Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2011
(n° ,6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/03442
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00015
APPELANT
Monsieur [F] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me AUTIER, avoué près la Cour.
assisté de Me Nicolas CHEWTCHOUT, avocat substituant Me OLIVIER
INTIMEE
SA MATMUT PROTECTION JURIDIQUE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoué près la Cour.
assistée de Me Jean-Eric CALLON, avocat.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28.06.2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique REYGNER, Président
M. Christian BYK, Conseiller
Mme Sophie BADIE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Rapport a été fait par Mme Dominique REYGNER, président, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
GREFFIER, lors des débats : Dominique BONHOMME-AUCLERE
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Mle Fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.
****
Monsieur [N] a souscrit le 11 décembre 2003 auprès de la MATMUT un contrat d'assurance multigaranties comportant une garantie de protection juridique.
La MATMUT a procédé à la résiliation de ce contrat en 2006 compte tenu de la fréquence des sinistres déclarés.
Monsieur [N] estimant avoir été victime le 1er octobre 2005 de discrimination raciale de la part de La Poste, qui aurait exigé qu'il justifie de la régularité de son séjour sur le territoire français pour lui délivrer une somme d'argent disponible sur son compte, a sollicité de la MATMUT la mise en oeuvre de la garantie de protection juridique afin de faire valoir ses droits.
Par lettre du 14 novembre 2005, la MATMUT a refusé d'intervenir au motif que les chances de succès de l'action envisagée étaient limitées et que Monsieur [N] ne justifiait d'aucun préjudice.
La MATMUT a également refusé d'intervenir et de prendre en charge les frais et honoraires du conseil de Monsieur [N] dans la procédure administrative qu'il a mise en oeuvre afin d'obtenir l'annulation de la décision du 8 mars 2005 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ajournant à deux ans sa demande de naturalisation et de la décision du 12 juillet 2005 de la même autorité rejetant son recours gracieux.
Contestant ces refus de prise en charge, Monsieur [N], par acte d'huissier du 23 novembre 2007, a assigné la société MATMUT PROTECTION JURIDIQUE (MATMUT) devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement rendu le 8 janvier 2009, ce tribunal a :
- dit l'exception de litispendance et de connexité soulevée par la MATMUT irrecevable,
- débouté Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné Monsieur [N] à payer à la MATMUT la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Monsieur [N] a relevé appel de cette décision par déclaration du 17 février 2009.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 mai 2011, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- condamner la MATMUT à lui payer
* 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du refus de mise en oeuvre de la garantie protection juridique dans le cadre du litige l'opposant à sa banque pour l'affaire de discrimination de 2005 et du litige l'opposant à la Préfecture devant les juridictions administratives,
* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
* 2 000 euros sur le fondement de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique,
- condamner la MATMUT à faire publier à ses frais, en première page '20 minutes', dans un numéro à choisir par lui au moins 15 jours à l'avance, dans une police de caractère identique à celle utilisée en première page de ce journal, le message suivant : 'Par décision du-----, la Cour d'Appel de Paris a condamné la société MATMUT PROTECTION JURIDIQUE pour refus injustifié de mise en oeuvre de sa garantie, cette société prétextant pouvoir apprécier l'opportunité de la suite à donner au litige', et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'issue d'un mois à compter de la signification de la décision, la cour de céans se réservant la compétence pour la liquidation de l'astreinte,
- condamner la MATMUT à mettre en oeuvre la garantie protection juridique qu'il a souscrite, dans le cadre du litige l'opposant à sa banque pour l'affaire de discrimination de 2005, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8 ème jour calendaire suivant la signification de la décision à intervenir, la cour réservant sa compétence pour la liquidation de l'astreinte,
- condamner la MATMUT à prendre en charge ses frais d'avocat au conseil dans le cadre du pourvoi en cassation déposé devant le Conseil d'Etat, sous la même astreinte que ci-dessus,
- condamner la MATMUT aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 29 juin 2010, la MATMUT prie la cour de :
- déclarer l'appel interjeté par Monsieur [N] irrecevable et mal fondé,
- débouter Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris,
- y ajoutant, condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
SUR CE, LA COUR,
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant que la MATMUT ne développe aucun moyen au soutien de l'irrecevabilité de l'appel qu'elle soulève ; que les pièces du dossier ne révèlent aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office par la cour ;
