Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/09295
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006068148
APPELANTE
SAS BERGERAT MONNOYEUR
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par la SCP MIRA-BETTAN, avoués à la Cour
assistée de Me Sabine CHARDON, avocat au barreau de PARIS, R101
INTIMEE
SARL ETABLISSEMENTS MALISSARD PHILIPPE
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège [Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour
INTIMÉE PROVOQUÉE
SA CATERPILLAR FINANCE FRANCE
ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par la SCP Michel GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques ADAM, avocat au barreau de PARIS, toque D781
INTERVENANT FORCE
Maître [Y] [V] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL ETS MALISSARD PHILIPPE
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]
assigné - défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nicole MAESTRACCI, Présidente
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère
Madame Evelyne DELBES, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne DELBES, conseillère, en l'empêchement de la présidente, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société BERGERAT MONNOYEUR est le représentant exclusif sur le territoire national de la marque CATERPILLAR et vend notamment des engins forestiers aux professionnels du secteur.
La société ETABLISSEMENTS MALISSARD PHILIPPE (ci-après dénommée MALISSARD) exerce dans le département de la Corrèze (19) une activité d'exploitation forestière-sciage de bois de chauffage depuis plus de 10 ans.
Le 23 juin 2000, la société MALISSARD a commandé à la société BERGERAT MONNOYEUR un porteur forestier Caterpillar 574, n° 1FM 260, puis, le 15 janvier 2003, un deuxième porteur de même type, n°1 FM 437, tous deux financés par deux contrats de crédit-bail souscrits auprès de la société CATERPILLAR FINANCE FRANCE (ci-après dénommée CATERPILLAR).
La société MALISSARD, après avoir constaté des défectuosités affectant le porteur 437, a cessé de payer les loyers dus à la société CATERPILLAR à compter du mois de janvier 2004. Le 31 juillet 2004, elle a obtenu en référé devant le tribunal de commerce de Brive la désignation d'un expert, Monsieur [O], avec pour mission de donner tous éléments sur les désordres et sur le préjudice subi.
Le 02 septembre 2004, en cours d'expertise du porteur 437, le porteur 260 s'est coupé en deux au niveau des vérins d'articulation, et le même expert a été désigné par le tribunal de commerce de Brive, avec la même mission.
L'expert a déposé ses rapports les 11 avril et 28 juillet 2005.
Le 14 juin 2005, la société MALISSARD a assigné les sociétés BERGERAT MONNOYEUR et CATERPILLAR devant le tribunal de commerce de Brive afin d'obtenir la résolution du contrat de vente du porteur 437 et des dommages et intérêts. Par jugement du 14 avril 2006, cette juridiction s'est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris.
Le 06 octobre 2006, la société MALISSARD a assigné les sociétés BERGERAT MONNOYEUR et CATERPILLAR devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la résolution de la vente du porteur 260 et des dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 27 mars 2009, le tribunal de commerce de Paris a joint les causes, a condamné la SAS BERGERAT MONNOYEUR à payer à la société MALISSARD la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts, a condamné la société MALISSARD à payer à la SA CATERPILLAR la somme de 347.302,53 € au titre des contrats de crédit bail, a dit que moyennant le paiement effectif à la SA CATERPILLAR de la somme précédente, la propriété des porteurs forestiers 1FM00260 et 1FM00437 sera transférée à la société MALISSARD, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, a condamné la SAS BERGERAT MONNOYEUR à payer à la société MALISSARD la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la SA CATERPILLAR la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les premiers juges ont essentiellement retenu :
- que l'expert avait constaté divers désordres : 1. Les soudures du hitch, pièce reliant le tracteur à la remorque, portent des amorces de criques qui risquent de conduire à la rupture et à un accident grave. Le hitch du porteur 260 s'est d'ailleurs rompu en cours d'exploitation le 2 septembre 2004. 2. Les flexibles frottent contre les pièces de la structure obligeant à des remplacements constants, 3. La lame avant retombe seule et il faut constamment penser à la relever, 4. Le pied de grue du porteur 437 présentait un jeu anormal qui a conduit à une intervention de BERGERAT qui n'a que partiellement remédié au défaut, 5. La climatisation du porteur 437 ne fonctionne pas, 6. Le vérin de direction ne fonctionne pas directement,
- que les problèmes 2 et 3 existent sur les deux porteurs, qu'en exploitant le porteur 260 pendant 5 ans sans engager d'action, la société MALISSARD a reconnu qu'il s'agissait d'un problème acceptable,
- que les problèmes 4, 5 et 6 sont du ressort du contrat de garantie souscrit par la société MALISSARD et ont d'ailleurs été résolus par BERGERAT,
- qu'aucun des problèmes 2 à 6 n'est de nature à justifier la résolution ou l'annulation du contrat de vente de sorte que seul subsiste le problème du hitch,
- que la demande relative à l'existence d'un vice caché est irrecevable pour avoir été engagée au delà du délai de 2 ans prévu par l'article 1648 du code civil,
- que la société MALISSARD ne peut invoquer davantage l'article 1604 du code civil dès lors que les PV de livraison ont été signés sans réserve,
- que le rapport de l'expert ne permet pas de conclure à un défaut sur les qualités substantielles des engins livrés,
- qu'en conséquence, aucun des défauts ne justifie la résolution de la vente,
- que toutefois, les divers problèmes qui ont affecté les porteurs ont causé à la société MALISSARD un préjudice dans la mesure où elle n'a pas pu les utiliser dans des conditions normales, que le montant relatif aux réparations s'établit à 17.396 € pour le porteur 260 et à 15.000 € pour le porteur 437, de sorte que le préjudice peut être arrondi à 60.000 €,
- qu'en l'absence de résolution de la vente, les contrats de crédit-bail ont vocation à se poursuivre de sorte que la société MALISSARD doit être condamnée à verser les sommes réclamées par la société CATERPILLAR, soit 347.302,53 €,
- que la société CATERPILLAR ne demandant pas la restitution des porteurs, et la valeur résiduelle de ceux-ci étant incluse dans les sommes réclamées, la propriété des porteurs sera transférée à la société MALISSARD contre le paiement effectif des sommes sus-visées.
