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18/10/2011 | FRANCE | N°10/08576

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 18 octobre 2011, 10/08576


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 18 OCTOBRE 2011



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08576



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2010 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2008L03758





APPELANT



Monsieur [T] [O]

né le [Date naissance 1] 1971 [Localité 4] [Localité 3]

de nationali

té française

demeurant [Adresse 6]

[Localité 8]



représenté par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoués à la Cour

assisté de Me Elisabeth BENSAID, avocat au barreau de PARIS, A841





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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 18 OCTOBRE 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08576

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2010 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2008L03758

APPELANT

Monsieur [T] [O]

né le [Date naissance 1] 1971 [Localité 4] [Localité 3]

de nationalité française

demeurant [Adresse 6]

[Localité 8]

représenté par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoués à la Cour

assisté de Me Elisabeth BENSAID, avocat au barreau de PARIS, A841

INTIMES

S.C.P. [R] représentée par Maître [R], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société [O]

ayant son siège [Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistée de Me Paul ANDREZ, avocat au barreau de PARIS, C1225

Monsieur PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE représenté par M. L'AVOCAT GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Madame HOULETTE, Avocat Général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame DELBES, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et Monsieur BOYER, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire,

Un rapport a été présenté à l'audience conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne DELBES, Conseillère faisant fonction de Présidente

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller désigné en application de l'article R 312-3 du Code de l'Organisation judiciaire

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame HOULETTE, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBES, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et par Madame HOUDIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel interjeté par M. [T] [O] à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 22 février 2010 par le tribunal de commerce d'Evry qui, sur assignation de Maître [R], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl [O], l'a condamné à supporter personnellement les dettes de la société à concurrence d'une somme de 300 000 euros, l'a condamné à payer cette somme à Maître [R], ès qualités, a prononcé une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 15 ans et l'a condamné à payer à Maître [R], ès qualités, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'arrêt de cette chambre en date du 1er février 2011 disant n'y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité dont elle avait été saisie par M. [O] portant sur les dispositions de l'article L 651-2 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au 15 février 2009 ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2011 par M. [O] qui demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Maître [R] de ses demandes et de dire qu'il n'y a pas lieu à sanction ;

Vu les conclusions signifiées le 8 juillet 2011 par Maître [R], ès qualités, qui sollicite confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [T] [O] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE

La société [O] a été créée en 1993 avec pour activité la distribution de matériel électroménager, hi-fi, vidéo, informatique, d'abord en magasin, puis en vente en ligne sur un site internet dénommé Price Force.

A la suite de plusieurs centaines de plaintes de particuliers mettant en cause cette enseigne et affirmant ne pas avoir été livrés de la marchandise commandée ni remboursés, le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry a ouvert une information judiciaire contre M. [T] [O] des chefs de pratique commerciale trompeuse, escroqueries, abus de bien social, dans le cadre de laquelle le magistrat instructeur a ordonné, le 14 mars 2008, la cessation de toute publicité sur le site Price Force.

Le 28 avril 2008, M. [T] [O] devait déclarer la cessation de paiements de la société [O] et, par jugement du 5 mai 2008, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé la liquidation judiciaire de la société [O], a fixé provisoirement au 30 avril 2008 la date de cessation des paiements et désigné la SCP Coudray-Ancel, en la personne de Maître [R], en qualité de liquidateur.

Les opérations de la procédure collective font apparaître, au 15 mai 2009, un passif déclaré 1 572 958 euros, dont 176 448 euros à titre privilégié et 1 299 563 euros à titre chirographaire, pour un actif réalisé nul.

Le juge-commissaire a, sur la requête de Maître [R] au visa de l'article L 621-9 du code du commerce, désigné, par ordonnance du 9 juillet 2008, le cabinet d'expertise comptable MGF, avec pour mission d'établir un historique sur les conditions dans lesquelles l'exploitation s'est déroulée.

C'est à l'issue de cette mission diligentée par M. [U] [P], expert comptable, que, sur assignation du liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce d'Evry a retenu à la charge de M. [O] :

- une faute de gestion, au sens de l'article L 651-2 du code de commerce, tirée de la tenue d'une comptabilité faussée ayant contribué à une insuffisance d'actif,

- un usage des biens et du crédit de la personne morale contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles, au visa de l'article L 652-1, 3°, du code du commerce, en ayant effectué des prélèvements excessifs au titre de sa rémunération personnelle, contraire à l'intérêt de la société, et favorisé le paiement de certains créanciers en période de difficulté,

- la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire.