Qu'il y a lieu dès lors de déclarer l'appel recevable ;
Sur l'exception de litispendance et de connexité
Considérant que le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il a dit que l'exception de litispendance et de connexité soulevée par la MATMUT devant le tribunal était irrecevable ;
Que cette disposition sera donc confirmée ;
Sur le fond
Considérant que Monsieur [N], sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, L. 127-1 du Code des assurances, 34 des conditions générales du contrat 'Protection Juridique' souscrit auprès de la MATMUT et 6 de la notice d'information, soutient que cette dernière, qui s'est engagée à prendre en charge les frais de procès, à fournir à son assuré des conseils juridiques et à accomplir des démarches amiables dans le cadre de la gestion d'un sinistre, a abusivement opposé une fin de non-recevoir à ses demandes de mise en oeuvre des garanties souscrites, au mépris de ses obligations ;
Qu'il ajoute qu'il ne saurait être admis qu'un assureur protection juridique s'octroie le droit d'apprécier en pure opportunité le bien fondé ou non d'une action en justice, ce qui reviendrait à vider de son sens le contrat lui-même, d'autant qu'aucune clause d'opportunité n'est insérée au contrat ;
Qu'il fait valoir que l'inexécution fautive du contrat imputable à la MATMUT lui a causé un grave préjudice puisqu'affectant deux droits de l'Homme fondamentaux, le droit de ne pas subir de discrimination à raison de la race ou des origines et le droit à un recours effectif, voire à un procès ;
Considérant que la MATMUT dénie toute faute contractuelle, soutenant que son refus de prise en charge était fondé en droit et opportun, les procédures intentées par l'intéressé étant vouées à un échec certain, et l'article 6 du contrat permettant à l'assureur de protection juridique d'apprécier en droit les demandes de son assuré ;
Qu'elle prétend encore que les demandes de Monsieur [N] sont infondées et que celui-ci n'a subi aucun préjudice ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le contrat d'assurance multigaranties souscrit par Monsieur [N] auprès de la MATMUT comporte une garantie 'Protection juridique' relevant des dispositions de l'article L. 127-1 du Code des assurances ;
Considérant que la notice d'information concernant la garantie 'Protection juridique' versée aux débats indique que le contrat est destiné à permettre aux personnes ayant la qualité d'assuré de bénéficier d'une assistance juridique et d'une garantie de protection juridique en cas de litige ou de différend les opposant à un tiers dans les conditions visées dans ladite notice ;
Qu'aux termes de l'article 6 'Contenu de la garantie', l'assureur s'engage notamment à réclamer l'indemnisation du préjudice de l'assuré, la restitution de ses biens, la reconnaissance de ses droits, et pour ce faire, de lui fournir les avis et services appropriés à la recherche d'une solution amiable et, lorsque le recours ou la défense de l'assuré nécessite une action en justice, soit à participer à la prise en charge des frais et honoraires de l'avocat et/ou de la personne qualifiée que l'assuré a chargé de la défense de ses intérêts, soit à mettre à sa disposition une personne qualifiée ou un avocat ;
Que l'article 7 'Honoraires et frais pris en charge' énonce que l'assureur couvre, dans la limite des plafonds de garantie et barèmes indiqués en annexe, pour défendre et faire valoir les droits de l'assuré en justice, les frais et honoraires de la personne qualifiée et/ou de l'avocat en charge des intérêts de l'assuré, les frais de procédure et les sommes qui pourraient être mises à la charge de l'assuré au titre des dépens et/ou des frais irrépétibles ;
Qu'il est toutefois précisé que ces frais, honoraires et sommes sont pris en charge :
- si l'action en justice qui en est la cause a été décidée en accord avec l'assureur ou a été admise par une décision d'arbitrage,
- si l'assuré a passé outre à la solution que l'assureur lui a proposée ou à l'avis de l'arbitre pour le litige ou le différend qui est à leur origine et a obtenu une décision de justice plus favorable à ses intérêts,
- en cas de conflit d'intérêt ou de défense pénale ;
Que l'article 11 institue une procédure d'arbitrage en cas de désaccord sur les mesures à prendre pour la gestion des intérêts de l'assuré, l'assureur s'engageant à accepter les conclusions de l'arbitre ;
Considérant que l'article 34 des conditions générales du contrat d'assurance de 'Protection juridique' stipule que 'le sinistre garanti est constitué par un litige ou un différend, opposant l'assuré à une personne physique ou morale n'ayant pas la qualité d'assuré au titre du contrat, dont le fait générateur se situe pendant la période de garantie' et l'article 46 relatif à la 'défense civile ou recours devant les tribunaux' que la MATMUT couvre intégralement les honoraires et frais de la personne qualifiée ou de l'avocat qu'elle met elle-même à la disposition de l'assuré, lorsqu'elle prend l'initiative de la défense civile ou du recours (A.), et dans la limite du plafond de garantie et du barème indiqués aux Conditions Particulières les honoraires et frais de la personne qualifiée ou de l'avocat choisi par l'assuré, les frais de procédure et les sommes qui pourraient être mises à la charge de l'assuré au titre des dépens ou des frais irrépétibles, lorsque :