Par déclaration en date du 17 avril 2009, la société BERGERAT MONNOYEUR a interjeté appel de cette décision.
Par jugement en date du 09 juillet 2010, le tribunal de commerce de Brive a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MALISSARD, a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 25 juin 2010 et a nommé Maître [Y] [V], en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier du 21 septembre 2010 la société BERGERAT MONNOYEUR a déclaré sa créance chirographaire à hauteur de 73.382,77 € au passif de cette société et par acte du 18 janvier 2011, a assigné en intervention forcée Maître [V], ès qualités.
Par jugement du 6 mai 2011, le tribunal de commerce de Brive a prononcé la liquidation judiciaire de la société MALISSARD et a désigné Maître [V] en qualité de mandataire liquidateur.
Par conclusions signifiées le 17 mai 2011, la société BERGERAT MONNOYEUR précise que son appel est limité aux chefs du jugement l'ayant condamnée à payer la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement de ce chef et de débouter la société MALISSARD de l'intégralité de ses demandes, subsidiairement, en cas de confirmation du jugement, de fixer le montant des préjudices tant matériels que financiers subis par la société MALISSARD à la somme de 53.432,50 € et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle expose :
- que l'action en garantie des vices cachées est prescrite, les vices cachés allégués ayant été découverts le 2 septembre 2004 pour le porteur 260 et en 2005 pour le porteur 437 alors que la première demande n'a été présentée que le 06 février 2009,
- qu'il a été remédié aux problèmes 4,5 et 6 ainsi que l'a constaté le tribunal,
- que les problèmes 2 et 3 étaient connus de MALISSARD et n'entravaient pas l'exploitation,
- que le problème affectant la soudure du hitch n'a pas fait l'objet d'un examen attentif par l'expert qui a autorisé la réparation sans procéder à aucune analyse, ainsi que l'a relevé le tribunal, qu'il résulte des constatations du Professeur [E], expert de l'appelante, que les désordres résultent d'une utilisation non conforme aux instructions du constructeur,
- que le préjudice allégué n'est pas justifié, que les pièces déjà réclamées par l'expert, et afférentes aux préjudices matériels et financiers, ne sont pas versées aux débats, que la seule attestation produite (DELSOL) ne mentionne pas le numéro des porteurs, ni le nombre de jours d'immobilisation, que le lien de causalité entre la réorientation de l'activité générale de MALISSARD et la réduction de sa masse salariale, avec l'immobilisation des porteurs pendant quelques jours n'est pas démontré ;
- que subsidiairement, la somme devrait être fixée à 53.432,50 € et non arrondie à 60.000 €.
Par conclusions signifiées le 16 février 2011, la société MALISSARD demande à la cour de confirmer le jugement quant à la jonction de procédures et de le réformer pour le surplus, à titre principal, de prononcer la résolution des contrats de vente des deux porteurs n°260 et n° 437, à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation des contrats de vente en raison de vices cachés et en conséquence, de condamner la société BERGERAT à restituer le prix de vente perçu par la société CATERPILLAR, soit la somme de 277.140,12 €, à la garantir de toutes sommes à même d'être dues par elle à la société CATERPILLAR, à lui verser les sommes de 150.000 €, en réparation du préjudice subi pour le porteur n° 260, et de 148.732,24 € pour le porteur n° 437, avec intérêts à compter de la saisine du tribunal de commerce de Brive, à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts, de prononcer la nullité des contrats de crédit bail conclus avec la société CATERPILLAR, à défaut, de prononcer la résolution judiciaire des contrats pour indivisibilité conformément aux dispositions de l'article 1218 du code civil et de condamner solidairement les sociétés BERGERAT et CATERPILLAR à rembourser le montant des loyers perçus au titre de ces deux contrats, soit la somme de 125.962,24 €, avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, subsidiairement , d'ordonner une expertise et de condamner à titre provisionnel les sociétés BERGERAT et CATERPILLAR au paiement de la somme de 423.000 € ainsi qu'au paiement de la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 07 juin 2011, la société CATERPILLAR demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à titre principal de débouter la société MALISSARD de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre, de constater l'admission de sa créance au passif de la société MALISSARD , à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résiliation des deux contrats, condamné la société MALISSARD au paiement des sommes de 272.137,81 € et 75.164,72 €, condamner en tant que de besoin la société BERGERAT à la garantir de toute condamnation et notamment la condamnation à rembourser les loyers perçus soit 62.981,12 €, de condamner la société MALISSARD à restituer les engins, à titre subsidiaire, de condamner la société BERGERAT à lui restituer le prix de vente des matériels, de rejeter la demande d'expertise et de condamner la société MALISSARD au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître [V], ès qualités, assigné à personne, par acte du 5 janvier 2011, n'a pas constitué avoué.
SUR CE,
Sur l'appel dirigé contre la société CATERPILLAR FRANCE FINANCE,
En application de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance à l'égard de la société CATERPILLAR, assignée en intervention forcée par la société MALISSARD, a été interrompue par l'effet du jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire de celle-ci.
L'instance n'a pas été reprise à l'encontre de la société CATERPILLAR. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que la somme due au titre des contrats de crédit-bail s'élevait à 347.302,53 € de sorte que la créance de cette société au passif de la société MALISSARD sera fixée à ce montant.
Sur l'appel incident de la société MALISSARD,
Dès lors que l'instance n'a pas été reprise par le liquidateur de la société MALISSARD, qui n'a pas déposé postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire, de conclusions ni présenté de moyens susceptibles de permettre la réformation du jugement entrepris, il sera confirmé sur les chefs critiqués qui ne contiennent aucune disposition contraire à l'ordre public susceptible d'être relevée d'office par la cour.
Sur l'appel de la société BERGERAT,
L'appel de la société BERGERAT est limité aux chefs du jugement l'ayant condamnée à payer à la société MALISSARD la somme de 60.000 € correspondant exclusivement à la réparation du préjudice résultant des problèmes affectant les porteurs.
Dans son rapport du 28 juillet 2005 concernant le porteur 260, l'expert relève que le plus gros sinistre est causé par la rupture de l'attelage (hitch) et qu'il s'agit d'une pièce de structure et non d'une pièce d'usure. Il retient également des désordres affectant les flexibles et la lame, ainsi qu'un défaut d'information concernant les bogies. Il fixe le coût des réparations nécessaires à la somme de 17.396 €.
S'agissant du porteur 437, le rapport daté du 11 avril 2005 relève que 'le porteur présente un défaut grave: la pièce mécano soudée qui constitue l'articulation est le siège de criques de soudure.' et qu'il s'agit 'd'un vice de fabrication'. Il retient que le préjudice est certain en raison notamment des pannes qui ont immobilisé la machine et de la perte de journées d'exploitation. Il fixe le préjudice financier aux sommes de 13.444,24 € au titre des dépenses indues en remplacement de pièces, de 135.288 € au titre de la perte de marges pour immobilisation des machines et de 6.500 € au titre des frais avancés d'expertise.
L'appelante, qui prétend que les désordres résultent d'une utilisation non conforme des porteurs par la société MALISSARD, n'apporte à la cour aucun élément de nature à corroborer son affirmation qui est en outre contredite par les constatations de l'expert. Si le rapport non contradictoire établi le 25 mai 2005 par Monsieur [E] à la demande de la société BERGERAT, émet l'hypothèse d'une surcharge pouvant être à l'origine des désordres, cette éventualité est fermement écartée par l'expert judiciaire, à l'issue d'un argumentaire particulièrement motivé qui n'est pas sérieusement contesté.
C'est en conséquence par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu le principe de la réparation du préjudice résultant des désordres affectant les porteurs, en le limitant pour le porteur 260 aux sommes de 17.396 € au titre des réparations et de 20.000 € au titre de l'immobilisation, et pour le porteur 437 aux sommes de 1036,50 € au titre des dépenses de remplacement de pièces, et de 15.000 € au titre de l'immobilisation.
La cour observe que c'est à juste titre que l'appelante relève que la somme de ces montants s'élève à la somme de 53.432,50 € et non à celle de 58.432,50 €.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts qui seront fixés à la somme arrondie de 53. 432 €.
Sur les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile de sorte que les demandes formées sur ce fondement seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf sur le montant de la somme que la société BERGERAT MONNAYEUR a été condamnée à payer à la société ETABLISSEMENTS MALISSARD PHILIPPE à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société BERGERAT MONNAYEUR à payer à la société ETABLISSEMENTS MALISSARD PHILIPPE la somme de 53.432 €. à titre de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Fixe à la somme de 347.302,53 € la créance de la société CATERPILLAR FINANCE FRANCE au passif de la société ETABLISSEMENTS MALISSARD PHILIPPE,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société BERGERAT MONNAYEUR aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE
M.C HOUDIN E. DELBES