Sur la demande tendant à voir écarté des débats le rapport de la MGF

C'est vainement que M. [T] [O] demande que soit écarté des débats le rapport du cabinet d'expertise comptable au motif que ses observations n'auraient pas été recueillies par le juge-commissaire avant la désignation de ce technicien, comme l'exige l'article R 621-3 du code de commerce, alors que l'ordonnance dont s'agit a été rendue au visa, notamment, de ce dernier texte et que M. [T] [O], auquel elle a été notifiée, n'a pas demandé qu'elle soit rapportée, ayant au contraire participé à cette mission au cours de laquelle il a fait valoir ses observations.

L'appelant fait également grief au technicien d'avoir outrepassé les limites de la mission qui lui avait été confiée en entendant la secrétaire comptable de la société, dont les déclarations sont reproduites en annexe au rapport, sans qu'il ait jamais été confronté à cette dernière, de sorte que le principe de la contradiction aurait été méconnu

Il sera relevé à cet égard que la mission telle que définie dans l'ordonnance du juge-commissaire visait à d'établir un historique sur les conditions dans lesquelles l'exploitation s'était déroulée, qu'il était loisible au technicien désigné, dans ce cadre procédural, de recueillir tout renseignement utile à l'accomplissement de sa mission, qu'il a au demeurant pris soin de reproduire en annexe au rapport les questions posées à la secrétaire comptable et les réponses de l'intéressée, de sorte que les propos de cette dernière ont pu être contradictoirement discutés et débattus dans la suite de la procédure, qu'il a pareillement recueilli les explications de M. [T] en lui transmettant à l'avance les questions à lui poser, le compte rendu de l'entretien étant également annexé au rapport, lequel, au demeurant, ne constitue pas une mesure d'instruction au sens des articles 155 et suivants du code de procédure civile et est établi à titre de simple renseignement.

Aussi, n'y a-t-il pas lieu de faire droit à la demande visant à écarter ce rapport des débats.

Au fond

Pour contester les fautes qui ont été retenus à sa charge par le jugement déféré, M. [T] [O] fait essentiellement valoir que l'insuffisance d'actif a été provoqué par la fermeture judiciaire du site de vente ordonné par le magistrat instructeur alors que le chiffre d'affaires de la société connaissait une progression spectaculaire ( 400 000 euros en 1998, 900 000 euros en 2000, 2 100 000 euros en 2005, 5 800 000 euros en 2007), que le principal grief qui lui est fait d'avoir tenu une comptabilité de trésorerie est de pratique courante dans le monde du commerce électronique, que la responsabilité pour insuffisance d'actif suppose une date de cessation des paiements certaine, laquelle ne serait pas acquise dès lors que le passif fiscal qui constituait 60 % du passif initialement estimé est devenu sans objet depuis une vérification des services fiscaux fin 2008, et que sa rémunération personnelle fixée à 5 000 euros mensuel augmentée d'une prime égale à 2% du chiffre d'affaires, était de l'ordre de 11 700 euros, chiffre qui n'est pas sans proportion avec le chiffre d'affaires de la société et se trouve en tout état de cause sans lien établi avec l'état de cessation des paiements, le résultat de l'exercice clos au 31 janvier 2008 étant positif pour se situer à la somme de 35 578 euros.

Il ajoute que sa situation personnelle est à ce jour très précaire, percevant l'allocation du RSA et devant au Trésor public une somme de 82 366 euros à la suite d'un contrôle fiscal personnel, outre diverses sommes au titre de crédits personnels.

Sur la faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actifs (art. L 651-2)

L'article L 651-2 du code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance, décider que le montant de celle-ci sera supportée, en tout ou partie, par tous dirigeants de droit ou de fait.

Il sera relevé au préalable que la date de cessation des paiements a été fixée au 30 avril 2008 avec un passif exigible actualisé de 1 390 978 euros pour un actif nul.

Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que, contrairement aux allégations de l'appelant, l'insuffisance d'actif n'a nullement été provoquée par la fermeture du site de vente en ligne d'appareils hi-fi et électroménagers, cette dernière ayant été judiciairement ordonnée le 14 mars 2008 au vu des plaintes de clients non livrés de la marchandise payée à la commande et non remboursés, dont le nombre a été évalué à plus de 1 600 par le magistrat instructeur dans son ordonnance de renvoi de M. [T] [O] devant le tribunal correctionnel, 600 d'entre eux s'étant constitués parties civiles dans le cadre de l'information judiciaire ouverte des chefs de publicité mensongère, escroqueries et abus de confiance.