- elle a donné son accord sur le principe d'une action en justice,
- l'assuré, passant outre à la solution proposée ou à l'avis de l'arbitre, engage lui-même une action en justice et obtient une solution plus favorable que celle proposée par l'assureur ou l'arbitre,
- l'action en justice a été admise par une décision d'arbitrage (B.) ;
Considérant, d'abord, que Monsieur [N] reproche à tort à la MATMUT d'avoir manqué à son obligation d'assistance et de conseil dans la recherche d'une solution amiable dans le cadre du différend l'opposant à la Poste, alors qu'il ressort des pièces produites, notamment de la lettre de PMA du 14 novembre 2005 et de celle du médiateur des Mutuelles d'Assurances du GEMA du 4 octobre 2006, qu'il a demandé à la MATMUT le 12 octobre 2005 d'engager des poursuites pénales contre La Poste, ayant parallèlement entamé avec un autre assureur, GROUPAMA, des pourparlers qui ont abouti à la conclusion d'une transaction aux termes de laquelle il a perçu de cet organisme une indemnité de 5 000 euros ;
Qu'en tout état de cause, il ne justifie d'aucun préjudice de ce chef ;
Considérant, ensuite, que contrairement à ce que soutient Monsieur [N], il résulte des dispositions claires et précises du contrat susvisées, qui font la loi des parties, que la MATMUT dispose bien du droit d'apprécier l'opportunité d'engager l'action en justice souhaitée par l'assuré ;
Que ces dispositions n'ont pas pour effet de vider le contrat de son sens ou de sa substance puisque l'assuré, en cas de désaccord avec l'assureur, peut recourir à la procédure d'arbitrage prévue au contrat et obtenir la prise en charge des honoraires et frais par lui exposés, dans les limites contractuelles, si l'arbitre admet l'action en justice, ou si l'action engagée malgré le désaccord de l'assureur et l'avis de l'arbitre aboutit à un résultat favorable ;
Considérant qu'il s'ensuit que la MATMUT n'a commis aucune faute contractuelle en refusant d'engager une procédure pénale contre la Poste et de prendre en charge les frais et honoraires de l'avocat mandaté par Monsieur [N] pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure qu'il a engagée devant la juridiction administrative concernant sa naturalisation ;
Considérant qu'il appartient ainsi à Monsieur [N] de rapporter la preuve qu'il a mené avec succès ces actions, étant observé qu'aucune décision d'arbitrage ne les a admises, sa demande en désignation d'un arbitre ayant été rejetée par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris du 28 février 2007, confirmée par arrêt de la présente cour du 5 octobre 2007 ;
Or considérant, s'agissant du litige l'opposant à La Poste, que Monsieur [N] ne justifie pas de la suite donnée à la plainte avec constitution de partie civile qu'il a déposée le 8 août 2006 devant le doyen des juges d'instruction au tribunal de grande instance de Paris pour discrimination raciale ;
Que si, sur la réclamation de Monsieur [N], la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité a rendu le 6 novembre 2006 un avis aux termes duquel elle a considéré que la réglementation rappelée dans la lettre adressée le 9 novembre 2005 à l'intéressé par la Poste, qui subordonne l'accès à un service à une régularité de séjour, et vise donc les seuls clients de nationalité étrangère, revêtait le caractère d'une discrimination prohibée par l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004, force est de constater, à supposer que cet avis puisse être considéré comme une 'solution plus favorable' au sens du contrat, qu'il n'est pas allégué qu'il en serait résulté des frais pour l'assuré susceptibles d'être pris en charge par la MATMUT ;
Considérant, s'agissant du contentieux administratif, qu'il ressort des décisions produites que les requêtes de Monsieur [N] ont été rejetées par jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 avril 2006 et arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 mars 2007 ; que Monsieur [N] ne justifie pas avoir formé avec succès un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat ;
Considérant en conséquence que les demandes de Monsieur [N] sont dénuées de fondement et ne peuvent être accueillies ; que le jugement entrepris sera donc confirmé ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Considérant que la solution du litige conduit à condamner Monsieur [N] aux dépens d'appel, et à faire droit à la demande de la MATMUT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans la limite de 2 000 euros, ses prétentions sur ce fondement et sur celui de l'article 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 étant rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement entrepris,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne Monsieur [N] à payer à la MATMUT la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le condamne aux dépens d'appel, que l'avoué de la MATMUT pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT