2. 881. 000 francs (439. 205, 62 euros). Que, le 20 décembre 2002, la société Epta Rack a fait l'objet d'un redressement fiscal notamment au titre de l'impôt sur les sociétés afférent à l'exercice 1999 au motif qu'elle n'avait pas respecté l'obligation de conserver pendant trois années l'intégralité des activités reprises de la société Alser afin de bénéficier du régime d'exonération prévu par l'article 44 septiès du Code général des impôts ; que les recours exercés par la société Epta Rack ont été rejetés successivement par le Tribunal administratif de Versailles, la Cour administrative d'appel de Versailles et le Conseil d'Etat ; Que, recherchant la responsabilité de la S. C. P. Siméon et associés et de M. Y..., assurés par la société Covéa Risks, et du Cabinet Shearman et Sterling, la société Epta Rack a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui a statué comme il est dit en tête du présent arrêt ;

Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges en de plus amples motifs qu'il convient d'adopter, M. Y... a commis une faute, tant au moment de la reprise des actifs de la société Alser, qu'au moment de la cession en date du 25 février 2000, en s'abstenant de souligner que l'avantage fiscal attaché à ces opérations était lié à l'obligation de conserver pendant trois années au moins l'intégralité des activités reprises, imposée à l'acquéreur par l'article 44 septiès du Code général des impôts ; Considérant, toutefois, que, pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit être, non seulement direct et certain, mais également légitime ; Qu'en l'espèce, le dispositif prévu par l'article 44 septiès du Code général des impôts, tel qu'il existait avant la modification intervenue en 2005, est censé n'avoir jamais fait partie de l'ordonnancement juridique dès lors qu'il constituait une aide illicite et incompatible avec les règles de droit européen comme il en a été décidé le 16 décembre 2003 par la Commission européenne ; que cette illicéité prive la mesure de tout effet, non pas à compter de l'arrêt de la Commission, mais dès l'origine de sorte que la disposition dont il s'agit est censée n'avoir jamais existé ; que, eu égard au principe de primauté du droit européen, l'illicéité de l'article 44 septiès du Code général des impôts interdit à l'Etat de composer avec les bénéficiaires de la mesure ; que, de même, elle interdit aux juridictions nationales d'admettre la responsabilité de l'Etat et, par ce biais, d'indemniser les bénéficiaires de la mesure et de leur accorder un avantage équivalent à l'aide jugée illicite dès lors qu'une telle démarche aurait pour effet de faire obstacle à l'application du droit communautaire ; Qu'il suit de ce qui précède que les premiers juges ont exactement énoncé que la société Epta Rack, qui n'a été privée d'aucun avantage et qui n'aurait pu obtenir aucune compensation, ne justifiait pas d'un préjudice légitime ; Que, par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel :

Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dis positions de l'article 700 Code de procédure civile ; que l'équité ne commande pas qu'en la cause, il soit fait application de ce texte ;
Considérant que, compte tenu des fautes imputables à l'avocat, les dépens resteront à sa charge ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 10 février 2010 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a condamné la société Epta Rack aux dépens ;
Déboute les parties, chacune de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 Code de procédure civile ;
Condamne M. Jérôme Y..., avocat, la S. C. P. Siméon et associés et le Cabinet Shearman et Sterling aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par la S. C. P. Roblin et Chaix de Lavarène, avoué de la société Epta Rack, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/06421
Date de la décision : 25/10/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 19 février 2013, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 février 2013, 12-14.527, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-10-25;10.06421 ?
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