Le rapport du cabinet d'expertise comptable mandaté par le juge-commissaire relève que la comptabilité de la société était une comptabilité de trésorerie et non pas d'engagement, faisant apparaître, dès le paiement à la commande des clients, des ventes non encore réalisées dans le chiffre d'affaires, de sorte que ce dernier était largement fictif puisqu'il ne prenait en compte ni le coût de la marchandise non encore payée au fournisseur, ni le coût de la livraison.

Il y est en outre souligné que malgré des augmentations très significatives du chiffre d'affaires, provoquées par une politique commerciale de prix annoncés comme très compétitifs et l'engagement de délais de livraison rapides, la marge brute était de plus en plus faible, passant de 19,67 % pour l'exercice clos au 31 décembre 2004 à 10,79 % pour l'exercice clos au 31 décembre 2007, la société ne dégageant en réalité aucune rentabilité.

Il est ainsi établi que le mode de comptabilisation des ventes à la commande, qu'il ait été délibéré ou le fruit d'une grande légèreté, produisait une trésorerie justement qualifiée par le cabinet d'expertise comptable 'd'illusoire'et masquant au moins lors des derniers exercices l'absence de rentabilité de l'entreprise, M. [T] [O] ne se défendant pas autrement de ce grief qu'en soutenant que de telles pratiques seraient répandues dans le commerce électronique.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que ce défaut de comptabilité régulière et sincère, en privant l'entreprise d'un outil de gestion qui aurait permis à son dirigeant de connaître l'absence de rentabilité de la société sur les derniers exercices, n'a pu que contribuer à l'insuffisance d'actif.

Sur l'usage des biens ou du crédit de la personne morale à des fins personnelles (art. L 652-1, 3°)

L'article L652-1, 3° prévoit encore que le tribunal, peut au cours d'une procédure judiciaire , décider de mettre à la charge de l'un des dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale une partie des dettes de cette dernière lorsqu'il est établi, à l'encontre de ce dirigeant, que l'une des fautes qu'il énumère a contribué à la cessation des paiements, au titre desquelles est visé le fait d'avoir fait des biens et du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

Le rapport du cabinet d'expertise comptable relève, en tenant compte des explications de M. [T] [O] selon lesquelles il aurait réglé sur ses fonds personnels certains prestataires informatiques :

- que le montant des prélèvements effectués sur la trésorerie de l'entreprise s'élève, pour l'exercice 2007/2008, à la somme de 203 615 euros, les prélèvements mensuels ayant significativement augmenté à partir du milieu de l'année 2007, date à laquelle pourtant les plaintes des clients se multipliaient,

- que ces prélèvements à des fins personnelles ont été portés à la somme de 113 000 euros durant le trimestre ayant précédé la déclaration de cessation de paiements, dont la somme de 79 365 euros pour le seul mois de mars 2008, au cours duquel le site de vente en ligne fut fermé par décision judiciaire,

- qu'en dépit de jeux d'écritures passées durant l'exercice 2007/2008 constatant des transferts sur le compte de charge rémunération du gérant, il existait sur plusieurs exercices un compte courant associé débiteur au nom de M. [T] [O], dont la position débitrice à l'ouverture de l'exercice est estimée par l'expert comptable à la somme de 67 589,61 euros,

- que le 1er février 2008, un compte courant associé au nom '[S]', patronyme correspondant au nom de jeune-fille de la mère de M. [T] [O], a été remboursé à hauteur de la somme de 11 000 euros, sans que ce dernier ait souhaité s'en expliquer.

Au regard de ces griefs, M. [T] [O] se borne à soutenir que sa rémunération se trouverait en rapport avec le chiffre d'affaires réalisé en rappelant qu'elle avait été fixée par résolution de l'assemblée générale d'approbation des comptes pour l'exercice 2004 à un traitement mensuel de 5 000 euros et une participation de 2% sur le chiffre d'affaires, payable mensuellement, et qu'elle ne saurait être regardée comme ayant contribué à la cessation des paiements.

La cour relève cependant sur ce point :

- qu'il résulte de la comptabilité et des bilans établis par M. [T] [O] lui-même que sa rémunération, de 12 000 euros lors de l'exercice 2004, 5 000 euros pour l'exercice 2005, et 55 000 euros pour l'exercice 2006, a soudain été portée à 168 389 euros pour l'exercice 2007, alors que le résultat courant dégagé sur l'exercice 2006/2007 n'excédait pas la somme de 25 628 euros, que la marge de l'entreprise ne cessait de baisser, et qu'à cette date, les plaintes de clients non livrés ou sollicitant le remboursement de leurs achats s'accumulaient,

- que les prélèvements effectués sur la trésorerie de l'entreprise, en particulier à partir du mois d'août 2007 et jusqu'à la déclaration des paiements de 2008, notamment au profit de ' Price Force' qui n'était autre que l'enseigne commerciale du site de la société, demeurent largement inexpliqués à hauteur d'une somme totale de 200 000 euros, comme d'ailleurs le remboursement d'une somme de 11 000 euros le 1er février 2008 d'un compte courant sur lequel M. [T] [O] est demeuré taisant,

- que le rapport du cabinet d'expertise relève encore que les comptes de la société pour les exercices 2004, 2005 et 2006 ont été déposés au greffe du tribunal de commerce le 15 avril 2008, soit quelques jours avant la déclaration de cessation des paiements du 29 avril 2008, deux résolutions adoptées lors d'une assemblée générale du 7 avril 2008, soit postérieurement à la fermeture du site de vente, ayant pris soin d'approuver les rémunérations du gérant pour les années 2007 et 2008.

De tels agissements établissent que les prélèvement opérés à des fins personnelles par M. [T] [O] sur la trésorerie de l'entreprise étaient contraires à l'intérêt de celle-ci et sans rapport avec les résultats réels dégagés, lesquels n'apparaissaient positifs que par le biais d'une comptabilité de trésorerie largement fictive, et qu'ils ont, par leur importance, contribué, au moins dans une certaine proportion, à la cessation des paiements constatée.

Aussi, la faute prévue par l'article L 652-1 3° du code de commerce est-elle caractérisée.

C'est à bon droit dès lors que les premiers juges ont prononcé la sanction pécuniaire, sollicitée à titre principal par le liquidateur judiciaire, d'obligation de contribuer aux dettes sociales prévue par l'article L. 652-1 du code du commerce, et à juste titre qu'ils en ont fixé le montant, compte tenu de l'ensemble des éléments de l'espèce, à la somme de 300 000 euros.

Sur l'interdiction de gérer (art. L 653-8)

Aux termes de l'article L 653-8 du code de commerce, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, une interdiction de gérer à l'encontre de tout dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale contre lequel a été relevé l'un des faits visés par les articles L. 653-3 à L 653-6 dudit code.

Il sera relevé, sans que les faits de la cause ne caractérisent à suffisance le grief retenu par les premiers juges de poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale, laquelle n'a pas été invoquée par le liquidateur judiciaire en première instance et ne se confond pas avec la faute précédemment retenue de l'article L 652-1, 3° du code du commerce, que cette dernière, visée à l'article L 653-4 , 3°, est de la nature de celles qui peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle, ou à sa place, l'interdiction de gérer.

La nature de la faute de gestion constatée conduira à prononcer sur le fondement de l'article L 653-8, pris ensemble, l'article L 653-4, 3°, du code de commerce une interdiction de gérer, mais la cour, infirmant la décision des premiers juges sur ce point, en fixera la durée à 10 ans, laquelle paraît davantage proportionnée aux seuls agissements caractérisés dans le cadre de la présente instance.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [T] [O] à supporter personnellement les dettes sociales de la société [O] à concurrence de la somme de 300 000 euros et condamné, en conséquence, M. [T] [O] à payer ladite somme à Maître [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [O], et en ce qu'il a condamné M. [T] [O] à verser entre les mains de Maître [R], ès qualités, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Faisant application des articles L 653-8, pris ensemble l'article L 653-4, 3° du code du commerce,

Interdit à M. [T] [O] de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute personne morale, toute exploitation agricole, et fixe la durée de l'interdiction à 10 ans,

Rejette toutes autres demandes, en ce compris la demande d'indemnité présentée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [O] aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

M.C HOUDIN E. DELBES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/08576
Date de la décision : 18/10/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°10/08576 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-18;10.08576 ?
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